1971 |
"L'histoire du K.P.D. (...) n'est pas l'épopée en noir et blanc du combat mené par les justes contre les méchants, opportunistes de droite ou sectaires de gauche. (...) Elle représente un moment dans la lutte du mouvement ouvrier allemand pour sa conscience et son existence et ne peut être comprise en dehors de la crise de la social-démocratie, longtemps larvée et sous-jacente, manifeste et publique à partir de 1914." |
Révolution en Allemagne
Pierre Broué
De la conquête des masses à la défaite sans combat
Les dirigeants de l'Internationale ont été pris au dépourvu par la grève contre Cuno, qui les surprend en pleines vacances. Aucun d'entre eux ne s'attendait à un mouvement d'une telle ampleur et qui condamne, en définitive, la tactique temporisatrice adoptée à l'exécutif de juin : il est clair qu'aux environs du 10 août les masses étaient prêtes à engager un combat dont les dirigeants estimaient qu'il n'était pas encore pour le lendemain. Mais la tension ne peut se prolonger indéfiniment et l'équilibre entre les classes marqué par la formation d'un gouvernement de grande coalition ne saurait durer. Aussi, à partir de la mi-août, les dirigeants de l'Internationale engagent-ils, dans la préparation de l'insurrection allemande une course contre la montre destinée à rattraper letemps perdu depuis mai.
Il faudra une bonne semaine avant que se tienne la réunion extraordinaire du bureau politique consacrée à la révolution allemande. Dès réception des premières informations concernant la grève et la démission du gouvernement Cuno, Zinoviev, encore en vacances dans le Caucase, s'attelle à la rédaction de thèses sur « La Situation en Allemagne et nos tâches ». Le 15 août, il écrit :
« La crise se prépare. Les événements décisifs sont imminents. Un nouveau chapitre s'ouvre dans l'histoire du parti communiste allemand et, par conséquent, de l'Internationale communiste tout entière. Le parti communiste allemand doit s'orienter rapidement et résolument vers la crise révolutionnaire qui approche. La crise mûrir. L'enjeu est immense. Le moment approche où il faudra de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace » [1].
La grève Cuno démontre que le parti n'avait pas su apprécier l'état d'esprit des masses, et qu'il serait désastreux de ne pas prendre le virage pendant qu'il en est encore temps : il faut cesser de retenir les masses dans la crainte de combats prématurés et se garder dorénavant de freiner les mouvements partiels :
« Il est impossible de tenir la poudre sèche jusqu'à la bataille décisive. (...) Ce serait faire preuve de dogmatisme et commettre une faute politique grave que de remettre toute offensive jusqu'au moment du combat décisif » [2].
Ruth Fischer, dont on a toutes raisons de penser qu'elle était bien informée, écrit qu'en rédigeant ses thèses Zinoviev mettait un point final à une longue période d'hésitation et de discussions passionnées avec Boukharine, Kuusinen et Piatnitski [3]. Kuusinen et Radek lui-même comprirent à leur lecture que « la révolution frappait à la porte de l'Allemagne » [4].
Trotsky a été lui aussi alerté par l'ampleur de la grève qui a abattu Cuno. Pour obtenir les informations qu'il n'a pas reçues de l'exécutif, il fait venir près de lui en Crimée Walcher et Enderle, représentants allemands à la direction de l'I.S.R. A l'issue de cette entrevue, Walcher se rend en Allemagne, vraisemblablement pour compléter l'information remise à Trotsky [5]. C'est à peu près à cette date que les principaux dirigeants russes interrompent leurs vacances pour discuter la situation allemande.
Le bureau politique se réunit le 23 août. Pour la première fois depuis la maladie de Lénine et sa mise hors de combat, les dirigeants bolcheviques ont à prendre une décision sur une question d'importance historique. Pour eux, c'est toujours le destin de la révolution mondiale, dont leur révolution n'était que l'avant-garde, qui se joue en Allemagne. Ils ne prendront pas seuls une décision qui est du ressort de l'Internationale et de sa direction, mais que celle-ci ne saurait évidemment envisager que conformément à leur décision. C'est pourquoi le bureau politique s'élargit pour la circonstance à un certain nombre d'experts, Piatakov et Tsiouroupa, d'une part, Kuusinen et Radek, en tant que représentants de l'exécutif international, Edwin Hoernle et Jakob Walcher enfin, parce qu'ils sont les représentants allemands permanents à Moscou à cette époque [6]. Il n'existe aucun compte rendu officiel de cette discussion, à laquelle de nombreuses références ont été faites. L'unique témoignage précis, celui de Bajanov, ne présente aucune invraisemblance et n'a jamais été contredit [7].
Le principal rapport aurait été présenté par Radek, qui serait parti de l'ampleur de la grève Cuno pour montrer le passage de la révolution allemande à une phase supérieure. Rien ne permet d'indiquer qu'il ait insisté sur la nécessaire prudence qui constituait, au cours des semaines précédentes, le thème central de ses interventions : sans doute était-il, de toute façon, impressionné par l'accord qui s'était réalisé, dans l'appréciation de cette question capitale, entre Trotsky et Zinoviev. Après le rapport de Radek, Trotsky intervient avec vigueur : pour lui, il ne fait aucun doute qu'approche en Allemagne le moment de la lutte décisive et directe pour le pouvoir, pour l'Octobre allemand. On ne dispose pour sa préparation que de quelques semaines, et tout doit être subordonné à cette tâche prioritaire. Zinoviev, quoique plus nuancé, abonde dans le même sens : préférant compter en mois plutôt qu'en semaines, il pense, avec Boukharine et Trotsky, qu'il s'agit maintenant de préparer l'insurrection. Staline est plus réticent et manifeste quelque scepticisme ; il ne pense pas que l'on puisse envisager la victoire de la révolution allemande avant le printemps de 1924, mais il n'insiste pas.
En dépit de ces nuances, le bureau politique estime donc en définitive que le moment décisif est bel et bien en train d'approcher en Allemagne, et il invite l'exécutif de l'Internationale à prendre à cette fin toutes les mesures nécessaires. Pour sa part, il désigne sur-le-champ une commission de quatre membres qui sera chargée de superviser les préparatifs, et qui se compose de Radek, Piatakov, Jozef Unschlicht, un des chefs des services secrets, et du syndicaliste Vassili Shmidt [8]. L'exécutif convoque immédiatement à Moscou une conférence extraordinaire, tenue secrète, à laquelle il convie, outre les représentants du K.P.D. auprès de l'exécutif, Clara Zetkin et Edwin Hoernle, le président du parti, Brandler, et des représentants de la gauche, dont Ruth Fischer, Maslow et Thaelmann [9]. Lorsque les délégués venus d'Allemagne arriveront — vraisemblablement dans les tout premiers jours de septembre —, ils découvriront une atmosphère nouvelle dans la capitale soviétique transformée par l'enthousiasme révolutionnaire que suscite l'approche de l'Octobre allemand [10].
