1971 |
"Nous prions le lecteur de n’y point chercher ce qui ne saurait s’y trouver : ni une histoire politique de la dernière République espagnole, ni une histoire de la guerre civile. Nous avons seulement tenté de serrer au plus grès notre sujet, la révolution, c’est-à-dire la lutte des ouvriers et des paysans espagnols pour leurs droits et libertés d’abord, pour les usines et les terres, pour le pouvoir politique enfin." |
« Il n’en va guère mieux avec le P.O.U.M. Certes, il a théoriquement tenté de s’appuyer sur la formule de la révolution permanente (et c’est pour cela que les staliniens ont traité les poumistes de trotskystes), mais la révolution ne se contente pas de simples reconnaissances théoriques. Au lieu de mobiliser les masses contre les chefs réformistes, y compris les anarchistes, le P.O.U.M. cherchait à convaincre ces messieurs de l’avantage du socialisme sur le capitalisme. C’est sur ce diapason qu’étaient accordés tous les Articles et discours des leaders du P.O.U.M.
Pour ne pas se détacher des chefs anarchistes, ils n’organisèrent pas leurs propres cellules dans la C.N.T. et, en général, n’y firent aucun travail. Éludant les confits aigus, ils ne menèrent aucun travail dans l’armée républicaine. Au lieu de cela, ils édifièrent leurs « propres syndicats » et leurs « propres milices » qui défendaient leurs propres édifices ou s’occupaient de leurs propres secteurs du front. En isolant l’avant-garde révolutionnaire de la classe, le P.O.U.M. affaiblissait l’avant-garde et laissait les masses sans direction. Politiquement, le P.O.U.M. est resté incomparablement plus près des Front populaire dont il couvrait l’aile gauche, que du bolchevisme. Si le P.O.U.M. est tombé victime d’une répression sanglante et fourbe, c’est que le Front populaire ne pouvait remplir sa mission d’étouffer la révolution socialiste autrement qu’en abattant morceau par morceau son propre flanc gauche.
En dépit de ses intentions, le P.O.U.M. s’est trouvé en fin de compte, le principal obstacle sur la voie de la construction d’un parti révolutionnaire. C’est une très grande responsabilité qu’ont prise sur eux les partisans platoniques ou diplomatiques de la IVe Internationale... qui ont démonstrativement soutenu le P.O.U.M. dans son hybridité, son indécision, sa tendance à écarter les questions brûlantes, en un mot son centrisme. La révolution ne s’accorde pas avec le centrisme.
Il faut conformer la politique aux lois fondamentales de la révolution, c’est-à-dire au mouvement des classes en lutte, et non aux craintes et aux préjugés superficiels des groupes petits-bourgeois qui s’intitulent Front populaire et un tas d’autres choses. La ligne de moindre résistance s’avère dans la révolution la ligne de pire faillite. La peur de s’isoler de la bourgeoisie conduit à s’isoler des masses. L’adaptation aux préjugés conservateurs de l’aristocratie ouvrière signifie la trahison des ouvriers et de la révolution. L’excès de prudence est 1’imprudence la plus funeste. Telle est la principale leçon de l’effondrement de l’organisation politique la plus honnête de l’Espagne, le P.O.U.M., parti centriste. »
(L. Trotsky, « Leçons d’Espagne, dernier avertissement », Écrits, t. III, pp. 543-544 et 551.)
« Peut-on parler de divorce entre la masse du Parti et son Comité exécutif ? Peut-on formuler contre nous l’accusation d’antidémocratique et d’usurpation ? Honnêtement non. Cependant, les éléments trotskistes, qui obéissent à un pape et à un dogme, ont eu l’audace de la formuler, ce qui a provoqué une brève résolution... Les trotskistes ont naguère tenté de diviser notre Parti et ont complètement échoué. Ils s’efforcent aujourd’hui de le discréditer, parce que son prestige international rend leurs manœuvres impossibles, mais ils n’échoueront pas moins complètement...
... Le trotskisme n’a joué aucun rôle au cours de la révolution espagnole. Il manquait d’organisation effective en Espagne et, d’autre part, ses critiques et ses conseils, imprégnés du sectarisme et du schématisme le plus étroit, n’ont pu être d’aucune utilité à l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat espagnol.
La manœuvre d’infiltration et de division tentée par le trotskysme au sein de notre Parti échoua complètement grâce à la ligne politique ferme et à l’unité interne du Parti. Le Comité central du P.O.U.M., fort de sa propre expérience, met les partis marxistes indépendants en garde contre les manœuvres du trotskysme et contre son sectarisme politique, lequel, s’il porte, à vrai dire, en lui-même sa propre négation et sa propre impuissance, peut avoir des effets nocifs pour l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat.
... Le P.O.U.M. reconnaît qu’il a commis quelques erreurs.
Loin de les dissimuler, il se propose au contraire de les reconnaître publiquement, lorsqu’il fera le bilan général de la révolution, conformément aux devoirs de la plus sévère autocritique marxiste, condition indispensable pour la formation de ses militants et le renforcement de son prestige devant l’opinion prolétarienne internationale. »
(Présentation et résolution politique adoptée au Comité central élargi du P.O.U.M., 1er avril 1939. Archives personnelles.)
« Pendant tout le cours de la révolution et de la guerre civile, il y a eu dans le Parti une fraction, plus ou moins organisée, qui n’avait pas la moindre foi ni la moindre confiance dans la politique révolutionnaire du P.O.U.M., qui a toujours conspiré contre elle, qui l’a sabotée sur les fronts et à l’arrière, qui a imposé au Parti des tactiques erronées, qui l’a empêché de jouer le rôle que l’Histoire lui réservait. [...] C’est la fraction qui, pendant tout le cours de notre action en Espagne, a trouvé son expression la plus achevée dans la majorité du Comité central, c’est la fraction qui a donné à cet organisme un caractère réactionnaire achevé.
Les circonstances mêmes que nous avons traversées en Espagne ne nous ont pas toujours donné l’occasion propice pour manifester au grand jour nos divergences. L’Histoire nous présentera souvent comme responsables de ces erreurs. La plus grande erreur politique que nous ayons commise a été précisément de faire trop longtemps le silence sur ces divergences, et de ne pas les rendre publiques. »
(« Ante la crisis política del Partido », adresse aux militants du P.O.U.M., datée du 23 juin 1939, signée de Juan Andrade, Wilebaldo Solano, José Calvet, Amadeo Robles. Archives personnelles.)