1947

PRIX : 4 francs – 26 novembre 1947
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs – ORGANE DE LUTTE DE CLASSE


La Voix des Travailleurs nº 27

Barta

26 novembre 1947


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LA SEULE ISSUE

Les tenants de la bourgeoisie expliquent quotidiennement que les "troubles sociaux" actuels sont dus aux agissements des partisans de Thorez et Duclos, maîtres de la direction de la C.G.T., et que ceux-ci ne visent qu'à retrouver leurs portefeuilles ministériels. Ils soulignent, d'autre part, avec un malin plaisir, la coïncidence qu'il y a entre cette activité et l'adhésion ouverte que les dirigeants du P.C.F. ont donnée au nouvel instrument diplomatique russe, le Kominform. Car de là, à accuser les ouvriers en grève d'être "à la solde de Moscou", il n'y a qu'un pas. Et, ce pas franchi, on veut y trouver une justification de l'intervention des gardes mobiles et de la police contre les grévistes et des mesures arbitraires contre les syndicats.

"Rafraîchissons" donc un peu la mémoire de MM. les serviteurs de la bourgeoisie.

C'est depuis le 26 avril, cinq mois avant la création du Kominform que les travailleurs ont commencé une grande bataille pour défendre leurs salaires sans cesse diminués par la rapacité patronale et gouvernementale et descendus bien au-dessous du minimum vital nécessaire à l'ouvrier pour qu'il n'épuise pas ses forces et ne tombe pas malade. C'est contre la volonté des dirigeants de la C.G.T. et du P.C.F., qui en étaient encore à "l'opposition loyale" parlementaire, que la vague gréviste, bien que fractionnée, a déferlé puissamment, englobant en l'espace de quelques mois la majorité de la classe ouvrière. Et ce sont ces "dirigeants" précisément qui ont fait les premiers appels au gouvernement, dans la grève Renault, par exemple, pour rétablir "la liberté du travail", par l'arrestation des dirigeants du Comité de grève !

Ce ne sont donc pas les Thorez et les Duclos qui sont à l'origine des grèves ouvrières. C'est au contraire la lutte gréviste des ouvriers qui les a finalement obligés, pour masquer leurs trahisons depuis trois ans, à se présenter à nouveau comme les "défenseurs" des revendications des salariés.

C'est la politique d'affamement des masses travailleuses poursuivie par le patronat et l'Etat bourgeois qui est la cause des "troubles sociaux" (c'est ainsi que MM. les journalistes bourgeois appellent la lutte des travailleurs défendant leur vie menacée par la rapacité des forbans capitalistes).

Si à la place des Frachon et des Thorez, la classe ouvrière avait eu de véritables dirigeants ouvriers, ce n'est pas la paix sociale qui en aurait été la conséquence, mais un mouvement gréviste vraiment unanime et puissant comme en juin 1936. Car c'est justement parce que les ouvriers n'ont pas eu, dans l'ensemble, d'autres dirigeants que les partisans de Thorez et Duclos, que l'action du Comité de grève Renault du 26 avril 1947 ne s'est pas développée immédiatement en grève générale de tous les ouvriers dans toute la France. Et c'est seulement par leurs fautes, par leur attitude antidémocratique, par leurs trahisons, qu'une volonté de lutte aussi grandiose que celle qui s'est manifestée pendant sept mois dans toutes les corporations sans exception aucune, n'a abouti qu'à un mouvement qui rappelle étrangement, aux ouvriers qui l'ont vécu, novembre 1938 : un combat d'arrière-garde.

Les cris poussés unanimement par les serviteurs de la bourgeoisie contre les "agitateurs" ne visent donc pas principalement les chefs du P.C.F. Les grévistes des P.T.T. en août 1946, ceux de la presse, en mars 1947, les grévistes de chez Renault en mai 1947, bien qu'ils aient eu à leur tête non pas des membres du P.C.F., mais des adversaires et des ennemis de ceux-ci, ont-ils été mieux traités ?

Toute grève, pour ces messieurs les capitalistes, quelle que soit l'origine de ses dirigeants, est l'oeuvre d'agitateurs, trouble "l'ordre public", met en péril la "civilisation".

La décadence du régime capitaliste est telle que, bien qu'ils soient obligés de reconnaître la légitimité des revendications des ouvriers dont l'existence intenable est évidente pour tout le monde, il leur est d'autre part impossible de leur assurer dans le cadre de leur régime, une vie tant soit peu supportable.

C'est pourquoi, tant que les ouvriers ne se mettent pas en mouvement, ils leur prodiguent de bonnes paroles, mais pas un centime. Au contraire, ils en profitent pour alourdir tous les jours un peu plus leur fardeau.

Si au contraire les ouvriers se mettent en grève et les obligent à desserrer l'étreinte, alors sous tous les prétextes, mêlant le faux et le vrai, ils ameutent les paysans et la petite bourgeoisie contre les "fauteurs de troubles".

