1961 |
" A ceux qui crient à « l'Espagne éternelle » devant les milices de la République avec leurs chefs ouvriers élus et leurs titres ronflants, il faut rappeler la Commune de Paris et ses Fédérés, ses officiers-militants élus, ses « Turcos de la Commune », ses « Vengeurs de Flourens », ses « Lascars ». " |
La Révolution et la Guerre d’Espagne
II.9 : La bataille de l'Ebre et la campagne de Catalogne
L'abandon définitif de la République a coïncidé avec la chute du second gouvernement Blum; à cette date, la victoire des nationalistes en Aragon, la Catalogne coupée de la République, donnent l'impression qu'un effondrement peut se produire d'un moment à l'autre, faisant éclater le front républicain. Sans doute l'offensive en direction de Valence s'est-elle ralentie sur les lignes de Viver ; mais il faut toujours compter, après un gros, effort militaire, sur une période de regroupement et de réadaptation. Du reste, les attaques contre Viver n'ont pas cessé jusqu'au 23 juillet, tenant en haleine les troupes gouvernementales fatiguées, moralement affaiblies par la retraite et par la certitude de se battre désormais sur leur dernière ligne de défense. La coupure avec la Catalogne interdit d'amener dans le secteur Centre-Sud toute aide matérielle venant de la frontière française: laisser s'engager le combat dans ces conditions peut être désastreux.
C'est alors que, pour sauver Valence, pour, tenter dans un ultime effort de regrouper les forces républicaines, l'état-major gouvernemental tente de reprendre l'initiative. C'est l'offensive de l'Ebre, dont le déclenchement surprendra non seulement les Espagnols, mais aussi les puissances étrangères, qui n'escomptent plus guère une action républicaine de grande envergure.
Rojo constate qu'il est devenu « nécessaire de réaliser un effort gigantesque aussi bien sur le plan militaire que sur le plan international ». Depuis le début de l'année 38, la tension a de nouveau augmenté entre les puissances occidentales et l'Allemagne. Première annexion caractérisée de l'hitlérisme, l'Anschluss annonce d'autres prétentions. La guerre européenne se prépare en Europe centrale. Du même coup, le gouvernement Negrín entrevoit une nouvelle fois la possibilité d'internationaliser le conflit. Encore faut-il prouver à l'Europe et au monde que les revers subis n'ont pas ébranlé la volonté de lutte des républicains, que le moral des troupes et de la population est toujours solide, bref que le mouvement qui a soulevé le peuple espagnol en 36 a su résister au temps et aux épreuves de la guerre. Peut-être Negrín songe-t-il aussi à prouver que l'issue du conflit est encore lointaine et que les adversaires doivent accepter un compromis. L'offensive de l'Ebre est donc une opération politique autant que militaire.
Mais pourquoi avoir choisi le secteur de l'Ebre, qui, nécessitant la traversée du fleuve en un endroit difficile, présente un danger supplémentaire? Pour sauver Valence, il n'y a en réalité que deux moyens : ou bien une contre-attaque directe au nord de Sagonte, permettant de reprendre une partie du terrain perdu au cours des mois précédents et de dégager la capitale du Levant (mais cette opération serait sérieusement compromise au départ par la fatigue des troupes engagées, le manque de réserves, les ponctions importantes déjà opérées sur les fronts de Madrid, d'Estrémadure et d'Andalousie) ; ou bien une action d'envergure dans un autre secteur essentiel, empêchant la reprise de l'offensive nationaliste sur Valence. Obliger les franquistes à se détourner du Levant vers la Catalogne, tel est le premier objectif que se propose l'état-major républicain.
Les forces qui vont participer à l'attaque ont été regroupées dans la zone Nord; elles sont encore solides, admirablement préparées à l'action de surprise qu'il faudra mener d'abord pour traverser le fleuve. Certains problèmes sont évidemment difficiles à résoudre; notamment la nécessité de faire passer l'Ebre au matériel lourd pour atteindre le second objectif, une rupture du front nationaliste permettant la reconquête d'une partie de la côte de la Méditerranée : seule en effet une réussite totale pourra convaincre que l'armée républicaine est encore capable de vaincre. Mais si l'opération avorte au départ, cet échec risque de tourner au désastre. L'état-major a certainement pris un risque, mais c'est un risque calculé. Il n'est plus possible en effet de rester passif: une victoire complète est impensable, étant donné le rapport des forces, mais un succès local est nécessaire, et possible.
Le point où doit se déclencher l'offensive a été fixé dès le mois de juin. Le général Rojo indique à ce sujet que les ambitions d'abord vastes de l'état-major ont fini par se borner à l'objectif suivant: forcer le passage de l'Ebre de part et d'autre de la boucle, occuper les hauteurs au sud et pousser en profondeur.
