1920 |
Source :
num�ro 44/45 du Bulletin communiste (premi�re ann�e), 25 novembre 1920,
pr�c�d� de l'introduction suivante : � Afin de faire la
lumi�re sur la tactique des communistes allemands pendant le coup de
main militaire de von Kapp, nous publions trois documents importants,
trois lettres des camarades Paul L�vy (alors emprisonn�), Clara Zetkin. E. Meyer, tous les trois membres influents du Comit� central du Parti communiste allemand. |
Sur la situation en Allemagne
Le coup d'Etat militaire-monarchiste de Kapp-L�ttwitz �tait une �tape in�vitable du d�veloppement de la dictature de la bourgeoisie, qui se cache sous le pavillon de la d�mocratie. Il avait pour but de r�tablir le r�gime capitaliste et de pr�venir l'�tablissement de la dictature du prol�tariat et du syst�me des soviets. L'Assembl�e nationale, le gouvernement de coalition, ainsi que tes lois trompeuses de la socialisation et des conseils d'usines, avaient pr�par� le terrain pour le coup d'Etat tandis que le gouvernement de Noske s'�tait charg� de masser et d'armer les bataillons indispensables qui devaient r�aliser le plan. Le gouvernement de coalition n'�tait rien de plus que l'incarnation de la sanglante terreur bourgeoise travestie sous te manteau de la d�mocratie. Le coup d'Etat militaire a fait tomber tous ces haillons et le militarisme est apparu dans toute sa nudit�. Les partisans de Kapp veulent co�te que co�te �tablir la dictature bourgeoise, qui conf�rera l'autorit� aux junkers prussiens et aux repr�sentants de la haute finance, sous la forme d'un pouvoir militaire monarchique. Les partisans d'Ebert veulent la dictature de la bourgeoisie, qui assurerait aux industriels et aux commer�ants le r�le dominant et qui se r�aliserait sous la forme d'une d�mocratie bourgeoise. La seule garantie v�ritable d'une victoire sur le militarisme monarchiste serait la destruction du sol qui le nourrit et o� il prend racine. � Et pour cela il est indispensable d'�largir et de d�velopper la r�volution prol�tarienne, d'armer les ouvriers, de d�sarmer la bourgeoisie et les classes riches, et par cons�quent, de d�truire le militarisme repaissant, si tendrement berc� par Noske. Le gouvernement de la bourgeoisie et des socialistes a eu peur de s'engager dans cette voie. Il n'ignorait pas que ce faisant, il briserait l'�p�e qui d�fend et soutient le pouvoir des capitalistes, et que par contre il armerait en m�me temps l'ennemi mortel de ce pouvoir de classe, qui ne tarderait pas � porter � celui-ci un coup terrible...
Adoptant le point de vue de la collaboration politique des exploiteurs et des exploit�s, et consid�rant de son devoir de d�fendre le r�gime et la propri�t� bourgeoises, il est condamn� � un ridicule et l�che pi�tinement. Il comprit tout de m�me que le prol�tariat seul �tait en �tat de jeter bas la clique s�ditieuse monarchique et militaire et de d�fendre avec succ�s les soi-disant � conqu�tes r�volutionnaires � et la R�volution elle-m�me. Mais pour ce gouvernement � les conqu�tes r�volutionnaires � consistent en fauteuils minist�riels et grasses sin�cures pour leurs clients politiques et pour leurs partisans fid�les. Car, au moyen de l'�tat de si�ge, des arrestations, de la censure, des cours martiales, de la garde gouvernementale, des corps de volontaires, etc., il a raval� ces conqu�tes au niveau d'une libert� ordinaire d�mocratico-bourgeoise, tandis que par une s�rie de mesures comme la fermeture de nombreux ateliers de chemins de fer, la mise en vigueur du travail aux pi�ces obligatoire ou volontaire, la loi sur les soviets industriels, les fusillades de gr�vistes, il a de nouveau renforc� le front capitaliste parmi les ouvriers.