L'avantage des patrons dans la lutte actuelle, c'est précisément qu'en faisant semblant de s'en prendre uniquement aux Thorez, aux Frachon et aux Duclos, ils profitent de la haine que ces bureaucrates ont répandu dans la classe ouvrière contre eux, pour dresser les ouvriers les uns contre les autres et affaiblir leur lutte en les divisant.

Mais la classe ouvrière, qui dans cette première série de luttes antipatronales d'envergure depuis 1938, a réussi à rompre totalement avec la collaboration de classes qu'on voulait lui imposer sera aussi capable de refaire son unité, malgré le sabotage de la plupart de ses dirigeants actuels, frachonistes ou jouhaussistes. Elle se regroupera à la base dans des organisations de classe vraiment démocratiques, sous son contrôle. Elle deviendra capable de vaincre totalement l'ennemi capitaliste.

Car l'agonie du régime capitaliste condamne les travailleurs à un sort pire que la mort et ne leur laisse aucune autre issue.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS


LE NOUVEAU GOUVERNEMENT

Devant la vague de grèves déclenchées la semaine dernière, Ramadier quittait sa charge de président du Conseil. Blum, qui devait lui succéder, s'est vu refuser l'investiture de la Chambre. Blum au gouvernement, cela signifiait qu'on allait essayer de faire reprendre le travail en faisant mine de donner satisfaction aux grévistes. En effet, à Blum s'attache le souvenir des accords Matignon. Sa personnalité semblait, à la bourgeoisie, tout à fait propre à faire accepter aux grévistes l'os qu'elle se préparait à leur jeter. Mais Blum prétendit au Parlement, se tenir au-dessus des deux camps : communiste et gaulliste. La droite ne toléra pas cette attaque, quoique contre elle purement verbale, et vota contre.

Et ce fut le tour de Robert Schuman qui, lui, reçut l'investiture de la Chambre et forma un nouveau gouvernement orienté ouvertement vers les gaullistes.

Cependant Blum les avait assez rassurés lors de sa déclaration à la Chambre. En effet, s'il parla de faire quelques concessions à la classe ouvrière, il parla aussi, et beaucoup, de fermeté, ce qui signifie matraquages et recours à la force. De même Schuman, s'il entend mener la politique des bâtons blancs et des pèlerines roulées, parle, tout comme son confrère Blum, de "combattre la misère" et de réparer "les injustices sociales". En fait, quel que soit l'homme que les discussions autour du tapis vert mettent au gouvernement, la politique est la même : Blum c'est l'os à ronger et la matraque, et Schuman c'est la matraque et l'os à ronger. Tous ces messieurs préféreraient, en effet, briser les grèves par la force plutôt que de céder quoi que ce soit, mais tant que les travailleurs seront en lutte ils ne pourront pas employer la force brutale, car la classe ouvrière est de taille à leur répondre : la semaine dernière le gouvernement a rappelé 30.000 hommes sous les drapeaux "pour le maintien de l'ordre". A cela les cheminots de certains réseaux du Nord ont répondu en débrayant pour empêcher les troupes de circuler. La bourgeoisie est toujours l'ennemie des ouvriers, mais c'est leur combativité qui lui impose une attitude plus ou moins conciliatrice à leur égard. Ainsi à l'heure actuelle elle est obligée de faire la politique de Blum, même sans Blum, car la lutte de classes l'y oblige.


LE CHATIMENT NE TARDERA PAS POUR MESSIEURS LES BUREAUCRATES

Quelle est l'atmosphère aux usines Renault après 8 jours de grève ? Tous les ouvriers sont plongés dans la grève, mais il faut dire que la grosse majorité la subit passivement. Tous sont d'accord avec les revendications : "Il faut que ça change". Tous sont d'accord qu'il faut faire la grève pour défendre notre beefsteak. Mais tous aussi, s'ils décidés à tenir, font preuve d'une juste méfiance dans la façon dont la grève est dirigée.

Au mois d'avril, les ouvriers quittaient les machines malgré le gouvernement, malgré la direction et aussi malgré l'hostilité acharnée des cégétistes. Ils faisaient la grève parce qu'ils ne pouvaient plus vivre et c'étaient eux les animateurs de la grève. Ils se répandaient dans les ateliers, allaient dans les autres usines. Ils voulaient la grève générale et ils la généralisaient. Et s'ils durent reprendre avec presque rien ce n'est pas qu'ils aient capitulé devant la direction, mais parce qu'ils furent vaincus par la bureaucratie cégétiste qui sut s'opposer avec succès à la généralisation de la grève.

Aujourd'hui, les ouvriers ne se sentent plus les seuls animateurs de leur mouvement. Ils sentent que la lutte échappe à leur contrôle, et se posent une foule de questions.