A cette action principale, mais de portée limitée, s'adjoindront deux opérations complémentaires, l'une vers l'ouest sur l'axe Fayon-Mequinenza, destinée à couper les communications des troupes franquistes et à entraver l'arrivée des renforts, l'autre vers la côte, qui ne représenterait qu'une diversion. Dans l'ensemble, les ambitions gouvernementales se révèlent assez modestes, bien que les forces mises en action soient importantes : l'armée de l'Ebre, renforcée par un certain nombre de divisions prises sur l'armée de l'Est [1]. Mais les délais nécessaires à la concentration des hommes et de l'armement, au rassemblement des barques qui doivent permettre les premiers passages, à l'arrivée des éléments de ponts qui vont être lancés par-dessus le fleuve, obligent à retarder le début de l'offensive. Tout cela va traîner une cinquantaine de jours. Malgré tout, l'effet de surprise obtenu sera à peu près total.
Dans la nuit du 24 au 25 juillet, les barques sont discrètement mises en place. L'attaque par petits groupes d'assaut chargés d'une mission de « commando » correspond à la fois aux moyens et à la meilleure utilisation des combattants républicains. Le succès en est à peu près complet, bien que les services techniques se révèlent, comme presque toujours dans l'armée républicaine, insuffisants; c'est ainsi que les transmissions entre l'état-major, installé seulement à quelques kilomètres du fleuve, et le 5° corps, sont coupées dans les premières heures de l'attaque.
Les nouvelles de l'attaque, au cours de la nuit même, sont bonnes: des têtes de pont ont pu être établies; les passerelles et les ponts vont pouvoir être mis en place et le passage du fleuve commence, dès l'aube, en deux points. Poussant d'un côté vers Villalba, de l'autre vers Gandesa et Corbera, les deux branches de l'offensive républicaine tendent à se refermer sur une poche occupant le fond de la boucle et dont le centre est Mora deI Ebro. Dès le 26, Corbera est occupée et les abords de Villalba et de Gandesa sont atteints. La poche de Mora del Ebro est nettoyée en quelques jours. La tête de pont de la boucle de l'Ebre a alors une vingtaine de kilomètres de profondeur et une trentaine de largeur. Au nord, le passage de la 42° division a permis d'établir entre Fayon et Mequmenza une tête de pont secondaire, qui gêne l'arrivée des renforts franquistes. Au total, 50 000 hommes ont passé l'Ebre, malgré la réaction immédiate et violente de l'aviation nationaliste.
L'offensive républicaine sur l'Ebre (juillet –
août 38)
Mais, une fois de plus, l'avantage obtenu est limité, car il ne peut être question à aucun moment d'exploiter ce succès: la concentration de troupes reste insuffisante, les réserves manquent; après cinq jours de combats difficiles, les hommes engagés dans la bataille sont fatigués. En dépit d'efforts continus, ni Villalba ni Gandesa n'ont pu être occupés. Les nationalistes, repliés sur les villages, ont tenu bon. Dès qu'ils se sont trouvés devant une grande concentration de feu, les républicains ont été contraints d'arrêter leurs attaques. Dans les premières heures du combat, le matériel lourd a manqué, surtout les blindés. Lorsque les chars de 24 tonnes ont pu passer, les secours nationalistes avaient eu le temps d'arriver.
Dès le 25, la supériorité aérienne des nationalistes devient évidente. Bombardements et mitraillades [2] provoquent d'importants dégâts parmi les convois qui traversent l'Ebre. Sans doute les renforts arrivent-ils toujours, les traversées de nuit n'ayant pu être efficacement interrompues; mais les premiers ponts sont détruits à la fois par l'action des bombardiers et par l'ouverture des digues qui retiennent les eaux des affluents pyrénéens de l'Ebre. La situation des troupes républicaines de la tête de pont est sans cesse menacée.
A partir du 1° août, la véritable bataille commence; les nationalistes s'entêtent à rejeter leurs adversaires au delà du fleuve; les républicains s'acharnent à se maintenir. Les combats qui s'engagent ainsi vont durer jusqu'au 15 novembre; les forces gouvernementales démontrent comme elles l'ont fait à Teruel, qu'elles sont capables de ténacité dans les circonstances les plus difficiles.
Mais l'armée de l'Ebre doit livrer une bataille d'usure, une bataille de matériel: quel que soit le courage dont elle fait preuve, elle ne peut sortir victorieuse d'une semblable confrontation. C'est, dit Rojo, « la lutte de l'abondance contre la pauvreté ». La prolongation des combats n'a qu'un sens: donner à l'étranger l'idée qu'il existe encore en Espagne un équilibre des forces, au moment où éclate en Europe la crise tchèque.
C'est alors que la réconciliation européenne se produit à, Munich et que les espoirs d'une intervention étrangère s'évanouissent. Dès ce moment, la bataille sur l'Ebre est devenue non seulement inutile, mais dangereuse pour les républicains: « La perte de la Catalogne, écrit Ulibarri, se décida sur l'Ebre.» Sans doute un mouvement de retraite sur la rive gauche dans les premiers jours d'août eût-il évité un plus grave échec et les pertes énormes subies par les républicains dans la suite. Mais le répit donné aux armées du Centre eût été trop bref et, surtout, l'abandon de la tête de pont aurait provoqué, après les claironnants communiqués de victoire, une réaction catastrophique pour le moral de l'armée et de l'arrière.