Ce n'est pas pour la r�volution, mais exclusivement pour la prolongation de leur propre b�atitude, qu'Ebert et Noske ont appel� le prol�tariat � proclamer la gr�ve g�n�rale, que hier encore ils fl�trissaient comme le crime le plus inqualifiable qu'on puisse commettre envers le peuple allemand. L'id�e de l'armement du prol�tariat les remplissait d'une peur mortelle. Ils se rendaient parfaitement compte que le prol�tariat prenant les armes pour d�fendre la r�volution et la R�publique ne se bornerait pas � mettre les Kapp et les L�ttwitz dans l'impossibilit� de nuire, mais que ce serait le signal de la lutte contre le capitalisme et contre le gouvernement de coalition, existant par la gr�ce de la bourgeoisie et d�fendant jalousement ses int�r�ts. D�s l'origine de la crise, il fut clair que le gouvernement consentait bien � �tre sauv� par les ouvriers gr�vistes, mais se refusait � se laisser entra�ner par les ouvriers sur la voie de la lutte pour le socialisme et de la dictature du prol�tariat. La fuite de Berlin, sous le fallacieux pr�texte : � Dans la guerre civile, pas une goutte de sang ne doit �tre vers�e �, �tait symptomatique. Ce pr�texte constitue une contradiction flagrante avec la cruaut� des disciples d'Ebert, qui ne s'arr�tent nullement devant les horreurs de la guerre civile, �crasant sans piti� � coup de mitrailleuses et de canons toute tentative r�volutionnaire du prol�tariat. Cette fuite ne fit que justifier ce dicton : � C'est pour mieux se r�concilier que les amis se disputent �. Le gouvernement �tait pr�t a conclure un accord avec les imp�rialistes insurg�s. Tous les bourgeois d�mocrates (� l'exception d'un petit groupe n'ayant aucune influence) d�siraient de toute leur �me s'unir au pouvoir militaire r�tabli, pour opprimer le prol�tariat � l'unisson, il fut bien vite �vident que pour ces messieurs, les soucis de la propri�t� et des autres biens bourgeois �taient autrement importants que toute la d�mocratie bourgeoise, � la d�fense de laquelle appelait le parti de coalition.
C'est ainsi que le prol�tariat s'est vu contraint d'entrer en lutte contre la contre-r�volution militariste, sans se faire cependant la moindre illusion ni sur la situation g�n�rale, ni sur les intentions de ses ennemis, mais inspir� uniquement par la conscience de sa t�che historique et de ses int�r�ts de classe, qui exigeaient le d�veloppement ult�rieur de la r�volution. Pour la masse du prol�tariat il �tait clair qu'il fallait d�truire le militarisme pour enlever cette arme de domination des mains des exploiteurs capitalistes, qu'il devait, par le d�sarmement de la garde gouvernementale, de l'arm�e volontaire de la milice civile et bourgeoise, en un mot par le complet d�sarmement des classes riches et l'armement des ouvriers, conqu�rir une forte position qui sera le point d'appui et la cl� pour la conqu�te du pouvoir politique. La conviction g�n�rale de tous les repr�sentants de l'avant-garde r�volutionnaire du prol�tariat �tait que sans l'armement des ouvriers, il est impossible d'organiser la d�fense des soviets, et qu'aucune dictature du prol�tariat n'est possible. Cette conviction n'a fait que s'ancrer plus profond�ment dans le peuple. Et maintenant, c'est pour tous l'�vidence m�me que ni le gouvernement, ni la d�mocratie bourgeoise, ne peuvent accepter ces revendications : le d�sarmement de la bourgeoisie et l'armement des ouvriers. Cela ne pourra �tre que l'�uvre des travailleurs eux-m�mes. Des soviets ouvriers et des comit�s de guerre cr��s � la h�te, se mirent �nergiquement � organiser et � diriger la lutte r�volutionnaire. Dans un �lan unanime, avec un superbe courage, les ouvriers afflu�rent de toutes parts et se jet�rent dans la lutte. La gr�ve g�n�rale comme une large vague s'est r�pandue sur le pays. M�me le personnel technique, les employ�s de commerce et de diverses institutions furent submerg�s par cette vague. Les ouvriers et les employ�s de chemins de fer, de tramways, des postes et t�l�graphes, d�clar�rent la gr�ve. Des gr�ves importantes eurent lieu dans les campagnes. Il ne peut y avoir aucun doute que pour quelques cat�gories de prol�taires, et surtout pour les fonctionnaires ce sont les mots d'ordre des social-d�mocrates qui les ont ralli�s � la gr�ve pour la R�publique, pour la d�mocratie, pour la constitution, contre la monarchie.