Comment se fait-il que les dirigeants cégétistes, qui, pendant des années furent les pires ennemis de l'action directe, qui, pendant notre grève d'avril, furent les plus acharnés à nous combattre, n'hésitant pas à s'abriter derrière la direction et même le gouvernement ; ces gens qui, hier encore, se déclaraient contre la grève (Carn prétendait que ça gênerait la 4 CV), comment se fait-il qu'ils déclenchent aujourd'hui eux-mêmes la grève ? Pourquoi, se demandent de nombreux ouvriers, s'il fallait en arriver là, les dirigeants cégétistes ne nous ont-ils pas appuyés et n'ont-ils pas déclenché la grève quand nous étions partis au mois de mai ? Pourquoi ont-ils fractionné notre lutte et entraîné des boîtes comme Citroën dans des aventures qui ont coûté cher aux ouvriers (5 semaines de grève pour rien) si aujourd'hui ils sont obligés d'en arriver à la même conclusion que celle du comité de grève en avril :

"Il faut généraliser la grève".

Aujourd'hui non seulement les dirigeants cégétistes ne sont plus contre la grève mais encore ils en revendiquent le monopole. Seulement ils n'en prennent pas la responsabilité. Le bureau confédéral n'a pas donné l'ordre de grève générale.

Dans l'usine on a voulu donner une illusion de démocratie aux ouvriers en constituant le comité de grève. Mais les méthodes restent les mêmes :

La calomnie continue contre ceux qui ne pensent pas de la même façon que les dirigeants. Les ouvriers ne sont consultés sur aucune question concernant l'orientation de la grève.

La section syndicale C.G.T. n'a même pas pu tolérer que des représentants du S.D.R. siègent au comité central de grève.

Ils sont pour la grève, mais ils chassent du comité de grève ceux des ouvriers qui, depuis six mois, ont été les plus acharnés dans l'action gréviste, ceux qui ont déclenché la grève d'avril-mai. En excluant du comité central de grève les camarades du S.D.R., ce sont les "énervés de Collas" que l'on rejette de la grève.

En fait, les dirigeants cégétistes n'ont pas changé.

Seulement ils ne tarderont pas à s'apercevoir que, chez Renault du moins, ces méthodes n'ont plus cours.

Pierre BOIS


LES OUVRIERS NE LUTTENT PAS POUR DES AUMONES, MAIS POUR LEUR DROIT A LA VIE

Le mouvement gréviste, que le gouvernement cherche à faire reculer par tous les moyens a été la réponse ouvrière à la bourgeoisie en pleine euphorie de hausse des prix.

Le prétexte nouveau de cette hausse, était que l'indice des prix industriels se trouvait en retard par rapport à celui des prix agricoles et qu'il fallait les ajuster. Or si les indices officiels industriel et agricole étaient respectivement de 9 et 12, le salaire est à l'indice 6. Celui-ci se trouvait donc déjà de 50% en-dessous d'un minimum vital même calculé sur l'indice industriel seulement. Cependant, loin de penser à ajuster l'indice du salaire au moins sur l'indice officiel de l'industrie (car l'indice réel est bien supérieur), patronat et gouvernement ont déclenché une nouvelle attaque contre les salaires, en rejetant sur les travailleurs le fardeau de nouvelles hausses, aussi bien des prix industriels qu'agricoles.

C'est seulement maintenant, sous la pression du mouvement gréviste, que le gouvernement admet officiellement qu'une certaine augmentation des salaires est indispensable : Schuman, l'homme des banques et des 200 familles, parle de "justice sociale".

En même temps qu'il utilise la répression policière, qu'il veut réglementer le droit de grève et mettre le bâillon aux ouvriers, il espère s'en sortir, comme cela a été le cas dans toutes les grèves jusqu'à présent, par quelque aumône accordée aux travailleurs.

Mais qu'est-ce que "l'indemnité de vie chère", que le gouvernement veut céder, eu égard à toute la politique capitaliste de hausses passée, présente et à venir ?

Que représentent ces concessions, à côté de tous les efforts que les ouvriers font depuis 3 ans, des luttes qu'ils ont soutenues pour se défendre contre la misère croissante ?

Bien entendu, si les capitalistes ont pu jusqu'à présent se permettre de répondre aux luttes ouvrières par des aumônes, aussitôt annulées, c'est parce que jusqu'à présent ce sont les dirigeants syndicaux eux-mêmes qui étaient leur complice n° 1 dans cette politique.

Cependant, l'objet de la lutte ouvrière n'est pas l'aumône d'une dérisoire "indemnité de vie chère".

Il s'agit, pour les ouvriers, non seulement d'une augmentation de salaire, mais de garanties concernant leur niveau de vie, d'une défense réelle contre toute la politique sournoise, brutale, d'asphyxie des masses travailleuses, que mène la bourgeoisie.

Seules les revendications suivantes peuvent y aboutir :

Un salaire minimum vital : c'est-à-dire le droit légitime, pour celui qui travaille, de vivre en travaillant.