La ville est couverte d'affiches invitant la jeunesse russe à apprendre l'allemand pour servir la révolution qui vient [11]. Dans les usines, les écoles, les universités, se tiennent quotidiennement des meetings passionnés sur le thème de l'aide nécessaire aux ouvriers allemands. Boukharine se fait acclamer par les étudiants en les appelant à jeter leurs livres pour empoigner des fusils [12]. Des résolutions votées au cours d'assemblées générales dans les usines affirment que les ouvriers russes sont prêts à renoncer à des augmentations et même à accepter des réductions de salaires pour venir en aide à la révolution allemande [13]. Des unités de l'armée rouge se déclarent prêtes à voler au secours, de l'Allemagne révolutionnaire, à remplir leur devoir d' « avant-garde de la révolution mondiale », et adressent des résolutions en ce sens aux révolutionnaires allemands [14]. Deux fonds spéciaux ont été créés : réserve d'or, réserve de céréales. Pour le premier, on appelle les femmes à donner même leurs alliances [15]. Pour le second, le commissariat au commerce prévoit la construction d'une « réserve allemande » de soixante millions de pouds qui sera entreposée à proximité de la frontière occidentale [16]. Sur instructions du bureau politique, toutes les organisations du parti recensent les militants qui connaissent l'allemand, afin de prévoir la mise sur pied d'une réserve militaire — quelque chose comme le détachement russe de futures « brigades internationales » en Allemagne [17]. Les Jeunesses communistes se préparent avec enthousiasme à ce combat révolutionnaire qui sera celui de leur génération [18]. La presse forge et martelle les mots d'ordre : l'alliance du « marteau-pilon allemand » et du « pain soviétique » va « conquérir le monde » et constituer une puissance de « deux cents millions d'hommes contre laquelle aucune guerre ne sera possible » [19]. Les divergences qui, depuis des mois, empoisonnaient l'atmosphère du parti russe, l'indifférence qui gagnait, semblent se dissiper au souffle exaltant des perspectives retrouvées de la révolution mondiale, et Radek lui-même se laisse aller à des élans d'enthousiasme et de lyrisme. Plusieurs témoins nous ont laissé des récits d'épisodes de cette période. Alexandre Barmine, officier de l'armée rouge, a écouté Radek parler à l'Académie militaire :
« Radek parlait devant des salles combles, et l'on sentait qu'il vivait tout entier de l'attente et de la pensée de ces événements. Sa dialectique nous initiait à l'économie, à l'histoire, à la psychologie, aux mœurs des Allemagnes opposées dont l'une, celle des travailleurs, allait imposer sa loi à l'autre pour le salut de la nation et le progrès de l'univers. Radek était éloquent comme toujours : comme toujours, il parlait avec son accent indescriptible, mais son intelligence et sa passion dominaient tout » [20].
Les sentiments sont analogues en Allemagne. Le 16 août, Die Rote Fahne publie un poème au titre significatif : « Elle approche » [21]. Le 17, l'organe central du K.P.D. s'en prend aux dirigeants social-démocrates à propos de l'interdiction par Severing du comité fédéral des conseils d'usine de Berlin :
« Nous relèverons le défi des social-démocrates, et ils en subiront les conséquences » [22].
Le 19, il publie un chapitre de la brochure de Goussev sur Les Leçons de la guerre civile, intitulé « Que le prolétariat se prépare ! » [23]. Le 21, sous le titre « Préparatifs pour un nouveau combat », il traite des difficultés que les prolétaires rencontreront pour se procurer des armes [24]. Le 22, il publie un appel « aux travailleurs du S.P.D. et de l'U.S.P.D. », qui les invite à rompre avec leurs partis et à rejoindre le K.P.D. dans « la lutte prolétarienne de classe » et pour « la dictature du prolétariat » [25].
De leur côté, gouvernement et police mettent un terme à leur politique de relative tolérance. Après l'interdiction le 16 août par le gouvernement prussien du comité fédéral des conseils d'usine de Berlin [26], c'est, le 22, l'interdiction par le gouvernement du Wurtemberg du congrès régional du K.P.D. [27]. Le 24, les autorités françaises d'occupation interdisent les cinq quotidiens communistes de la Ruhr et de la zone occupée. Die Rote Fahne est saisi le 26, sans qu'aucun prétexte soit même invoqué. Le même jour, la police perquisitionne dans les locaux de sa rédaction, arrêtant cinq de ses collaborateurs, et Severing interdit le conseil central des conseils d'usine du Grand Berlin qu'il accuse d'être une simple couverture de la direction berlinoise du K.P.D., cependant que le quotidien Hamburger Volkszeitung est suspendu pour trois jours. Le 29, une nouvelle perquisition a lieu dans les locaux de Die Rote Fahne, où deux nouvelles arrestations sont opérées : plusieurs mandats d'arrêt sont lancés, dont un contre Ruth Fischer, sur laquelle la police ne mettra pas la main [28].
Dans l'intervalle, le bureau politique du parti russe s'est prononcé pour le « tournant allemand », et le 28 août le Polburo prend les premières mesures préparatoires à l'insurrection en désignant un « conseil militaire » [29]. La nouvelle ligne ainsi déterminée s'exprime nettement dans Die Rote Fahne. Le 1° septembre, la centrale y lance un appel aux « ouvriers, employés, fonctionnaires », leur proposant le programme communiste de contrôle ouvrier de la production, saisie des valeurs réelles, formation d'un gouvernement ouvrier et de « petits paysans » [30]. Zinoviev, dans un article consacré à la journée internationale de la jeunesse, célèbre les combats à venir :
« Aucune puissance sur la terre ne peut vaincre vingt millions de prolétaires » [31].
Le 2 septembre, dans le même numéro, paraissent un article de Radek intitulé « Bas les pattes devant l'Allemagne ! » et le texte d'un appel commun de l'exécutif de l'Internationale communiste et du conseil central de l'Internationale syndicale rouge adopté le 27 août sur la proposition de Trotsky : il constate que la situation créée par l'occupation de la Ruhr ne cesse de s'aggraver et que la situation du prolétariat dans ce chaos économique devient intolérable. La « grande coalition » formée avec la complicité des social-démocrates a promis d'imposer les bourgeois et de faire payer les riches, mais elle commence son règne en interdisant les organismes centraux des conseils d'usine. Or ces organismes sont « seuls capables de canaliser le mouvement spontané du prolétariat et d'empêcher les collisions inutiles », au moment où les capitalistes menacent de fermer leurs usines pour mettre les ouvriers à genoux :
« Il s'agit de provoquer le prolétariat désespéré à une action prématurée et de le vaincre avant qu'il ait pu former ses rangs. »
L'appel explique :
« La situation se tend de plus en plus en Allemagne. A moins que les nombreux indices n'en soient trompeurs, l'Allemagne est en train de s'acheminer vers la révolution. Le prolétariat allemand n'aura pas seulement à faire face à la force armée de sa bourgeoisie : au moment où celle-ci l'attaquera, il courra le risque d'être pris à revers par la bourgeoisie des puissances de l'Entente et de ses Etats vassaux » [32].
Il faut donc que le prolétariat international manifeste à l'égard de la classe ouvrière allemande une solidarité effective et protectrice, par des meetings, des manifestations, des grèves, la propagande auprès des soldats. Quelques jours plus tard, dans le numéro de septembre de l'édition allemande de l'organe de l'I.S.R., Lozovski lui-même écrit :
« La révolution frappe à la porte de l'Allemagne, exige d'entrer. (...) Nous ne pouvons pas fixer la date de la révolution allemande. Si l'on en juge pourtant par la situation actuelle, c'est une question de mois. »
Sa conclusion évoque le moment, proche selon lui, où « la révolution mondiale formera un bloc territorial de Vladivostok au Rhin » [33] .
Les discussions autour des préparatifs de l'insurrection allemande vont se poursuivre à Moscou pendant plusieurs semaines [34]. La « commission allemande » de l'exécutif et les principaux dirigeants russes y travaillent avec les représentants allemands des deux tendances convoqués dans ce but : Kuusinen et Radek, Zinoviev et Trotsky, Brandler, Eberlein, Ruth Fischer, Maslow, Thaelmann, Max Hesse, Grylewicz [35] s'attachent à analyser la situation allemande dans le détail, à tracer des perspectives, à mettre au point mots d'ordre et préparatifs techniques.
Il n'y a pas de divergences fondamentales au départ. Ruth Fischer, certes, ne désarme pas. Le 12 septembre, à la veille de son départ pour Moscou, elle a encore critiqué la conception « opportuniste » qu'a Brandler du mot d'ordre de gouvernement ouvrier, l'a accusé d'être « orienté vers le réformisme » et de chercher à se rapprocher du parti social-démocrate [36]. Mais elle pense que la seule solution consiste à préparer la prise du pouvoir, et c'est de cela, précisément, qu'il est question à Moscou. De son côté, Brandler est apparemment convaincu que cette prise du pouvoir est désormais à l'ordre du jour. Kuusinen écrira plus tard qu'il la prévoyait « facile» et même qu'il était « tombé dans la fantaisie révolutionnaire » [37]. A la session de l'exécutif de l'I.S.R., il la présente comme « une tâche pleinement réalisable », « le moment étant mûr pour agir » [38], mais il s'agit là d'une déclaration officielle. Quant à la nature de ses véritables sentiments, Ruth Fischer varie, affirmant tantôt qu'il donnait des informations « fantasmagoriques » d'optimisme [39], tantôt qu'il était en réalité hostile à « toute action » [40] et cherchait des « contre-plans ». En fait, sans remettre en question les perspectives révolutionnaires, Brandler estimait « trop optimiste » l'appréciation de la majorité de ses camarades russes [41].
