1971

"(...) le prolétariat mondial, le prolétariat de chaque pays, abordent une étape décisive de leur histoire : il leur faut reconstruire entièrement leur propre mouvement. La crise du stalinisme (...) s'ampliie au moment où le mode de production capitaliste pourrissant s'avance vers des convulsions mortelles, qui riquent d'entrainer l'humanité toute entière dans la barbarie. (...) De cette crise des appareils naissent les possibilités de reconstruire la IV° Internationale."


Stéphane Just

Défense du trotskysme (2)

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Hégémonie du prolétariat, Front Unique Ouvrier, question du pouvoir


L'hégémonie du prolétariat dans la lutte des classes

A l'unisson, avec toute une littérature émanant d'idéologues de multiples origines, nous l'avons vu, Janus Germain Mandel ne manque pas de célébrer le rôle de nouvelles élites nées du développement des forces productives, des sciences, des arts et de la culture.

Daniel Ben Saïd et Henri Weber donnaient cette interprétation du rôle des étudiants au lendemain de mai juin 68 :

« L'opposition révolutionnaire s'oppose à l'opposition réformiste en ce qu'elle est fondamentalement démystificatrice » (Mai Juin 68 une répétition générale, page 142).

Phrase étonnante de la part de « marxistes » ! Le problème serait de balayer les mythes qui paralysent la classe ouvrière « par des actions exemplaires » (ils l'écrivent quelques lignes plus loin). Ils expliquent, en prenant l'exemple de Cohn Bendit, ce qu'ils entendent par là :

« Daniel Cohn Bendit est ce qu'on appelle un agitateur né. Coffre puissant, verbe haut, il est doué d'une extraordinaire présence physique. Il sait comme personne rallier la masse, unir toutes les particules solitaires en une communauté agissante. Il a très développé le sens de la provocation; on peut même dire qu'il envisage tous les problèmes sous l'angle de la provocation possible. Il n'est pas pour autant cet excité frénétique que la presse a dépeint. Comme Rudi Dutschke, Dany fait de la provocation non un exutoire des ses défoulements personnels, mais un fin et redoutable instrument politique. La provocation doit désacraliser les statuts et les fonctions. Elle est un piège tendu à l'autorité et à la hiérarchie, qui, par leurs réactions, dévoilent leur nature oppressive tout en se couvrant de ridicule. Elle est une arme magnifique de critique sociale et d'éducation des masses ».

Pissez dans le bénitier, devant les masses rassemblées, naturellement, et vous avez « désacralisé » l'église en la « couvrant de ridicule », puisque Dieu ne vous a pas foudroyé à l'instant. Les moins audacieux se contenteront d'écraser des boules puantes dans les bâtiments officiels. Quant aux plus politiques, ils pourront s'organiser en commando et aller à l'Assemblée Nationale bombarder de tomates messieurs les députés. Il s'agit à peine d'une caricature. Dans le cours des journées de mai-juin 68, les gestes les plus extravagants, occupation de l'Odéon, cirque de la Sorbonne et de Censier, passaient au second plan en raison de la mobilisation des masses. D'autres « provocations », plus dangereuses étaient couvertes par la mobilisation de la classe ouvrière au cours de la manifestation du 13 mai et par le développement de la grève générale. Déjà cette conception de la « provocation », de la « démystification », se paya plus cher lorsque déclina la grève générale. Des actions aventuristes ont servi de prétexte à la dissolution des 11 organisations qui se réclamaient de la révolution prolétarienne.

Par la suite, cette méthode miracle devait porter tous ses fruits empoisonnés. Mais qu'est-il advenu du S.D.S., dont les auteurs disent que :

« Cette optique, développée par le groupe de Berlin, est passée dans les thèses du S.D.S. lors de son 22e congrès, en septembre 67. La campagne contre Springer y était décidée : le but visé était de provoquer, par l'action permanente des étudiants et des lycéens, un réveil des travailleurs, mais surtout d'entraîner dans la lutte des jeunes travailleurs qui n'ont pas connu l'écrasement du nazisme. Cette politique a obtenu des résultats : les manifestations sur le Vietnam, celles qui suivirent l'attentat contre Dutschke, celle du 1er mai à Berlin, amenèrent toujours plus de travailleurs aux côtés des étudiants. L'audience du S.D.S., dans cette période, a gagné des couches sociale diversifiées ». (idem page 23).

