1947 |
PRIX : 4 francs – 12 novembre 1947 |
La Voix des Travailleurs nº 26
12 novembre 1947
"Gaspillez moins !" telle est, depuis des mois, aux Etats-Unis, la propagande officielle du gouvernement qui demande aux travailleurs américains d'économiser sur la nourriture, de réduire leur train de vie "afin de venir en aide" à cette pauvre Europe.
Les représentants de seize nations européennes ont cependant établi qu'il suffirait, pour ces pays, d'une somme d'environ vingt milliards de dollars, répartie sur plusieurs années, pour empêcher la catastrophe économique.
Et pourtant, tandis qu'aux Etats-Unis les masses se voient imposer des restrictions de plus en plus lourdes au nom de l'"aide à l'Europe", sur le vieux continent, malgré les conférences, commissions, conseils économiques et "plans" – on ne voit rien venir.
Le gouvernement capitaliste de New-York, qui a extorqué au peuple américain trois cents milliards de dollars pour "délivrer l'Europe du nazisme", ne trouverait-il plus 6% de cette somme pour éviter la famine ?
La clef de ce "mystère" nous est donnée par un journal ouvrier américain "Le Militant", de tendance internationaliste, qui fait remarquer au sujet de ces appels à l'économie... à l'adresse des travailleurs et des gagne-petit américains :
"Qui dit cela ! C'est Truman, juché sur un immense tas de canons, bombes atomiques, tanks, etc., accumulés pour la troisième guerre mondiale, pour laquelle il gaspille 40% du budget annuel américain !"
Voilà la véritable difficulté qui empêche l'aide américaine à l'Europe : la préparation de la troisième guerre mondiale. Et la difficulté ne vient pas seulement du fait que les dépenses de guerre engloutissent directement le plus clair du revenu national américain ; mais surtout du fait que ce qui intéresse les capitalistes américains ce n'est pas sauver les populations mais, au moyen d'emprunts, les obliger à s'embrigader dans leur camp ! C'est pourquoi ils exigent un droit de contrôle sur l'utilisation des capitaux prêtés aux gouvernements européens, droit qui leur permettrait en même temps d'exercer un contrôle sur la politique même de ces gouvernements.
Néanmoins, on aurait tort de s'indigner contre les seuls capitalistes américains. En France aussi, tous les gouvernements qui se sont succédé ont pratique la même politique et fait preuve de la même duplicité.
En France aussi, 40% du budget sont consacrés à la guerre, actuellement, et, quand Vincent Auriol lance un appel angoissé à la paix... "entre les grandes puissances", personne n'ose lui rappeler la guerre d'Indochine ! C'est donc seulement si, dans chaque pays, la classe ouvrière arrive à nettoyer sa propre maison qu'il pourra y avoir dans le monde une collaboration pacifique entre les peuples.
"Gaspillez moins", voilà un bon conseil pour vous, messieurs les capitalistes ; mais les travailleurs ne se font aucune illusion sur votre "disposition" à suivre les bons conseils : c'est pourquoi ils préparent la révolution socialiste !
LA VOIX DES TRAVAILLEURS
Rien que 58 millions de livres sterling, soit 30 milliards de francs, escroqués à leur gouvernement par des officiers supérieurs anglais.
"...Ils auraient tout simplement réalisé le tour de force de faire porter sur les états de leur intendance des effectifs doubles de ceux dont ils disposaient en réalité, soit douze millions d'hommes au lieu de six. Le supplément de ravitaillement, de fournitures de toute sorte (depuis les effets d'habillement jusqu'aux automobiles) auraient été revendu au marché noir..." (Les journaux du 5-11).
Le fait qu'une telle escroquerie soit possible dans l'armée qui, dans tous les pays du monde, représenté l'Organisation par excellence, nous donne une idée de ce qui peut se faire dans les autres couches des classes dirigeantes de la société.
Il ne se passe pas une semaine sans que les journaux nous annoncent une affaire de ce genre. A chaque jour son scandale. Ces bagatelles sont monnaie courante pour les responsables de notre société. Plus la place est haute, plus les possibilités sont grandes.
