1924 |
Source : — BIBLIOTHEQUE COMMUNISTE ; G. ZINOVIEV ; Histoire du Parti Communiste Russe ; 1926 LIBRAIRIE DE L’HUMANITE 120 RUE LAFAYETTE PARIS |
ANNEXE
Manifeste du Parti social-démocrate ouvrier russe
Il y a cinquante ans, les vagues de la révolution de 1848 déferlaient sur l’Europe.
Pour la première fois, la classe ouvrière apparaissait sur la scène comme un puissant facteur historique. Grâce à elle, la bourgeoisie réussit à abolir nombre de survivances féodales. Mais bientôt elle reconnut dans son nouvel allié son ennemi le plus acharné et elle se jeta dans les bras de la réaction en lui livrant et le prolétariat, et la cause de la liberté. Mais il était déjà trop tard : la classe ouvrière, matée pour un temps, réapparaissait une douzaine d’années après sur la scène historique, cette fois plus consciente et plus forte et prête à lutter pour son émancipation définitive.
La Russie, semblait-il, restait à l’écart du mouvement historique. Mais si la lutte de classe n’y était pas visible, elle existait pourtant et ne cessait de se développer. Le gouvernement russe lui-même se chargeait de l’entretenir en dépouillant les paysans, en favorisant les seigneurs terriens, en engraissant les capitalistes aux dépens de la population laborieuse. Mais le capitalisme ne saurait se concevoir sans le prolétariat, qui nait et grandit avec lui et qui, à mesure qu’il se fortifie, est amené à se mesurer avec la bourgeoisie.
Serf ou libre, l’ouvrier industriel russe a toujours mené plus ou moins ouvertement la lutte contre ses exploiteurs. Avec le développement du capitalisme, cette lutte prenait de l’extension et englobait des couches de plus en plus nombreuses d’ouvriers. L’éveil de la conscience de classe du prolétariat et la croissance du mouvement ouvrier spontané en Russie coïncidèrent avec la constitution définitive de la social-démocratie internationale, porte-drapeau de la lutte de classe et guide des ouvriers conscients du monde entier. Consciemment ou inconsciemment, toutes les organisations ouvrières russes ont constamment agi dans l’esprit de la social-démocratie. La force et l’importance du mouvement ouvrier et de la social-démocratie ont été démontrées de façon éclatante par les nombreuses grèves qui ont éclaté ces derniers temps en Russie et en Pologne, et particulièrement par celles des tisseurs de Saint-Pétersbourg en 1896 et en 1897. Ces grèves ont contraint le gouvernement à promulguer la loi du 2 juin 1897 sur la durée de la journée de travail. Malgré son insuffisance, cette loi restera à jamais la preuve de la pression exercée sur le gouvernement par les efforts combinés des ouvriers. Mais le gouvernement se trompe en croyant apaiser les ouvriers par des concessions. Partout la classe ouvrière devient d’autant plus exigeante qu’on lui accorde davantage. Il en sera de même en Russie. Jusqu’à présent on n’a donné au prolétariat russe que ce qu’il a exigé et on ne continuera à lui donner ce qu’il exigera.
Or, que veulent les ouvriers russes ? Il leur manque ce dont jouissent leurs camarades étrangers : participation à l’administration publique, liberté de parole, liberté de presse, liberté de coalition et de réunion, en un mot, tous les moyens et instruments avec lesquels le prolétariat d’Europe occidentale et d’Amérique améliore sa situation et, en même temps, lutte pour son émancipation finale, pour la réalisation du socialisme, contre la propriété privée et le capitalisme. La liberté politique est nécessaire au prolétariat russe comme l’air aux poumons. Elle est la condition essentielle de son développement et de sa lutte victorieuse pour l’amélioration de sa vie et son émancipation intégrale.
Mais cette liberté qui lui est indispensable, le prolétariat russe ne peut la conquérir que par lui-même.
A mesure qu’on avance vers l’est de l’Europe (et la Russie est à l’est), la faiblesse, la poltronnerie et la lâcheté politique de la bourgeoisie, ainsi que la nécessité pour le prolétariat de résoudre lui-même les questions culturelles et politiques, apparaissent de plus en plus clairement. La classe ouvrière russe devra conquérir et conquerra la liberté politique. Ce sera là le premier pas vers la réalisation de la mission historique du prolétariat, qui est de créer un régime social où l’exploitation de l’homme par l’homme sera impossible. Le prolétariat russe secouera le joug de l’autocratie pour continuer avec un redoublement d’énergie la lutte contre le capitalisme et la bourgeoisie jusqu’au triomphe complet du socialisme.
