"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
La voie froide coupée, révolution et contre-révolution à l'ordre du jour
En raisonnant en vulgaires évolutionnistes, les renégats à la IV° Internationale, leurs co penseurs et rivaux en la matière, estiment que, de toute façon, richement dotée par la nature d'une double nature, la bureaucratie du Kremlin continue néanmoins et sans plus à défendre à sa manière les rapports de production nés d'Octobre, qu'elle s'en tient au « statu quo » et d'autant plus que le prolétariat démontre sa puissance en Europe occidentale et orientale, en U.R.S.S. C'est ignorer la dialectique de la lutte des classes. Si, ainsi que Marx l'explique, la révolution a souvent besoin de l'aiguillon de la contre révolution, la révolution aiguillonne la contre révolution. Tous les réformistes sont de vulgaires évolutionnistes; ils supposent que de conquêtes en conquêtes, la classe ouvrière affaiblit progressivement la bourgeoisie, qu'elle élargit la démocratie politique en « démocratie sociale » jusqu'au jour où s'opère « la transformation de quantité en qualité » : un dernier coup de pouce et la société la veille encore bourgeoise devient un beau matin socialiste. De même, la crise de la bureaucratie stalinienne renforce le prolétariat de l'U.R.S.S. qui, dans un processus finalement pacifique, « récupérera » les conquêtes d'Octobre. Ainsi, Janus Germain Mandel (toujours lui) « théorise » l'affaire :
« Seule une révolution politique peut renverser le pouvoir de la bureaucratie au profit du prolétariat. »
Hommage à la mémoire de Trotsky ! Passons aux « choses sérieuses » :
« Cela ne veut pas dire que cette révolution doit être nécessairement sanglante. »
La lutte pour la défense des conquêtes d'Octobre, menée par l'opposition de gauche, ensuite par la IV° Internationale, enfin par tous ceux qui ont lutté contre la déformation et la destruction de ces conquêtes par la bureaucratie parasitaire, est indissociable de la révolution politique. Pas plus que la révolution sociale, la révolution politique ne naît de rien, subitement par un beau matin de printemps. L'une et l'autre résultent de toutes les luttes antérieures du prolétariat, de ses organisations, de son avant garde. Des centaines de milliers de cadavres de vieux bolcheviques, des dizaines de milliers de trotskystes assassinées, le crâne fracassé de Trotsky, voilà une partie du lourd tribut acquitté par ceux sans lesquels il ne pourrait y avoir de révolution politique. Mais... la « révolution politique n'est pas nécessairement sanglante ». Petite canaille !
Enfin, poursuivons :
« Les deux exemples historiques d'un début de révolution politique (16 17 juin 1953 en R.D.A. ; 23 octobre - 4 novembre 1956 en Hongrie) ont montré le résultat de la mobilisation de la classe ouvrière caractérisée par les occupations d'usines, l'élection des conseils ouvriers, etc. La bureaucratie locale s'est littéralement évanouie et seule l'intervention militaire extérieure a pu arrêter cette révolution. En U.R.S.S., il ne peut évidemment pas y avoir de facteurs extérieurs pouvant jouer ce rôle. On peut donc être optimiste sur les modalités de la révolution politique. On ne voit d'ailleurs pas quelle serait la masse de manœuvre sociale de la bureaucratie qui pourrait accepter de se battre longuement pour elle contre le prolétariat.
Ce phénomène n'est d'ailleurs que l'application du concept de révolution politique, différente d'une révolution sociale. » (De la bureaucratie, page 40).
