1943 |
LA LUTTE de CLASSES - n° 11
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"Oui, Messieurs, la
Commune entendait abolir cette propriété de classe qui fait
du travail du grand nombre la richesse du petit.
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Churchill vient de parler à Londres sur les tâches qui, d'après lui, incomberaient bientôt à l'impérialisme anglais. Croyant tenir la victoire – les dernières victoires de l'Armée Rouge ayant mis l'impérialisme allemand en une situation périlleuse – il a jeté le masque "démocratique" et de la "libération des peuples" pour exposer le véritable programme de l'impérialisme anglais.
Ce programme c'est le vieux programme impérialiste de Versailles sur la base duquel surgit la présente guerre mondiale : il a parlé de "sphères d'influence", Société des Nations, et comme moyen suprême pour empêcher de nouvelles guerres, l'occupation des pays dont les peuples sont "coupables de la guerre".
Ainsi, la "libération des peuples" s'avère clairement non pas comme le droit des nationalités de disposer d'elles-mêmes, mais comme une formule impérialiste de domination et d'exploitation.
Pendant la première guerre impérialiste mondiale (14-18) le président des Etats-Unis, Wilson, avec ses quatorze points "pacifistes", trompa le monde sur les buts de guerre des alliés : mais il s'agissait de combattre l'influence morale de la révolution russe d'Octobre 17 en promettant que les capitalistes alliés réaliseraient aussi sans révolution certaines des grandes conquêtes de la révolution prolétarienne.
Dans le monde d'aujourd'hui dans lequel d'anciens communistes, devenus chefs des peuples à titre honorifique, briguent le poste de maréchal, Churchill, sûr, croit-il, de ne pas être contredit au nom des masses qui peinent dans les usines et versent leur sang sur tous les champs de bataille, ne se donne plus la peine d'embellir la réalité hideuse.
Quels sont les coupables de la guerre ? Les capitalistes de tous les pays essaient d'en rejeter la responsabilité sur les peuples du camp opposé.
Hitler a justifié devant son peuple le pillage de toute l'Europe en disant qu'il punissait les "coupables" de la guerre, et en promettant de mieux faire après la victoire. En réalité, Hitler collabore avec les fauteurs de guerre de toute l'Europe, la bourgeoisie et son Etat, contre les peuples, c'est-à-dire contre les ouvriers et les paysans de tous les pays.
Le traité de Versailles avait fait endosser la responsabilité de la guerre de 14-18 à l'Allemagne et au nom de cette responsabilité réelle de la bourgeoisie allemande (qui a contribué à la guerre d'une façon identique à la bourgeoisie française, anglaise, etc...), on a infligé les pires maux aux peuples de l'Europe Centrale et de tous les Etats vaincus.
La convention d'armistice de juin 1940 a rejeté cette fois-ci sur la France le stigmate de fauteur de guerre et, au nom de cette responsabilité réelle de la bourgeoisie française (qui a contribué à la guerre d'une façon identique à la bourgeoisie allemande, anglaise, etc...), on a infligé les pires maux aux peuples français belge, polonais, etc...
Churchill promet en cas de victoire de punir lui aussi les peuples "responsables de la guerre".
Il s'ensuit de tout cela que les coupables de la guerre CE SONT LES VAINCUS.
Churchill offre comme consolation et comme remède à la situation terrible des peuples écrasés par l'impérialisme allemand et italien, l'écrasement (en cas de "victoire") des peuples allemand et italien par la bourgeoisie américaine, anglaise, française, etc... Les ouvriers et les paysans français pourraient alors jouer le beau rôle de gardes-chiourme en contribuant à l'occupation des pays "responsables" (Churchill n'indique pas exactement quels sont ces pays ; cela ira aussi loin qu'il sera nécessaire à l'impérialisme britannique). Le rôle réservé aux ouvriers et paysans de France serait le même que celui que Hitler fait jouer actuellement aux ouvriers et paysans allemands. Rendre les peuples complices de leur diplomatie et de leurs brigandages capitalistes, voilà le but suprême de la classe bourgeoise de tous les pays ; et le moyen le plus sûr pour atteindre ce but c'est de plonger périodiquement les peuples dans des guerres fratricides qui, en augmentant toujours plus la haine entre eux empêcheraient à jamais l'union des ouvriers de tous les pays pris dans LE CYCLE INFERNAL DES REVANCHES.