Mais il est aussi bien certain que la masse des travailleurs ne s'est pas mise en gr�ve pour les beaux yeux de la bourgeoisie. Leur mot d'ordre �tait : � � bas Kapp et Hindenburg, Bauer, et Ebert ! �, � A bas L�ttwitz et Noske ! �. La masse comprenait tr�s bien que le but de sa lutte ne pouvait pas �tre la d�mocratie bourgeoise et la � collaboration � harmonieuse des exploiteurs et des exploit�s, que ce but devait �tre aujourd'hui comme demain la dictature du prol�tariat. Les prol�taires n'avaient pas la na�vet� de croire que ce but pouvait �tre l'objet concret de la lutte actuelle. Pour le moment on ne pouvait faire effort que pour consolider les positions prol�tariennes afin de pouvoir pousser plus loin la lutte cour la conqu�te du pouvoir. La gr�ve se d�roulait partout sous le mot d'ordre : d�sarmement de la bourgeoisie et armement de la classe ouvri�re. A ce mot d'ordre s'�tait ajout�e une autre revendication : la lib�ration imm�diate des r�volutionnaires condamn�s ou en prison pr�ventive, la cessation imm�diate de toutes poursuites intent�es contre les militants r�volutionnaires, la lev�e de l'�tat de si�ge, l'abolition de la censure, etc. Malgr� la diversit� des mots d'ordre proclam�s par les diff�rents partis socialistes et divers syndicats, les prol�taires se sont mass�s sur un seul front. Ce ne sont pas les appels et les r�solutions formul�s sur le papier et imagin�s par les leaders et les hautes sph�res qui les ont unis. Non, ce qui les soudait �troitement pour la lutte r�volutionnaire, c'�tait ce qui �tait dict� par l'exp�rience, la conscience de leur position de classe. Ce fait caract�ristique fut cach� quelque peu par suite de la participation � la lutte des social-d�mocrates majoritaires avec les mots d'ordres de la bureaucratie syndicale. Les leaders social-patriotes t�chaient de masquer l'importance du front unique qui venait de se former. Pourtant, en d�pit de tous leurs efforts, ce fait a fortement r�agi sur le sentiment social des masses, qui d'instinct, en ont compris tout le sens.
Au cours de cette crise, l'importance de la ligne du Main comme fronti�re social-politique, s'est fortement accus�e. Ce n'est pas par un pur effet du hasard que le gouvernement d'Ebert s'est enfui � Stuttgart. Le gouvernement a trouv� l� une d�fense � droite contre la contre-r�volution, � gauche contre le p�ril constant de la prise du pouvoir, non pas au moyen des quelques milliers de gardes gouvernementaux, d'esprit militaire, mais gr�ce � sa milice, form�e d'�tudiants, de fils � papa, de petits bourgeois, de paysans qui luttaient � leurs risques et p�rils, d�fendant la d�mocratie contre le � bolchevisme �.
Il �tait clair, comme l'ont toujours soutenu les marxistes, que dans la phase actuelle du d�veloppement social, la d�mocratie politique de l'Allemagne du Sud est le r�sultat de son �tat �conomique arri�r� et non pas de son progr�s politique. En d�pit du sentiment social et du courage suscit�s par le Parti Communiste du Wurtemberg, qui avait lev� vaillamment l'�tendard de la lutte prol�tarienne, l'existence de couches profondes de petite bourgeoisie et de paysans, l'influence du faible d�veloppement de l'industrie et des antagonismes de classe, l'absence de grandes masses prol�tariennes ciment�es par la conscience de leur nombre et de leur force, se sont fortement fait sentir au cours de la r�volution de l'Allemagne du Sud. Il se peut m�me que dans l'avenir, le pays situ� au sud de la ligne du Main, joue le r�le d'une � Vend�e d�mocratique �, � mutatis mutandis, dans laquelle na�tra l'id�e de � l'Alliance du Rhin �, et d�s lors toute la force de ce mouvement sera dirig�e contre le prol�tariat r�volutionnaire du Nord Industriel.