Plusieurs divergences apparaissent au cours des conférences préparatoires. La première est de savoir s'il sera nécessaire, à un moment ou à un autre, d'appeler à la formation de conseils ouvriers politiques sur le modèle des soviets. Telle est l'opinion de Zinoviev, selon qui le parti russe devra appeler avant l'insurrection à l'élection de tels conseils, seuls susceptibles de constituer les éléments de base du nouvel Etat ouvrier allemand [42]. En revanche, Trotsky et Brandler pensent que les conseils d'usine joueront avant l'insurrection le rôle des soviets, et ils l'emportent. Trotsky justifiera plus tard cette décision en ces termes :
« Comme les conseils d'usine étaient devenus effectivement les points de concentration des masses révolutionnaires, les soviets, auraient, dans la période préparatoire, joué un rôle parallèle à celui des conseils d'usine et n'auraient été que des formes sans contenu » [43].
La majorité estime en outre comme lui que la formation de soviets risquerait de détourner l'attention des militants des tâches matérielles de préparation de l'insurrection, et d'en faire des cibles pour un gouvernement désireux de provoquer les ouvriers à un combat prématuré. Elle pense donc, avec lui, que « le travail préparatoire de l'insurrection » peut être « subordonné à la forme d'organisation des conseils d'usine » [44], et que les soviets ne seront à bâtir que plus tard, au lendemain de l'insurrection, dans sa phase de consolidation.
D'accord sur la question des soviets, Trotsky et Brandler s'affrontent en revanche sur la question de la fixation de la date de l'insurrection. La gauche allemande, Zinoviev et Trotsky insistent pour qu'une date soit fixée — et c'est en ce sens que le bureau politique du parti russe a tout d'abord tranché. Mais Brandler s'y oppose, soutenu par Radek [45]. Trotsky développe ses idées sur ce point dans un article de la Pravda du 23 septembre : « Peut-on fixer un horaire précis pour une contre-révolution ou une révolution ? » [46] Il rappelle d'abord que les contre-révolutions récentes, le coup d'Etat de Mussolini, le coup de Tsankov en Bulgarie, le pronunciamiento espagnol, se sont produites à une date fixée par leurs chefs, dans le cadre d'une conjoncture favorable. Pour lui, l'« attitude d'attente en face d'un mouvement révolutionnaire grandissant » est une attitude typiquement menchevique :
« Le parti communiste n'a rien à tirer de la grande loi libérale suivant laquelle les révolutions « arrivent », mais ne sont jamais « faites », et par conséquent ne peuvent pas être fixées à une date précise : du point de vue du spectateur, la loi est correcte, mais, du point de vue du dirigeant, elle n'est que platitude et vulgarité » [47].
Imaginant « un pays qui traverse une crise sociale profonde, où les contradictions sont aggravées à l'extrême, où les classes laborieuses sont en constante fermentation, où le parti a le soutien évident d'une incontestable majorité de travailleurs et par conséquent des éléments les plus actifs, les plus conscients et les plus dévoués du prolétariat » [48] — l'allusion est transparente —, il affirme que le seul devoir du parti est de
« déterminer un délai précis dans l'avenir immédiat, un délai pendant lequel il ne soit pas possible que la situation révolutionnaire se retourne brusquement, et ensuite de concentrer tous ses efforts sur la préparation du coup, de subordonner toute sa politique et toute son organisation sur l'objectif militaire en vue afin de porter le coup avec un maximum de force » [49].
Il propose donc de retenir la date symbolique du 7 novembre, qui lui paraît tenir compte du délai raisonnable de préparation nécessaire et présente l'incontestable avantage de bénéficier du prestige de l'insurrection d'Octobre en Russie. Mais Brandler est sur ce point irréductible. Il estime que c'est la direction allemande, et elle seule qui, sur place, aura la possibilité de déterminer, avec le moins de risques d'erreurs, le moment où il faudra frapper. Soutenu par Radek, il obtient que le choix de la date de l'insurrection soit laissé aux dirigeants de l'insurrection [50].
Plusieurs conflits personnels provoquent au cours des conférences préparatoires d'autres débats, non moins vifs. Brandler qui, malgré leurs divergences, a pour Trotsky admiration et amitié, demande que l'organisateur de l'insurrection d'Octobre en Russie soit envoyé personnellement en Allemagne afin de diriger la bataille décisive. Zinoviev s'y oppose, et il est possible qu'il ait alors, comme certains l'ont affirmé, posé sa propre candidature, une telle mission ne pouvant revenir, selon lui. qu'au président de l'Internationale [51]. Personne n'a oublié que Trotsky, en 1917, a fait ses preuves dans l'insurrection au moment où Zinoviev s'effondrait. Mais la troïka ne peut courir le risque que constituerait pour elle, soit un succès de son rival, soit un échec de son chef de file. Il est donc décidé à la quasi-unanimité d'envoyer tout simplement en Allemagne, au dernier moment, et pour assurer la responsabilité suprême, la commission allemande elle-même [52].
Brandler soulève un autre problème épineux. Malgré les déclarations de loyauté à l'égard de la centrale de Ruth Fischer et de Maslow, il refuse de se départir à leur égard de sa méfiance. Rien ne doit pouvoir affaiblir la centrale dans un moment aussi crucial : c'est pourquoi il demande que les responsables de la gauche soient tenus à l'écart de la direction et du parti lui-même pendant la période décisive, afin d'éviter qu'ils ne contribuent à l'affaiblir par leurs initiatives fractionnelles habituelles. Il suggère donc, suivant le précédent créé par la proposition de Lénine en 1921 concernant Maslow, de les retenir à Moscou. Sur ce point, il est soutenu par Trotsky, mais vivement combattu tant par Boukharine que par Radek [53]. Après d'âpres discussions, Zinoviev réussit de justesse à faire prévaloir une solution de compromis : Maslow seul restera à Moscou, où une commission de l'Internationale est appelée à enquêter sur certaines accusations qui pèsent sur lui [54]. Ruth Fischer, elle, sera autorisée à reprendre sa place en Allemagne, mais elle y sera accompagnée d'un « contrôleur » de l'exécutif, le Russe Vassili Shmidt, membre de la commission allemande, chargé particulièrement de veiller sur le respect de la discipline de la part de l'organisation du district de Berlin-Brandebourg [55].
A son retour à Berlin, rendant compte devant la centrale des conversations de Moscou, Brandler va se déclarer dans l'ensemble satisfait. Le compte rendu de la séance du 12 octobre indique :
« Le camarade Brandler présente un rapport sur les discussions générales ainsi que sur les discussions avec l'opposition qui ont eu lieu à Moscou, et avec les camarades russes. (...) Il n'y a pas eu de divergences de vue, sauf en ce qui concerne la détermination des dates » [56].
Les problèmes techniques ont tenu dans les discussions de Moscou une place importante, ce dont Ruth Fischer se plaint [57]. Mais, sur ce point, Trotsky est intraitable et parle avec l'autorité que lui confère son prestige d'organisateur de la victoire. Rappelant la préparation technique de l'insurrection d'octobre, il écrit dans la Pravda :
« Le travail de préparation militaire se déroule parallèlement au reste du travail, conformément à un plan rigoureux. Le parti conserve ainsi constamment son contrôle absolu sur l'appareil militaire. Bien entendu, il se produit dans le cours d'une révolution nombre d'événements parfaitement inattendus et spontanés, et nous devons nous attendre à de tels « accidents » et être prêts à nous y adapter. Mais nous le ferons avec d'autant plus de succès et de sécurité que notre plan de conspiration aura été plus sérieusement élaboré auparavant. La révolution possède une immense puissance d'improvisation. mais n'improvise jamais rien de bon pour les fatalistes, les amateurs et les imbéciles. La victoire provient d'une analyse politique correcte, d'une organisation correcte, et de la volonté de frapper le coup décisif » [58].