Ainsi, au moment même où les peuples du monde entier plongés dans des souffrances inouïes et saignés à blanc envisagent, confusément au point de vue politique, comme prix de leurs souffrances, un ordre réellement nouveau, c'est-à-dire non capitaliste, Churchill en faisant "miroiter" à nos yeux les souffrances qu'il se propose d'infliger aux ouvriers et aux paysans d'Allemagne et d'Italie comme punition des crimes des bourgeoisies allemande et italienne (qui alors deviendraient sûrement collaboratrices avec... Churchill) veut nous lancer dans la voie que nous avons déjà parcourue après l'autre guerre mondiale. Il parle bien d'un "plan quadriennal" de reconstruction du monde après la guerre (la guerre étant elle-même un plan quadriennal, quinquennal, etc... pour la destruction du monde), mais il affirme que le capitalisme doit rester à la base de la société, car, voyez-vous, le "citoyen" anglais ne s'accommoderait jamais d'une autre société que celle basée sur l'initiative privée, c'est-à-dire capitaliste. Sur ce point les ouvriers anglais donneront en temps voulu leur réplique pratique à Churchill.
Mais tant que les choses dépendront de la volonté de Churchill et de sa classe (et elles en dépendront jusqu'au moment où le prolétariat accomplira la révolution), seuls des traîtres à la classe ouvrière peuvent soutenir les impérialistes alliés comme "un moindre mal" : comparativement à l'épuisement provoqué par la guerre capitaliste, la "prospérité" capitaliste du temps de paix, avec ses chômeurs, ses crises, etc... peut sembler "préférable"; mais la deuxième guerre impérialiste engendrée par le capitalisme a amené la pourriture de celui-ci à tel point qu'en réalité les ouvriers n'ont pas de choix à faire : ils doivent vaincre pour ne pas mourir.
Les ouvriers, eux, opposent aux capitalistes de tous les pays un véritable plan de reconstruction politique et économique du monde. Ils opposent aux vieilles haines et carnages capitalistes entre nations un nouvel ordre politique européen et mondial basé sur la fraternisation des exploités de tous les pays : LES ETATS-UNIS SOCIALISTES D'EUROPE ET DU MONDE. Ils opposent aux plans capitalistes de "reconstruction" qui mènent à de nouvelles guerres, L'ECONOMIE PLANIFIEE SOCIALISTE, dont l'expérience a déjà été faite en Union Soviétique. Ne faisant aucune confiance à ceux qui s'attachent au vieux monde capitaliste pourri, ils prennent leur sort en leurs propres mains.
Prendre son sort en ses propres mains signifie que tous les travailleurs comprennent que la situation de plus en plus dure que leur fait le capitalisme leur imposera comme une nécessité absolue DE SE DEFENDRE contre leurs exploiteurs. La bourgeoisie sera en mesure d'imposer au prolétariat tout ce qu'elle voudra tant qu'elle détiendra le monopole des armes. C'est pourquoi les ouvriers, ne se fiant pas aux phrases de celle-ci, tendront à L'ARMEMENT DU PROLETARIAT. Les bureaucrates ouvriers de toutes les couleurs qui se sont fait une profession de la "défense des droits des travailleurs" et se sont très bien accommodé de la domination de la bourgeoisie, objecteront que l'armement du prolétariat ne pourrait se réaliser que dans une situation "révolutionnaire". Quand le prolétariat sera en armes, la situation deviendra évidemment révolutionnaire. MAIS LA VOLONTE INEBRANLABLE ET FAROUCHE DES OUVRIERS DE S'ARMER en tant que classe DECOULE DE LA SITUATION SANS ISSUE OU ILS ONT ETE PLONGES PAR LA GUERRE CAPITALISTE, COMME UNIQUE GARANTIE DE LEUR VIE ET DE CELLE DE LEURS PROCHES.
Car armement du prolétariat et lutte de partisans ne constituent pas une seule et même chose ; ils s'opposent même : les luttes des partisans menées par une minorité de la classe ouvrière mêlée à des éléments d'autres classes (éléments même anti-prolétariens avoués, réactionnaires et fascistes pro-anglais ou des éléments militaires de l'ancienne armée) ont pour but le soutien militaire des adversaires de l'armée allemande, et sont sous le contrôle de partis politiques hostiles à la révolution prolétarienne.
Toutefois, la minorité de la classe ouvrière qui y participe, si elle garde la foi en la destinée historique du prolétariat, qui doit affranchir l'humanité du capitalisme et créer la société socialiste, peut fournir des cadres précieux et expérimentés à la classe ouvrière qui tend de toutes ses forces à son armement.
Se souvenant de l'exemple de la Commune de Paris (18 mars 1871) qui fut la riposte du peuple parisien CONTRE LA BOURGEOISIE qui essayait de le désarmer, les travailleurs conscients éveilleront dans les cœurs de tous les ouvriers le désir ardent d'être quelque chose en possédant des armes, car suivant le mot célèbre de Blanqui : qui a du fer, a du pain.