Aussi, malgré la mise en place de forces considérables du côté nationaliste, l'état-major de Barcelone s'entête et résiste. Peut-être le commandement républicain accepte-t-il plus volontiers une guerre défensive que des manœuvres de grande envergure: les troupes qui tiennent la tête de pont ont conquis certains avantages; la possession des principaux observatoires de la région renforce singulièrement leur position. Les succès remportés dans les premières journées, la confusion et le flottement qu'ils ont pu distinguer chez l'adversaire augmentent leur courage et leur ténacité.
Ils ont eu en face d'eux au début de l'offensive des forces relativement restreintes. Ainsi, à l'exception du secteur d'Amposta, toute la zone d'attaque était-elle protégée par la seule 50° division. L'état-major nationaliste comptait surtout sur la protection naturelle qu'offre le fleuve et sur la lenteur habituelle des opérations gouvernementales. Sur ces deux points, il s'est trompé. Si, dans les premiers moments de l'offensive, certains officiers franquistes ont témoigné de leur optimisme, dès l'aube du 25 le ton des communiqués a changé; les nouvelles sont devenues franchement mauvaises. En dépit de la masse de matériel jetée rapidement dans la bataille, toute l'artillerie disponible, toute l'aviation, il a fallu huit jours avant de rétablir les « conditions normales de la bataille » et de stabiliser le front.
Sept divisions [3] ont été mises successivement à la disposition du corps d'armée marocain pour rétablir la situation. Le général Franco a été obligé de retirer des troupes du Levant, et même d'autres secteurs du front central pour les diriger vers l'Ebre. Comme à Teruel, Il a accepté de se battre sur le terrain choisi par ses adversaires. Mais il accepte ce défi parce qu'il est certain de sa supériorité matérielle chaque jour plus évidente. Sur un front aussi étroit, la victoire ne peut être emportée qu'en écrasant l'adversaire sous le feu de l'artillerie et de l'aviation. Franco pense que cela lui est maintenant possible.
Les républicains se sont accrochés à leur tour, ont envoyé des renforts. Et pendant des semaines, les deux adversaires vont s'obstiner, amener de nouveaux moyens, de nouvelles troupes, jusqu'au moment où les terribles pertes subies de part et d'autre forceront un des combattants à abandonner le terrain. La bataille de l'Ebre a été plus sanglante encore que celle de Teruel. Elle s'est également transformée en bataille d'anéantissement; mais cette fois le combat sera décisif.
Au début, la contre-offensive nationaliste évolue favorablement. La tête de pont de Fayon est réduite; la concentration des troupes et surtout de l'artillerie, « l'extraordinaire densité de feu » permettent une victoire rapide : la 42° division républicaine est pratiquement anéantie.
Mais ce n'est là qu'un succès local. La bataille décisive doit se dérouler autour de la tête de pont de Gandesa. Or les nationalistes y subissent un premier échec: l'attaque lancée avant le 10 août contre la Sierra de Pandols se heurte à une résistance acharnée, « comme il n'y en a pas eu dans toute la guerre », dit Aznar; pratiquement les gains obtenus sont inexistants. En août et septembre, les attaques se succèdent, à peine interrompues par quelques périodes de calme, qui permettent aux troupes, qui subissent à chaque fois de lourdes pertes, de se réorganiser. Il y aura quatre offensives jusqu'au mois d'octobre. Ce ne sont pas, à proprement parler, de grandes actions militaires, mais des opérations localisées autour de quelques points pris et repris par les adversaires. Plus qu'à Teruel, où la dureté des combats était due en grande partie aux conditions climatiques, la bataille de l'Ebre, par sa longueur, sa dureté, son opiniâtreté, fait penser aux combats de la guerre de 14-18. C'est le Verdun espagnol.
Mais les adversaires ne peuvent supporter indéfiniment une telle cadence de destruction, presque ininterrompue. Les pertes énormes en hommes et en matériel aboutissent en définitive à l'épuisement de la masse de manœuvre républicaine. A la fin du mois d'octobre, les réserves sont devenues insuffisantes. Du côté nationaliste au contraire, des renforts ont pu être préparés; un nouveau corps d'armée est constitué, celui du Maestrazgo : confié au général Garcia Valino, il comprend cinq divisions.
Le 24 octobre, l'instruction générale 44 adressée aux nationalistes leur donne l'ordre de « réduire la poche formée sur l'Ebre ». En fait, l'attaque ne commence vraiment qu'à partir du 1° novembre. L'escalade des positions républicaines de la Sierra de Caballs est réussie par surprise. Du 1° au 8 novembre, toute la partie sud-est de la tête de pont jusqu'à Mora del Ebro est occupée. La deuxième phase de l'offensive s'achève le 15 novembre. Les gouvernementaux ont perdu tout le terrain conquis depuis le début des combats. Certes, l'armée républicaine a prouvé qu'elle est capable de se battre et de tenir, en dépit de son infériorité matérielle, mais les pertes subies, peut-être 100 000 hommes tués, blessés ou prisonniers [4], l'ont saignée et ont incontestablement préparé sa défaite.
