Mon cher Malaquais,
Vous avez écrit un livre remarquable. Vous avez su d’un point de vue particulier - d’en bas, du fond même - considérer la vie humaine. Vous avez su voir en outre avec une telle fraîcheur la vie française que je me demande si vous êtes français. La facilité et la force de votre langue parlent en faveur d’une réponse affirmative. Cependant, votre manière « lumpen-prolétarienne » d’aborder la vie, peu coutumière à un Français, ainsi que la « géographie » de la préface, semblent dire que vous n’êtes pas français. Mais enfin, c’est secondaire. Le principal, c’est que le livre est magnifique. Bien que ces dernières années m’aient fait perdre le goût des romans, j’ai lu le vôtre presque d’un seul trait. Duquel des deux personnages de la préface l’auteur est-il le plus proche : du sceptique aigri ou du vagabond optimiste ? Ou est-il proche de l’un et de l’autre ? Vos prochaines œuvres le montreront.
Je vous souhaite de tout cœur santé, ténacité, optimisme et... succès.
Mon cher Malaquais,
Votre lettre est arrivée lorsque je terminais un article sur votre roman pour la presse américaine. Je vous en envoie une copie en russe. Peut-être votre éditeur trouvera-t-il la possibilité de le placer dans quelque publication française. Je vois par votre lettre que vous n’avez pas abandonné le projet de venir au Mexique. Je tâcherai en publiant l’article sur votre livre dans la presse mexicaine d’intéresser quelques éléments influents à la question et d’entreprendre après cela les démarches nécessaires, si vous me confirmez votre désir de venir ici.
Nos vieux amis Alfred et Marguerite Griot (Rosmer) sont arrivés hier ici et il s’avère que Rosmer a la même haute opinion de votre roman que moi-même, ce qui me réjouit beaucoup.
Vous m’interrogez sur mon livre sur Lénine. Il est en suspens. J’écris actuellement un livre sur Staline, après quoi je reviendrai à la biographie de Lénine.