L'échelle mobile : c'est-à-dire la garantie de ce salaire, par son adaptation automatique à toute hausse des prix industriels et agricoles, pour empêcher le patronat de spéculer sur la misère des ouvriers en les essoufflant dans des luttes revendicatives incessantes.

Le retour progressif aux 40 heures, mesure de défense contre le chômage qui menace.

Le contrôle ouvrier sur les livres de compte patronaux : c'est-à-dire le moyen pour ceux qui produisent de dire aussi leur mot dans l'établissement des prix et ne pas les laisser au bon plaisir des capitalistes et des spéculateurs.

Tant que les ouvriers ne se mobiliseront pas tous pour lutter pour ce programme, patronat et gouvernement les réduiront à l'alternative comme l'expliquait un tract revendicatif du S.D.R. dès le mois de septembre, "soit à se mettre périodiquement en grève, soit à crever de faim".


 

CESSEZ LES PERSECUTIONS !

Les délégués des travailleurs vietnamiens des 14ème et 36ème compagnies, siégeant au camp du Viêt-nam, à Eysines (Gironde), ont adressé au gouvernement une pétition en faveur des soldats indochinois détenus actuellement dans les camps de concentration de France et d'Afrique du Nord. Cette pétition révèle les terribles conditions de vie depuis leur arrivée :

Venus en France au début de la guerre au nombre de 10.000, ils ont connu la vie du front avec ses dangers, les camps de prisonniers avec leurs atrocités. Beaucoup, parmi eux, sont sous l'uniforme depuis dix ans et tous depuis bientôt huit ans, n'ont reçu aucune nouvelle des leurs. N'en pouvant plus, ces travailleurs ont demandé leur démobilisation et leur transformation en travailleurs civils.

Par une note du 31 mai 1947, le commandement à Albi l'accepta en principe. La demande des soldats indochinois était donc non seulement légitime, mais réalisable. Cependant, cet accord resta lettre morte ; au contraire, après une série de provocations, beaucoup, parmi eux, ont été soit battus, soit torturés, attaqués aux gaz lacrymogènes, et 250 emprisonnés. Les arrêtés furent envoyés au camp de Caylus, où, après avoir été dépouillés de leurs biens, ils sont astreints aux travaux forcés sous les coups ! C'est que l'intérêt des colonialistes doit passer avant toute autre considération, humaine ou pratique. L'économie française peut manquer de bras dans pas mal de branches, le maintien sous l'uniforme de ces travailleurs indochinois peut bien coûter aux contribuables des impôts supplémentaires, il faut avant tout sauvegarder les intérêts des banquiers !

En ce moment où la question de la paix et de la guerre, c'est-à-dire de la vie et de la mort de l'humanité est sur la balance, les travailleurs français doivent être persuadés que chaque acte par lequel ils manifestent leur solidarité avec les opprimés des autres pays est d'un poids décisif du côté de la paix.

C'est en exigeant une attitude véritablement démocratique vis-à-vis des soldats indochinois, anciens combattants, et leur transformation en travailleurs libres, c'est en luttant pour les droits égaux de tous les exploités qui travaillent en France et en imposant la fin des hostilités contre le peuple d'Indochine qui coûtent rien qu'en dépenses extraordinaires 36 milliards de francs par an, qu'ils s'engageront pratiquement dans la véritable voie qui assurera la victoire des forces de paix sur les forces de guerre.

 

ORGANISONS LA LUTTE CONTRE LE CHOMAGE !

Pendant trois ans, le gouvernement des capitalistes et la C.G.T. ont exigé des ouvriers - soi-disant pour relever la France - des journées de travail écrasantes. De 40 heures, la semaine est passée à 55 et même 60 heures. Le pouvoir d'achat des travailleurs n'en a pas pour cela augmenté d'autant, au contraire.

En dehors des profits capitalistes, la politique du "produire" n'a rien relevé. Les grands travaux de reconstruction sont inexistants. Dans l'aviation, le chômage sévit, ainsi que dans les branches de construction électrique.

Après avoir réalisé des millions et des millions de profits en imposant aux ouvriers une vie de forçats, les capitalistes, faute de débouchés et de crédit, commencent maintenant à stopper la production. Et c'est aux travailleurs qu'ils voudraient une fois de plus, faire supporter les conséquences de leur désordre.

A notre époque où un travailleur vit avec ses 60 heures d'usine, à peu près comme un chômeur avant guerre, avec son allocation, le chômage signifierait la famine pure et simple. C'est ce qui se passe en Italie où des milliers de chômeurs font des marches de la faim désespérées. Ne plus avoir de travail, c'est ne plus avoir le droit de vivre.

Si le chômage est à nos portes, les capitalistes en sont seuls responsables. Nous ne devons pas payer les pots que nous n'avons pas cassés.

Au L.M.T., la direction avait projeté un licenciement massif. Mais la section syndicale C.G.T. s'y est opposée, préconisant le retour aux 40 heures de travail par semaine pour tous, plutôt que de faire faire des heures supplémentaires aux uns, tandis que les autres seraient sur le sable.

