"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
La voie froide coupée, révolution et contre-révolution à l'ordre du jour
Certes la division du travail s'impose à la classe ouvrière. Classe la plus homogène de la société bourgeoise, elle est néanmoins hétérogène, divisée en couches. Sans organisation, elle est fragmentée, brisée en une poussière d'individus qui subissent l'idéologie bourgeoise et ses formes diverses. Les organisations qu'elle constitue, les partis ouvriers qui se construisent, ne la regroupent pas dans son ensemble. Tout en combattant la société bourgeoise, ils sont eux mêmes conditionnés par cette société qu'ils combattent. D'une certaine façon ils manifestent la division du travail de la société bourgeoise, dans le combat contre la société bourgeoise.
L'Etat ouvrier (Etat bourgeois sans bourgeoisie) exprime la survivance de la division du travail bourgeois, principalement entre travail manuel et intellectuel, aux lendemains mêmes de la prise du pouvoir par le prolétariat. De là les pablistes renégats de la IV° Internationale déduisent, comme tous les laudateurs de la bureaucratie et singulièrement de la bureaucratie du Kremlin, que : « historiquement la bureaucratie provient d'une délégation du pouvoir de la classe ouvrière à une couche de professionnel du pouvoir ». La logique formelle est appelée à la rescousse afin de « justifier » la bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties satellites. Nous sommes tous fils d'Adam et Eve, c'est bien connu, donc nous sommes tous frères et sœurs en même temps que marqués du péché originel.
C'est exactement le contraire. En même temps que la nécessité du parti s'impose parce que toute la classe ne peut s'élever d'un seul coup à la compréhension des tâches historiques du prolétariat en raison de la division du travail bourgeoise, de la parcellisation de la classe, de son rejet général de la culture, le parti est la négation de la division du travail bourgeoise ; il unifie théorie et pratique et tend à fusionner en un corps collectif ses membres. Son but est de surmonter la parcellisation de la classe, de l'unifier et de la hisser dans son ensemble, à partir de la lutte, à la compréhension et à la hauteur de ses tâches historiques. La finalité du parti, c'est, en fin de compte, sa propre disparition. De même, l'État ouvrier comme État bourgeois sans bourgeoisie, exprime la division du travail héritée de la société bourgeoise et comme État ouvrier vise à la résorbtion et à la disparition de l'Etat et de la division entre travail manuel et intellectuel. Il tend à substituer à l'administration des hommes l'administration des choses.
« Historiquement », la bureaucratie provient de la rupture entre les « professionnels du pouvoir » et le prolétariat et non d'une « délégation de pouvoir donnée par la classe ouvrière à une couche de « professionnels du pouvoir ». La bureaucratie n'est pas le mandataire de la classe ouvrière, mais son propre mandataire. Elle plonge ses racines dans la classe ouvrière et elle combat la classe ouvrière. Elle prend conscience d'elle même, de ses intérêts spécifiques, au cours du combat qu'elle livre contre la classe ouvrière et ses intérêts historiques. La conception pabliste des renégats de la IV° Internationale relève d'un vulgaire évolutionisme comme toutes celles des laudateurs de la bureaucratie du Kremlin. Elle escamote la contre révolution politique au cours de laquelle la bureaucratie du Kremlin s'empara, en en chassant la classe ouvrière, du pouvoir politique : contre révolution violente et sanglante, qui s'étendit de 1923 24 aux procès de Moscou, détruisit le parti bolchévique, exigea la liquidation physique de centaines de milliers de militants du parti de Lénine et Trotsky. L'Etat en U.R.S.S. n'est pas un « état ouvrier » mais un état ouvrier dégénéré. Trotsky expliqua très clairement l'étendue et les limites de la contre révolution :