Sans doute, le front s'est-il stabilisé après le 15 novembre. D'autre part, l'offensive lancée en Estrémadure vers Cabeza del Buey et Almaden, offensive qui a progressé rapidement pendant le mois d'août, est finalement enrayée par les républicains, grâce à l'appui des troupes du Levant. La bataille de l'Ebre, en attirant les meilleures forces nationalistes, a donné un répit appréciable à la zone centrale; Miaja en a profité pour réorganiser ses troupes.
Mais, depuis la victoire aragonaise de Franco, l'Espagne républicaine est divisée. Les troupes de Catalogne n'ont pas connu de répit; elles sont épuisées par les combats qu'elles ont dû soutenir. Il leur faudrait une longue période d'accalmie et des renforts en armes pour pouvoir présenter à une vaste offensive nationaliste un front unique et solide, ce qui ne leur sera pas accordé. La lassitude provoquée par la guerre est de plus en plus évidente au fur et a mesure des échecs militaires. Les succès remportes sur 1'Ebre en juillet avalent relevé un moment le moral de l'arrière, Mais, depuis, le terrain conquis a été repris par les franquistes. L'espoir d'un appui extérieur a pris fin avec Munich. La thèse de Prieto: « L'Europe nous a trahis », est admise par beaucoup.
Pour cette Catalogne qui a été le foyer de la révolution anarchiste et le théâtre des Journées de mai, la « trahison » de l'Europe apparaît comme la condamnation de la politique de Negrín. La révolution a été abandonnée et l'Europe mise maintenant sur Franco.
Pour la première fois, en Catalogne, l'arrière va lâcher. Faire de Barcelone un nouveau Madrid est d'ores et déjà impossible. Les conditions ne sont plus celles de 1936. La foi non plus.
Peut-on dire au moins que le gouvernement a rattrapé en autorité ce qu'il a perdu en popularité? Cela même est discutable. Le parti socialiste est profondément divisé, en dépit de l'apparente réconciliation entre ses diverses tendances. La poussée communiste a cristallisé l'hostilité des autres partis contre ce partenaire trop envahissant L'armée n'a jamais cessé d'être influencée par la politique.
D autre part, le manque de produits importés, l'arrêt progressif du commerce, par suite du blocus, du manque d argent, de la mauvaise volonté des pays étrangers, paralysent peu à peu la vie en Catalogne. A un moment où l'industrie de guerre devrait être développée au maximum, la production se ralentit: il n'y a pas assez de matières premières. La production agricole est, elle aussi, en régression; beaucoup de paysans sont au front, d'autres ne livrent pas leurs produits. Le ravitaillement devient de plus en plus difficile, Au mois de novembre, devant les difficultés que laisse présager un troisième hiver de guerre, le gouvernement a créé, sous la présidence du ministre de la Défense nationale, un « Comité régulateur du ravitaillement » qui doit coordonner « toutes les activités touchant à la production, à la vente d'articles d'alimentation et d'habillement de première nécessité». En fait, il s'agit d'organiser la distribution de vivres, en donnant la priorité aux combattants, puis aux forces armées de l'arrière, enfin à la population civile, en commençant par les enfants, les malades et les travailleurs des industries de guerre. Mais -cet organisme se trouve bientôt placé en face de difficultés insurmontables.
Il convient d'ajouter que dans toute la Catalogne, et particulièrement à Barcelone, les partisans du franquisme sont restés nombreux et actifs. Avec l'effondrement de la Catalogne, cette cinquième colonne se manifestera notamment dans les dernières heures de la défense de Barcelone. Enfin le moral de l'arrière est miné par les bombardements incessants de la capitale catalane. Tout contribue à préparer la défaite de la République en Catalogne.
Les corps d'armée franquistes [5] se sont déployés le long d'un front qui suit l'Ebre jusqu'au confluent du Segre, puis remonte vers les Pyrénées, en longeant le Segre et le Noguera, les villes jalonnées par cette ligne de front, Lerida, Balaguer et Tremp étant aux mains des nationalistes.
Le 23 décembre commence l'offensive sur la Catalogne. En principe, les forces républicaines sont toujours constituées par deux armées ; au nord, à partir de la frontière française, l'armée de l'Est [6] ; au sud, l'armée de l'Ebre. L'infériorité en hommes et en matériel est telle, après la bataille de l'Ebre, que les républicains sont maintenant à peu près incapables de mener une action offensive quelconque. Selon Ulibarri, dans chaque brigade, il manque de 600 à 1 000 hommes sur 3 600 que devrait compter un effectif complet. Au total, le commandement républicain peut mettre en ligne 90 000 hommes, mais il ne dispose d'aucune réserve.
Ce sont les 11° et 12° corps de l'armée de l'Est qui vont supporter tout le poids de l'attaque. Un double assaut nationaliste entraînera la rupture du front du Segre. Après une faible préparation d'artillerie, une attaque des blindés italiens provoque un début de débandade; la 16° division, placée en réserve, bat en retraite au lieu de défendre ses positions. La brèche ainsi créée rend difficile une contre-attaque d'envergure. La tentative qui sera faite le 25 décembre aboutira à un échec presque total ; son seul résultat est de ralentir quelque peu l'avance du C.T.V. et des Navarrais. Finalement, pour pouvoir tenter une nouvelle action offensive, il faut renforcer l'armée de l'Ebre avec des contingents de l'armée de l'Est. Et c'est un nouvel échec.