C'est, en effet, la solution que nous devons imposer partout où le chômage menace. Pour permettre à tous de gagner leur vie, il faut répartir les heures de travail entre tous les ouvriers, abaisser, s'il le faut la semaine à 35 ou 30 heures. Nous devons exiger l'échelle mobile des heures de travail.

Mais cela signifie-t-il que les travailleurs devraient se résigner à ne percevoir que 30 heures de leur salaire actuel ? C'est impossible.

Pendant des années, les capitalistes ont accumulé les profits, nous donnant juste de quoi ne pas mourir de faim. Aujourd'hui, ils doivent continuer à assurer notre subsistance. Quel que soit le nombre d'heures de travail, notre salaire doit rester un salaire vital. A ce sujet, les représentants de la C.G.T. ne soufflent mot !

Nous exigeons l'échelle mobile des heures de travail avec un salaire correspondant à celui de la même catégorie dans les branches de plein emploi.

Henri DURIEUX


LES DEUX JOUHAUX

Jamais on n'a autant parlé de "démocratie" que maintenant. C'est que plus le peuple y aspire et moins elle existe, plus les dirigeants officiels sont obligés de proclamer le mot à la place de la chose. Mieux encore, le mot "démocratie" leur sert de paravent pour cacher des entreprises nettement antidémocratiques.

Ainsi, au dernier Comité confédéral national de la C.G.T., Frachon et Jouhaux offraient un spectacle bien touchant : c'était, des deux grands pontifes, à qui serait le plus démocrate !

Frachon, le briseur de grèves depuis la "libération", exigea inopinément la participation de tous les travailleurs syndiqués ou non, à l'élaboration de toutes les décisions...

Jouhaux, l'homme de confiance des grands capitalistes, se mit en devoir de défendre les droits des syndiqués de la base et les véritables "principes" du syndicalisme, qui opposent la qualité au nombre, les syndiqués "conscients", à la masse inorganisée "inconsciente" et... le vote secret.

Comme c'est dommage que Jouhaux n'ait pas soutenu ce point de vue lorsque, il y a trois ans, 6 millions d'adhérents, les plus conscients et les plus combatifs de la classe ouvrière, se pressaient dans la C.G.T. pour en faire un instrument de lutte contre le patronat. A ce moment-là, une possibilité réelle de s'exprimer dans les syndicats aurait créé une véritable démocratie pour toute la classe ouvrière.

Actuellement, à quoi peut servir le vote secret ?

La démocratie n'est pas une chose que l'on donne ou que l'on retire aux ouvriers à volonté comme le prétend Frachon, ni ne se résume à un simple droit de vote comme voudrait nous le faire croire Jouhaux !

Pendant des années, Jouhaux et Frachon luttèrent ensemble, par la calomnie, par l'intimidation physique, et surtout par le mot d'ordre produire, qui riva la classe ouvrière aux machines, pour réduire à la passivité la grande masse des syndiqués.

Pour régner en maîtres dans la C.G.T. et faire le travail des capitalistes dans une organisation dont la mission avouée est d'organiser les travailleurs contre le patronat, ils n'ont pas hésité à éloigner la grosse majorité des syndiqués des assemblées générales et à en exclure les éléments les plus combatifs.

Pendant des années, ils ont dit aux ouvriers : "Faites-nous confiance, nous sommes là pour vous défendre, vous n'avez pas besoin de comprendre, c'est notre tâche." Les journaux ouvriers, au lieu d'informer les travailleurs sur leur situation, au lieu de les aider à trouver les moyens les meilleurs pour se défendre contre leurs exploiteurs, au lieu d'apprendre à tous comment remplir leur tâche de militants, les journaux ouvriers ont rempli leurs colonnes avec des statistiques de production, des recettes de cuisine et de mode, des pages des enfants et autres distractions destinées à abrutir les ouvriers, les empêcher de penser. Au lieu d'utiliser l'argent des syndiqués à publier des brochures éducatives, à organiser des cours pour la formation de cadres capables de s'occuper des affaires syndicales, ils ont acheté des châteaux pour imiter servilement la bourgeoisie dans la réalisation des "oeuvres sociales".

Et aujourd'hui, après avoir rendu les travailleurs incapables de se défendre, après les avoir privés de leurs meilleurs défenseurs, après leur avoir désappris toute PRATIQUE de la démocratie, ces "responsables" disent aux ouvriers : "C'est à vous de décider". Vive le vote secret, etc. !

Mais comment les ouvriers pourraient-ils décider ? Privés depuis des années de toute possibilité d'exprimer leurs opinions, ils n'ont plus l'habitude de contrôler leurs dirigeants. Ce à quoi se résume, en définitive, la démocratie, on l'a bien vu à cette récente assemblée des cadres syndicaux, chez Renault, où Carn et Delame, après avoir fait chacun leur discours, ont déclaré : "Il se fait tard, il faut lever la séance...", sans avoir accordé la parole à qui que ce soit, et sans que qui que ce soit veuille la demander !