L'appareil militaire du K.P.D. — le M.-Apparat — ne saurait suffire à l'immensité des tâches à réaliser dans un si bref délai. L'armée rouge met à la disposition de la révolution allemande un de ses officiers, Letton d'origine, ancien ouvrier, Rose, connu sous le nom de Piotr Alexandrovitch Skoblevsky ou Gorev [59], qui a commencé à réorganiser l'appareil militaire, rebaptisé « organisation politico-militaire » (M.P.) en vue de l'insurrection. Commandant suprême (Reichsleiter), il est assisté d'un « conseil militaire » (Militärrat) que préside Ernst Schneller et dans lequel siègent plusieurs membres de la centrale. Le territoire du Reich a été divisé en six commandements politico-militaires régionaux, correspondant aux régions militaires, Chaque commandant régional (M.P.-Oberleiter) est flanqué d'un conseiller technique envoyé par l'exécutif. Sous leurs ordres sont les commandants de district et sous-district, eux-mêmes à la tête de « détachements de combat » (Kampfleitungen) chargés d'encadrer, d'entraîner, et plus tard de mener au combat les centuries ouvrières [60], L'ensemble de l'organisation politico-militaire est placé sous l'autorité d'un organisme politique de préparation de l'insurrection, le comité révolutionnaire, Revko, ou Revkom [61], présidé par August Kleine, envoyé de l'exécutif depuis 1921, élu à la centrale au congrès de Leipzig. On a souvent exagéré le nombre des officiers et techniciens russes envoyés en Allemagne pour encadrer l'insurrection projetée. La quasi-totalité des cadres techniques sont des Allemands qui ont reçu leur formation d'officiers pendant la guerre mondiale : Wilhelm Zaisser, passé aux partisans ukrainiens en 1918, un des dirigeants des combats de la Ruhr de 1919 et 1920 [62], Albert Schreiner, connu sous le nom de Baumann [63], Hans Kahle [64], Erich Wollenberg, ancien combattant de l'armée rouge bavaroise, Artur Illner, Albert Gromulat [65], le tout jeune Hans Kippenberger, lieutenant de réserve, l'un des plus doués et des plus intrépides responsables de l'appareil clandestin du K.P.D., les anciens officiers ou sous-officiers Karl Frank, Christian Heuck, Stefan Heymann. dit Dietrich, Lengnink, Merker, Strotzel [66], l'ancien major de la vieille armée impériale Hans von Hentig [67]. Quelques-uns ont peut-être suivi en Russie des cours dans des écoles militaires axés sur les problèmes de la guerre civile, mais c'est en combattant durant la grande guerre et dans les rues en 1919, 1920 et 1921, qu'ils ont acquis l'essentiel de leurs connaissances militaires. Les anciens du M.-Apparat ne peuvent faire face à tout et se voient confier des fonctions-clés : ainsi Otto Bulian, chargé de la sécurité (Ordnerdienst), Otto Braun, chargé de la formation des cadres militaires [68]. On leur adjoint des spécialistes de l'organisation : Anton Grylewicz, l'ancien adjoint d'Eichhorn en 1918, qui participe aux préparatifs techniques à Moscou, Artur Ewert, Ottomar Geschke, qui passe dans l'appareil militaire sous le nom de « Eisbäir », Melcher, qui devient « Martin » [69]. On les renforce enfin par l'envoi d'instructeurs, spécialistes, communistes étrangers ayant reçu en Russie une formation appropriée et sortant des cadres de l'armée rouge, ou encore communistes russes. Leurs noms ne sont que rarement connus, nombre d'entre eux appartenant déjà ou étant sur le point d'appartenir aux services secrets de l'armée. Citons cependant Stein, de son vrai nom Manfred Stern [70], Georg, de son vrai nom Alexis Stetski [71], le communiste yougoslave Voya Vuyovic, dirigeant de l'Internationale communiste des jeunes, et les hommes du 4° bureau, dont l'historien ne connaît que les pseudonymes, Walter Krivitsky [72], Alfred Krause et Ludwig, dit aussi Ignace Reiss, qui assurera en Allemagne la sécurité des membres de la délégation de l'exécutif [73]. Ces cadres étrangers — moins d'une centaine — n'ont en principe aucune responsabilité exécutive directe et sont simplement des adjoints techniques des responsables « politico-militaires » allemands aux échelons les plus élevés.
Au cours de la première phase de l'insurrection, le rôle essentiel doit revenir aux milices ouvrières, les centuries prolétariennes patiemment mises sur pied depuis le début de l'année. Brandler estime leur effectif possible pour la seule Saxe à 50 ou 60 000 hommes [74]. Paul Böttche, en 1923, écrit que leur organisation est dix fois plus avancée en Saxe que dans le reste de l'Allemagne [75]. Ruth Fischer, au contraire, considère presque comme quantité négligeable toutes les centuries organisées ailleurs que dans la Ruhr [76]. En fait, il n'est pas facile d'évaluer leurs forces réelles, puisque, dans la majeure partie de l'Allemagne, elles n'apparaissent pas en tant que telles. Leur interdiction sur l'ensemble du territoire prussien, à dater du 15 mai, a incontestablement gêné leur développement, mais elles se sont maintenues ou créées sous d'autres formes, en tant que « services d'ordre », ou sous la forme de sociétés de jeunesse ou de plein air, ce qui leur a permis de pratiquer exercices, marches en campagne et entraînement au maniement des armes et à la manœuvre. Les travaux de Helmut Gast [77] ont permis de mieux connaître leur organisation.
Il y avait 300 centuries environ en Allemagne en mai. Il y en a, selon Gast, 800 en octobre, ce qui donne un effectif total d'environ 100 000 hommes, un tiers dans la seule Saxe, la moitié de l'effectif total pour Saxe et Thuringe réunies, où elles sont légalement autorisées [78]. Quand 25 000 hommes des centuries défilent le 1° mai à Berlin, elles sont encore légales : il y a 1 000 hommes le même jour au défilé de Dresde. Le 9 septembre, 8 000 hommes défilent à Dresde, le 16, 5 000 à Leipzig. Le 23 septembre, 800 hommes des centuries des petites villes de l'Erzgebirge défilent à Œlsnitz ; le 7 octobre, nouveau défilé, dans la même ville, avec 2 000 participants [79]. Un cinquième seulement des centuries sont exclusivement composées de communistes. Les autres résultent d'un front unique entre parti communiste, syndicats et, surtout en Thuringe et en Saxe, parti social-démocrate. A Leipzig, 40 % des hommes ont été « présentés » par le parti communiste, 20 % par le parti social-démocrate, 40 % par les syndicats [80].
L'organisation est calquée sur le cadre de la vie ouvrière. L'unité de base est constituée par la centurie d'usine ou de ville, elle-même subdivisée en détachements plus petits correspondant autant que possible à des lieux de travail, ateliers ou petites entreprises. Deux sizaines forment un groupe de douze hommes : trois groupes constituent une colonne. Chaque centurie est formée de trois colonnes, d'un détachement d'éclaireurs et d'un groupe de secours médical. Sizaines, colonnes, centuries élisent leurs chefs. Chaque centurie est dirigée par un chef de centurie, dirigeant politique élu, assisté d'un adjoint technique élu parmi les hommes ayant une formation militaire, anciens officiers ou sous-officiers la plupart du temps. Le souci de l'unité pousse souvent les miliciens à élire des responsables appartenant aux deux grands partis ouvriers. En Saxe, en règle générale le chef de centurie est communiste et l'adjoint technique social-démocrate. De ce point de vue, Gast souligne l'exception que constitue le district de Zwickau-Plauen, où l'état-major est formé de sept responsables, dont quatre social-démocrates et trois communistes, le social-démocrate Max Seydewitz étant le responsable du district [81]. Dans l'ensemble, cependant, les centuries sont contrôlées par l'appareil militaire du parti communiste et ce sont ses responsables, comme Theodor Neubauer en Thuringe et Ernst Schneller en Saxe, qui dirigent les réunions de travail ou les rassemblements militaires [82].
Vu à l'échelon du parti allemand, l'effort militaire accompli en quelques mois peut paraître considérable. Par rapport à la société allemande, aux effectifs de la Reichswehr, de la police et des groupements armés d'extrême-droite, il apparaît encore très insuffisant. Mais les communistes comptent sur une levée en masse prolétarienne, la désintégration de la Reichswehr, la toute-puissance de la grève pour assurer la victoire de leurs centuries, dans lesquelles certains voient déjà les éléments de la future armée rouge allemande.