Il a suffi que le prol�tariat g�ant d�clar�t la gr�ve, pour que le fant�me du gouvernement insurrectionnel de Kapp-L�llwilz se dissip�t comme une bouff�e de fum�e. Dans cette affaire, il n'y eut pas que le caract�re g�n�ral de la gr�ve qui y joua un r�le tr�s important, mais aussi la fermet� et l'ampleur sans pareilles du mouvement � Berlin. Bien que Kapp et L�ttwitz eussent �t� rapidement chass�s, les Kapp et les L�tttwitz sont encore nombreux en Allemagne. On n'a pas r�ussi � d�truire compl�tement la soldatesque, parce que la bourgeoisie, qui veut se maintenir au pouvoir, ne peut renoncer � ses services. On n'a pas �t� plus heureux en ce qui concerne le d�sarmement de la contre-r�volution bourgeoise, et l'armement des ouvriers sauf dans les localit�s o� les prol�taires eux-m�mes se sont empar�s des armes, ont chass� les troupes nationales et d�sarm� la garde civique, la milice municipale et les d�tachements de volontaires. C'est ainsi, que se sont pass�es les choses en Allemagne Centrale, notamment en Thuringe, en certaines localit�s de la Saxe et dans les provinces rh�nanes de Westphalie, o� les ouvriers industriels tr�s nombreux repr�sentent une masse compacte, p�n�tr�e, gr�ce � sa sup�riorit� num�rique, de la conscience de sa force, et o� le prol�tariat des fabriques et des usines, riche en esp�rances, s'est d�barrass� de toutes les illusions qu'il se faisait autrefois sur la bourgeoisie d�mocratique et le gouvernement de coalition. Le coup d'Etat s'est accompli sans encombre, sans effusion de sang et m�me sans � violences � l� m�me o� le prol�tariat se trouvait sous les ordres du parti communiste, compact, bien organis� et connaissant parfaitement son but et les voies qui y m�nent. En Thuringe, � Leipzig et dans la r�gion de l'Allemagne Centrale o� se trouvent les principaux gisements de houille grise, le coup d'Etat s'est termin�, apr�s une lutte acharn�e du prol�tariat, par l'av�nement de la terreur blanche. Ce fait a �t� le r�sultat de la trahison, � peine voil�e, de la majorit� social-d�mocrate et de la bureaucratie syndicale. Les leaders du Parti socialiste ind�pendant, qui ont gard� une fid�lit� fanatique � la vieille tactique erron�e du Parti, ne sont pas eux aussi sans avoir leur part de responsabilit�. Les Ind�pendants qui n'ont aucune ligne de conduite claire et pr�cise, h�sitaient constamment entre le d�sir d'abandonner le champ de bataille et les faibles vell�it�s de lutte ; ils entamaient, chaque fois, des pourparlers aux moments o� il eut fallu agir, affaiblissant ainsi la fougue des combattants et paralysant leur �nergie.
N�anmoins, la crise se termina par un succ�s des ouvriers r�volutionnaires. Le gouvernement Bauer-Noske a eu le m�me sort que celui de Kapp-L�ttwitz. Il va de soi que c'est l� un succ�s tr�s modeste, plut�t maigre. En r�alit�, il ne se produisit dans le gouvernement qu'un changement de personnages, qui n'�taient que des marionnettes entre les mains de la bourgeoisie au pouvoir ; quant au programme gouvernemental et � tout te syst�me de gestion, fonci�rement bourgeois, ils sont rest�s l'un et l'autre, sans aucune modification. Le chancelier d'empire M�ller poursuit toujours l'�uvre de Bauer ; pour maintenir l'inviolabilit� et la gloire du r�gime exploiteur bourgeois, bas� sur la propri�t� capitaliste, M�ller continue � tromper, � opprimer et � fusiller les ouvriers. Noske n'existe plus, mais le � syst�me Noske � est toujours en vigueur et la terreur blanche militaire en pleine prosp�rit�. Cet �tat de choses est d�, avant tout, � l'attitude criminelle de la bureaucratie syndicale, avec le social-tra�tre Legien en t�te ; ils r�ussirent � duper les ouvriers et le firent avec tant d'adresse que ceux-ci se d�clar�rent satisfaits, lorsque le gouvernement consentit � donner suite, tout au moins verbale, aux neuf revendications pr�sent�es par les syndicats. Ceci obtenu, les legienistes firent sonner la retraite, exigeant la cessation imm�diate de la gr�ve qui n'eut ainsi pas le temps d'atteindre son point culminant.