Et ceux qui, depuis des années, sont habitués à prendre la parole uniquement pour transmettre des mots d'ordre et les faire approuver, les responsables C.G.T., ne sauraient, sur un nouveau mot d'ordre, apprendre du jour au lendemain à poser clairement les problèmes devant les ouvriers et leur apporter les éléments d'information nécessaires à les résoudre.

Le véritable visage de Jouhaux en fait de démocratie, n'est pas dans le vote secret, dont il a besoin seulement pour dénombrer ses partisans de ceux de Frachon, mais dans l'appel que ses partisans ont adressé à la police pour faire respecter "la liberté du travail"... et d'exploitation par les capitalistes.

Dans les faits, il pratique ce que De Gaulle seul, ose proclamer : l'intervention policière dans les affaires ouvrières. Quant aux émules de Frachon, ils n'ont pas tardé à nous montrer, par leurs actes, que "l'élargissement de la démocratie" qu'ils ont annoncé n'est qu'une nouvelle tromperie destinée à camoufler le monopole qu'ils entendent conserver, coûte que coûte - périsse même le mouvement - sur les travailleurs en lutte.

Quant à la défense des intérêts ouvriers, c'est un souci qui leur reste, à tous deux, aussi étranger aujourd'hui qu'auparavant.

A. MATHIEU


CHEZ RENAULT


Le cahier de revendications du S.D.R.

Soutenant la grève, le Syndicat démocratique Renault a déposé son cahier de revendications. Il réclame notamment :

L'application immédiate des 25% sur les salaires et sur les primes et bonis qui constituent actuellement une grande partie du salaire ;

Un salaire minimum vital calculé en fonction du coût actuel de la vie et garanti contre toute nouvelle hausse des prix par l'échelle mobile ;

Retour progressif aux 40 heures ;

Retour au plafond en attendant la suppression du travail au rendement.

Encore plus que celle du mois d'avril, cette grève doit servir aux ouvriers de chez Renault à secouer le joug patronal, à arracher une augmentation et des garanties pour leurs salaires, à améliorer leurs conditions de travail, à obtenir une plus grande liberté d'expression et de circulation dans l'usine, de façon à mettre fin au véritable régime de bagne qui règne actuellement dans l'usine.


On ne récolte jamais que ce que l'on a semé

Lors de la grève d'avril-mai, la section syndicale C.G.T. exigea de la direction que celle-ci refusât de recevoir le comité de grève et s'en tienne aux "dispositions prévues par la loi", c'est-à-dire qu'elle reçoive uniquement les délégués du personnel. La direction obtempéra à cette "exigence" avec d'autant plus d'aisance que cela coïncidait tout à fait avec ses vues. Elle préférait évidemment traiter avec la section syndicale qui réclamait depuis des mois une prime de 3 francs, par la discussion, qu'avec le comité de grève qui, par l'action, exigeait 10 fr. d'augmentation sur le taux de base.

Aujourd'hui la section syndicale C.G.T. a besoin de se faire recevoir en tant que comité de grève. Mais M. Lefaucheux se souvient de ses "exigences" et mardi 18 il a refusé de recevoir la C.G.T. en spécifiant que, comme le lui avaient indiqué les dirigeants syndicaux, il s'en tiendrait aux "dispositions de la loi", c'est-à-dire qu'il ne recevrait pas le comité de grève.

Le 13 mai, alors que les ouvriers avaient repris le travail et que seuls les camarades de Collas continuaient le combat qui rapporta l'indemnité de grève de 1.600 francs à toute l'usine, la section syndicale faisait appel à la direction et au gouvernement pour agir contre les "250 énervés" de Collas. "Nous voulons travailler librement. La direction, chargée d'assurer la marche de l'usine, doit prendre ses responsabilités. Le ministre du Travail, Daniel Meyer, doit aussi prendre les siennes... à eux de prendre des mesures pour permettre à l'usine de tourner."

La C.G.T. faisait appel aux autorités patronale et gouvernementales pour faire respecter la soi-disant liberté du travail.

Aujourd'hui, le gouvernement et ses soutiens invoquent contre la C.G.T. les mêmes mesures que la C.G.T. revendiquait contre les "énervés" de Collas.

Par toute sa politique antiouvrière qu'elle mène depuis des mois, la C.G.T. n'a fait que faciliter à la bourgeoisie la politique de répression qu'elle mène aujourd'hui.


La "nouvelle démocratie" cégétiste

Alors qu'en juin 1936, l'usine était occupée jour et nuit par tous les ouvriers, cette fois-ci, nous voyons l'usine déserte.

Dans la majorité des secteurs, les ouvriers n'ont même pas été consultés. Dans l'île, par exemple, des ouvriers ayant réclamé un vote, la C.G.T. a refusé. Comment s'étonner, après cela, que les gars restent chez eux ? Ce ne sont pas les responsables qui consultent la volonté des ouvriers. Ce sont les ouvriers qui doivent exécuter les ordres de Carn et autres bureaucrates, qui ne sont même pas de l'usine, mais font la loi au "comité central de grève".