Et ce sont ces gens-là qui crient au scandale lorsque les travailleurs réclament leur droit à la vie. A ces moments-là, ils délaissent leurs escroqueries, tripotages, détournements et autres occupations habituelles pour se retrouver, chantant en choeur le "prestige de la patrie", "le relèvement national", et les compressions budgétaires. L'Etat, que voulez-vous, s'il est assez riche pour être volé par ses administrateurs, est trop pauvre pour augmenter les ouvriers.
C'est ce qui explique, en définitive, que contre ces derniers le gouvernement mobilise toutes ses forces pour écraser l'"émeute" – tandis que les premiers occupent tout au plus de temps en temps la rubrique des faits divers, avant d'être blanchis par leurs compères de l'Etat bourgeois.
R. HARDY
Le gouvernement Ramadier est fermement opposé aux augmentations de salaire. Il s'est opposé pendant plusieurs jours à la solution du conflit avec les travailleurs des services publics. Il a dispersé par la force leur manifestation à l'Hôtel de Ville et fait matraquer les manifestants. La fermeté des ouvriers l'a contraint à céder, comme il a dû le faire pour le Métro. Mais ce n'est pas l'augmentation qu'il a consentie aux ouvriers sous la contrainte de la grève qui résout pour les travailleurs la question angoissante de leur pouvoir d'achat.
Si le gouvernement ne peut pas se pencher sur le sort des classes laborieuses, c'est que des affaires plus importantes l'appellent ailleurs. L'"alignement", c'est-à-dire la hausse des prix industriels, est le centre de ses préoccupations. La situation actuelle des capitalistes ne pouvait plus durer : pour que cela aille, il fallait augmenter le prix du charbon, de la fonte, de l'acier et, par conséquent, celui des transports, du gaz, de l'électricité, etc. Rien de plus normal, nous dit-on. Il faut appliquer l'échelle mobile. Les prix agricoles sont au coefficient 1.200, les prix industriels à 800 ; il faut donc faire subir à ceux-ci une augmentation de 50%. Dans tous ces calculs de coefficients, il y a cependant quelque chose qui ne va pas. Que devient le coefficient des salaires, qui, lui, est à 400 ? Si on aligne les prix industriels sur les prix agricoles, le salaire, qui était déjà bien bas par rapport aux derniers, le sera cette fois aussi par rapport aux premiers, et le seul résultat certain sera d'avoir encore diminué considérablement son pouvoir d'achat. Avant d'aligner les prix industriels sur les prix agricoles, il aurait pu venir à l'idée du gouvernement d'aligner les salaires sur les prix industriels. Avant de penser aux industriels, n'aurait-ce pas été simple justice de penser d'abord à la situation des travailleurs ?
Mais la justice n'a que faire ici. Le gouvernement s'occupe des affaires de l'industriel et du boursicotier : il ne peut pas, en même temps, penser à l'estomac du travailleur. Au moins s'efforce-t-il, et c'est pour cela que les capitalistes le paient, de donner le change. Jules Moch a relayé Léon Blum dans son rôle de jongleur de foire. En réalité, voyez-vous, la hausse est faite pour ramener la baisse. Vous croyez voir noir, mais en réalité c'est blanc. Vous pensez que c'est à l'avantage des capitalistes, mais non : c'est pour votre bien. Une bonne dose d'augmentation des prix peut faire du mal sur le moment, mais ça fera du bien après. C'est une purge pour guérir le malade, à moins qu'il ne trépasse...
Car, en fait d'assainissement, ce qui est à l'ordre du jour, c'est la dévaluation, c'est-à-dire la ruine des petits revenus, la dépréciation des salaires.
En fait de guérison, c'est la paralysie qui s'empare de l'économie. C'est le spectre du chômage qui se dresse devant les travailleurs, alors que les besoins du pays sont immenses.
En fait de pain pour ceux qui travaillent, des coups de matraque et toutes les bonnes méthodes que le fascisme n'aura plus à instaurer.