La campagne de Catalogne (janvier-février 39)
Les combats ont maintenant commencé depuis dix Jours. Dans l'armée républicaine, il est pratiquement impossible d'assurer la relève des unités combattantes. La fatigue et l'impression d'impuissance s'ajoutent à l'infériorité matérielle. Les appareils de chasse n'essaient même plus de gêner les incursions nationalistes et n'apparaissent qu'après le combat; les habitants de Barcelone les ont surnommés l'Arco de Iris, l'Arc-en-ciel. Le moral des troupes, en particulier celui des nouvelles recrues baisse tous les jours. L'effondrement se produit dans les premiers jours de Janvier. Tandis que l'attaque italienne a pour résultat une percée sur Borjas Blancas, les corps d'armée nationalistes de l'Aragon et du Maestrazgo progressent rapidement dans la région de Tremp, menaçant d'isoler les forces républicaines installées en face de Lerida. Toutes les centrales électriques de la zone de Lerida, les plus importantes d'Espagne, tombent aux mains des franquistes. L'état-major de Barcelone donne l'ordre de repli. La ligne de bataille a littéralement éclaté; l'offensive nationaliste devient générale; les six corps d'armée se déploient en utilisant les blindés. A partir du 6 janvier, il n'est plus question de réactions offensives: « Il ne s'agit plus, dit Rojo, que de se défendre.» En réalité, il s'agit surtout de savoir combien de temps les républicains pourront résister, éviter l'encerclement et l'isolement, protéger les chemins qui mènent à la frontière pyrénéenne. Les nationalistes n'ont même pas besoin d'engager comme précédemment une bataille de rupture : alignant six corps d'armée, ils sont déjà largement supérieurs en nombre aux forces réunies par les sept corps d'armée républicains; ils témoignent d'une supériorité matérielle chaque jour plus écrasante. L'artillerie républicaine, selon Rojo, est réduite au sixième de l'artillerie adverse. L'armement individuel fait défaut: 60 000 fusils, pas assez pour armer tous les combattants.
Certes, un effort est encore possible; le gouvernement de Barcelone l'a tenté en décidant de mobiliser tous les hommes en âge de combattre; mais cette mobilisation, même si elle avait été réalisée, n'aurait guère modifié la situation, puisqu'il n'y a pas d'armes à distribuer. Et puis cette levée en masse prend une allure souvent absurde : sous le prétexte d'amener sur le front des troupes qu'il ne sera même pas possible d'utiliser, on en arrive à mobiliser les pompiers de Barcelone, ville quotidiennement bombardée, et qui subit jusqu'à cinq et six alertes par jour. Dans la période qui va du 20 au 26 janvier, la vie de la cité est complètement désorganisée.
En fait, la bataille qui s'engage pour la possession de la ville est perdue d'avance. L'armée de l'Ebre, profondément engagée vers le sud, doit, pour éviter l'encerclement, abandonner le triangle méridional que défend Tarragone; la perte de cette ville annonce l'effondrement du front. Elle s'ajoute à l'énorme désordre en provoquant le déplacement vers le nord d'une foule de réfugiés, qui encombreront les routes de Catalogne. Ils s'entassent déjà dans Barcelone, couchant jusque sur les quais du métro, qui servent à la fois d'abris et de dortoirs.
Sans doute, les chefs militaires, les commissaires et les représentants des partis et des syndicats songent-ils encore, le 24 janvier, à soutenir une longue défense. Un effort considérable de propagande a été fait. Partout sont déployées des banderoles et placées des affiches : « La Catalogne est en danger. Tous aux armes! » ou : « Gagnons cette bataille et nous gagnerons la guerre ! » Pour gagner cette bataille, il faudrait d'abord pouvoir la livrer. Les forces chargées de la défense de la place sont notoirement insuffisantes. Le colonel Romero dispose à peine de quelques milliers d'hommes, provenant soit de bataillons d'arrière-garde de valeur douteuse, soit de troupes en retraite depuis le début de l'offensive nationaliste, auxquelles on ne peut demander d'avoir un brillant moral. De plus, les gardes d'assaut abandonneront le front dans la matinée du 21 janvier.
