1947

PRIX : 4 francs – 11 DECEMBRE 1947
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs – ORGANE DE LUTTE DE CLASSE


Voix des Travailleurs nº 28

Barta

11 DECEMBRE 1947


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OU ETAIENT LES SCISSIONNISTES ?

"Les manoeuvres de la réaction sont parvenues à entamer notre front de lutte". C'est ainsi que le "Comité central national de grève" cégétiste justifie la défaite à laquelle il vient de conduire les ouvriers.

Mais dans quelle catégorie de réactionnaires faut-il classer Léon Jouhaux et "Force Ouvrière" qui, par leur appel à la répression policière contre les grévistes ont entamé, plus qui quiconque, le front de lutte ? Ne sont-ils pas membres de la C.G.T. et du bureau confédéral ?

A l'épreuve, la C.G.T. qui devait soi-disant assurer l'unité des travailleurs, s'est avérée le principal facteur de division et de désagrégation. Quel spectacle lamentable que la scission, en plein mouvement gréviste, du cartel des fonctionnaires, de Fédérations faisant appel à la grève et leurs syndicats ne suivant pas, ou de syndicats faisant la grève quand leurs Fédérations se prononçaient contre ! Voilà les fruits du régime de violences et d'étouffement entretenu par les deux cliques, frachoniste et jouhausiste, qui forment l'appareil bureaucratique de la C.G.T.

Quel contraste avec le mois de mai, quand le Comité de grève réalisa, pour la première fois depuis 36, l'unité librement exprimée de tous les travailleurs de chez Renault, inorganisés ou organisés et quelle que fût leur appartenance !

Quelle différence entre une C.G.T. dont l'unité n'était que façade et l'attitude du S.D.R. qui a constamment subordonné son activité à la volonté de la majorité des travailleurs et à l'unité d'action avec les autres organisations syndicales.

Où sont les scissionnistes ?

Tous les travailleurs qui ne s'étaient résignés à rester dans la C.G.T. que parce qu'ils pensaient que celle-ci représentait tant bien que mal une garantie d'unité, sont aujourd'hui amèrement déçus. Le coup de poignard dans le dos de Jouhaux, en mettant fin au mythe de "l'unité" dans une C.G.T. bureaucratisée, les laisse complètement désorientés.

Mais l'action du Comité de grève, au mois de mai, et du S.D.R. depuis, bien que privés de toutes ressources ou facilités, prouve ce dont sont capables les travailleurs lorsqu'ils prennent leur sort en leur propre main.

Pour refaire l'unité syndicale de la classe ouvrière, il n'y a d'autre moyen que de commencer à reconstruire à la base, dans chaque usine, des syndicats directement sous le contrôle des ouvriers, englobant leur majorité sans distinction de tendances, et lier ces syndicats les uns aux autres au fur et à mesure de leur création. Dans certains cas, comme chez Alsthom-Lecourbe, le Syndicat C.G.T. en entier, se méfie depuis longtemps de la direction confédérale, et le lien avec celle-ci n'est que nominal. Mais dans un cas comme dans l'autre, il faut s'assurer des fondations de la maison avant de mettre le toit ; et c'est là tout le sens du travail accompli jusqu'à maintenant par les camarades initiateurs du S.D.R.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS


CE QUI EST GAGNE

Il aura fallu une nouvelle lutte gréviste pour que le gouvernement se décide à accorder une aumône de 1.500 francs, alors que le salaire ouvrier est unanimement reconnu comme un salaire de famine.

Après trois semaines de grève, les ouvriers sont obligés de reprendre le travail avec les concessions que, la veille encore, la C.G.T. jugeait inacceptables.

Le gouvernement verse des larmes de crocodile sur les pertes qu'a subies l'économie, alors que, par son refus délibéré de garantir une adaptation des salaires au coût de la vie, il entend continuer la politique d'affamement et de vie chère qui est la cause de toutes les batailles pour les salaires depuis le mois de mai.

La C.G.T. déclare qu'elle a donné l'ordre de reprise générale parce que le gouvernement a désorganisé le mouvement gréviste en acculant les ouvriers à la famine, provoquant ainsi de nombreuses reprises partielles.