La C.G.T. qui n'a été capable de rien faire pour les travailleurs, explique que tous les maux viennent du "parti américain". Mais la politique d'aujourd'hui, en pire, est la même qu'ont menée les divers gouvernements depuis trois ans. Quand la classe ouvrière a essayé de briser cette politique, cet été, par un mouvement gréviste, la C.G.T. l'a fractionné et empêché de devenir irrésistible.
Mais, malgré cela, comme l'ont montré les grèves du Métro, des boueux et de tous les travailleurs des services publics, la classe ouvrière est restée capable de lutter ; elle a prouvé qu'elle ne voulait pas accepter la soumission. Il lui reste, pendant les mois à venir, de montrer qu'elle est capable non seulement de résister, mais, en s'organisant, d'arracher des garanties véritables pour son niveau de vie : l'échelle mobile des salaires et le contrôle ouvrier sur l'établissement des prix.
Par la fixation d'un "plafond", les travailleurs avaient obtenu une garantie contre l'exploitation jusqu'aux dernières limites que constitue le "travail aux pièces". Et c'est M. Croizat, qui se disait "ministre représentant la classe ouvrière", qui, en préconisant le salaire au rendement, a en fait supprimé cette maigre garantie de l'ouvrier contre la rapacité patronale.
Bien entendu, au début, il n'était pas question de "réviser les temps". Mais aussitôt que les ouvriers, pour essayer de gagner un salaire un peu moins dérisoire, sont arrivés aux coefficients de 135% et 140%, les services de chronométrage ont repris du service. Résultat : l'ouvrier doit travailler davantage dans le même laps de temps qu'auparavant, sans augmentation du salaire !
Quel est le prétexte qui justifie la diminution des temps ? En principe, "les temps" doivent être établis "pour un ouvrier normal, travaillant dans des conditions normales". Chez Renault, un contremaître a reconnu lui-même : "L'ouvrier est condamné à travailler toute sa vie, il doit donc travailler normalement, sans se fatiguer ; il devrait même éprouver une certaine joie, si on n'exigeait pas de lui le MAXIMUM !"
Car, dans la pratique, c'est ce qui se passe : on exige de l'ouvrier le maximum, c'est-à-dire on pousse "la cadence" jusqu'à l'extrême limite de ses forces, sous prétexte que le chrono, lui, "y arrive".
Seulement, les conditions dans lesquelles les chronométreurs établissent "les temps" ne sont pas du tout normales. Ils ne travaillent que quelques heures au rythme qu'ils veulent imposer, tandis que l'ouvrier devra le maintenir en permanence ; ils travaillent généralement sur de bonnes machines, alors que la majorité des ouvriers doivent s'esquinter sur de mauvaises "bécanes" ; de plus, les ouvriers subissent des pertes de temps dues aux mauvaises pièces, qu'il leur est difficile de faire constater, ou dont la constatation leur occasionne une perte de temps encore plus grande.
Ensuite, si les "chronos", mieux payés (donc mieux nourris) et "faisant" moins d'heures, sont plus proches de la "normale" – les quarante heures et une bonne nourriture – les travailleurs du rang en sont considérablement éloignés : quarante-huit heures à soixante heures (et plus pour certains) de travail en moyenne et ventre creux !
La revendication de la "suppression du travail au rendement" est donc une des plus importantes revendications ouvrières. Et comme premier pas dans cette voie, le retour au plafond, tel qu'il était il y a deux ans, c'est-à-dire à 116% (70' dans l'heure).
De cette façon, on obtient les résultats suivants :
1. Limitation de la fatigue des ouvriers, par l'obligation pour tous de s'en tenir à une norme raisonnable ; 2. Aujourd'hui, les ouvriers qui ne peuvent pas atteindre la norme patronale risquent d'être éliminés de la production, surtout si le chômage menace. De tels cas nous sont signalés au L.M.T., par exemple. La presque totalité des ouvriers peuvent, par contre, atteindre le plafond de 116%. ; 3. Maintien du salaire pour 116% autant que pour 135%, c'est-à-dire diminution de la sauvage surexploitation actuelle. |
Le cas des manoeuvres, qui, dans certains cas, touchent plus qu'un O.S., prouve que la direction sera obligée de maintenir le taux du salaire.
