"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale." |
Défense du trotskysme (2)
La voie froide coupée, révolution et contre-révolution à l'ordre du jour
Ni pour l'impérialisme, ni pour les bureaucraties parasitaires, ni pour le prolétariat, les rapports entre les classes ne peuvent rester ce qu'ils furent au lendemain de la seconde guerre mondiale. La putréfaction de impérialisme américain pose au système impérialiste mondial des problèmes qu'il ne peut résoudre qu'en affrontant le prolétariat des pays capitalistes avancés, et elle se conjugue à la crise de la bureaucratie du Kremlin, les bureaucraties satellites, de la bureaucratie chinoise. L'Europe concentre les contradictions de l'impérialisme et de la bureaucratie du Kremlin : classiques mais renouvelées et portées à leur plus haut degré. La concordance de la grève générale française et le processus de la révolution politique ouvert en Tchécoslovaquie n'est nullement fortuite. Compte tenu de la crise de l'impérialisme, indissolublement liée à celle de la bureaucratie du Kremlin, le prolétariat européen, placé au centre de ces crises, doit défendre ses acquis et ne peut le faire qu'en les dépassant. La seule méthode dont il dispose est celle de la révolution prolétarienne qu'il lui faut poursuivre et achever. En termes spécifiques, selon le mode de production social, tout mouvement de grande ampleur pose la question du pouvoir politique. Mais la lutte des classes en Europe est plus immédiatement, plus directement que partout ailleurs étroitement imbriquée.
De grands mouvements de classe en France ont immédiatement leurs répercussions en Allemagne de l'Ouest, en Italie, en Espagne, en Grande Bretagne et réciproquement, ces mouvements se nourrissent les uns des autres. En Europe de l'Est, de grands mouvements de classe dans un pays se répercutent fatalement sur les autres pays et en U.R.S.S. A bien plus forte raison est il impossible qu'un prolétariat engage la lutte pour le pouvoir et le prenne, sans que soit mis à l'ordre du jour à brefs délais la lutte pour le pouvoir dans tous les autres pays d'Europe.
La simultanéité de la grève générale française et du processus de la révolution politique en Tchécoslovaquie démontre que ce sont fondamentalement les mêmes problèmes qui confrontent les prolétariats de l'Europe de l'Ouest et de l'Est et qu'ils viennent ensemble à maturité. La force politique du stalinisme fut, conjointement aux ressources dont disposaient l'impérialisme américain, l'obstacle dressé devant l'unité de combat du prolétariat européen. Les forces conjuguées de l'impérialisme américain et de la bureaucratie du Kremlin divisèrent artificiellement l'Europe et le prolétariat européen en deux. Au même moment où l'impérialisme américain doit rejeter ses contradictions, les projeter à l'extérieur, où par conséquent est remis en cause le relatif équilibre des impérialismes décadents d'Europe où leur poussée se fait plus pressante en direction de l'Europe de l'Est, et la lutte entre eux plus dure, où la nécessité d'attenter aux conquêtes de leur propre prolétariat devient plus urgente, l'appareil de la bureaucratie du Kremlin pris comme dans une tenaille entre l'impérialisme et le prolétariat craque. Que les prolétariats d'Europe en aient conscience ou non, leurs mouvements expriment la nécessité historique longtemps contenue par l'obstacle du stalinisme : unifier l'Europe en un même mode de production sociale, celui qui est né avec la révolution d'Octobre. Ils sont unis par la nécessité objective des Etats Unis Socialistes d'Europe. En dernière analyse, la grève générale française, le processus de la révolution politique en Tchécoslovaquie ont été impulsés par la réaction du prolétariat européen confronté à ce dilemme : ou prendre le pouvoir dans chaque pays, unifier l'Europe, réaliser les Etats Unis Socialistes d'Europe, ou être précipité à la déchéance par la destruction de toutes ses conquêtes.
Le développement de la lutte des classes en Europe retentit mondialement ; les luttes conjointes du prolétariat européen contre l'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin sont un facteur de clarification et d'organisation pour la puissante classe ouvrière américaine ; la révolution chinoise, le combat héroïque des ouvriers et paysans vietnamiens, les mouvements révolutionnaires dans les pays économiquement arriérés saisissent le lien vivant, l'unité de combat qui les unit à la lutte des classes dans les pays économiquement développés. L'impérialisme et la bureaucratie du Kremlin trébuchent et vacillent en Europe : leurs crises se multiplient, une nouvelle période de la révolution prolétarienne mondiale s'ouvre.
La grève générale de mai juin 1968, le processus de la révolution politique ouvert en Tchécoslovaquie au cours du printemps et de l'été 1968 plongent leurs racines dans tout le développement antérieur des luttes du prolétariat mondial : le prolétariat ne renaît pas de ses cendres. Ce sont des moments de la lutte pour la révolution prolétarienne mondiale. Ils marquent la reprise par le prolétariat de l'initiative politique dans la lutte des classes en Europe et dans le monde. Avec eux s'est ouverte la période de la révolution imminente.
Notes
[1] Cette dernière partie du chapitre III a été publiée in extenso dans le n° 550 (octobre 1970) de « La Vérité », sous le titre « Sur les Etats Unis Socialistes d'Europe ».