« En tant que force politique consciente, la bureaucratie a trahi la révolution. Mais la révolution, fort heureusement, n'est pas seulement un programme, un drapeau, un ensemble d'institutions politiques, c'est aussi un système de rapports sociaux. Il ne suffit pas de la trahir, il faut la renverser. Ses dirigeants ont trahi la révolution d'Octobre, mais ne l'ont pas encore renversée. La révolution a une grande capacité de résistance qui coïncide avec les nouveaux rapports de propriété, avec la force vive du prolétariat, avec la conscience de ses meilleurs éléments, avec la situation sans issue du capitalisme mondial, avec l'inéluctabilité de la révolution mondiale. »
La bureaucratie du Kremlin a, jusqu'à présent, été incapable de pousser jusqu'à son terme la contre révolution. Mais cela n'a pas dépendu d'elle. Si elle plonge ses racines dans la classe ouvrière, elle n'en est pas moins hétérogène. L'aspiration à donner à ses privilèges des bases beaucoup plus solides que la simple détention du pouvoir politique se développe et se manifeste constamment en son sein ; c'est à dire, la tendance à transformer les rapports de propriété. L'obstacle majeur ne vient pas des couches inférieures de la bureaucratie, mais de la classe ouvrière. Il est vrai que la transformation des rapports de propriété implique l'éclatement en leurs composantes de la bureaucratie du Kremlin et des bureaucraties satellites. Mais là n'est pas l'essentiel : il faudrait vaincre la force vive du prolétariat, alors que l'éclatement en ses composantes de la bureaucratie du Kremlin romprait le carcan qui jugule la classe ouvrière et libérerait ses forces vives. L'escroc Mandel tente d'utiliser Trotsky contre Trotsky. Il écrit : « La politique globale de la bureaucratie peut être caractérisée comme l'a fait Trotsky, par la notion de centrisme bureaucratique ». Il « oublie » (encore un trou de mémoire, conséquence peut être de joies abusives) que Trotsky donna cette définition de la bureaucratie en 1928 29. Ensuite Trotsky caractérisa l'I.C. et la bureaucratie du Kremlin comme étant définitivement passées du côté du maintien de l'ordre bourgeois à l'échelle internationale. Enfin écrivant « La révolution trahie », il souligna que la bureaucratie du Kremlin n'est pas une couche sociale figée. N'étant pas une classe sociale, mais une excroissance parasitaire, son évolution dépend du cours de la lutte des classes mondiale, U.R.S.S. comprise, dans laquelle elle même intervient. Dire que les deux facteurs qui caractérisent la bureaucratie sont ;
« 1° Son attachement à un mode de production et à une société qui ne sont pas capitalistes et qui sont historiquement en opposition radicale avec le capitalisme... L'attitude économique de la caste bureaucratique n'est pas dictée par la loi du profit maximum ou de l'accumulation du capital, mais par d'autres motivations caractéristiques de sa fonction dans la production... »
2° Son conservatisme social fondamental. (qui) est caractérisé par son désir de maintenir le statu quo à l'échelle internationale et de freiner ou de combattre l'extension de la révolution mondiale. » (De la bureaucratie, p. 39).
C'est en faire un corps homogène, dessécher la réalité qui n'a pas cette belle ordonnance logique, et introduire une méthode et des notions étrangères au marxisme. Une classe sociale se définit précisément par « sa fonction dans la production ». Quelle est donc « la fonction dans la production » de la bureaucratie ? Si elle en a une, il faut la caractériser comme une classe sociale. La bureaucratie comme couche sociale n'est à aucun titre, et à aucun moment, un agent nécessaire de la production, ses fonctions sont totalement parasitaires. Elle tire ses privilèges du monopole de pouvoir politique qu'elle détient. En lui attribuant une « fonction dans la production » Mandel lui donne un rôle nécessaire. On retrouve ici l'idée que la bureaucratie est au fond « historiquement » « une délégation de pouvoir donnée par la classe ouvrière à une couche de professionnels du pouvoir », d'où procède cette autre idée de la pérennité de la bureaucratie et enfin celle des limites obligatoires des mouvements révolutionnaires dans les pays de l'Europe de l'Est et en U.R.S.S. : la réforme de la bureaucratie.