En d'autres termes, si la révolution politique pouvait se circonscrire à chaque pays pris en particulier, tout irait comme sur des roulettes. Mais, justement, le processus de la révolution politique concerne tous les pays sous la dominations de la bureaucratie du Kremlin et l'U.R.S.S. elle même. C'est la crise générale de la bureaucratie du Kremlin qui s'est exprimée en Allemagne, en Pologne, en Hongrie, selon des conditions particulières : la révolution politique a éclaté dans ces pays en raison des tensions particulièrement aiguës, de leur histoire propre, des dispositions particulières des forces sociales, des particularités politiques qui traduisaient la crise générale de la bureaucratie en termes particuliers, tout comme la crise générale de l'impérialisme se traduit de façon particulière dans chaque pays. A leur tour, les révolutions politiques en Allemagne, en Pologne, en Hongrie, ont nourri la crise de la bureaucratie du Kremlin et sont préparatoires à la révolution politique en U.R.S.S. Germain Mandel ignore la relation entre le particulier et le général. Il émet une idée « profonde » : si la bureaucratie n'était pas ce qu'elle est, tout se passerait différemment. En même temps, et une fois de plus, il isole la bureaucratie du Kremlin et les bureaucraties parasitaires de leurs relations avec tous les éléments petits bourgeois et pro bourgeois qui renaissent et se développent sans cesse en U.R.S.S. et dans les pays de l'Europe de l'Est, dans tous les pores de la société, et surtout de sa liaison avec la bourgeoisie mondiale. La force de la bureaucratie en U.R.S.S. et dans les pays de l'Europe de l'Est vient de son rapport avec la bourgeoisie mondiale et pas seulement d'elle même. Mais Mandel n'a t il pas une fois pour toute classé la bureaucratie « comme une délégation de pouvoir du prolétariat » ? Il exprime son profond désaccord avec Trotsky qui écrit :
« Supposons la bureaucratie soviétique chassée du pouvoir par un parti révolutionnaire ayant toutes les qualités du vieux bolchevisme et enrichi, en outre, de l'expérience mondiale des derniers temps. »
Remarquons bien : Trotsky suppose que ce n'est pas seulement un mouvement de masse qui chasse du pouvoir la bureaucratie, mais ni plus ni moins qu'un parti de la IV° Internationale. Cette condition étant remplie :
« Avec les masses, à la tête des masses, (ce parti) procéderait à un nettoyage sans merci des services de l'Etat. »
Trotsky poursuit :
« Si, à l'inverse, un parti bourgeois renversait la caste soviétique dirigeante, il trouverait pas mal de serviteurs parmi les bureaucrates d'aujourd'hui, les techniciens, les directeurs, les secrétaires du parti, les dirigeants en général. Une épuration des services de l'Etat s'imposerait aussi dans ce cas ; mais la restauration bourgeoise aurait vraisemblablement moins de monde à jeter dehors qu'un parti révolutionnaire. » (La Révolution trahie, page 285).
En Hongrie en particulier, la bureaucratie semblait avoir disparue, elle était décomposée mais elle n'avait pas cessé d'exister. Ce n'était que la première phase de la lutte : la classe ouvrière n'avait pas pris le pouvoir. L'ayant pris, il lui aurait fallu nettoyer sans merci les services de l'Etat, beaucoup plus profondément que ne l'aurait fait une contre révolution dirigée par un parti bourgeois.
Et le parti du prolétariat manquait. Les illusions sur la « réforme de la bureaucratie » fleurissaient : aux premiers jours de la révolution, Kadar était un de ces « bureaucrates réformés » mais maintenant le cordon ombilical les reliant au stalinisme et, naturellement, les services de l'Etat furent loin d'être « nettoyés sans merci ». Autant de conditions qui favorisèrent la seconde intervention militaire de la bureaucratie du Kremlin et sur lesquelles elle s'appuya.
Le lien politique nécessaire à établir avec le mouvement révolutionnaire polonais ne fut pas tissé. Et ainsi, l'exploitation, l'approfondissement conscient de la crise du stalinisme, furent négligés. Gomulka (avec les félicitations et l'appui politique des renégats de la IV° Internationale) « manœuvrait à l'intérieur du camp de classe », comme ils disent, c'est à dire comme aile gauche de la bureaucratie du Kremlin, tandis que la bureaucratie disparue » en Hongrie manœuvrait, gagnait du temps. Les concepts » de Germain Mandel ne sont décidément pas ceux du programme de la IV° Internationale, celui notamment de la « révolution politique », qu'il réduit en effet au « concept » vide de la « révolution politique pacifique » alors que la révolution politique est une expression de la lutte des classes qui dresse finalement, dans une lutte à mort, la bourgeoisie comme classe contre la classe ouvrière comme classe, et exige, par conséquent, que le prolétariat soit armé politiquement et organisationnellement pour ce combat.