Mais si la C.G.T. avait été capable de diriger une grève générale, il n'aurait pas fallu attendre trois semaines pour que la classe ouvrière accule le gouvernement à capituler, comme en juin 36, au lieu que ce soit le gouvernement qui accule la classe ouvrière.

La grève, dirigée par la C.G.T. à l'échelle nationale, n'a englobé qu'une minorité, malgré la volonté de lutte de tous. Si elle n'a pas entraîné la solidarité simultanée de toutes les catégories de travailleurs, n'est-ce pas parce que, dans les luttes précédentes, les dirigeants cégétistes avaient été les premiers à donner l'exemple du fractionnement et de la division? Contre une organisation, qui pendant sept mois ne se serait pas attiré la méfiance sinon la haine des ouvriers, le coup de poignard dans le dos de Jouhaux et les menaces gouvernementales auraient été inefficaces. C'est parce que la C.G.T. avait acculé la classe ouvrière à la démoralisation que le gouvernement a pu l'acculer à la famine.

Le patronat et son gouvernement ont le cynisme de déclarer qu'aucune amélioration durable du sort des travailleurs n'est à envisager, que la situation ira en s'aggravant.

"Il faut regrouper et rassembler nos forces pour les combats futurs qui seront rudes", disent les dirigeants cégétistes dans le manifeste du Comité national de grève.

Mais c'est là une vieille vérité qu'ils viennent seulement de découvrir (comme ils ont découvert récemment la nécessité de la revendication de l'échelle mobile), et que nous avions expliquée depuis longtemps.

Seulement ce qui s'est également révélé, c'est que la direction faillie de la C.G.T., avec sa prétention au monopole du mouvement ouvrier, n'est pas capable de mener ces combats. En conséquence, cette grève aura eu l'effet salutaire d'avoir convaincu nombre de militants de base de la C.G.T. même de la nécessité d'une collaboration fraternelle entre tous les ouvriers quelles que soient leurs tendances et leurs organisations. C'est là un acquis positif, pouvant, dans les mois qui viennent, s'avérer décisif pour le relèvement du mouvement ouvrier.


DEUX GREVES

Si, depuis près de dix ans, les travailleurs de chez Renault n'avaient pas fait grève, cette année ils en ont fait deux. Mais, bien que très rapprochées et ayant les mêmes objectifs : le salaire minimum vital garanti, ces deux grèves ont été totalement différentes l'une de l'autre.

Au mois de mai, la grève contre la direction patronale et gouvernementale fut déclenchée par une poignée d'ouvriers, malgré l'hostilité ouverte des dirigeants syndicaux.

La grève du mois de novembre, au contraire, fut déclenchée par les dirigeants cégétistes.

Cependant, à force d'avoir endigué le mouvement gréviste général pendant des mois, c'est dans les pires conditions qu'ils furent obligés d'y entrer (l'approche de l'hiver, le manque de travail dans l'usine et la méfiance qu'à juste titre ils s'étaient attirée de la part des ouvriers).

Mais, "au mois de mai, le mouvement avait été déclenché par une poignée de diviseurs et n'avait aucune chance d'aboutir, tandis qu'aujourd'hui c'est la grande C.G.T. qui prend ses responsabilités". Ainsi se rassuraient les fidèles. Dans leur enthousiasme, ils avaient oublié ce que disait Carn aux responsables syndicaux, huit jours avant : "Vous savez bien qu'actuellement c'est impossible de déclencher la grève.

Les ouvriers ne nous suivraient pas".

Les ouvriers ont suivi quand même ce mouvement déclenché d'en haut, en dehors de leur volonté, parce qu'ils savent bien que seule l'action directe peut faire aboutir leurs revendications.

Mais il s'est avéré que la grève a été mieux conduite au mois de mai avec des ouvriers du rang, qu'aujourd'hui par la "grande" C.G.T.

Au mois de mai, la seule grève Renault a donné le branle à tout le mouvement revendicatif de cet été, sans aucun ordre venant d'en haut. La grève générale des cheminots a fait capituler le gouvernement au bout d'une semaine.

C'est l'unanimité de tous les travailleurs qui caractérisait le mouvement au mois de mai, que seule l'opposition farouche de la C.G.T. a empêché d'éclater en une grève générale.

Au mois de novembre, la C.G.T., englobant des millions d'adhérents et dirigeant le mouvement, n'a pas pu empêcher la division, le manque de confiance, elle n'a pas été capable de faire renaître un nouveau juin 1936.