C'est ainsi qu'au "comité central de grève", Delame a donné l'ordre de cloisonner les départements, sous prétexte que des provocateurs se sont introduits dans l'usine. Plusieurs autres solutions avaient été proposées. Mais Delame a choisi celle-là, parce qu'elle permet d'empêcher les ouvriers des différents départements d'échanger leurs points de vue.

– Ainsi, au département 6, le lundi 17, à 13 heures, un ouvrier du 88 s'est vu refuser la parole par les cégétistes sous prétexte qu'il n'était pas du département. Mais des ouvriers ont justement répondu : "Et les U.J.R.F. de Marseille qui viennent de parler, ils sont du 6 ?"

– Au département 49, on veut empêcher un ouvrier de prendre la parole parce qu'il veut parler de l'attitude du S.D.R. dans la grève. Dans ce même département, c'est d'en haut, c'est-à-dire des bonzes cégétistes que vient l'ordre d'afficher et de commenter toute la presse, mais naturellement d'interdire l'entrée à cette "ordure" (sic) de Voix des travailleurs. Encore au département 49, le commentaire de la presse ne peut être fait que par un seul individu désigné par le comité, lequel comité (comme s'en est si bien vanté le responsable au comité central) est formé uniquement des collecteurs du département, de façon à être bien en mains des "grands dirigeants". Ainsi, tout se passe en famille. Mais les ouvriers du 49 commencent à en avoir assez d'entendre toujours commenter les colonnes de L'Humanité et le retour au gouvernement du "parti du peuple".


LES OUVRIERS N'ONT PAS PEUR DE LUTTER, MAIS D'ETRE TRAHIS


CHEZ CITROËN

Chez Citroën, la grève a été déclenchée par le C.G.T., en dehors de la volonté de la majorité des ouvriers. En effet, beaucoup parmi eux n'ont pas encore réussi à remonter la pente depuis la grève du mois de juin, qui a duré plusieurs semaines. D'autre part, ils n'ont plus confiance en la C.G.T., qui les a si bien trahis cet été. Aussi, les premiers jours, bien qu'en dehors des mensuels, une infime minorité d'ouvriers continuât à travailler, la plupart des grévistes restaient chez eux, laissant ainsi les délégués cégétistes seuls pour tenir les piquets.

Mais le vendredi, quand la police, après avoir chassé brutalement les piquets, a commencé à surveiller l'accès des différentes usines, à Grenelle et à Javel, par exemple, un grand nombre d'ouvriers sont venus à l'usine dans l'intention de renforcer les cégétistes et de défendre la grève contre la répression gouvernementale.

Ainsi l'intervention de la police, loin d'effrayer les ouvriers et de les disperser, n'a fait, au contraire, que resserrer leurs rangs et les décider à la lutte.

Cependant, depuis le début de la semaine, les ouvriers viennent chaque jour plus nombreux reprendre le travail (lundi soir déjà, à Grenelle, sept cents ouvriers sur onze cents travaillaient). Leur attitude de vendredi dernier a, en tout cas, prouvé que ce n'est pas par crainte de la répression que les ouvriers recommencent à travailler, mais par manque de confiance dans le mouvement dirigé par la C.G.T., qui a d'ailleurs complètement disparu de l'usine depuis l'intervention de la police.

D'un autre côté, devant le danger extérieur, beaucoup d'ouvriers se sont enhardis et n'ont pas craint de dire leur fait aux délégués cégétistes qui, jusque-là, avaient fait la pluie et le beau temps dans l'usine : "Si on en est là, c'est de votre faute ; avant, il ne fallait pas faire grève, parce que Croizat et compagnie étaient au gouvernement. Mais maintenant, il faut que cela change !" disait un ouvrier à un délégué cégétiste.

Ainsi, les nécessités de la lutte pour en sortir obligeront les ouvriers de chez Citroën, comme d'ailleurs tous les autres, à prendre leurs propres affaires en main, à se débarrasser des dirigeants qui les ont trahis et à s'organiser à la base. Cela, de façon à ne pas voir se répéter une situation où les ouvriers désemparés reprennent le travail, sans avoir obtenu aucune garantie, par crainte d'être mis à la porte et privés de leur moyen d'existence, tombant ainsi à la merci de Boulanger.


AU MATERIEL TELEPHONIQUE

Au Matériel téléphonique (Boulogne), la grève a été déclenchée dans toute l'usine le mardi 19 novembre, sous l'instigation de la C.G.T. Comme partout, suivant sa méthode habituelle, la section syndicale cégétiste a imposé un comité de grève presque essentiellement composé de ses membres. Elle a interdit toute circulation entre les divers départements, établissant ainsi un cloisonnement étanche qui empêche les ouvriers de se voir, de se concerter et d'avoir une vue d'ensemble sur toute l'usine. Dans la nuit de mercredi à jeudi, une ouvrière, qui faisait partie d'un piquet, s'est vue brutalement refuser le droit d'aller dans un autre département, par un délégué, sous prétexte qu'il fallait empêcher les "provocateurs" de circuler.

