"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
Avertissement
Cet ouvrage du camarade Stéphane Just porte, comme sous‑titre, « Défense du Trotskysme 2 » signifiant ainsi qu'il constitue une continuation de l'étude publiée en septembre 1965 par « La Vérité » et intitulée « Défense du Trotskysme ». C'était dans la perspective de la reconstruction de la IV° Internationale que se situait cette étude : un bilan, une analyse d'ensemble des positions du centre révisionniste et liquidateur qui a disloqué comme totalité politiquement centralisée la IV° Internationale fondée par Léon Trotsky en 1938. Elle s'inscrivait dans la préparation d'une conférence du Comité international de la IV° Internationale, luttant pour la reconstruction de la IV° Internationale, qui devait se tenir en avril 1966 [1].
L'ouvrage de Stéphane Just « Révisionnisme liquidateur contre trotskysme » constitue ‑ et c'est là sa justification militante ‑ un élément central de la préparation de la IV° Conférence du Comité international, conférence dont l'objectif est de rassembler, comme étape de la reconstruction de la IV° Internationale, les organisations, groupes et tendances qui situent leur activité sur la base du programme de transition, du programme de fondation de la IV° Internationale.
Entre 1965 et 1971, il ne s'est pas seulement écoulé du temps. Les rapports qui se nouaient alors dans la lutte internationale entre les classes, au sein de la classe ouvrière, et dont l'évolution était résumée dans les termes suivants par le Manifeste adopté lors de la Conférence internationale d'avril 1966 : « loin d'exprimer une quelconque stabilisation de l'impérialisme, les coups qu'il porte sont des épisodes d'une lutte des classes mondiale qui s'inclut dans la période révolutionnaire ouverte par la guerre. Ils signifient une accentuation de la lutte des classes internationale pour les années qui viennent, et un alignement des forces sociales par rapport aux classes fondamentales, prolétariat et bourgeoisie, laissant de moins en moins de place à une politique d'équilibre des couches sociales petites‑bourgeoises ‑ bureaucratie du Kremlin et ses satellites, bourgeoisies nationales des pays économiquement arriérés, appareils petits‑bourgeois issus de la classe ouvrière dans les pays économiquement avancés. L'affrontement qui se prépare à l'échelle mondiale a comme fondement le conflit entre le développement des forces productives et les rapports sociaux bourgeois dont font partie les frontières nationales », ont abouti, principalement à travers la grève générale de mai‑juin 1968 en France et la montée de la révolution politique en Tchécoslovaquie, à l'ouverture d'une nouvelle période.
Cette période, c'est celle de l'imminence de la révolution et de la contre‑révolution, c'est‑à‑dire celle où toutes les luttes du prolétariat convergent directement vers la révolution prolétarienne, où aucune stabilisation des relations entre les classes fondamentales n'est envisageable sans un affrontement qui aboutisse à une victoire décisive de l'une des forces en présence.
C'est par rapport aux exigences de cette période, par rapport à la généralisation théorique de l’expérience accumulée dans les luttes de la classe ouvrière internationale durant ces années tournantes et par rapport à la lutte pour la reconstruction de la IV° Internationale, que se définit le nouvel ouvrage de Stéphane Just.
Il ne s'agit pas, dans cette mesure, d'un simple prolongement de « Défense du trotsksysme » : la genèse du courant révisionniste étant faite, il ne s'agit pas tant de suivre les multiples avatars des Mandel, des Frank, des Krivine que de les considérer comme des illustrations d'une analyse fondamentale.
Ce qui est au centre de ce livre, c'est le caractère de notre époque : est‑elle celle que définissait Lénine, celle de l'impérialisme, stade suprême du capitalisme, époque des guerres et des révolutions ? Est‑elle ‑ et là tous les ennemis du marxisme se rejoignent, qu'il s'agisse des bateleurs idéologiques au service du réformisme et du stalinisme, ou des renégats du trotskysme ‑ une époque différente, une nouvelle époque de développement du capitalisme, qu'on la baptise « néo‑capitalisme » comme le dit Mandel, ère du « capitalisme monopoliste d'Etat » comme le disent les staliniens.
Il n'est pas question ici d'une sorte de débat d’idées, d'une opposition d'interprétation de l'évolution de la lutte des classes. Ce qui est en question, c'est la méthode marxiste elle‑même, la méthode de la révolution prolétarienne. Ce qui est en question, c'est l'expression en termes théoriques des problèmes les plus vitaux de la lutte du prolétariat pour la révolution socialiste.
Et ce qui donne son importance au livre de Stéphane Just, c'est que par les moyens de la polémique ‑ cette forme d'expression naturelle du marxisme ‑ il constitue effectivement une « défense du trotskysme » ‑ c'est‑à‑dire du marxisme ‑ dans la mesure où il intègre à une rigoureuse démonstration de la justesse du programme l'ensemble des développements de la lutte des classes, les formes actuelles de la crise de l'impérialisme.
Ce livre a été terminé en décembre 1970. C'est dire qu’il n'y est pas fait mention d'événements survenus depuis et qui sont loin d'être sans importance.
Il suffit, pour le comprendre, de rappeler la grève générale insurrectionnelle des ouvriers de Gdansk et de Sczezin forçant la bureaucratie à sacrifier Gomulka, conduisant à l'émergence dans toute la Pologne de conseils ouvriers, aboutissant à une situation d'instabilité où la révolution politique est directement à l'ordre du jour en Pologne. C'est‑à‑dire, en fait, à une situation où la révolution prolétarienne en Europe menace plus directement que jamais la bureaucratie du Kremlin, où dans le cadre du mûrissement de la situation révolutionnaire en Europe, la perspective de la révolution politique en U.R.S.S. se matérialise.
Il suffit aussi de rappeler comment s'est exprimée, par le génocide du peuple bengali, la réalité de la « coexistence pacifique » et le rôle qu'a joué dans ce dramatique épisode la bureaucratie chinoise.
Il suffit de rappeler le régime de terreur instauré à Ceylan par le gouvernement de « Front populaire » de Mme Bandanaraïke, gouvernement dans lequel siègent des renégats du trotskysme, des dirigeants du parti qui, pendant des années, fut le plus beau fleuron du « Secrétariat Unifié » de Mandel et de Frank qui couvrit son adaptation de plus en plus étroite à la bourgeoisie ceylanaise.
Mais ces événements qui, du fait de leur importance, exigent de la part de l'avant‑garde révolutionnaire une étude précise, s’inscrivent dans le mouvement international de la lutte des classes analysé dans l'ouvrage de Stéphane Just et, dans cette mesure, s'ils avaient pu y être intégrés, ils n'auraient pas essentiellement modifié l'équilibre du livre.
Ouvrage de combat, le livre de Stéphane Just a pour sujet essentiel les caractéristiques fondamentales de notre époque, la définition de notre champ de bataille, de ce que Trotsky appelait « notre patrie dans le temps », il a comme sens la lutte pour la reconstruction de la IV° Internationale.
Car c'est bien la IV° Internationale qu'il s’agit de reconstruire. La IV° Internationale, parce que ce qui fonde sa place historique c'est son programme qui répond totalement ‑ et c'est ce que démontre Stéphane Just par l'analyse des développements de la lutte des classes, de la crise de l'impérialisme, des processus de la révolution politique ‑ à la nature révolutionnaire de notre époque, celle de l'agonie du capitalisme.
Le 28 juin 1971.
Notes
[1] « Défense du trotskysme », La Vérité, n° 530‑31, septembre 1965. Le manifeste de la Conférence internationale d'avril 1966 a été publié dans le n° 533 de La Vérité, en date de juillet 1966.