Le retour au plafond n'a qu'un seul "inconvénient" : celui de réduire un peu plus les surprofits capitalistes ! Et voilà l'unique motif pour lequel on l'a supprimé !
Pierre BOIS
La dernière trouvaille des chefs du P.C.F., c'est qu'il faut constituer des comités antifascistes de "défense de la République". Leur presse, suivie comme à l'habitude par la presse cégétiste, en a d'abord abondamment parlé, et dans les usines, les orateurs de l'une et l'autre organisation ont récité fidèlement la leçon que leurs chefs leur avaient apprise. Mais tout ce tapage, ces nouveaux discours "anti-impérialistes", laissent les ouvriers profondément indifférents.
Comment pourrait-il en être autrement ?
Ils nous appellent aujourd'hui à défendre la République par des "comités de vigilance". Mais depuis des années, tous les sacrifices, toutes les misères qu'ils nous ont imposés, ils l'ont fait au nom de cette même défense de la République. Pour sauver la République, il a fallu produire, ne pas revendiquer, se serrer la ceinture. Tout cela pour que, en fin de compte, les banquiers, les trafiquants, les gros potentats continuent à régner en maîtres. Nous avons une République où une clique de galonnés, de culottes de peau vivent grassement aux dépens des contribuables et n'entretiennent leurs cravaches que pour mater ce qu'ils appellent la canaille : le peuple ; une République où les ouvriers sont pressurés d'impôts, où les gens couchent dans la rue, où le droit de grève est réglementé par les matraques des gardes mobiles ; une République où un Parlement de larbins de la bourgeoisie (dont ils sont de dignes fleurons) vote des lois pour limiter les droits des travailleurs, pour consacrer les salaires de misère. En bref, une République où
Nul devoir ne s'impose au riche
Le droit du pauvre est un mot creux.
Et c'est ce carcan qu'ils nous appellent à défendre.
La musique reste la même, seules les paroles ont changé. Sur le thème "regroupons-nous, faites-nous confiance" (air connu), hier ils faisaient front avec De Gaulle et ses successeurs au gouvernement contre les "trusts ennemis de la nation". Aujourd'hui les "trusts ennemis de la nation" deviennent les "bons patrons victimes de l'impérialisme américain". S'ils vitupèrent contre Ramadier, ils ne trouvent pas de louanges suffisantes pour encenser les rapaces du C.N.P.F. Garantir les bénéfices de ces rapaces, c'est cela sauver la République ? L'ancien "produire pour relever la France" est devenu "épaulons les barons de l'industrie". Et ces bons patrons ont su nous démontrer, depuis six mois, en s'opposant systématiquement aux grévistes, comment ils veulent être épaulés, ce qu'ils entendent par sauvegarde de l'industrie française : le maintien de l'exploitation forcenée.
Les ouvriers ont appris par leur expérience que les paroles et les actes sont choses bien différentes. Se proclamer champions de l'antifascisme, et se conduire pratiquement en fascistes, cela ne peut durer éternellement.
Nos bonzes se prétendent aujourd'hui de grands démocrates. Seulement, lorsque des ouvriers qui ne pensent pas comme eux veulent s'exprimer en assemblée générale, avec les mêmes méthodes que par le passé ils ne les laissent pas parler, comme ce fut le cas au L.M.T. il y a quinze jours, où ils ont quitté la réunion.
Ils avancent des revendications de 15%, 20%, mais L'Acier n'a pas trouvé suffisamment de termes orduriers dans son répertoire, cependant si fourni, pour calomnier les dirigeants du S.D.R. lorsqu'ils ont mené la bagarre pour les 11%.
Faire confiance à la C.G.T., c'est cela le fin mot des comités de vigilance. Sur de nouvelles paroles, c'est toujours la même musique.
H. DURIEUX
MAUVAIS CALCUL
Le responsable cégétiste, dans un discours tenu aux fonderies a annoncé que trois cents ouvriers de Collas avaient quitté le S.D.R. et étaient venus pleurer pour rentrer à la C.G.T.
Les deux cents énervés en passant dans les rangs de la C.G.T. sont devenus trois cents. Et il en reste encore.
