1965

"(...) de toute l'histoire antérieure du mouvement ouvrier, des enseignements de toute cette première période des guerres et des révolutions, de 1914 à 1938, analysés scientifiquement, est né le programme de transition sur lequel fut fondée la IV° Internationale. (...) Il est impossible de reconstruire une Internationale révolutionnaire et ses sections sans adopter le programme de fondation de la IV° Internationale comme base programmatique, au sens que lui conférait Trotsky dans la critique du programme de l'I.C. : définissant la stratégie et la tactique de la révolution prolétarienne."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (1)


6

Le "Néo-trotskysme" en quête d'un "néo-programme"

Un programme fondé sur la "prospérité"

Aussi peut-il apparaître étonnant de constater que P. Frank insiste :

« Autrement dit, notre Programme de transition, qui contient encore ( admirez cet encore : Malgré son râtelier, ses rhumatismes et ses béquilles, il est «  encore  » alerte, le vieux !), vingt-cinq années après avoir été écrit, tant de choses valables pour les couches les plus défavorisées de la classe ouvrière européenne (sic) doit être complété par une série de revendications correspondant à la situation nouvelle résultant des progrès qui sont intervenus entre temps par suite d'une période exceptionnelle de haute conjoncture.  »
(Article cité, p. 49.)

Premier sujet d'étonnement. P. Frank nous avait expliqué que «  l'argumentation des frigidaires et des scooters a pour point de départ une explication des rapports sociaux à partir de la consommation... et que cela ne pouvait conduire qu'à des conceptions réactionnaires  » , et le voici qui veut modifier le programme de transition en fonction d'une période exceptionnelle de haute conjoncture ! Pour mieux comprendre, reportons-nous quelques lignes plus haut, où Frank nous explique : « A présent, l’Europe occidentale capitaliste connaît non le chômage mais le plein emploi... Sans se livrer à des exagérations, on peut dire qu'il y a eu un relèvement général du niveau de vie (les frigidaires et les scooters auxquels certains, plus « réactionnaires » que Frank, ajoutent la télévision et même l'automobile), même s'il y a encore dans tous les pays des couches laborieuses au standard de vie encore bas relativement à la moyenne de l'Europe occidentale » . C'est ce qui fait que les travailleurs ont à aborder des problèmes qui ne sont, «  pour recourir à un langage philosophique, pas seulement les problèmes de la seule aliénation économique  » . Mais Frank procède ainsi à une révision fondamentale de la méthode marxiste sur laquelle repose le Programme de transition ; il abandonne l'analyse des rapports sociaux et de leurs contradictions en fonction du mode de production et de ses contradictions au profit d'une méthode subjective et finalement réactionnaire, qui aboutit à ces prolétaires en blouses blanches, sans musette ni casquette, si chers à MM. Mallet et Cie, précisément parce qu'à leurs yeux ce ne sont plus des prolétaires au vrai sens du terme. S'il en était réellement ainsi, c'est radicalement qu'il faudrait modifier le programme, non seulement les mots d'ordre qu'il contient, mais la méthode avec laquelle il est construit. Il nous semble reconnaître chez Frank l'écho « trotskyste » des positions du stalinien Togliatti, qui écrivait peu avant sa mort, dans son « Testament » :

«  Les communistes doivent liquider toute forme de dogmatisme, affronter et résoudre de façon nouvelle les problèmes nouveaux, employer des méthodes de travail adaptées à un milieu politique et social se transformant continuellement et rapidement... Au fur et à mesure que les tentatives de programmation capitaliste deviennent plus poussées, la position des syndicats devient plus difficile. Un élément substantiel de la programmation est en effet ce qu'on appelle «  la politique des revenus  » , qui englobe une série de mesures visant à entraver le libre développement de la lutte pour les salaires, par un système de contrôle du niveau des salaires par l'Etat, et par la défense de les augmenter au-delà d'une certaine limite. C'est une politique qui fera faillite (l'exemple hollandais est intéressant) ; mais elle ne peut être contrecarrée que si les syndicats savent travailler avec fermeté et intelligence, en reliant eux aussi leurs revendications immédiates à la lutte pour des réformes économiques et pour un plan économique dans l'intérêt des travailleurs et des couches moyennes de la société. »

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