Le problème de l'armement est l'un des plus difficiles à résoudre. Le bureau d'organisation, Leo Flieg, éminence grise de la centrale, assurent les liaisons avec l'un des émissaires de l'exécutif, Mirov-Abramov de l'O.M.S. [83], qui bénéficie d'une couverture par sa nomination à un poste de l'ambassade russe, et avec la commission spéciale pour l'achat d'armes et de munitions, la WUMBA [84]. Un enseignant, officier de réserve, Nicolaus Pfaff, assure, sous la fausse identité de « Dr Winkler », le gros des achats [85], pour lesquels les conspirateurs disposent apparemment de sommes importantes en dollars [86]. Les résultats sont difficilement appréciables, les chiffres avancés oscillant entre 600 et 50 000 fusils, par exemple, ce qui donnerait, dans l'hypothèse la plus favorable, un fusil pour deux combattants des centuries [87]. Les revolvers sont apparemment plus nombreux [88], mais mitrailleuses et armes plus lourdes sont rarissimes. Pour le reste, on constitue des stocks d'explosifs, généralement enlevés de nuit dans les chantiers ; quelques armureries ou ateliers de la Reichswehr sont pillés par surprise, mais surtout repérés pour le jour J où il s'agira de se procurer des armes en commençant par l'attaque des postes de police. En Saxe, des militants ont mis sur pied une fabrique clandestine d'armes et munitions [89]. Des contacts ont été pris avec des officiers, sous-officiers et soldats de la Reichswehr, sur qui l'on compte pour livrer au dernier moment les dépôts d'armes aux insurgés.
Le parti entier est sur pied de guerre. Dès les premiers jours de septembre, avec l'aide de plusieurs dizaines de spécialistes envoyés par l'exécutif, des dizaines de milliers de militants sont passés dans la clandestinité. Les membres des groupes de choc des centuries ont quitté leur usine, des militants connus ont changé de nom et de domicile. Dans toutes les grandes villes, les hommes dorment, et parfois vivent jour et nuit dans des appartements transformés en dortoirs ou quartiers généraux clandestins, où l'on étudie le plan des villes, la carte de la région, l'emplacement des forces d'ordre et les communications. Périodiquement, pour groupes d'action et centuries, on exécute des exercices d'appel et de rassemblement.
Les militants ainsi détachés de leur milieu habituel en arrivent parfois à ne plus pouvoir penser, sentir et se comporter autrement qu'en conspirateurs. Ruth Fischer cite — de mémoire — une intervention de Hans Pfeiffer significative à cet égard :
« En aucune circonstance nous ne devons proclamer la grève générale. La bourgeoisie découvrirait nos plans et pourrait nous écraser avant que nous ayons bougé. Il faut au contraire calmer les mouvements spontanés, retenir nos groupes dans les usines et les comités de chômeurs, afin que le gouvernement pense que le danger est passé. Et alors — quand ils seront englués dans l'illusion d'une sécurité complète —, frappons en une nuit, vite et bien, arrêtons le gouvernement. enlevons les casernes, sonnons le tocsin de la dernière bataille » [90].
La naïveté du propos prête à sourire. Elle s'explique cependant, autant par les conditions du moment que par l'intensité de l'effort sans précédent fourni par les militants. Albert, qui a vécu ces semaines, écrit :
« Pas une cité du pays où l'on ne se soit consciencieusement préparé à la bataille avec le souci minutieux d'hommes résolus à tout donner. Pas une journée sans âpre labeur, pas une nuit sans tâche spéciale. Pas un problème négligé. Je sais des camarades qui n'ont pendant de longues semaines, pas dormi une nuit complète. J'ai vu des visages ravinés par le surmenage. Les yeux, volontaires, y gardaient leur flamme intense. (...) Le parti communiste allemand a donné au prolétariat du monde l'exemple nouveau, précieux, d'une formidable préparation révolutionnaire » [91].
C'est à la même plume que nous devons cette évocation d'une réunion du parti :
« Il est bon de trouver rassemblés autour d'une même table quelques fronts d'hommes qui savent ce qu'il y a derrière les choses et, dans cette souffrance d'un peuple, retrempent chaque jour leur volonté au contact d'une espérance illimitée. (...) Une jeune voix clame, contenue : « Nous avons déjà des divisions entières ! » L'armement, il est vrai, manque : on ira le prendre dans les casernes. La carte d'Allemagne est présente à tous les esprits : « Saxe, Thuringe, Hambourg, Berlin tiendront... La Russie ! » — « Radek a écrit ... ». J'ai remarqué que les intellectuels — j'en suis — sont les plus méfiants. (...) Longuement ils pèsent, soupèsent les difficultés, avec une raison raisonnante parfois d'un effet fort dissolvant. Un ami coupe court à nos gloses : « Je crois, dit-il, à la révolution parce que je la veux, parce que je vis avec des hommes qui la veulent. » C'était un organisateur de section. Il travaillait jour et nuit » [92].
Voya Vuyović confie son optimisme à Victor Serge :
« On vaincra à la date fixée. Tout se fera beaucoup mieux qu'en Russie » [93].
Ruth Fischer, des années après, reconnaîtra l'optimisme résolu de ces dizaines de milliers d'hommes qui préparaient scientifiquement leur révolution :
« La promesse officielle du bureau politique russe de soutenir le soulèvement allemand était avec enthousiasme tenue pour décisive. Le nombre de camarades russes en Allemagne, les fonds illimités (surtout en dollars américains), les méthodes professionnelles de préparation, inspiraient confiance. (...) Ces froids prolétaires allemands respiraient dans une extase révolutionnaire » [94].
Paradoxalement, pendant qu'à Moscou d'abord, dans les centres industriels d'Allemagne clandestinement ensuite, on prépare l'insurrection, la crise semble sinon s'apaiser, du moins avoir atteint un palier. A la fin d'août, Thalheimer écrit encore que le temps d'agir n'est pas venu :
« L'heure du gouvernement ouvrier et paysan, du premier pas vers la dictature du prolétariat, viendra quand l'écrasante majorité de la classe ouvrière voudra non seulement rompre avec la coalition bourgeoise, mais aussi lutter par tous les moyens pour l'avènement du gouvernement ouvrier et paysan. Il faudra encore que d'importantes fractions de la petite bourgeoisie observent à l'égard de la classes ouvrière une neutralité bienveillante et que la grande bourgeoisie elle-même soit divisée. D'autre part, il faudra que les organisations de classe du prolétariat, les conseils d'usine, les comités de contrôle, les centuries prolétariennes, aient acquis un large développement et une autorité prépondérante dans les masses. (...) Il faudra par conséquent parcourir, tant sur le plan politique que celui de l'organisation, un long chemin avant de trouver les conditions qui assureront la victoire de la classe ouvrière. L'histoire décidera de la durée de la période nécessaire » [95].
Sur la base de cette analyse, les développements politiques ne semblent pas indiquer l'approche du jour J. La centrale allemande paraît décidée à rectifier les exagérations manifestes dans l'application de la ligne Schlageter, et Voya Vuyović affirme à Humbert-Droz qu'elle a « décidé de modifier cette tactique et de modérer ces déclarations belliqueuses » [96]. D'autre part, dès les lendemains de la grève qui a balayé Cuno, le cabinet Stresemann ne dissimule pas son intention de demander à tous, y compris aux salariés, des « sacrifices ». Le chancelier et son ministre des finances social-démocrate insistent dans leurs déclarations sur la nécessité de diminuer le volume global des salaires, d'intensifier le travail et d'augmenter considérablement les importations. La presse bourgeoise fait campagne pour la suppression de la journée de huit heures, et le journal qui passe pour exprimer la pensée de Stinnes, Deutsche Allgemeine Zeitung, écrit le 8 septembre :
« Le peuple allemand doit travailler au moins deux heures de plus, avec au moins une intensité égale à celle d'avant guerre » [97].