Les premiers efforts du prolétariat russe devaient fatalement être dispersés et manquer plus ou moins de méthode et d’unité. Le moment est venu d’unir les forces, les organisations et les cercles locaux en un « Parti social-démocrate ouvrier russe » unique. Conscients de cette nécessité, les représentants des « Unions de lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière », du groupe étudiant la Gazette ouvrière et de l’ « Union ouvrière juive de Russie et de Pologne » ont organisé un congrès, dont on trouvera les décisions ci-dessous.
S’unissant en parti, les groupes locaux conçoivent toute l’importance de cet acte et toute la responsabilité qu’ils assument. Par là, ils marquent définitivement que le mouvement révolutionnaire russe entre dans une phase de lutte de classe consciente. En tant que mouvement et tendance socialistes, le Parti social-démocrate russe continue l’œuvre et la tradition de tout le mouvement révolutionnaire antérieur en Russie ; s’assignant comme tâche principale pour l’avenir prochain la conquête de la liberté politique, la social-démocratie va au but déjà nettement fixé par les glorieux militants de la vieille Narodnaïa Volia. Mais ses moyens et ses voies sont autres. Le choix en est déterminé par le fait qu’elle veut être et rester le mouvement de classe des masses ouvrières organisées. Fermement convaincue que l’émancipation de la classe ouvrière sera l’œuvre de la classe ouvrière elle-même, la social-démocratie russe ne cessera dans tous ses actes de se conformer à ce principe fondamental de la social-démocratie internationale.
Vive la social-démocratie russe ! Vive la social-démocratie internationale !
Manifeste du Comité central du Parti social-démocrate ouvrier russe
La guerre européenne, que préparaient depuis des dizaines d’années les gouvernements et les partis bourgeois de tous les pays, a éclaté. La course aux armements, la rivalité croissante pour la possession des marchés au stade actuel de développement de l’impérialisme, les intérêts dynastiques des monarchies retardataires d’Europe orientale devaient fatalement amener cette guerre. Soumettre des nations étrangères et s’emparer de leurs territoires, ruiner les peuples rivaux et faire main basse sur leurs richesses, détourner l’attention des masses laborieuses des crises intérieures en Russie, en Allemagne, en Angleterre et dans d’autres pays, diviser les ouvriers, les tromper en leur inculquant le nationalisme, détruire leur avant-garde pour affaiblir le mouvement révolutionnaire, tel est le but, le sens véritable de la guerre actuelle.
C’est à la social-démocratie en premier qu’incombe le devoir de découvrir aux masses la nature véritable de la guerre et de dévoiler impitoyablement les mensonges et les sophismes répandus par les classes dominantes pour susciter le patriotisme et justifier la guerre
La bourgeoisie allemande est à la tête d’une des coalitions belligérantes. Elle berne la classe ouvrière et les masses laborieuses en affirmant qu’elle combat pour la défense de la patrie, de la liberté et de la civilisation, pour la libération des peuples opprimés par le tsarisme, pour le renversement de l’autocratie en Russie. En réalité, s’aplatissant devant les junkers et Guillaume II, elle a toujours été le plus fidèle allié du tsarisme et l’ennemi du mouvement révolutionnaire des ouvriers et des paysans russes. Quelle que soit l’issue de la guerre, elle unira ses efforts à ceux des junkers pour soutenir la monarchie tsariste contre la révolution en Russie.
Elle a entrepris une expédition contre la Serbie pour la soumettre et étouffer la révolution nationale des Slaves du Sud, tout en dirigeant le gros de ses forces militaires contre la France et la Belgique, pays plus libres et plus riches, qu’elle veut dépouiller pour se débarrasser de leur concurrence. Cherchant à faire accroire qu’elle combat uniquement pour se défendre, elle a en réalité choisi le moment qui lui paraissait le plus favorable pour une guerre dans laquelle elle utilisera les derniers perfectionnements de sa technique militaire et par laquelle elle prévient les nouveaux armements dont la réalisation était déjà résolue par la France et la Russie. L’autre groupe de nations belligérantes est dirigé par la bourgeoisie anglaise et française, qui trompe la classe ouvrière et les masses laborieuses en déclarant qu’elle fait la guerre pour la patrie, la liberté et la civilisation contre le militarisme et le despotisme de l’Allemagne. En réalité, il y a longtemps qu’avec ses milliards elle payait et préparait les troupes du tsarisme, la monarchie la plus barbare et la plus réactionnaire de l’Europe, pour les lancer contre l’Allemagne.