Les leaders de l'aile droite des ind�pendants sont �galement responsables du r�sultat de la gr�ve. Partout et toujours, ils cherchaient � lier toutes les actions politiques du parti avec celle de la bureaucratie syndicale et de la majorit� social-d�mocratique ; en outre, la faute en est encore la faiblesse de la conscience r�volutionnaire et au manque d'�nergie des leaders de la gauche des ind�pendants qui n'ont pu r�sister aux Hilferding et Crispien. N�anmoins, le changement de gouvernement atteste la croissance incessante de la puissance du prol�tariat que l'on est oblig� de reconna�tre et � laquelle on c�de. Il se produisit, dans les couches les plus profondes de la soci�t� capitaliste, un mouvement assez violent qui modifia la corr�lation des forces des classes en lutte pour le pouvoir et qui fit craquer l'enveloppe ext�rieure : le r�gime social est encore debout, mais il est sap� de toutes parts.
La consolidation du pouvoir de la d�mocratie bourgeoise et la constitution d'un gouvernement de coalition ne sont que des succ�s provisoires, r�alis�s au prix d'une compl�te soumission au militarisme. L'action du prol�tariat r�volutionnaire allia fraternellement la d�mocratie bourgeoise aux conspirateurs militaires monarchistes ; effray�s par le danger d'une dictature prol�tarienne, ils se sont tendu les mains. Le fusionnement de tous les �l�ments contre-r�volutionnaires en un seul bloc hostile � la classe ouvri�re, est un fait accompli ; seule, une minorit� insignifiante de la d�mocratie bourgeoise qui m�ne la lutte contre le danger de la droite et qui insiste sur la n�cessit� de faire des concessions � la gauche, n'entre pas dans la composition de ce bloc. La Frankfurter Zeitung est devenue l'organe de ce groupe, il faut en dire autant de certains milieux de petits paysans et fonctionnaires qui ont une tendance � faire des coquetteries tout au moins, au � bolchevisme nationaliste �. A l'heure actuelle, le mot d'ordre de la d�mocratie tout enti�re n'est plus la lutte contre le militarisme, mais plut�t la lutte de concert avec celui-ci contre le � bolchevisme �. La marche de ces �v�nements, qui eut pour cons�quence un d�nouement contre-r�volutionnaire, conduira, t�t ou tard, � la ruine de toute la d�mocratie bourgeoise. Elle sape ses fondements, d�truit ses derni�res illusions, an�antit sa confiance en elle-m�me et envenime la lutte de classe, la faisant tendre vers son but historique in�vitable.
Une consolidation de forces, non moins consid�rable, s'est effectu�e de l'autre p�le de la soci�t�. Depuis les combats r�volutionnaires de 1919, Le processus du renforcement de la conscience r�volutionnaire et du groupement du prol�tariat a progress� �norm�ment. Au fur et � mesure de la croissance de la conscience r�volutionnaire, les masses ouvri�res manifestent de plus en plus �nergiquement leur volont� r�volutionnaire, leur combativit� et leur empressement � consentir � tous les sacrifices n�cessaires. La tactique et la strat�gie des masses se sont d�velopp�es, elles sont devenues plus fermes et leur appr�ciation de la corr�lation des forces en lutte plus juste ; leurs yeux saisissent maintenant avec plus de pr�cision la diff�rence entre l'objectif permanent de la lutte et ses buts provisoires ; les masses ouvri�res reconnaissent maintenant plus clairement la n�cessit� d'�tre solidaires les unes des autres et d'agir en parfait accord. L'exp�rience de la p�riode r�volutionnaire a fait conna�tre au prol�tariat tout entier bien des choses ; la force des traditions r�volutionnaires, cr��es pendant les combats de l'ann�e pass�e, se manifeste pr�sentement dans la pratique. L'avant-garde r�volutionnaire de la classe ouvri�re a beaucoup gagn� en nombre, en conscience et en force d'influence d�cisive sur les grandes masses ouvri�res. Ce fait s'explique non seulement par la le�on �difiante et pratique des �v�nements, mais, en m�me temps, par l'activit� et la propagande du Parti