L'opposition de gauche dans le parti social-démocrate ne cesse, certes, de se renforcer. C'est le congrès régional de Berlin qui déclare faillie la politique de grande coalition, réclame un retour à une politique de classe et vote un ordre du jour de félicitation à Zeigner [98]. Mais, en même temps, elle se révèle impuissante à arrêter la répression exercée sur les communistes par les dirigeants de son propre parti : au lendemain de la publication de l'appel commun de l'Internationale communiste et de l'Internationale syndicale rouge, c'est le ministre de l'intérieur du Reich, le social-démocrate Sollmann, qui interdit pour huit jours Die Rote Fahne et Volkswacht de Rostock [99].
La presse illégale ou semi-légale du K.P.D. ne baisse cependant pas de ton, et, dès sa reparution, Die Rote Fahne reprend ses proclamations incendiaires, titrant le 15 septembre : « A bas le régime de sang et de famine ! » [100], invitant, le 21 à organiser meetings et manifestations de masse comme préparation à la grève générale pour le renversement de Stresemann et la formation d'un gouvernement ouvrier et paysan [101]. Le 23 septembre paraît en première page un article de préparation à l'insurrection intitulé : « La Voie de la révolution prolétarienne en Allemagne (Un mot supplémentaire pour les ouvriers social-démocrates) » [102]. Le lendemain le préfet de police de Berlin suspend Die Rote Fahne pour quinze jours [103].
Dans l'ensemble, la rue des villes d'Allemagne est plus calme. Les seuls incidents notables dans ces quelques semaines se produisent dans le pays de Bade, avec manifestations et batailles rangées contre la police dans la petite citée de Lörrach [104]. Les dirigeants du district communiste de Bade appellent à la grève générale dans le pays de Bade, mais sont désavoués par la centrale, qui voit là un risque de déclencher prématurément les combats armés dans une région périphérique [105]. Le gouvernement badois ayant consenti à retirer ses forces de police de Lörrach et ses environs, le calme est revenu aux alentours du 25 septembre.
A la fin de septembre, le gouvernement Stresemann a franchi deux étapes importantes vers la stabilisation et la normalisation qu'il s'était fixées comme objectifs. Le 26, en effet, le chancelier a fait connaître que le gouvernement allemand reconnaissait l'occupation de la Ruhr et décidait de mettre fin à la « résistance passive », ouvrant ainsi la voie au compromis souhaité par Washington et Londres [106]. D'autre part, au lendemain d'une chute vertigineuse, pendant la semaine du 13 au 19 septembre, le mark s'est stabilisé à partir du 22 aux environs de 100 millions pour un dollar [107].
C'est à ce moment que les initiatives de l'extrême-droite semblent sur le point de créer une situation entièrement nouvelle. Le 21 septembre, Hugo Stinnes informe l'ambassadeur des Etats-Unis de l'imminence d'un mouvement en Bavière soutenu, dit-il, par tous les partis de droite et un nombre important de modérés du centre, dont l'objectif principal est la lutte contre le communisme. Il précise à son interlocuteur que les industriels soutiennent le mouvement, qui aura à combattre férocement les communistes et vraisemblablement à briser par la force la grève générale. Il ajoute qu'on peut espérer éliminer ainsi le socialisme comme méthode politiquement possible d'existence nationale en Allemagne, et qu'il restera à « révoquer sans retard les lois et décrets qui gênent la production et n'ont pas d'objectif utile » [108]. Les événements en Bavière vont bientôt convaincre l'ambassadeur que Stinnes ne se trompait pas.
Le 26 septembre, en effet, par un véritable coup d'Etat, von Kahr se proclame commissaire général du Reich pour la Bavière et décrète l'état de siège [109]. Dans la nuit du 26 au 27, en réplique à son initiative, Ebert, en vertu de l'article 48, proclame l'état de siège dans l'ensemble du Reich et remet l'exécutif au ministre de la Reichswehr, le démocrate Gessler, paravent civil du général von Seeckt. Les ministres social-démocrates ont approuvé cette décision, justifiée selon eux par le « danger réactionnaire en Bavière », et la presse de leur parti parle de « défendre la République ». Mais, le 27, le général von Lossow, commandant de la Reichswehr en Bavière, se place sous les ordres de von Kahr. Ce dernier, le 28, abroge en Bavière la loi « de défense de la République » votée au lendemain de l'assassinat de Rathenau [110].
L'initiative semble passée entre les mains de l'extrême-droite. De Bavière parviennent dans tout le Reich les bruits de bottes et les cliquetis d'armes des bandes nationalistes bien organisées et solidement équipées, des corps francs tristement célèbres d'Ehrhardt et de Rossbach — qui vient précisément de s'évader de la forteresse où il était enfermé —, de Ludendorff qui, depuis janvier, sent revenir son heure, d'Adolf Hitler et de ses troupes enfin. La « Reichswehr noire » s'agite et, le 1° octobre, le major Buchrucker tente à Kustrin un putsch maladroit mais révélateur [111]. De tous côtés on parle d'une nouvelle croisade contre le bolchevisme, qui partirait de Munich pour marcher sur Berlin. A certains égards, la situation rappelle celle qui avait prévalu à l'époque du putsch de Kapp : partie triangulaire ou semblent sur le point de s'affronter la Reichswehr, les bandes nationalistes et les ouvriers armés, sans qu'il soit possible de déterminer qui, le premier, appuiera sur la détente. La Reichswehr, devenue légalement maîtresse de l'Etat, proclame son intention de « défendre la République » contre ses ennemis de gauche comme de droite, alors que ses chefs sont bien décidés à éviter les combats « fratricides » et à briser la menace révolutionnaire. La classe ouvrière, épuisée par les souffrances de l' « année terrible », fascinée par le danger des bandes nationalistes, a laissé s'établir un régime de dictature militaire et d'état de siège dont l'expérience lui avait pourtant démontré que c'était toujours contre elle qu'il était en dernière analyse utilisé.
Le parti communiste l'explique dans un manifeste à la classe ouvrière allemande [112] : la fin de la résistance proclamée par Stresemann à la tribune du Reichstag marque le signal de l'offensive capitaliste contre les salaires et la journée de huit heures, et l'état de siège, proclamé sous le prétexte de venir à bout des menées révolutionnaires et nazies en Bavière et séparatistes en Rhénanie, est en réalité destiné à liquider les conseils d'usine et à frapper le mouvement révolutionnaire alors qu'il rassemble encore ses forces.
Mais le fait que l'initiative semble maintenant passée de la classe ouvrière aux « fascistes » n'est pas pour embarrasser les dirigeants communistes. Ils comptent même sur cette menace pour réveiller la combativité ouvrière. Ils pensent que les travailleurs se soulèveront avec eux, comme en août, lorsque tombera définitivement le masque de la « grande coalition », ultime réserve de la bourgeoisie. C'est en fonction de la perspective de ce soulèvement armé — le premier à avoir été techniquement préparé par un parti communiste depuis celui d'octobre 1917 — que sont déterminées à Moscou, pendant les derniers jours de septembre, les articulations du plan qui doit, selon ses auteurs, conduire en quelques semaines à l'explosion de l'Octobre allemand, à la deuxième étape — cinq ans après — de la révolution mondiale.
Le 29 septembre, la centrale adresse clandestinement à tous les secrétaires de district une circulaire qui ne laisse aucun doute sur l'approche de l'insurrection :
« Dans les entreprises et les localités, il faudra immédiatement construire des comités d'action formés de représentants du S.P.D., de l'U.S.P.D., du K.P.D., des cartels de sportifs, des conseils d'usine, des syndicats et autres organisations ouvrières. La tâche des comités d'action est d'entreprendre la lutte contre l'état de siège et contre la dictature Gessler-von Kahr soutenue par le gouvernement. Le moyen essentiel est la préparation de la grève générale dans toutes les entreprises et localités. (...) En même temps que la préparation à la grève générale, les comités d'action doivent élaborer un plan de mobilisation des masses ouvrières pour les combats à venir » [113].
Notes
[1] Cité par Kuusinen, « Un Exposé fallacieux des événements d'Allemagne », Cahiers du bolcheuisme, n° 11, 30 janvier 1925, p. 718. Le texte des thèses n'a jamais étépublié. Aujourd'hui encore, les historiens officiels se contentent de citer ces extraits.
[2] Ibidem, n° 12, 6 février 1925, pp. 763-764.
[3] R. Fischer, op. cit., p. 305.
[4] Kuusinen, op. cit., p. 718.