Enfin la population de la ville n'est pas préparée à une véritable résistance. Sans parler des gens favorables au franquisme, la grande majorité des habitants est manifestement lasse et ne croit plus à une victoire qu'elle a attendue si longtemps. Survivre est devenu à Barcelone le premier des problèmes. Tout manque; plus de charbon, ni d'électricité. Les boutiques sont vides; même au marché noir, la pénurie se généralise. Les distributions gouvernementales sont trop faibles et irrégulières. Les marchés ne sont plus approvisionnés; le sucre est remplacé par la saccharine; on ne trouve pratiquement plus d'huile. Seul le pain ne manque pas, sauf pendant les trois jours qui précèdent la prise de la ville, mais 300 grammes d'un pain gris ne calment pas la faim. L'aspect désolé de la ville, contrastant avec l'allégresse et la couleur des premiers jours de la révolution sur les Ramblas, permet de mesurer le chemin parcouru. Les lieux de distractions ferment leurs portes, cabarets et dancings d'abord, puis, à partir du 14 janvier, les théâtres, les cinémas et même les cafés, où l'on venait s'attabler par habitude. Les derniers magasins ont tiré leurs rideaux de fer. « Barcelone, quarante-huit heures avant l'entrée de l'ennemi, dit Rojo, semble une cité morte. »
La dernière ligne de défense protégeant la ville est la chaîne montagneuse du Tibidabo. Elle n'est pas sérieusement défendue. Le 23, le front du Llobregat est rompu. En trois jours, les refus d'obéissance, les désertions se multiplient. C'est la débandade à peu près totale le 26 au matin ; le dévouement héroïque de quelques groupes [7], qui se font massacrer sur place, est parfaitement inutile. Les quartiers du port sont bombardés par l'aviation, l'artillerie et la marine franquistes. Les troupes de Solchaga et de Yagüe qui convergent sur la ville occupent les quartiers militaires de la périphérie. Au début de l'après-midi, les tanks débouchent sur le port. Dans la soirée, toute résistance a cessé. L'occupation même de la ville n'a coûté qu'un mort aux franquistes.
Les derniers défenseurs de la capitale se sont retirés, soucieux avant tout de ne pas se laisser déborder par le nord. Depuis le 23 janvier, le président Negrín et son gouvernement, les ambassades et les services ministériels ont quitté Barcelone. On n'a pu cependant tout évacuer ; une partie des archives ont été détruites. Et lorsque les nationalistes ont fait leur entrée dans la ville, ils ne l'ont pas trouvé vidée de ses habitants. Beaucoup, à l'image de l'ancien secrétaire de la municipalité, ont préféré attendre les vainqueurs. Le nouveau maire de la ville, Miguel Mateu Pla, président de la société Hispano-Suiza, pourra rétablir rapidement les services essentiels. Le plus difficile sera de réorganiser le ravitaillement.
La perte de Barcelone n'est pas pour les républicains d'une importance stratégique énorme; mais la reddition Sans condition de la capitale de la Catalogne va avoir sur le moral de la population dans toute la zone républicaine un effet décisif. C'est de ce jour que commence l'agonie de la République.
L'écroulement du front, les bruits qui circulent et qui accompagnent toute catastrophe, ont jeté sur les routes une foule de réfugiés qui se dirigent en désordre vers tous les points de passage de la frontière française. D'après le Temps du 6 février, 100 000 l'auraient déjà franchie. Rojo évalue encore à une centaine de milliers ceux qui se pressent aux postes de douane. « C'est le chaos », dit-il. On trouve mêlés à la population civile fuyant l'avance franquiste, foule misérable encombrée de quelques bagages, des milliers de soldats qui ont abandonné la zone des combats; ils ajoutent à la panique en colportant les rumeurs les plus invraisemblables. Des hommes en armes s'emparent de force des voitures, qu'ils abandonnent d'ailleurs à la frontière. Il n'y a plus d'ordre, plus de police, plus qu'une vaste anarchie. C'est le chaos de la défaite et du désespoir. Et pourquoi la foule ne fuirait-elle pas? Dès la fin janvier, il ne se passe pas de jour où l'on ne signale le passage en France de quelques personnalités politiques, Giral, Caballero, Araquistain. Ces choses-là se savent et même, dans l'affolement général, elles sont démesurément amplifiées.
Devant la masse des fuyards, les autorités françaises sont débordées. Au début, elles ont laissé entrer les réfugiés ; mais, très vite, il est devenu impossible de contrôler et de répartir dans le pays ces dizaines de milliers de fuyards. Le 30 janvier, les autorités françaises décident de ne plus laisser passer les hommes valides pour le moment et de n'accorder le droit d'asile qu'aux femmes et aux enfants. Les hommes qui ont déjà franchi la frontière et n'ont pas encore été dirigés sur un point quelconque du territoire sont regroupés dans un camp de concentration, à Argelès, dans les Pyrénées-Orientales, Sur le moment, cette décision produit une panique nouvelle parmi les Espagnols qui attendent aux postes du Perthus et du Boulou. Une partie des fuyards reflue sur la Catalogne encore libre. D'autres cherchent à entrer clandestinement en France, et beaucoup y réussissent, malgré la présence des troupes sénégalaises chargées de la surveillance ; cette situation ne fait que compliquer encore la tâche des autorités françaises. Aussi, à partir du 5 et jusqu'au 9 février, la frontière est-elle de nouveau officiellement ouverte aux soldats espagnols. Rojo a promis que le passage de la frontière se ferait en bon ordre.