Ses dirigeants ont déposé leur bilan de faillite. Ils l'ont dissout eux-mêmes. En France, ce sont les Mao-Spontex qui sont les continuateurs « conséquents » de cette « idéologie » qui se recoupe avec celle du populisme. « Aller au peuple », « provoquer », « désacraliser » procèdent d'une même conception : il faut apprendre aux masses apathiques que l'on peut défier le ciel. Les moyens, ce sont les « actions provocatrices exemplaires ». Il se trouve qu'en matière de « provocations »,les policiers de toutes obédiences sont les maîtres. Les narodniki qui étaient des « provocateurs » sérieux, organisés, payant de leurs vies leurs convictions, tentaient d'« éveiller » les masses « apathiques » de Russie contre l'autocratie. Ils organisaient des attentats contre le tsar et les grands dignitaires du régime. Lorsque furent ouvertes les archives de l' Okhrana, il se révéla que, grâce à ce genre de « théorie », la police avait truffé leur mouvement de provocateurs et qu'elle ne répugnait pas à organiser elle-même des « attentats », des « provocations », aux seules fins de justifier la répression. Méthode que M. Marcellin ne pouvait manquer de reprendre à son compte, pour justifier une nouvelle campagne de répression, de nouvelles poursuites et tentatives de dissolution des organisations qui se réclament de la révolution socialiste, à commencer par la « Gauche Prolétarienne ».

L'origine de cette justification de la « provocation », premier terme du fameux cycle « provocation-répression-mobilisation », réside dans la théorie des « nouvelles avant-gardes » :

« Que le S.D.S. ait ainsi, le premier en Europe Occidentale, accompli sa métamorphose de groupuscule en groupe par une percée politique, ne peut-être attribué au seul hasard ou à l'ingéniosité de ses dirigeants. L'influence de Marcuse sur le mouvement allemand n'est pas non plus le fruit d'une régression intellectuelle. Ces thèses, selon lesquelles le prolétariat, intégré à la société industrielle, a perdu son rôle historique au profit des couches marginales « anti autoritaires », dont les étudiants, trouvent en Allemagne un écho compréhensible. Alors qu'en France, la classe ouvrière, organisée par les syndicats et le P.C.F., reste une force cohérente et structurée, le laminage du prolétariat sous le nazisme, l'écrasement de ses organisations, la vie végétative du P.C. resté clandestin ouvrent la voie à toutes les théorisations risquées d'un état de fait. » (idem page 24).

Où les auteurs ont-ils pris que la classe ouvrière allemande, qu'ils limitent à la classe ouvrière de l'ouest de l'Allemagne (appréciation politique très intéressante, qui démontre que, désormais, pour eux, existent deux Allemagne, deux classes ouvrières allemandes), n'est pas « organisée » syndicalement et politiquement ? Le D.G.B. et le S.P.D. ne seraient-ils pas des organisations ouvrières ? N'y aurait-il plus, comme organisations ouvrières, que les syndicats sous le contrôle des P.C., et les P.C. eux-mêmes ? Cela étant, en Allemagne :

« Les nouvelles générations révolutionnaires n'ont pas à y affronter l'obstacle des appareils sclérosés (sans blague). Dans la vitrine berlinoise, caricature de la société capitaliste exposée comme une tentation à portée des démocraties populaires, les étudiants ont trouvé presque vierge le terrain de l'action révolutionnaire. Substitut provisoire d'une direction révolutionnaire, le mouvement étudiant a joué le rôle de catalyseur des forces latentes, incapables jusqu'alors de s'exprimer politiquement ». (Idem page 24).

Est-ce bien seulement en Allemagne que les étudiants ont constitué le « substitut provisoire d'une direction révolutionnaire » ? La réponse ne se fait pas attendre :

« A la mutation qualitative du milieu étudiant qui en fait une force sociale avec laquelle il faudra désormais compter, s'ajoute le contexte politique qui lui donne une place privilégiée ».

Et encore :

« Longtemps disparue, cette opposition révolutionnaire est ressuscitée en mai par le mouvement étudiant. Il a assumé ce rôle. Portée par la montée générale des luttes, le mouvement étudiant a joué le rôle d'avant-garde délaissé par les partis ouvriers ». (idem page 142).

Des restrictions sont néanmoins apportées :

« Ce rôle de parti d'avant-garde, le mouvement étudiant l'a assumé avec une claire conscience de ses limites. jamais cette « substitution » n'a été « théorisée » dans le sens marcusien. Au contraire, la volonté d'entraîner les travailleurs dans la lutte présidait à toutes les décisions » (idem page 143).