QU'IMPORTE L'HYGIENE ?
Voici que commencent à revenir les froids et avec eux la réapparition des braseros. Car il est certain que les aérothermes sont insuffisants. Le résultat c'est que nous sommes enfumés. N'est-il pas scandaleux de voir dans une usine que M. Lefaucheux vante comme étant, de par sa technique, capable de concurrencer les industries les plus modernes du monde, les ouvriers obligés de se chauffer avec des moyens aussi primitifs que ceux employés par nos ancêtres les Gaulois.
10 heures de travail à une cadence de 140 p.cent parmi la poussière et le bruit ne suffisent pas, il faut encore y ajouter le supplice de la fumée. Il n'y a pas de courant pour faire fonctionner tous les aérothermes et même en installer d'autres, mais il y en a pour faire tourner les moteurs de 80 CV pour un ou deux ouvriers. Quand il s'agit de produire on trouve tous les moyens nécessaires, mais dès qu'il s'agit de donner un peu de confort aux ouvriers, alors c'est impossible.
Du fait de l'augmentation des cantines et de la réapparition du vin sur le marché, nombreux sont ceux qui apportent leurs gamelles. Or, aucun réfectoire n'est mis à la disposition et ils sont obligés de déjeuner dans les ateliers. Avec les froids qui approchent ce sera intenable. Le S.D.R. a posé une revendication.
Qu'attend la direction pour la satisfaire ?
(Extrait du Bulletin du secteur Collas, n° 2)
"LES GRANDS"
L'air hautain auquel lui donne droit sa fonction de chef du personnel fait de M. Legarrec, ancien O.S. de la tôlerie, galonné par la grâce du Comité d'épuration, le type parfait du parvenu. Lui aussi est un "syndicaliste". Mais c'est un syndicaliste à deux faces. Quand il s'adresse aux ouvriers il leur dit : "Je suis mieux placé que quiconque pour connaître vos difficultés ; ma fonction de chef du personnel m'y oblige, et croyez-le bien mes sentiments ne vous sont pas hostiles, mais en tant que représentant de la direction je suis obligé d'avoir une certaine attitude.
Sa fonction, c'est-à-dire sa place l'oblige à trahir ses propres sentiments, et pour cette place il n'hésite pas à mettre sa dignité dans sa poche pendant dix heures.
JUSQU'OU VA-T-ON SE LAISSER ENFONCER ?
De plus en plus notre standard de vie baisse. On ne peut même plus se permettre d'être malade (et pourtant tout est fait pour cela).
Un ouvrier à dû venir à pied de Bagneux parce qu'ayant été à l'assurance – il avait respiré trop de poussière de fonte – il n'avait pas d'argent pour prendre le métro et il a dû emprunter 100 fr. pour manger à la cantine.
Un autre, qui s'était blessé, a dû revenir 5 jours après sans être guéri, parce qu'il n'avait plus d'argent.
La liberté du travail
Au département 30, après leur avoir fait faire de nombreuses heures supplémentaires (11 heures par jour) on mute les femmes. Il paraît que les Delcos faits à l'extérieur, par la maison Ducellier, reviennent moins cher à la Régie. La direction a profité de ces mutations pour essayer de se débarrasser de certaines ouvrières du S.D.R. en leur offrant du travail, soit au caoutchouc, soit sur les presses, travail, comme on le sait sale, dangereux et pénible.
Le patron emploie les ouvriers pour ce que ça lui rapporte et non pour leur donner à manger. Un jour il leur fera faire 11 heures ; un autre jour il les congédiera parce que ça ne lui rapporte plus.
Pour le patron un ouvrier est une machine qu'on fait tourner tant qu'on en a besoin et qu'on jette à la porte quand elle n'offre plus d'intérêt.
Et l'on fait de grandes phrases sur la liberté du travail !
La direction vient de changer le système de paiement pour plusieurs catégories d'ouvriers : le salaire au boni est remplacé par le salaire aux pièces, ce qui provoque l'augmentation de la cadence et risque d'entraîner la diminution des temps.