En réalité la bourgeoisie anglaise et française lutte pour s’emparer des colonies allemandes et ruiner la nation rivale, dont le développement économique est extrêmement rapide. Et c’est dans ce but que les Etats démocratiques « avancés » aident le tsarisme à comprimer encore davantage la Pologne, l’Ukraine, etc, c’est-à-dire à étrangler la révolution en Russie.
Aucun des deux groupes des pays belligérants ne le cède à l’autre en pillages, en cruautés et en excès de toute sorte, mais pour abuser le prolétariat et détourner son attention de la seule guerre véritablement libératrice, la guerre civile contre la bourgeoisie de son pays et des pays étrangers, la bourgeoisie de chaque Etat cherche, au moyen de phrases patriotiques mensongères, à idéaliser sa guerre nationale et à faire croire qu’elle veut terrasser son adversaire non pas pour le dépouiller et s’emparer de son territoire, mais pour réaliser la libération de tous les peuples.
Mais plus les gouvernements et la bourgeoisie de tous les pays s’efforcent de diviser les ouvriers et de les lancer les uns contre les autres, employant à cet effet un système de mesures spéciales et une censure militaire rigoureuse (dirigée beaucoup plus contre l’ennemi « intérieur » que contre l’ennemi extérieur), plus le prolétariat conscient a le devoir de défendre son unité de classe, son internationnalisme, ses convictions socialistes contre le chauvinisme effréné de la bourgeoisie de tous les pays. Se dérober à ce devoir serait, pour tous les ouvriers conscients, renoncer à leurs aspirations démocratiques et, à plus forte raison, à leur idéal socialiste.
Avec un sentiment de profonde amertume nous devons constater que les partis socialistes des principaux pays européens ne se sont pas acquittés de ce devoir et que la conduite de leurs chefs, particulièrement en Allemagne, est presque une trahison directe au socialisme. A un moment des plus graves dans l’histoire de l’humanité, la plupart des leaders de la IIe Internationale tentent de substituer le nationalisme au socialisme. Se réglant sur eux, les partis ouvriers, au lieu de s’opposer aux menées criminelles de leurs gouvernements, ont exhorté la classe ouvrière à se rallier aux impérialistes. Le chef de la IIe Internationale ont trahi le socialisme en votant les crédits militaires, en répétant les mots d’ordre chauvins de la bourgeoisie de leurs pays respectifs, en justifiant et en soutenant la guerre, en participant aux ministères bourgeois, etc., etc. Les leaders et les organes socialistes les plus influents en Europe défendent le point de vue de la bourgeoisie libérale chauvine et non le pont de vue du socialisme. La responsabilité de cette honte infligée au socialisme incombe avant tout à la social-démocratie allemande, qui était le parti le plus fort et le plus influent de la IIe Internationale. Mais on ne saurait justifier non plus les socialistes français qui acceptent des portefeuilles ministériels et collaborent avec les descendants de cette bourgeoisie qui n’a pas hésité jadis à trahir sa patrie et à s’allier à Bismarck pour écraser la Commune.
Les social-démocrates allemands et autrichiens qui soutiennent la guerre cherchent à se justifier en déclarant qu’ils luttent contre le tsarisme russe. Nous, social-démocrates russes, nous considérons cette justification comme un sophisme. Le mouvement révolutionnaire contre le tsarisme a pris de nouveau, ces dernières années, une extension formidable dans notre pays. La classe ouvrière russe a été constamment à la tête de ce mouvement. Les grèves politiques de ces dernières années, grèves qui ont englobé des millions d’hommes, se sont déroulées sous le mot d’ordre du renversement du tsarisme et de l’instauration de la république démocratique. A la veille de la guerre, le Président de la République française, Poincaré, au cours de sa visite à Nicolas II, a pu voir de ses propres yeux les barricades élevées par les ouvriers russes dans les rues de Saint-Pétesbourg. Le prolétariat russe ne s’est arrêté devant aucun, sacrifice pour libérer l’humanité de la honte de la monarchie tsariste. Mais s’il est un facteur qui puisse retarder la chute du tsarisme et aider ce dernier dans sa lutte contre toute la démocratie russe, c’est bien la guerre actuelle, dans laquelle la bourgeoisie anglaise, française et russe met son argent au service du tsarisme réactionnaire. Et s’il est quelque chose qui puisse entraver la lutte de la classe ouvrière russe contre le tsarisme, c’est la conduite de la social-démocratie allemande et autrichienne, conduite que la presse bourgeoise russe ne cesse de nous donner en exemple.
