1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


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La deuxième et la troisième Internationales


38 : Les Socials-Chauvins

Les trompeuses formules dont la presse de la bourgeoisie, tous les jours, inondait les masses (journaux, périodiques, tracts, etc.), sont devenues les formules des traîtres du socialisme.

Les anciens partis socialistes se sont divisés dans presque tous les pays en trois courants : les social-chauvins, traîtres avérés et cyniques, les traîtres dissimulés et hésitants qu’on appelle centristes, et enfin ceux qui sont restés fidèles au socialisme et autour desquels se sont organisés plus tard les partis communistes.

Les social-chauvins prêchent la haine de l’humanité sous le drapeau du socialisme, l’appui donné aux Etats de brigands bourgeois sous la formule trompeuse de la défense nationale. On trouve parmi eux les chefs de presque tous les anciens partis socialistes : En Allemagne, Scheidemann, Noske, Ebert, David, Heine, etc.; en Angleterre, Henderson; en Amérique, Samuel Gompers (le chef de la Fédération du Travail); en France, Renaudel, Albert Thomas, Jules Guesde et les chefs du syndicalisme, comme Jouhaux; en Russie, Plekhanov, Potressov; les socialistes-révolutionnaires de droite, Katherine Brechkovsky, Kerensky, Tchernov; les mencheviks de droite, Lieber, Rosanov; en Autriche, Renner, Seitz, Victor Adler; en Hongrie, Garami, Buchinger, etc.

Tous ont été pour la défense de la patrie bourgeoise. Quelques-uns adhérèrent même ouvertement à la politique de rapine, admirent annexions, dommages de guerre, pillage des colonies (on les appelle ordinairement : social-impérialistes). Pendant toute la guerre, ils soutinrent cette politique, non seulement par le vote des crédits, mais aussi par leur propagande. Le manifeste de Plekhanov a été affiché en Russie par le ministre du tsar, Khvostov. Le général Kornilov avait pris Plekhanov comme ministre dans son cabinet. Kerensky (socialiste-révolutionnaire) et Tseretelli (menchevik) cachèrent au peuple les traités secrets du tsar; ils écrasèrent le prolétariat de Pétersbourg pendant les journées de juillet; socialistes-révolutionnaires et mencheviks de droite firent partie du gouvernement de Koltchak; Rosanov se fit l’espion de Youdenitch. Bref, avec toute la bourgeoisie, ils étaient partisans de prêter appui à la patrie pillarde bourgeoise et de renverser la patrie prolétarienne des Soviets. Les social-chauvins français ont fait partie d’un ministère de brigands (Guesde, Sembat, Thomas), ont soutenu tous les projets de brigandage des alliés, l’étranglement de la Révolution russe et l’envoi de troupes contre les ouvriers russes. Les social-chauvins allemands, Guillaume étant encore empereur, ont également fait partie du gouvernement (Scheidemann), ont soutenu Guillaume lorsqu’il assassinait la révolution en Finlande, pillait l’Ukraine et la Grande-Russie; des social-démocrates (Winning à Riga) ont dirigé les batailles contre les ouvriers russes et lettons; plus tard, ils ont assassiné Liebknecht et Rosa Luxemburg et réprimé, de la façon la plus atrocement sanglante, les soulèvements des ouvriers communistes à Berlin, Leipzig, Hambourg, Munich, etc. Les social-chauvins hongrois, après avoir soutenu en son temps le gouvernement monarchique, ont trahi ensuite la République des Soviets. Bref, dans tous ces pays, ils se sont montrés de vrais bourreaux de la classe ouvrière.

Lorsque Plékhanov était encore révolutionnaire, il écrivait dans le journal Iskra, publié à l’étranger, que le XX° siècle, auquel il est réservé de réaliser le socialisme, verrait probablement se produire une énorme scission parmi les socialistes et une lutte formidable et acharnée entre eux. De même que, sous la Révolution française, de 1789 à 1793, le parti révolutionnaire extrême (la Montagne) fut en guerre avec le parti modéré, devenu contre-révolutionnaire (la Gironde), de même — disait Plekhanov — le XX° siècle verra probablement se dresser les uns contre les autres les anciens camarades, car une partie d’entre eux passera du côté de la bourgeoisie.
Cette prophétie de Plekhanov s’est entièrement réalisée. Seulement il ignorait alors qu’il serait au nombre des traîtres.

Les social-chauvins (on les appelle aussi opportunistes) se sont ainsi transformés en ennemis de classe déclarés du prolétariat. Pendant la grande Révolution mondiale, ils combattent dans les rangs des blancs contre les rouges; ils marchent avec les généraux, la bourgeoisie, les gros propriétaires. Il va de soi qu’il faut mener contre eux une lutte impitoyable, aussi résolue que contre la bourgeoisie dont ils sont les agents.

Ce qui reste de la II° Internationale, que ses différents partis essayent de ranimer, n’est au fond qu’un bureau de la Société des Nations que la bourgeoisie utilise contre le prolétariat.


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