Mais, tandis que, d'un côté, le changement du système de paiement oblige les ouvriers à intensifier leur rendement, le bruit court, par ailleurs, que la direction va licencier une partie du personnel. Le bagne pour les uns, la porte pour les autres... Telle est l'une des conséquences, pour les ouvriers, du travail au rendement. La section syndicale, qui est l'un des plus âpres défenseurs de ce système de travail, se réveille aujourd'hui et menace de déclencher la grève si la direction exécute son projet de licenciement. En attendant elle veille à ce que les ouvriers ne chôment pas en mouchardant tous ceux qui ont le malheur de ne pas se tuer au travail, comme le fit le délégué des départements 471-473 auprès du contremaître.
Et le même délégué s'étonnera ensuite que les ouvriers du L.M.T. n'assistent plus aux réunions syndicales, ne prennent plus leur timbre, ne lisent plus les publications de la C.G.T. Aujourd'hui, les travailleurs du L.M.T. répondent à la politique antiouvrière de la C.G.T. en se détournant d'elle et en lui opposant la véritable démocratie, comme cette ouvrière qui a lu à haute voix un tract du syndicat démocratique Renault à un groupe de camarades.
Un ouvrier nous a signalé qu'il vit dans un logement froid et humide, sans cheminée et que l'hiver dernier lui a été particulièrement pénible.
Comme tous les locataires de son immeuble, il dut installer un poêle et faire passer le tuyau par la fenêtre. Mais il lui était impossible d'aérer sans être enfumé par les voisins. Par les grands froids, par manque de chauffage et d'aération, l'humidité était telle que, la nuit, il se formait des glaçons au plafond et il était obligé d'éponger plusieurs fois, dans la journée, pour ne pas être inondé.
Cet ouvrier, étant atteint de rhumatismes articulaires, a tout fait pour trouver une solution au problème du chauffage pour cet hiver. Pour pouvoir utiliser un radiateur électrique, il a demandé à la Compagnie de changer son compteur de 6 ampères pour un de 10 ampères. On lui a répondu qu'il fallait un certificat médical et que l'installation d'un accumulateur coûterait 18.000 francs.
Arrivant à peine à joindre les deux bouts avec sa paye, il doit donc renoncer à se chauffer. Comme l'année dernière, après 10 heures de travail dans le froid à l'usine, il devra encore grelotter chez lui.
Pour messieurs les bourgeois, le chauffage ne manque pas car, bien souvent, ils ont des radiateurs électriques (sans compter les aspirateurs, frigidaires, etc.) en plus du chauffage central. Qu'est-ce, pour eux, que 18.000 fr. ? Quant au certificat médical, ils ont assez de relations pour s'en procurer.
A chaque fois que les travailleurs demandent une augmentation de leurs salaires les économistes bourgeois s'empressent de leur démontrer, chiffres à l'appui, que cela est impossible, que cela obligera le patron à augmenter ses prix, le tout, à grand renfort de "course sans fin" et de "cycle infernal".
Nous voudrions bien aussi qu'ils nous expliquent, pendant qu'ils y sont, pourquoi le patron qui ne peut pas se permettre d'augmenter "ses" ouvriers peut se permettre de gaspiller leur travail.
Chez Citroën, c'est par camions entiers que les pièces loupées vont à la refonte. Même chose chez Renault. Aux fonderies, récemment, 5 baignoires ont pris le même chemin. Chacune d'elle représente 3 jours du travail de deux ouvriers. Les fours étant occupés pour deux mois, on entasse les pièces à côté, elles s'encrassent et une fois qu'elles sont inutilisables on les renvoie.
Est-ce donc par désintéressement que les patrons se permettent un tel gaspillage ? Poser la question, c'est y répondre. S'ils jonglent si allègrement avec les pièces ratées ou détériorées c'est qu'en récupérant la matière première ils ne perdent que le prix du travail qui y est incorporé. Et les salaires sont tellement bas que cela ne trouble que très peu la comptabilité patronale au point de vue du profit.
Pour obtenir une qualité meilleure il faudrait supprimer le travail au rendement qui fait passer la quantité avant la qualité, diminuer les heures de travail, en un mot améliorer les conditions de travail.