[5] Les informations sur cette rencontre sont données par Wenzel, op. cit., p. 179, sur la base d'un compte rendu que lui en a fait en 1952 August Enderle. Angress (op. cit., p. 392, n. 38) a souligné les invraisemblances et exagérations de ce récit, comme la promesse de Trotsky d'envoyer l'armée rouge en Allemagne ... Mais la présence de Walcher et d'Inderle à cette date est attestée par ailleurs, et il n'y a pas lieu, à notre avis, de douter de la rencontre elle-même.
[6] La présence de Piatakov et Tsiouroupa, invités en tant qu'experts des questions allemandes, le premier étant par-dessus le marché tenu pour un expert militaire, est signalée par Bajanov, Avec Staline dans le Kremlin (Paris, 1930), p. 190 ; celle de Radek également, qui allait de soi. Celles de Kuusinen, Walcher et Edwin Hoernle le sont par les témoignages qu'a recueillis Hermann Weber (op. cit., I, p. 49).
[7] Bajanov, op. cit., pp. 190-198. La dernière version officielle de l'Histoire du Komintern est muette sur cette réunion.
[8] Bajanov, op. cit., pp. 195-196, ainsi que Wenzel, op. cit., pp. 193-194, qui suit d'assez près les informations données par Erich Wollenberg. Angress (op. cit., p. 395) suit ces deux auteurs. Quant à elle, Ruth Fischer (op. cit., p. 323) mentionne Radek et Shmidt, mais non Unschlicht et Piatakov, qu'elle remplace par Guralski-Kleine et Skoblevsky, lesquels devaient effectivement exercer des responsabilités en Allemagne. En tait, cette commission ayant fonctionné en Russie même jusqu'aux derniers jours d'octobre, à une époque où Guralski et Skoblevsky étaient à pied d'œuvre depuis des semaines, c'est la première liste qui paraît être la bonne. Souvarine (Staline, p. 316) mentionne seulement Radek et Piatakov : la présence de ce dernier ne fait aucun doute, elle est notamment attestée, au lendemain de la défaite, par des déclarations de Radek devant l'exécutif (Die Lehren ... , pp. 23 sq.).
[9] L'invitation lancée aux dirigeants de la gauche pour une discussion à Moscou avec Brandler et les dirigeants russes s'expliquait par la détermination de l'exécutif d'imposer la collaboration aux deux tendances allemandes. Radek le précise en ces termes dans une lettre, déjà citée (voir chap. XXXIII), adressée en décembre 1926 à Clara Zetkin : « J'ai cherché à garder Brandler, non par amitié, quoique j'aie pour lui une grande estime et qu'en tant qu'homme il soit très proche de moi, mais parce que j'étais convaincu que les camarades de la gauche n'étaient pas en mesure de diriger seuls le parti et de maintenir le contact avec les larges masses. Un parti communiste sans les ouvriers de la gauche est menacé de devenir un U.S.P.D. Un parti communiste sans la collaboration d'hommes comme Brandler, Thalheimer, Walcher et les milliers de vieux spartakistes court le danger de devenir un K.A.P.D. » (The New International, New York, vol. I, n° 5, p. 156). Pour Ruth Fischer (op. cit., p. 313), il s'agissait moins de faire participer les dirigeants de la gauche aux discussions préparatoires que de permettre à Radek de la retenir à Moscou ainsi que Maslow. En fait, un rôle important sera donné dans les préparatifs puis la direction de l'insurrection à des militants responsables de sa tendance ;Thaelmann, mais aussi Anton Grylewicz et Max Hesse, deux des dirigeants ouvriers du district berlinois, prennent part à toutes les discussions ; Max Hesse sera même envoyé en Saxe pour y contrôler en octobre les préparatifs de l'insurrection. Mais Radek cherchait alors, comme il le faisait depuis des mois, à éviter la scission, et à isoler Ruth Fischer et Maslow de leurs camarades de tendance. Il est incontestable que, sur ce plan, il a réussi, puisque Thaelmann au moins reviendra de Moscou, selon Ruth Fischer, animé d'un « nouvel enthousiasme » pour la stratégie adoptée et puisque, toujours selon elle, très peu de militants responsables de Berlin « exprimaient des doutes quant à la validité des plans adoptés à Moscou » (op. cit., p. 328).
[10] Selon Ruth Fischer (op. cit., p. 312), Brandler « éprouva le choc de sa vie » en découvrant les affiches sur l'Allemagne dans les rues de la capitale soviétique. Tout semble indiquer que Brandler arriva le premier avec ses collaborateurs immédiats, et qu'il fut suivi à quelques jours d'intervalle par les dirigeants de la gauche. Selon Véra Mujbegović (op. cit., p. 398), la décision d'envoyer à Moscou Ruth Fischer et Maslow fut prise par la centrale le 12 septembre.
[11] R. Fischer, op. cit., p. 312.
[12] Bessedovskv, Revelations of a Soviet Diplomat, p. 62, cité par Angress, op. cit., p. 397.
[13] Voir sur ce point Bericht über die Tätigkeit der Exekutive der K.I. vom IV. bis V. Weltkongress (1924), p. 8.
[14] Voir par exemple la résolution du régiment de Chasseurs de Koursk adressée à la K.J.D., publiée dans Die Junge Garde, 7 octobre 1923.
[15] Wenzel, op. cit., p. 92.
[16] Bessedovsky, op. Cit., p. 62, cité par Angress, op. cit., p. 397.
[17] Ibidem, p. 63.
[18] Wenzel. op. cit., p. 192.
[19] Cité par Angress. op. cit., p. 397.
[20] Barmine, Ving! ans au service de l'U.R.S.S., p. 217.
[21] Die Rote Fahne, 16 août 1923.
[22] Ibidem, 17 août 1923.
[23] Ibidem, 19 août 1923.
[24] Ibidem, 21 août 1923.
[25] Ibidem, 22 août 1923.
[26] Vorwärts, 17 août 1923.
[27] Angress, op. cit., pp. 408-409.
[28] Ibidem, p. 409.
[29] Die Kommunistische Internationale. Kurzer historischer Abriss (1970), p. 235.
[30] Die Rote Fahne, 1er septembre 1923.
[31] Ibidem
[32] Die Rote Fahne, 2 septembre 1923.
[33] Die Rote Gewerkschaftsinternationale, n° 9, septembre 1923, pp. 785-789.
[34] Die Kommunistische Internationale — Kurzer historischer Abriss précise qu'elles commencèrent le 21 septembre (p. 236), pour se terminer seulement le 4 octobre (p. 238). Or Thalheimer (op. cit., p. 21) précise que Brandler était à Moscou dès la fin août. Pourquoi alors un tel retard ? Thalheimer dit : « Parce que la majorité des camarades russes étaient absents. »
[35] La présence d'Eberlein est attestée dans Die Kommunistische Internationale (abrégé), pp. 237-238, celle de Hesse et d'Anton Grylewicz par leurs propres témoignages, corroborés par des tiers et rapportés par Hermann Weber (op. cit., II, pp. 160 et 145).
[36] Procès-verbal de la centrale du 12 septembre 1923 (l.M.L.-Z.P.A., 3/3, p. 82), cité par Véra Mujbegović, op. cit., p. 398, n. 85.
[37] Kuusinen, op. cit., p. 760.
[38] Trud, 22 septembre 1923, cité par Carr, op. cit., p. 205.
[39] R. Fischer, op. cit., p. 313.
[40] Ibidem, p. 317.
[41] Brandler à T rotsky en janvier 1964, cité par Trotsky, De la révolution, Paris, 1963, p. 196.
[42] Wenzel, op. cit., pp. 182-183 ; Trotsky, « Leçons d'Octobre », Cahiers du bolchevisme, n° 6, 26 décembre 1924, pp. 405-407.
[43] Ibidem, p. 406
[44] Ibidem, p, 406. Notons sur ce point l'accord entre Brandler, Radek, Trotsky et la gauche allemande (Compte rendu 5° congrès, p. 139, Zinoviev).
[45] Die Lehren, p. 60.
[46] Pravda, 23 septembre 1923 ; The First Five Years of the Communist International, t. II, pp. 347-354. Vom Bürgerkrieg n° 3, n. d. (1923) pp. 1-7.
[47] Ibidem, p. 349.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem.