Au mois de mai, le comité de grève Collas fut capable de rallier dans la grève tous les ouvriers de l'usine, y compris les cadres, qui débrayaient malgré l'opposition farouche des responsables cégétistes.

Au mois de novembre, il a fallu que les piquets de grève emploient la force pour empêcher la maîtrise et les employés de continuer le travail.

En mai, alors que tous les ouvriers étaient dans la grève, alors qu'ils refusaient de reprendre le travail le mardi 29 avril, à 13 heures, comme l'avait préconisé la C.G.T., celle-ci organisait un vote secret dans l'usine, pour briser le mouvement. Le résultat fut que deux tiers des ouvriers se prononcèrent pour le comité de grève.

En novembre, la même direction cégétiste dut s'opposer de toutes ses forces à ce qu'un vote ait lieu, tant elle craignait le sentiment des ouvriers.

Au mois de mai, les travailleurs de Collas, continuant la grève trois jours de plus que le restant de l'usine, arrachèrent à M. Mayer le paiement des heures de grève pour tous, revendication reprise depuis dans toutes les grèves. Contre les grévistes de Collas, la section syndicale C.G.T. fit alors appel à MM. Lefaucheux et Mayer pour faire respecter la "liberté du travail". Mais les grévistes avaient pour eux la sympathie de tous les travailleurs de la Régie qui, en deux jours, collectèrent plus de 60.000 francs pour les soutenir.

Au mois de mai, les ouvriers formaient eux-mêmes leurs piquets et comités de grève, chaque travailleur pouvant ainsi librement se manifester. La démocratie ouvrière réalisait l'unité.

Au mois de novembre, la section syndicale a rejeté du Comité central de grève les militants ouvriers du S.D.R. partisans de la grève, parce qu'ils n'étaient pas dans la C.G.T., pendant que les bureaucrates pro-grévistes (Frachon) et antigrévistes (Jouhaux) faisaient "l'unité" dans le bureau confédéral.

Au mois de mai, les ouvriers allaient eux-mêmes faire débrayer d'autres usines et faire la propagande pour la grève générale et ses revendications.

Au mois de novembre, le Bureau confédéral de la C.G.T., de peur de prendre ses responsabilités, s'est défendu publiquement d'avoir voulu déclencher la grève générale.

L'échec du mouvement de novembre n'est pas une défaite directe de la classe ouvrière, mais celle d'une entreprise que les dirigeants cégétistes ont mené à sa perte, parce qu'ils sont désormais incapables de gagner la confiance des ouvriers qu'ils ont abusés.

La grève de mai prouve que l'organisation des travailleurs du rang est capable de surmonter obstacles et difficultés, la grève de novembre prouve que les défaites sont l'oeuvre des directions bureaucratiques. Les ouvriers n'avaient pas encore suffisamment compris en mai la leçon que leur renouvelle le mouvement en novembre.

P. BOIS


UNE DANGEREUSE FICTION

Pourquoi Schuman a-t-il demandé au parlement de voter des lois spéciales pour la répression des "délits" de grève ? Comme l'ont fait remarquer les journaux, il pouvait mobiliser des soldats ou arrêter des saboteurs sans lois nouvelles. D'innombrables textes de loi, dont certains datant depuis un siècle ou établis par Pétain, permettent en réalité au gouvernement dit "républicain" de prendre n'importe quelle mesure ! Ce n'est donc point juridiquement que Schuman avait besoin de l'aide du parlement, mais politiquement.

Depuis la "libération", la bourgeoisie avait pu maintenir les travailleurs à un niveau de famine, tout en les empêchant de revendiquer, par la collaboration de tous les chefs syndicaux avec le gouvernement. La présence des chefs communistes et socialistes au sein de celui-ci assura "pacifiquement" la paix sociale - un régime dans lequel les travailleurs acceptèrent de se serrer la ceinture, tandis que les gros requins de l'industrie et de la banque poursuivaient tranquillement leur pillage des richesses de la France. Pendant cette période de "produire d'abord, revendiquer ensuite" (Thorez), il ne pouvait donc y avoir que des cas de répression isolés.

Mais la vague de revendications ouvrières, qui a surgi au mois de mai avec la grève Renault, a cependant obligé les dirigeants de la C.G.T. et du P.C.F. à rompre leur collaboration avec la bourgeoisie et à "soutenir" (comme la corde soutient le pendu) les luttes ouvrières actuelles. Prise à l'improviste par le mouvement, la bourgeoisie fut forcée de faire des concessions, en apparence minimes, mais qui permirent cependant au mouvement ouvrier de prendre toujours plus d'extension.

Cependant, laissée sans riposte, il est certain que, finalement, la vague aurait débordé la bourgeoisie et son Etat. Faute de pouvoir obtenir comme auparavant que les ouvriers "persuadés" (c'est-à-dire trahis) par leurs propres dirigeants, renoncent de "bon gré" à leurs revendications, la bourgeoisie devait avoir recours à une politique de force. Non pas contre des travailleurs isolés, mais contre toute la classe ouvrière. C'est pourquoi Schuman eut besoin de la sanction du parlement. Contre le véritable peuple, il fallait que l'utilisation de la force soit faite au nom des représentants fictifs du peuple : c'est-à-dire des députés et des conseillers de la République !

Une fois de plus les travailleurs peuvent se rendre compte du rôle véritable du parlement, instrument des riches contre les pauvres. Déjà à la suite de la victoire de juin des cheminots, c'est le parlement qui, en votant le "plan" financier de Schuman, a permis à la bourgeoisie de reprendre aux travailleurs de la main droite ce qu'elle avait été contrainte d'abandonner de la main gauche. C'est encore le parlement qui sanctionne aujourd'hui le passage à une politique de force contre la classe ouvrière. Seuls peuvent s'en étonner ceux qui ne comprennent pas que tant que la bourgeoisie est maîtresse de toutes les richesses, elle est aussi maîtresse de toutes les institutions en apparence le plus démocratiquement élues. Mais n'est-ce pas le parlement élu en 1936, en plein "Front populaire",  qui a voté en 1940 pour Pétain ?

Le fait que le parlement ait voté les lois Schuman fait prévoir qu'il peut aussi "légaliser" un De Gaulle, lorsque le besoin s'en fera sentir. Pour l'instant le gouvernement lui a fait endosser ses responsabilités dans la lutte qui se mène dans le pays : chaque gréviste assommé, chaque manifestant blessé, chaque militant ouvrier emprisonné - le parlement l'a voté.

A. MATHIEU


PROPOS DE L'OUVRIER

M. MAYER RECIDIVE

Il y a un mois, M. Daniel Mayer, ministre du Travail, s'élevait contre le paiement des heures de grève.

Il ne faut pas, voyez-vous, que la grève devienne un congé payé supplémentaire. En réalité, le non     paiement des heures de grève, quand le travailleur n'arrive pas à joindre les deux bouts même quand il travaille, vise tout simplement à rendre pratiquement impossible l'exercice du droit de grève. Et pour ne pas rester en si bon chemin, D. Mayer revint à la charge la semaine dernière. Il se mit à exalter à la radio, "le bon vieux temps" où les travailleurs en grève risquaient la mise à la porte et même la prison. A ce moment-là au moins, la grève c'était quelque chose !

Aujourd'hui les quelques garanties que la classe ouvrière a obtenues concernant l'exercice du droit de grève (non licenciement, etc...) apparaissent à M. Mayer et ses maîtres comme autant de sinécures.

Mais tandis que M. Mayer parlait, la police agissait, comme au bon vieux temps, foulant aux pieds toutes garanties.

Pratiquement, pendant les dernières semaines, le droit de grève a été remplacé par "la liberté du travail", sous la menace des matraques policières.

Ces messieurs n'ont pas hésité à ramener les travailleurs sous le régime des gros risques. Certains même des représentants de la bourgeoisie ne rêvent que d'aller jusqu'au bout et de pouvoir punir les grévistes, comme il y a cent cinquante ans, par la peine de mort. C'est ce que prévoyait la loi Le Chapelier, votée en 1792 par la bourgeoisie.

...Mais si au lieu d'évoquer les "temps héroïques", pour les ouvriers, M. Mayer le faisait pour lui et ses semblables ?

Il apparaîtrait, alors, que les plus à plaindre, ce sont les parlementaires et les ministres qui, au lieu de risquer, comme au "bon vieux temps" de la Révolution Française, la prison et même la mort pour leurs agissements contre le peuple, engraissent, sous la IV° République, tranquillement dans leurs fauteuils de ministre ou de député, ne sont inquiétés d'aucune façon, pour aucun de leurs actes et finissent ennuyeusement leur vie en souffrant de la goutte.

Le peuple a décidément eu tort d'avoir laissé transformer en sinécures grassement payées des fonctions aussi décisives pour la vie des masses.

Mais qu'à cela ne tienne ; que messieurs les ministres ramènent par une répression accrue les travailleurs au bon plaisir patronal, et le "bon vieux temps" des risques "héroïques" reviendra pour tout le monde... Avant tout pour nos impudents ministres.


QUI IMPOSERA LA DEMOCRATIE ?

Pour désorganiser le mouvement gréviste, le gouvernement et le patronat ont mené campagne pour le vote à bulletin secret sous prétexte de faire respecter la volonté des ouvriers.

Or, quelques semaines avant la grève, chez Renault, au secteur Collas, les camarades du Syndicat démocratique avaient justement organisé un vote à bulletin secret pour soutenir le mouvement des employés du métro. La majorité se prononça pour la grève. Que fit alors la direction de la Régie ? Elle réclama tout simplement le licenciement des ouvriers qui avaient organisé le vote. Et il fallut le double arbitrage de l'Inspection locale du Travail et de l'Inspection divisionnaire pour que la sanction ne soit pas appliquée.

En organisant ensuite un vote à bulletin secret, le lundi 1er décembre, à la porte de Versailles, soi-disant pour faire respecter la liberté du travail, la direction de la Régie Renault n'a fait que dévoiler son hypocrisie, car dans ce cas, M. Lefaucheux comptait sur une reprise du travail. En réalité, gouvernement et patronat n'ont utilisé le vote secret que comme moyen de faire reprendre le travail aux ouvriers. C'est tout ce qui les intéressait.

Mais ce n'est ni au gouvernement, ni au patronat, de venir faire respecter la démocratie au sein de la classe ouvrière. Cela ne les regarde pas. Et leur simple ingérence dans les affaires des ouvriers est elle-même une atteinte à la liberté ouvrière. Les travailleurs sont assez grands pour faire la police chez eux et imposer eux-mêmes le respect de la démocratie.


NE PRENEZ PAS LES "ALLOCATIONS FAMILIALES" DANS LA POCHE DES TRAVAILLEURS !

Chaque fois que le problème des salaires se pose, le gouvernement ne manque pas d'inclure dans les miettes qu'il jette aux travailleurs, l'augmentation des allocations familiales.

C'est encore ce qui s'est produit cette fois-ci.

Pourquoi cette "politique de la famille" : en fait, aujourd'hui, la plupart des travailleurs sont incapables de vivre du produit de leur travail. A plus forte raison, comment les pères de familles nombreuses pourraient-ils subvenir aux besoins de leur nichée ? Il faut bien que le gouvernement leur jette une aumône supplémentaire, s'il ne veut pas les voir réduits à la famine pure et simple.

Mais chacun sait ce que représentent les allocations familiales : il faut avoir quatre enfants pour toucher le salaire d'un O.S. Et qui oserait prétendre qu'un salaire d'O.S. suffise pour faire vivre quatre personnes ?

D'autre part, comment est financé le budget des allocations familiales ? Avant la création de la sécurité sociale, le budget des allocations familiales et celui des assurances sociales étaient complètement distincts. Pour les assurances, le patron et les ouvriers versaient chacun une cotisation égale. Pour les allocations familiales, au contraire, seul le patron versait un pourcentage sur l'ensemble des salaires par lui payés, à une "Caisse de compensation" qui versait ensuite les allocations au personnel de ses adhérents. C'étaient donc uniquement les cotisations patronales qui finançaient ces allocations.

Aujourd'hui, assurances sociales et allocations familiales ont été fondues en une seule caisse. Résultat : par ce moyen, une partie des cotisations ouvrières sert à payer aux familles nombreuses le supplément de salaire qui leur est indispensable. Bien plus, dans les dernières dispositions prises par le gouvernement, il est prévu que les 1.500 francs subiraient la retenue "sécurité sociale" alors qu'aucune cotisation supplémentaire ne serait imposée au patronat pour les allocations, celles-ci devant être financées par l'Etat : c'est-à-dire les contribuables.

L'augmentation des allocations familiales, loin donc de représenter un prélèvement supplémentaire sur les bénéfices des capitalistes, est, au contraire, UN MOYEN DE FAIRE PAYER A L'ENSEMBLE DES TRAVAILLEURS, LE SOUTIEN DES PLUS DESHERITES D'ENTRE EUX.

Il est normal que les travailleurs chargés de famille perçoivent un supplément de salaire. Mais c'est le patronat, et lui seul, qui doit assumer la charge de ce supplément.

F. LUCIENNE

Note : la conclusion n'est pas "dans la ligne" de notre position sur les salaires.


CHEZ RENAULT


DAVID ET GOLIATH

Trois camarades du S.D.R. se sont présentés au Crédit lyonnais à Boulogne pour y déposer les quelques billets que représente la caisse du syndicat.

Après de nombreuses chinoiseries sur les formalités, le caissier principal refusa d'accepter le dépôt. (Les grosses banques n'ont pas besoin des quelques sous des travailleurs).

"Nous ne pouvons pas vous ouvrir un compte", dit l'homme au faux col en zinc, "nous n'avons aucune garantie, vos statuts mentionnent que les dirigeants du syndicat sont élus et révocables à tout instant..."

Vous vous rendez compte, vous, petit syndicat de grève, et, Nous Crédit lyonnais. Non, c'est impossible.

Un jour "les petits syndicats de grève" démoliront tous les Crédits lyonnais.


LEUR METHODE

Aux fonderies, atelier 66, un ouvrier vint demander au délégué une attestation affirmant qu'il était gréviste pour pouvoir obtenir, de la mairie de Suresnes, où il habite, des repas gratuits dans les écoles pour ses enfants.

Le délégué lui répondit : "Je ne peux pas te donner d'attestation, tu viens ici juste pour pleurer", et il refusa l'attestation.

Les cégétistes, qui ont fait appel plusieurs fois aux ouvriers pour qu'ils "tiennent", avaient une manière bien à eux de les y encourager.


ILS NE PERDENT PAS LE NORD

Un ouvrier, syndiqué aujourd'hui au S.D.R., avait été mis à la porte en 1938. Jugeant la sanction arbitraire, il attaqua le seigneur de Billancourt au prud'homme. Il perdit. Ce camarade, qui fut pendant cinq ans prisonnier, vient de recevoir une note, l'invitant à payer la moitié des frais résultant de l'instance prud'homale terminée par jugement du 15-2-39 et appel du 15-6-39, soit 286 francs.

Dans sa tombe, Louis Renault attaque encore les travailleurs.


ILS DEFENDENT JOUHAUX

Au Comité central de grève de la Régie Renault, une délégation a été formée pour aller signifier à Jouhaux que, s'étant conduit en briseur de grève, il n'avait plus de place dans la C.G.T. et, au besoin, lui cracher au visage.

Au département 49, le responsable du comité de grève qui rapportait cette décision s'est vu arrêté par cette réflexion d'un ouvrier : "C'est seulement aujourd'hui que vous vous apercevez que Jouhaux est un traître ?"

Non, évidemment, ce n'est pas aujourd'hui que les responsables cégétistes se sont aperçus de la trahison de Jouhaux. Mais ils ne pouvaient rien faire, non seulement ils ne pouvaient rien faire contre lui, mais ils le défendaient (qui se ressemble, s'assemble) contre les attaques des ouvriers.

Lorsque Jouhaux revint d'Allemagne après la "Libération", les représentants cégétistes, chez Panhard (porte de Clichy) expliquèrent aux ouvriers, au cours d'une assemblée syndicale, que l'on ne pouvait pas faire autrement que de remettre Jouhaux à sa place, parce qu'il avait été déporté en Allemagne. Les ouvriers protestèrent vivement et, écoeurés, les trois quarts quittèrent la salle. La résolution demandant le retour de Jouhaux au secrétariat général fut votée à l'unanimité... du quart qui restait.

A la même époque, chez Citroën, à Levallois, sur proposition d'un camarade oppositionnel, une motion réclamant l'exclusion de la C.G.T. de Jouhaux fut votée à l'unanimité, moins les trois voix du bureau.

Huit jours après, le secrétaire général de toutes les usines Citroën descendait dans une réunion extraordinaire convoquée spécialement pour "expliquer" le cas Jouhaux. Après les "explications" du bonze cégétiste, appuyées de la claque organisée, la motion fut annulée. Depuis, Frachon et Jouhaux se sont toujours mis d'accord pour inviter les ouvriers à produire. On n'a aucune nouvelle du résultat de la délégation récente du comité de grève Renault, et Jouhaux et Frachon sont toujours côte à côte dans les fauteuils du secrétariat général de la C.G.T.


AU MATERIEL TELEPHONIQUE

Pas d'unité sans démocratie

Si les ouvriers du L.M.T., après avoir voté, quelques semaines auparavant, contre la grève, sont entrés en lutte, c'est dû, en partie, à leur situation actuelle, mais, avant tout, à l'ampleur que paraissait prendre le mouvement. Les responsables cégétistes ayant promis une grande lutte généralisée, avec toutes les garanties.

Seuls quelques ouvriers continuèrent à travailler, dont plusieurs méfiants, qui attendaient un mouvement effectif pour s'y joindre. Un ancien délégué du 473 était du nombre. Mais la majorité des grévistes restèrent chez eux. Quant aux autres (pour la plupart des cégétistes), plus combatifs, ils organisèrent la défense de l'usine, dressèrent des barricades, formèrent des équipes de garde, etc.

Mais au bout de trois semaines de grève, l'inquiétude finit par gagner les grévistes malgré les bals et les tombolas. La police et le renvoi ne les effrayaient pas. Au contraire, tous étaient prêts à lutter, mais l'unanimité, qui est tout, n'existait pas et chaque gréviste se sentait impuissant contre cela.

– Il faut s'unir à la base, disait un délégué.

– Si tous les gars marchaient, reprenait un ouvrier, nous ferions des manifestations.

– Si toutes les corporations arrêtaient en même temps, ça ne durerait pas si longtemps, ajoutait un autre, énervé.

Quant au délégué cégétiste Deveau, qui sentait de quel côté venait le vent, il avait découvert les coupables et déclara, dans une assemblée générale : "Si le mouvement n'est pas unanime, c'est la faute de ceux qui criaient à la grève, avant, et qui, maintenant, font les jaunes".

Mais qu'avait dit M. Deveau à cette époque-là ? "Un tel mouvement se heurterait à la police et à la réaction fasciste. La classe ouvrière n'est pas prête."

Que pouvaient penser les ouvriers du L.M.T. quand ce même Deveau, ces jours derniers, envisageait l'intervention de la police pour faire voir comment les ouvriers savent se battre (sic), alors que ceux-ci étaient divisés, affaiblis et que certains d'entre eux, après avoir écouté la C.G.T., parlaient de reprendre le travail isolément parce qu'ils se sentaient trahis. Quand, dans une réunion, un délégué cégétiste, après un laïus interminable sur la force d'un grand mouvement généralisé, déclarait à un ouvrier que le bureau confédéral était contre ?

Le bluff des girouettes cégétistes du L.M.T. n'aura pas trompé les ouvriers. Les défaites changées en victoires ne peuvent que les détourner davantage de la lutte.

En réalité, même des délégués cégétistes, au L.M.T., arrivèrent à comprendre que seul un regroupement démocratique de tous les ouvriers à la base peut assurer l'unanimité, gage essentiel de leur victoire.


A LA GARE MONTPARNASSE

"Les stratèges"

A la gare Montparnasse, voici comment le travail a repris, au moins en ce qui concerne le secteur aiguillage : la direction, carrément, demanda au personnel de cesser la grève. Les seules conditions que posèrent les délégués cégétistes locaux furent qu'aucune sanction ne serait prise contre le personnel. Or, il se trouve justement que les responsables syndicaux occupent les bonnes places, en vertu de la politique qui consiste à se caser aux postes importants, soi-disant en vue du Grand Jour. On comprend leur réticence !

La direction accorda cette condition et le travail reprit. Pendant trois ans, ces soi-disant représentants ouvriers ont justifié leur arrivisme en expliquant que la tactique est de s'emparer "en douce" des points stratégiques. Mais le moment de la bataille venu, on voit à quoi ils leur servent : non à combattre, mais à capituler.


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65, rue Carnot, Suresnes (Seine)
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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