Mais cela reviendrait bien plus cher au patron que de faire recommencer les pièces mal faites. Le capitaliste ne produit pas pour "relever le pays", pour "la grandeur de la France", pour "ramener l'abondance". Il laisse cela à "ses" ouvriers. Lui, il produit pour son profit. Il produit dans la mesure où cela lui rapporte. Il dispose actuellement d'une grande quantité de main-d'oeuvre à bon marché ; le gaspillage de la main-d'oeuvre a peu d'influence sur son profit, que lui importe qu'il en ait une grande sur la production. Si la main-d'oeuvre était bien payée et par conséquent lui coûtait cher, il se garderait bien de la gaspiller.
Ainsi la conséquence première des bas salaires, c'est le sabotage de la production, car la main-d'oeuvre est son élément essentiel. On ne peut pas songer à relever la production sans relever le prix du travail, sans relever le niveau de vie des travailleurs.
Jean BOIS
Si l'armée est utilisée par la bourgeoisie comme instrument de répression contre les ouvriers, elle n'en est pas moins logée à la même enseigne qu'eux.
Un camarade - qui a participé avec son régiment aux opérations de Verdun - nous écrit : "La nourriture devenant de plus en plus mauvaise, nous avons décidé, mes camarades et moi, de ne pas nous présenter au rassemblement du matin. Le maréchal-chef des logis qualifia notre refus de nous rendre au rassemblement d'acte de rébellion et nous menaça du conseil de guerre. Force fut de nous y rendre. Un camarade s'indignait. Selon leur bon plaisir, pour les servir, nous sommes bons pour tout faire et quand nous avons faim, nous sommes bons pour nous taire et crever."
Mécontents, les soldats le sont autant que nous. Et, dans les mouvements où la bourgeoisie les utilise : Verdun, nettoiement des ordures par la troupe, etc., c'est vers les ouvriers que va leur sympathie.
Le journal Ce Soir a publié une information selon laquelle le franc subirait une nouvelle dévaluation, qui aurait pour conséquence de mettre le dollar à 400 francs, au cours officiel, au lieu de 120 actuellement. Ce Soir est poursuivi pour cette information, mais le gouvernement n'a pas démenti la dévaluation... Jules Moch a expliqué seulement que dans des opérations de ce genre, il faut avant tout que le public soit pris à l'improviste.
Bien sûr ! Qui va perdre dans cette affaire ? Ceux qui ont encore quelques économies, tous ceux qui ont de l'argent liquide. La dévaluation se traduira par une hausse des prix, surtout sur les prix des produits de consommation courante. Ce qui est importé, le blé, le café, le charbon, l'essence, seront payés officiellement à 400 francs le dollar au lieu de 120.
D'autre part, les capitalistes auront encore davantage intérêt à exporter et, par conséquent, notre appauvrissement sera plus grand.
Jules Moch a raison : des opérations de ce genre, il faut les faire à l'improviste... de la même façon que l'opération qui consiste à enlever le portefeuille à quelqu'un, contre sa volonté. Il serait imprudent d'en avertir le possesseur à l'avance : cela risquerait de lui donner le temps d'organiser sa résistance.
Jules Moch connaît la véritable manière !
La semaine dernière, lors d'une vente à la criée, place Nationale, un camarade a vendu vingt exemplaires de La Voix en une demi-heure à peine. Plusieurs acheteurs ont manifesté leur satisfaction de retrouver notre journal et le désir de pouvoir l'acheter régulièrement.
En conséquence, nous demandons instamment à tous les camarades susceptibles de vendre le journal soit le matin, soit à midi, soit le soir, de le faire savoir à la permanence et de signaler, en même temps, les endroits les plus favorables, de façon à organiser, à jours fixes, des ventes par équipes et par roulement.
Ce sera ainsi un moyen de faire connaître plus largement La Voix, en augmentant considérablement sa vente, et d'entretenir un contact permanent avec nos sympathisants isolés.
Adresser toute
correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65,
rue Carnot, Suresnes (Seine)
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le
Terminus»
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres