1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

Les Peuples coloniaux dans la guerre


Par le simple fait qu'elle crée d'énormes difficultés et dangers pour les centres impérialistes des métropoles, la guerre a ouvert de larges possibilités aux peuples opprimés. Le grondement du canon en Europe annonce l'approche de l'heure de leur libération.

Si un programme de transformation sociale pacifique est utopique pour les pays capitalistes avancés, alors le programme de libération pacifique des colonies est doublement utopique. D'un autre côté, les derniers des pays arriérés demi‑libres ont été réduits en esclavage sous nos yeux (Ethiopie, Albanie, Chine ... ). Toute la guerre actuelle est une guerre pour les colonies. Certains leur font la chasse, d'autres en détiennent qu'ils refusent d'abandonner. Aucun des deux camps n'a la moindre intention de les libérer de son plein gré. Les centres métropolitains décadents sont forcés de pressurer le plus possi­ble leurs colonies et de leur donner en échange le moins possible. Seule une lutte révolutionnaire directe et ouverte des peuples asservis peut ouvrir la route de leur émancipation.

Dans les pays coloniaux et semi‑coloniaux, la lutte pour un Etat national indépendant et par conséquent la « défense de la patrie » est différente en principe de celle des pays impérialistes. Le prolétariat révolutionnaire du monde entier soutient inconditionnellement la lutte de la Chine ou de l'Inde pour l'indépendance nationale, car dans cette lutte, en « arrachant les peuples à l'asiatisme, au régionalisme, à la soumission à l’étranger, ils portent des coups sévères aux Etats impéria­listes.  » (La IV° Internationale et la Guerre)

En même temps, la IV° Internationale sait d'avance et avertit ouvertement les nations arriérées que leurs Etats indépendants tardivement constitués ne peuvent plus longtemps compter sur un développement démocratique indépendant. Encerclée par le capitalisme décadent et empêtrée dans les contradictions impérialistes, l'indépendance d'un Etat arriéré sera inévitablement à moitié fictive et son régime politique, sous l'influence des contradictions de classe internationales et de la pression extérieure, tombera obligatoirement dans une dictature contre le peuple ‑ tel est le régime du Parti du Peuple en Turquie, du Guomindang en Chine; demain, celui de Gandhi sera le même en Inde [42]. La lutte pour l'indépendance nationale des colonies n'est, du point de vue du prolétariat révolutionnaire, qu'une étape transitoire sur la route qui va plonger les pays arriérés dans la révolution socialiste internationale.

La IV° Internationale ne dresse pas de cloison étanche entre pays arriérés et avancés, révolution démocratique et socialiste. Elle les combine et les subordonne à la lutte mondiale des opprimés contre les oppresseurs. De même que l'unique force authentiquement révolutionnaire de notre époque est le prolétariat international, de même le seul programme véritable pour la liquidation de toute oppression, sociale ou nationale, est celui de la révolution permanente.


Notes

[1] Le Parti du Peuple, parti nationaliste turc, avait été fondé par Mustapha Kemal et dirigé après sa mort par Ismet Inonu, le Guomindang fondé par Sun Yat‑sen était le parti de Tchiang Kai‑chek, et le Congrès national indien de Gandhi le parti nationaliste en Inde.


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