Et en effet, si la débandade de certains éléments n'a pu être évitée, il convient de signaler, parce que c'est une réussite qui témoigne, au milieu de l'anarchie générale de la valeur certaine de ces troupes, que les derniers contingents armés ayant franchi la frontière se sont replies en bon ordre; les journalistes français constatent chez eux un meilleur moral et, une allure qui n'est pas celle d'une troupe en déroute, Parmi eux, 700 des derniers Internationaux, restés en Catalogne jusqu'au dernier moment, passent la frontière le 7 février seulement.
Selon les accords conclus avec l'état-major républicain dès que les hommes ont franchi la frontière, ils ne sont plus considérés comme des soldats, mais comme des réfugiés; Ils sont désarmés, subissent une fouille sommaire et sont dirigés aussitôt sur les centres de regroupement, dont le principal reste Argelès. Celui-ci se révèle vite insuffisant pour recevoir tout le monde; il faut en créer un autre, non loin de là, à Saint-Cyprien.
Le matériel de guerre est confisqué par le gouvernement français ; si certains dirigeants espagnols ont eu l'illusion de pouvoir transporter ce matériel dans la zone centrale, ils sont bien obligés de se rendre à l'évidence : la zone centrale, si elle continue le combat, le fera avec ses seules forces.
Dans les tout derniers jours, les dirigeants de la République ont à leur tour passé la frontière. Le président Azaña arrive en France le 5 février au matin, précédant de trois jours les derniers membres du gouvernement et Negrín lui-même. Mais déjà, entre le président de la République et le chef du gouvernement, des divergences apparaissent sur l'attitude qu'il convient d'adopter après la perte de la Catalogne.
Negrín et son état-major se sont efforcés de maintenir un peu d'ordre et de discipline. Ils ont pu songer à maintenir à l'extrémité nord du pays, autour de Gérone et de Figueras, en s'appuyant sur la frontière française, une certaine résistance. Mais il est difficile d'imaginer qu'un front régulier puisse être tenu par des troupes qui s'effritent chaque jour. Le service de renseignements a cessé de fonctionner ; l'avance des troupes nationalistes, si elle peut être contenue dans le secteur montagneux, n'a jamais cessé le long de la côte; le commandement lui-même ne semble pas à la hauteur de sa tâche: il a fallu le remanier dans les derniers jours : le général Jurado remplace Sarabia à la tête de ce qui reste du groupe d'armées. Malgré tous ses efforts pour maintenir la discipline, l'état-major ne peut éviter les paniques localisées; les unités de carabiniers et des forces de sécurité, incorporées à l'armée, ont donné le signal de la débandade. Les mesures qui ont été prises à Figueras pour essayer de réorganiser les troupes en retraite ne sont que des palliatifs très insuffisants, Les bombardements aériens, la crainte d'un débarquement nationaliste à l'arrière achèvent de rendre impraticable toute organisation défensive. Les conseils ministériels que Negrín tient à Figueras n'ont plus aucun sens: à quoi servent des décisions qui ne peuvent être exécutées? Ce qui a disparu ou est devenu inutilisable, ce n'est pas le gouvernement, mais les organismes de gouvernement et d'exécution. Les petites villes de Figueras et de Gérone ne peuvent les abriter, Il n'y a même pas la place d'y installer des bureaux; l'arrivée des cortèges de voitures officielles ne fait que paralyser la circulation. Beaucoup de fonctionnaires de Barcelone, qui n'ont plus dans l'issue de la guerre la moindre confiance, n'ont du reste pas attendu l'ordre du gouvernement pour gagner la frontière. En somme, s'il y a toujours un gouvernement, il n'y a déjà plus d'État.
Le 8 février, l'état-major se transporte au Perthus et, le 9, Rojo passe au Boulou sur le territoire français. Le même jour, à 13 h. 50, les franquistes atteignent la frontière au Perthus. Les dernières troupes républicaines organisées passent en France les 9 et 10 février. Il n'y a plus d'armée de Catalogne.
Au même moment, la capitulation de Minorque fait apparaître un élément nouveau, la médiation anglaise.
L'île est complètement isolée depuis que la supériorité maritime de l'Espagne nationaliste est devenue manifeste. Le 8 février, le croiseur anglais Devonshire amène à Port-Mahon un représentant franquiste, le colonel San Luis. Un premier entretien a lieu entre le gouverneur de Minorque, Gonzalez Ubieta, et le capitaine du Devonshire, Muirhead-Gould. Ubieta accepte de préparer avec le colonel San Luis les modalités d'une capitulation. Au cours de deux entrevues, auxquelles assiste le commandant du Devonshire, les deux parties tombent d'accord pour que soit accordée la vie sauve aux officiers et aux fonctionnaires républicains et que soit assurée l'évacuation de ceux qui désirent échapper à la domination franquiste. Le Devonshire embarquera 300 hommes, 100 femmes et 50 enfants.