Si même la social-démocratie allemande manquait de force au point d’être obligée de renoncer à toute action révolutionnaire, elle ne devait pas en tout cas rallier le camp des chauvins et se conduire de façon à justifier l’accusation des socialistes italiens, qui ont déclaré avec raison que les leaders allemands déshonoraient le drapeau de l’Internationale prolétarienne.
Le parti social-démocrate ouvrier russe a déjà été et sera encore cruellement éprouvé par la guerre. Toute notre presse légale est supprimée ; la plupart de nos unions sont dissoutes ; un grand nombre de nos camarades ont été arrêtés et déportés. Mais, fidèle au socialisme, notre représentation parlementaire à la Douma d’Empire s’est refusée à voter les crédits de guerre et, pour donner plus d’éclat à sa protestation, a quitté la salle des séances de la Douma. Elle a jugé de son devoir de flétrir la politique impérialiste des gouvernements européens. Et malgré l’oppression formidable du pouvoir tsariste, les ouvriers russes accomplissant leur devoir devant la démocratie et l’Internationale, éditent déjà leurs premières publications illégales contre la guerre.
Si la social-démocratie révolutionnaire, représentée par la minorité des social-démocrates allemands et l’élite des socialistes des pays neutres, sent la honte lui monter au visage devant la faillite de la IIe Internationale, si en France et en Angleterre il s’élève des voix isolées contre le chauvinisme de la majorité des parties socialistes, il n’en est pas moins vrai que les opportunistes, comme ceux du groupe Sozialistische Monatshefte, peuvent à bon droit célébrer leur victoire sur le socialisme européen. Mais les éléments les plus néfastes au prolétariat en ce moment sont ceux qui (comme le « centre » de la social-démocratie allemande) hésitent entre l’opportunisme et la social-démocratie révolutionnaire et cherchent, par des phrases diplomatiques, à dissimuler ou à voiler le krach de la IIe Internationale.
Ce krach, il faut au contraire le reconnaître ouvertement et en comprendre les raisons afin de pouvoir réaliser une nouvelle union socialiste qui soudera fortement les ouvriers de tous les pays.
Les opportunistes ont fait échouer l’application des décisions des congrès de Stuttgart, de Copenhague et de Bâle, qui obligeaient les socialistes à lutter contre le chauvinisme en toutes circonstances et à riposter par la propagande de la guerre civile et par la révolution sociale à toute guerre entreprise par la bourgeoisie et les gouvernements bourgeois. La faillite de la IIe Internationale est celle de l’opportunisme, qui avait trouvé un terrain favorable à son développement dans la période d’avant-guerre et qui, ces dernières années, était devenu le maître dans l’Internationale. Les opportunistes préparaient depuis longtemps cette faillite, ils niaient la révolution socialiste et la remplaçaient par le réformisme bourgeois ; ils niaient la lutte de classe et sa transformation nécessaire en guerre civile à un moment donné et préconisaient la collaborations des classes ; sous couleur de patriotisme et de défense de la patrie, ils prêchaient le chauvinisme bourgeois, oubliant ou niant la vérité énoncée dans le Manifeste Communiste, qui déclare que les ouvriers n’ont pas de patrie ; ils se bornaient à combattre le militarisme du point de vue sentimental petit-bourgeois, au lieu de reconnaître la nécessité de la lutte révolutionnaire des prolétaires de tous les pays contre la bourgeoisie de tous les pays ; ils érigeaient en fétiches la légalité et le parlementarisme bourgeois et oubliaient la nécessité de recourir à des formes d’organisation et d’agitation illégales aux époques de crise. Complément naturel de l’opportunisme, aussi bourgeois et aussi hostile au marxisme que ce dernier, l’anarcho-syndicalisme, lui aussi, a honteusement répété les mots d’ordre chauvins au cours de la crise actuelle.