Communiste non seulement parmi ses membres, mais aussi parmi les masses prol�tariennes qui s'�taient tenues � l'�cart de la lutte de classe prol�tarienne, comme, par exemple, la masse des ind�pendants et tout particuli�rement son aile gauche. Les derniers combats ont raffermi au sein du prol�tariat la conscience de sa propre force ; il est sorti de ces luttes avec une compr�hension plus nette de la v�rit� pure et simple qu'il n'y a que l'armement des masses ouvri�res qui pourra les rendre forts et qu'il a besoin de ses propres organes de combat r�volutionnaires, les soviets ouvriers, pour r�aliser cet armement. Donc, la t�che principale de l'avant-garde r�volutionnaire est de conserver les soviets surgis pendant et pour la lutte, leur insuffler la vie et les rendre aptes au combat � force d'actions r�volutionnaires et non pas au moyen de formules mortes. En s'acquittant de cette t�che, l'avant-garde r�volutionnaire doit diriger le rapide mouvement r�volutionnaire du moment historique actuel et en augmenter de plus en plus la vitesse. La lutte actuelle rev�tira probablement d'autres forces aux prochaines �lections, et dans ce cas celles-ci se pr�senteront sous l'aspect non pas d'�lections parlementaires habituelles, mais d'�lections r�volutionnaires, il est m�me possible que le Reichstag ne soit �lu que pour �tre dissous.
Nous ne pouvons pas encore pr�voir dans quelle mesure la marche des �v�nements changera la situation politique dans les provinces rh�nanes de Westphalie, car les nouvelles qui nous viennent de l�-bas manquent de pr�cision et de clart�. Il para�t cependant que jusqu'ici la lutte entre la bourgeoisie et le prol�tariat y a rev�tu un caract�re non seulement plus acharn� et plus vaste qu'ailleurs, mais qu'elle s'est caract�ris�e aussi par un renforcement toujours plus grand de son contenu int�rieur.
Dans cette lutte, le nouveau gouvernement de coalition, qui est au pouvoir gr�ce � Legien et avec la permission des syndicats, manifeste toute sa malhonn�tet� et tout son cynisme. Ce gouvernement n'a pass� les accords de Bielefeld et de M�nster que pour les violer presque aussit�t. Le but de ces accords est de faire tra�ner la lutte en longueur, et de gagner du temps jusqu'� la fin des vacances de P�ques, date � laquelle il sera bien difficile de rassembler de nouveau les ouvriers, partis pour passer les f�tes dans leurs foyers, et de leur faire reprendre la lutte. En m�me temps, le gouvernement de coalition manifeste son empressement aveugle et obstin� � servir le r�gime capitaliste. C'est lui qui a provoqu� l'entr�e des troupes fran�aises � Francfort-sur-le-Main et � Darmstadt, en envoyant la garde blanche dans la zone neutre pour y r�primer l'insurrection ouvri�re.
Quelle sera la fin de la lutte ? Ce n'est pas le degr� de sagesse du gouvernement form� de social-patriotes, de repr�sentants du centre et de d�mocrates, qui en d�cidera, mais l'intensit� de la discorde int�rieure qui le ronge. L'issue de la lutte d�pend aussi de la violence des repr�sailles militaires dont usera ce gouvernement pour d�fendre les magnats du capital et le r�gime bourgeois. Elle d�pendra �galement de la conscience de classe, de la r�solution aux sacrifices et de la volont� r�volutionnaire que les prol�taires manifesteront, dans toute l'Allemagne, en d�fendant la cause pour laquelle leurs fr�res des provinces rh�nanes de Westphalie se battent avec tant d'h�ro�sme et de sublime courage. Ils peuvent vaincre, ils peuvent conqu�rir une position tr�s puissante dans la lutte pour le pouvoir politique, mais � condition qu'ils le veuillent, � condition qu'ils agissent avec toute l'�nergie possible. Mais le sentiment social et la volont� r�volutionnaire du prol�tariat allemand, sont-ils assez forts pour qu'on puisse tenter, aussit�t apr�s les grands combats de ces jours derniers, une nouvelle lutte, violente et grandiose ? Le prol�tariat est le seul qui puisse r�pondre � cette question.