Tout a pourtant failli échouer au dernier moment, par suite d'un bombardement nationaliste qui a eu lieu le 9 février, après les accords de Port-Mahon. On a cru à une trahison de la part des nationalistes. La base franquiste de Palma qualifia d' « erreur » ce bombardement. On peut en douter: la base de Palma, malgré son commandement espagnol, est contrôlée par les Italiens, hostiles à tout accord réalisé sous l'égide de la Grande-Bretagne. Certes, la radio anglaise nie que le gouvernement britannique ait participé à un accord et déclare que le commandant du Devonshire a agi de son propre chef; de son côté, Jordana affirme à l'ambassadeur d'Allemagne qu'il n'y a eu aucun accord anglo-espagnol sur Minorque. Mais ce sont là des affirmations diplomatiques. L'Angleterre ne se vante évidemment pas d'une intervention qui peut être considérée comme une ingérence dans les affaires espagnoles; et les franquistes tiennent trop à l'alliance italo-allemande pour mécontenter ouvertement les gouvernements de ces pays.
Mais les accords de Minorque sont significatifs : après la chute de la Catalogne, il faut bien envisager de finir la guerre.
Au milieu du désastre se pose ce problème essentiel, qui est un problème politique. Le 1° février, les Cortes, ou ce qu'il en reste, se sont réunies à Figueras. Negrín a nettement envisagé devant elles la possibilité du rétablissement de la paix. Mais avec une armée vaincue, un État en décomposition, il n'est plus question d'une négociation entre parties égales. Malgré leur modération, les treize points dont Negrín a fait en 38 son programme minimum sont maintenant dépassés. Negrín n'envisage plus que trois points comme conditions de paix: la garantie de l'indépendance et de l'intégrité nationale; la garantie de la liberté pour le peuple espagnol de choisir son destin; la garantie qu'une politique d'autorité mettra fin, après la guerre, aux persécutions.
Encore est-il évident qu'il sera difficile, dans une négociation, d'obtenir satisfaction sur le deuxième point. Et Negrín semble ne pas vouloir se borner au seul énoncé de ces conditions. Pour la première fois, la médiation anglaise est officiellement envisagée par le gouvernement républicain. Del Vayo rapporte qu'une entrevue a eu heu à Agullana entre le chargé d'affaires britannique Stevenson, l'ambassadeur français Jules Henry, Negrín et lui-même. Au cours de cette entrevue, Negrín aurait expliqué ce que signifiaient pour lui les trois garanties. La première concernait « l'évacuation du territoire espagnol de tons les éléments étrangers » ; la deuxième signifiait que « le peuple espagnol déterminerait librement son régime politique, et sans aucune pression étrangère ». Del Vayo expose que Franco n'acceptera probablement pas ces deux propositions; Negrín admet qu'on pourrait les abandonner dans le cours de la négociation: même si l'on obtenait une approbation de principe du gouvernement de Burgos, elle aurait peu de chances d'être respectée par la suite. Il ne reste plus alors que la troisième condition, que Del Vayo exprime à l'aide de cette formule concise: « Pas de représailles ». II était difficile d'être plus conciliant.
Rojo semble confirmer ce que dit Del Vayo lorsqu'il parle de terminer la guerre de la manière la plus digne et en sauvant le plus grand nombre possible de personnes. Mais Il y a déjà un mot dans le texte de Rojo qui souligne le désaccord naissant entre l'armée et le président du Conseil ; le général parle en effet d'une formule politique à trouver. On peut considérer qu'il acceptera en somme de préparer la capitulation en éliminant ceux qui constituent un obstacle à la paix. Negrín, lui, entend pratiquer une négociation de gouvernement à gouvernement, ce que n'acceptera jamais Franco. Au cas où la négociation ne pourrait aboutir, Negrín donne l'ordre de résister. « Avec quoi allons-nous résister? Pourquoi allons-nous résister? » demande Rojo.
Pour beaucoup de militaires en effet, la guerre est finie. Le Temps du 9 février signale le choix fait par des officiers de la maison militaire d'Azaña: ils ont décidé de rejoindre l'Espagne nationaliste. Entre les chefs militaires qui constatent la défaite et le gouvernement qui envisage encore la résistance, l'entente est impossible.
Notes
[1] L'armée de l'Ebre, qui doit être chargée de l'attaque essentielle, comprend les corps d'armée de Lister (5°), Taguena (15°) et Vega (12°). Les contingents de l'armée de l'Est comprennent les divisions 27, 60 et 43.
[2] Rojo note, pour la seule journée du 31 juillet, l'apparition de 200 avions de bombardement et de 96 chasseurs.
[3] La 13° division (Barron), la 84° (Galera), la 8° (Delgado Serrano), la 152° (Rada), la 4° de Navarre (Alonso Vega), la 102° (Castejon) et la 74° (Arias). Autour de la tête de pont principale sont groupées les divisions 82 et 102, sous le commandement de Delgado Serrano, les 13° et 74° commandées par Barron, les 4° et 84°. La 105°division garde le front jusqu'à l'embouchure de l'Ebre.
[4] C'est le chiffre donné par les franquistes.
[5] Marocain, navarrais, italien, d'Aragon, du Maestrazgo et d'Urgel.
[6] Son P.C. est à Solsone. Elle comporte les 10°, 11° et 18° corps d'armée. L'armée de l'Ebre comprend les 13°, 15° et 24° corps.
[7] Le 125° bataillon de mitrailleuses, la 151° brigade mixte.