Le résultat de ces méthodes anti-démocratiques, c'est que, bien que la plupart des ouvriers soient favorables à la grève, qu'ils considèrent comme le seul moyen de sortir de la situation actuelle, ils se désintéressent du mouvement : ils n'ont pas confiance dans une grève dont la C.G.T. détient le monopole exclusif. Outre les mensuels, qui ont refusé de faire grève aux départements 471-473, plusieurs dizaines d'ouvriers continuent à travailler (certains d'entre eux avaient pourtant participé à la grève de juin dernier).

"Que le bureau confédéral prenne ses responsabilités, qu'il déclenche la grève générale ! On ne veut pas recommencer l'expérience de 38 !" disait un ouvrier à une réunion du comité de grève, mercredi matin. Un autre demandait : "Pourquoi la C.G.T. veut-elle qu'on fasse grève maintenant, alors qu'au mois de juin, elle a été contre nous, quand on a voulu s'y mettre ?"

C'est cette méfiance presque générale vis-à-vis de la C.G.T. qui explique que les ouvriers ne prennent pas une part active à la grève, qu'ils viennent en très petit nombre à l'usine, laissant les délégués presque seuls pour assurer le roulement des piquets. Ce qui ne peut que faciliter la répression policière. Pour cela, la C.G.T. n'a évidemment qu'à s'en prendre à elle-même, et non pas à l'inaction des ouvriers.

En réalité, les ouvriers du L.M.T., comme tous les autres, ne craignent pas de se battre, ce qu'ils craignent, c'est d'être trahis par leurs propres organisations et livrés pieds et poings liés à la répression féroce de la bourgeoisie (beaucoup se souviennent de 1938). La meilleure preuve, c'est que samedi les effectifs pour les piquets se sont présentés plus nombreux, le comité de grève ayant fait monter de solides barricades aux entrées de l'usine (à la suite de l'évacuation par la police des usines Citroën).

Les ouvriers n'ont pas peur de se battre, mais ils veulent savoir pourquoi ils se battent et être matériellement en mesure de livrer bataille.


A la gare de Lyon : LES VRAIS DIVISEURS

Parti de la région méditerranéenne, l'ordre de grève fut lancé à la gare de Paris-Lyon dans la nuit de vendredi à samedi. Les "cadres syndicaux" avaient décidé l'arrêt du travail pour 7 heures. Aucun vote préalable, si ce n'est la "consultation", la veille, de quelques équipes de cheminots sur le "Manifeste de la C.G.T.", qui ne précisait rien à ce sujet.

Aussi, lorsque l'ordre de grève circula dans la gare, le flottement fut général. Il s'aggrava au fur et à mesure qu'arrivaient les agents de service, invités, d'une part, par la maîtrise à se prononcer personnellement et de vive voix pour ou contre la grève, et qu'un placard de la direction menaçait, d'autre part, de sanctions dans le cas où ils refuseraient de travailler.

Le syndicat accentue, de son côté, l'hésitation par l'absence de toute organisation de la grève : aucun comité de grève n'est élu. Il n'y a pas de piquets de grève, et c'est la police qui occupe la gare et garde les issues. "Officiellement", la section syndicale déclare laisser à chacun "le libre choix de ses actes", ce qui ne l'empêche pas, par ailleurs, de tergiverser lorsque la majorité des cheminots réclame un vote à bulletins secrets. Un vote à mains levées donne une faible majorité pour la grève. Les grévistes sont invités à quitter la gare, les autres à rester au travail.

Pris entre les mesures policières et d'intimidation de la direction et le manque d'organisation de la section syndicale, les agents hésitent. Quitter le lieu du travail, c'est se signaler individuellement et encourir les sanctions prévues. Rester, c'est faire acte de briseur de grève. La division s'accentue et le flottement s'aggrave d'heure en heure. Déjà la majorité des agents sont repris le travail. Ils sont pourtant prêts à débrayer totalement, et à prendre leurs responsabilités, si le syndicat, lui, prend les siennes.

Et la gare de Lyon présente, au moment où nous mettons sous presse, l'étrange aspect d'un chantier où tout le monde travaille et fait grève en même temps, puisqu'il n'y a pas de train. Seuls, les responsables syndicaux et quelques syndiqués, qui suivent aveuglément leurs ordres confus, font la grève chez eux.

Le syndicat a volontairement oublié les résultats désastreux de la grève de 1920, menée dans les mêmes conditions. Leur volonté de faire la grève sans démocratie effective coûtera cher à l'unité de la classe ouvrière, sans cesse réclamée par eux-mêmes. Les vrais diviseurs ont enfin jeté le masque.


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