[50] Die Lehren, p. 60.
[51] La source de cette information est Brandler lui-même ; elle a été reproduite par Isaac Deutscher. The Prophet Unarmed, pp. 111-112, 143, et par Wenzel, op. cit ., p. 193. Elle est discutée par Angress, op. cit., p. 403, n. 65, qui conclut à son authenticité.
[52] Ibidem. En fait, selon une lettre d'octobre 1962 adressée par Brandler à Hermann Weber et K. H. Tjaden, la décision suprême appartenait à un « Comité des trois » (M.P.), formé de Brandler lui-même, Thaelmann et Piatakov.
[53] Discours de Zinoviev à l'exécutif du 11 janvier 1924, Die Internationale, n°2/3, 28 mars 1924, p. 44. Le paragraphe correspondant ne figure pas dans Die Lehren ... On trouve une allusion aux attaques contre la seule Ruth Fischer dans Kuusinen, op. cit., p. 761.
[54] R. Fischer, op. cit., p. 323, Weber, op. cit., p. 214. Certains prétendirent, dans le parti allemand et dans l'Internationale, que Maslow était au service de la police. En février 1922, à la suite de son arrestation à Berlin, il avait fait des déclarations suivant lesquelles il était un agent du gouvernement russe, homme de confiance de Trotsky et de Radek, ce qui lui paraissait le meilleur moyen d'être rapidement libéré, vu les rapports entre les gouvernements russe et allemand. Cela ne l'empêcha pas d'être condamné à huit mois de prison pour usage de faux papiers (Weber, Die Wandlung, II, p. 214). L'affaire fut ressortie à l'exécutif en septembre.
[55] R. Fischer, op. cit., p. 761.
[56] Procès-verbal de la centrale du 12 octobre 1923. I.M.L.-Z.P.A., 3/3, p. 96, cité par Véra Mujbegović, op. cit., p. 396, n. 80.
[57] R. Fischer, op. cit., p. 318.
[58] Pravda, 23 septembre 1923 ; op. cit., pp. 452-453.
[59] Angress, op. cit., p. 417, n. 97, fait le point des discussions sur la date exacte de son arrivée en Allemagne : septembre 1922, janvier ou septembre 1923.
[60] Wenzel, op. cit., pp. 194 sq. ; Wollenberg, cité par Weber, Von Rosa Luxemburg zu Walter Ulbricht, pp. 28-29.
[61] Les auteurs russes, notamment Davidovitch, donnent le titre de Revkom aux organismes locaux et réservent à la direction suprême le terme de « Kopf » (op. cit., p. 134).
[62] Il sera, en Espagne, le « général Gomez ».
[63] Il sera, en Espagne, le « major Schindler ».
[64] Il sera, en Espagne, le « colonel Hans ».
[65] Wollenberg, cité par H. Weber, Von Rosa Luxemburg zu Walter Ulbricht, p. 29.
[66] Voir Weber, Die Wandlung, II, pour tous ces noms.
[67] Wollenberg mentionne « Von H. ». Ruth Fischer, op. cit., p. 315, précise que Hans von Hentig était « l'organisateur communiste en Thuringe » et « chargé de procurer des armes ». De nombreux renseignements sur cette curieuse personnalité se trouvent dans O. E. Schüddekopf, Linke Leute von Rechts, et notamment p. 160 sur son rôle en 1923.
[68] Weber, Die Wandlung ... , pp. 86 et 89.
[69] Ibidem, pp. 145, 114, 134, 217.
[70] Davidovitch (op. cit., p. 233, n. 2) atteste que son prénom était Manfred et non Lazar comme on l'avait cru jusqu'alors. Wollenberg a indiqué le pseudonyme de Stein. Stern sera connu pendant la guerre d'Espagne sous le nom de « général Kléber ».
[71] Wollenberg, cité par Weber, ibidem.
[72] Consulter avec précaution son ouvrage In Sta!in's Secret Service.
[73] Sur Krause et sur Ludwig, voir Elsa Poretsky, Les nôtres. Ludwig, selon l'auteur — qui fut sa compagne — se retrouva même à Dresde en compagnie de Piatakov qu'il escortait avec un faux passeport, pourtant préparé par les « services », rigoureusement identique à celui de son compagnon (p. 71) ...
[74] Die Lehren ... , p. 60.
[75] Corr. int., n° 49, 19 juin 1923, p. 363.
[76] R. Fischer, op. cit., p. 295.
[77] H. Gast, «Die Proletarischen Hundertschaften als Organe der Einheitsfront im Jahre 1923 », ZfG, n° 3, 1956, pp. 439-465.
[78] Ibidem, pp. 452-453 ; Oktober, 1931. n° 4, pp. 21-22.
[79] H. Gast, op. cit., p. 453.
[80] Ibidem, p. 454.
[81] Ibidem, p. 455.
[82] Ibidem, pp. 448, 453.
[83] Il s'agit de l'Otdel Mejdunarodnoj Syvazi, ou « département pour les liaisons internationales » auprès, de l'exécutif international.
[84] Abréviation de Waffen und Munitionsbeschaffungsamt.
[85] Weber, Die Mandlung, II, p. 244. Le même auteur nomme aussi, parmi les pourvoyeurs d'armes, Christan Heuck (ibidem, p. 161) et Paul Gmeiner (p. 134). Ruth Fischer (op. cit., p. 315) mentionne également von Hentig en Thuringe.
[86] Ibidem.
[87] Borkenau, World Communism, p. 250. parle de 600 fusils, et O. K. Flechtheim, op. cit., p. 93, n. 1, de 11 000. L'ex-communiste Zeutschel, passé aux nazis, écrit dans Im Dienst der Kommunistischen Terror-Organisation Tscheka in Deutschland, p. 92, que le parti disposait de 50 000 fusils dans toute L'Allemagne, et Brandler déclare à Moscou qu'il n'en avait que 800 pour la Saxe (Die Lehren, p. 6). Brandler a donné à Wenzel (op. cit., p. 395) le chiffre de 395 fusils pour le début l'insurrection à Hambourg.
[88] Zeutschel, op. cit., p. 23, écrit que les insurgés de Hambourg disposaient de 80 fusils et du double de revolvers.
[89] Gast, op. cit., p. 457.
[90] Cité par R. Fischer, op cit., p. 327.
[91] R. Albert « Au seuil d'une révolution », Clarté, n° 53, 15 février 1924, p. 97.
[92] Ibidem, 1° février 1924, p. 63.
[93] V. Serge, Mémoires d'un révolutionnaire, p. 168.
[94] Ruth Fischer, op. cit., p. 327.
[95] Corr. int., n° 69, 31 août 1923, p. 619.
[96] Lettre de Humbert-Droz à Zinoviev, 20 septembre 1923, faisant allusion à une visite de Vuyović àParis dans les premiers jours de septembre, Archives Humbert-Droz, citée dans L'Œil de Moscou, p. 195.
[97] Deutsche Allgemeine Zeitung, 8 septembre 1923.
[98] Vorwärts, 25 septembre 1923.
[99] Die Rote Fahne, 4 septembre 1923.
[100] Ibidem, 15 septembre 1923.
[101] Ibidem, 21 septembre 1923.
[102] Ibidem, 23 septembre 1923.
[103] Ibidem, 24 septembre 1923.
[104] Angress, op. cit., p. 388; Habedank, op. cit., pp. 45-47; Wenzel. op. cit., pp. 203-205.
[105] Angress, op. cit., p. 426; Wenzel, op. cit., p. 216.
[106] Stresemann, Vermächtnis, I, pp. 98, 100-128.
[107] Corr. int., n° 77, 28 septembre 1923, p. 582.
[108] Hallgarten, op. cit., p. 64.
[109] Benoist-Méchin, op. cit., II, p. 295.
[110] Ibidem, pp. 295-296.
[111] Ibidem, pp. 270-278.
[112] « Le K.P.D. au peuple travailleur », Corr. int., n° 56, supplément, 29 septembre 1923.
[113] I.M.L.-Z.P.A., 43 1/250, ff. 24 sq., cité par R. Wagner, « Die revolutionäre Bewegung in den Bezirken Hessen-Frankfurt und Baden im Herbst 1923 », BzG, n° 7, 1965, p. 85.