"Les révolutions prolétariennes... interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà être accompli pour le recommencer de nouveau, ... paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser de nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leur propre but, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière et que les circonstances elles-mêmes crient : ...c'est ici qu'il faut sauter !"
Il est bon, en ce 72ème anniversaire de la Commune de Paris, de rappeler cette caractéristique des révolutions prolétariennes donnée par Marx en 1851.
Les voies de l'histoire et surtout la voie prolétarienne, ne sont pas une ligne droite qu'on parcourt d'un seul trait à une certaine époque et qui assure, avec de lourds sacrifices, la victoire ou la défaite. Pour celui qui considère les événements seulement dans la période qui coïncide avec sa propre expérience, la courbe historique semble par moments redescendre à son point de départ ; mais pour ceux qui les considèrent dans leur TOTALITE HISTORIQUE, cette courbe indique la marche inéluctable du prolétariat vers le pouvoir et de la société vers le communisme.
A l'aube de la révolution prolétarienne qui est la Commune de Paris (18 mars-28 mai 1871) le soulèvement des ouvriers ne fut pas un acte délibéré, préparé à l'avance dans un but socialiste défini. Le soulèvement parisien eut lieu devant la pourriture avérée de la bourgeoisie française, à l'occasion d'une guerre que celle-ci avait déchaînée et perdue et de laquelle elle voulait se tirer sur le dos des ouvriers et des paysans français. Il manquait au mouvement la conscience révolutionnaire. Dominée par les éléments petits-bourgeois, sans parti révolutionnaire, la Commune fut noyée dans le sang. La bourgeoisie décima le prolétariat pour le briser à jamais. Mais la croissance même du capitalisme recréa une classe ouvrière qui sut utiliser les nouvelles conditions politiques et économiques pour panser ses plaies et conquérir des droits économiques et politiques. Notamment, il forgea ses propres organisations de classe, syndicats et partis politiques.
La leçon de la Commune ne fut point perdue pour le prolétariat. Les marxistes de tous les pays examinèrent les fautes commises par ses dirigeants ; et quand par suite de la guerre russo-japonaise de 1904 éclata la première révolution russe de 1905, le Soviet de Pétrograd ne renouvela plus les fautes de la Commune de Paris.
Cependant, la première révolution russe fut elle aussi battue. Il fallut la première guerre impérialiste mondiale, qui sembla tout d'abord avoir emporté toutes les conquêtes et tout l'acquis politique de la classe ouvrière, pour que la révolution d'Octobre 17 sous la conduite du parti bolchévique créât le premier Etat ouvrier qu'ait connu le monde.
Mais la révolution russe resta isolée dans un monde capitaliste. Ceci entraîna la main-mise sur l'Etat ouvrier d'une bureaucratie étrangère à la révolution, bureaucratie de plus en plus privilégiée et hostile au socialisme qui, se couvrant faussement du drapeau de la révolution d'Octobre pour mieux tromper les masses, conduisit le prolétariat, de défaite en défaite, à la situation inextricable provoquée par la deuxième guerre impérialiste mondiale.
Il semble à nouveau que le prolétariat ait tout perdu. Mais la main-mise de la bureaucratie sur la IIIème Internationale provoqua d'abord l'opposition des éléments révolutionnaires à sa politique conservatrice et ensuite la création d'une nouvelle internationale révolutionnaire, la IVème Internationale. Quoiqu'il reste dans le monde entier peu de pays où la classe ouvrière conserve des organisations à elle (Angleterre, Etats-Unis) et que leurs dirigeants soient passés à la bourgeoisie, trois facteurs assurent cependant la victoire définitive du prolétariat et des masses exploitées sur le capitalisme. Premièrement la situation inextricable pleine de contradictions et de dangers dans laquelle se trouve le capitalisme, contraint à une lutte permanente contre les masses de tous les pays. Deuxièmement l'existence sur 1/6 du globe d'une économie planifiée qui, bien que mise en danger par la bureaucratie stalinienne, reste encore la dernière mais la PRINCIPALE conquête de la Révolution d'Octobre 17. Et enfin, l'existence de la IVème Internationale, parti prolétarien révolutionnaire mondial qui affirmera dans la période révolutionnaire prochaine la continuité des intérêts et de l'idéologie prolétariennes contre les intérêts et l'idéologie de la bourgeoisie, et mènera les exploités à la victoire finale sur le capitalisme, à la révolution prolétarienne mondiale.