A l’heure présente, il est impossible de s’acquitter de ses devoirs de socialiste et de réaliser l’union internationale véritable des ouvriers sans rompre résolument avec l’opportunisme, dont il est nécessaire de montrer aux masses la banqueroute inévitable.
Dans chaque pays, la tâche de la social-démocratie doit être en premier lieu de lutter contre le chauvinisme. En Russie, le chauvinisme a envahi tout le camp du libéralisme (cadets) et, en partie, celui des narodniki ; il a gagné jusqu’aux socialistes-révolutionnaires et aux social-démocrates de droite. (Il convient en particulier de flétrir les interventions chauvines de E. Smirnov, P. Maslov et G. Plékhanov, interventions largement exploitées par la presse patriote.)
Dans la situation actuelle, on ne saurait dire, du point de vue du prolétariat international, quel est le groupe de belligérants dont la défaite serait le moindre mal pour le socialisme. Mais il n’est pas douteux que, pour la classe ouvrière et les peuples de Russie, le moindre mal serait la défaite de la monarchie tsariste qui est le gouvernement le plus réactionnaire et le plus barbare et qui opprime la plus grande quantité de nations et le plus d’individus en Europe et en Asie.
La social-démocratie européenne doit prendre comme mot d’ordre de réalisation immédiate la constitution des Etats-Unis républicains d’Europe. Mais, contrairement à la bourgeoisie, prête à tout promettre pour entraîner le prolétariat dans le torrent du chauvinisme, elle doit montrer la fausseté et l’inanité de ce mot d’ordre s’il n’est accompagné du renversement révolutionnaire des monarchies allemande, autrichienne et russe.
Travaillant dans un pays arriéré qui n’a pas encore accompli sa révolution bourgeoise, la social-démocratie russe doit continuer de s’assigner les trois tâches suivantes, conditions essentielles de la réalisation de la démocratie : instauration d’une république démocratique où tous les peuples seront égaux et auront le droit de disposer d’eux-mêmes, confiscation des terres des grands propriétaires fonciers et établissement de la journée de huit heures. Mais, dans tous les pays avancés, la guerre met à l’ordre du jour la révolution socialiste, qui devient d’autant plus urgente que le prolétariat a plus à souffrir de la guerre et qu’il lui faudra déployer plus d’activité pour reconstruire l’Europe après les dévastations accumulées par le carnage impérialiste.
Comme la bourgeoisie profite des lois du temps de guerre pour bâillonner complètement le prolétariat, ce dernier a le devoir de recourir aux formes illégales d’agitation et d’organisation. Que les opportunistes conservent les organisations légales en trahissant leurs convictions, les social-démocrates révolutionnaires, eux, mettront en œuvre les facultés d’organisation et les liaisons de la classe ouvrière pour créer des formes illégales de lutte adaptées à la crise actuelle et pour unir les ouvriers non pas à la bourgeoisie chauvine de leur pays, mais aux ouvriers de tous les pays. L’Internationale prolétarienne n’est pas morte et ne mourra pas. Les masses ouvrières, en dépit de tous les obstacles, créeront une nouvelle Internationale. Le triomphe de l’opportunisme ne sera pas de longue durée. Plus la guerre fera de victimes, plus les masses ouvrières comprendront que les opportunistes les ont trahies et qu’il leur faut tourner leurs armes contre le gouvernement et la bourgeoisie de leur pays.
Transformation de la guerre impérialiste actuelle en guerre civile, tel est le seul mot d’ordre prolétarien véritable, mot d’ordre qui nous a été enseigné par l’expérience de la Commune, qui a été adopté au congrès de Bâle en 1912 et qui découle de toutes les conditions de la guerre impérialiste entre pays bourgeois hautement développés. Quelles que soient les difficultés de cette transformation, les socialistes ne renonceront jamais à la préparer de toutes leurs forces, du moment que la guerre est devenue une réalité.
De cette façon seulement le prolétariat pourra s’affranchir de la bourgeoisie chauvine et progresser vers la liberté véritable et le socialisme.
Vive la fraternité internationale des ouvriers contre le patriotisme et le chauvinisme de la bourgeoisie de tous les pays !
Vive l’Internationale prolétarienne libérée de l’opportunisme !
Le Comité central du parti social-démocrate ouvrier russe