Prudents, nos « théoriciens » masquent leurs positions par des mots et des phrases alibis : « substitut », mais « provisoire »; parti « d'avant-garde », mais avec « des limites »; « l'influence de Marcuse (donc ses théories)... n'est pas le fait d'une régression intellectuelle », mais « théorisations risquées » ; le style Pablo-Germain fait école.

Depuis mai-juin 68, la phraséologie a légèrement varié, l'enthousiasme du moment est quelque peu retombé. Des restrictions sont apportées quant aux possibilités des étudiants :

« Le mouvement étudiant ne peut jouer ce rôle (le rôle d'avant-garde) que dans la perspective d'une jonction à court terme avec le mouvement ouvrier. Sans quoi il est condamné à un impossible équilibre entre sa fonction révolutionnaire et son caractère de masse, perpétuellement soumis à la double tentation du réformisme et du révolutionnarisme. Cette contradiction ne peut se résorber que par la construction et le développement d'une organisation révolutionnaire capable de dépasser le « point de vue » étudiant pour fournir un projet stratégique, et capable de jouer son rôle d'avant-garde tant dans le mouvement ouvrier que dans le mouvement étudiant ».

Les restrictions ne vont cependant pas loin. Le mouvement étudiant et les intellectuels en général sont chargés de pourvoir la classe ouvrière d'une « direction de rechange ». Le 9° congrès du S.U. s'est préoccupé de la jeunesse. Saine préoccupation. Encore faut-il constater que le texte de discussion proposé par ce congrès : « La radicalisation de la jeunesse dans le monde et les tâches de la IV° Internationale », publié par « Quatrième Internationale » (N° 38, juillet 1969) consacre exactement une phrase aux « jeunes travailleurs qui seront au premier rang des mouvements pour briser l'emprise des machines bureaucratiques des syndicats, et seront un exemple pour les générations plus vieilles par leur militantisme et leur intérêt pour la politique révolutionnaire » (page 51); tout le reste, soit 15 pages, est réservé au rôle des étudiants. Le fin du fin de la « stratégie » révolutionnaire sera le combat ordonné par le mot d'ordre de « l'Université Rouge ».

« Dans la notion d'université rouge, est incluse la nécessité de s'opposer à l'enseignement de l'idéologie bourgeoise... L'université, en tant qu'instrument de la lutte des classes   une université rouge est opposée au point de vue libéral sur l'université, sanctuaire d'une minorité privilégiée se tenant à l'écart des controverses politiques et sociales du reste de la société. Les ressources de l'université doivent être mises à la disposition des exploités, des pauvres, des opprimés. Les étudiants doivent avoir le droit absolu de pouvoir inviter qui leur plaît pour leur parler sur tous les sujets qu'ils souhaitent traiter. Ils doivent être libres d'établir des relations étroites avec les organisations et les partis de la classe ouvrière, des minorités nationales, des masses populaires, et devenir pour ceux-ci une source d'information et d'éclaircissements » (page 45).

Voilà un échantillon de cette prose, recueilli dans un méli-mélo assez incroyable. Ces quelques phrases se suffisent à elles-mêmes : le socialisme à la Sorbonne. Les petits-bourgeois ne cessent pas d'être à la Sorbonne et par-là des petits-bourgeois parce qu'ils se disent révolutionnaires. Ils se prennent pour le centre du monde et le peuple est appelé à venir s'instruire dans les universités « rouges », laboratoires d'une nouvelle culture. Mais laquelle, au fait ? A partir de quelles bases, de quels rapports sociaux une nouvelle culture, comme produit de l'activité sociale toute entière, aurait-elle été élaborée ? A moins qu'elle ne surgisse, splendide et triomphante, des têtes des étudiants « rouges » !

Le plus drôle reste que les mêmes affirment que le milieu « étudiant » n'a pas d'intérêts homogènes, n'est donc pas syndicalisable. Les luttes étudiantes seraient donc essentiellement « idéologiques ». L'explication de toutes ces élucubrations est trouvée par ces lignes :

« Alors que l'engrenage des crises de l'impérialisme et le dépassement historique des directions de la classe ouvrière ont fourni les bases politiques du développement de la radicalisation étudiante, ils ne suffisent pas à expliquer le poids social des mouvements étudiants actuels. Dans le passé, les étudiants se sont souvent engagés dans des actions sans causer beaucoup de problèmes aux dirigeants capitalistes ou aux régimes bureaucratiques du bloc soviétique. L'accroissement du poids social et l'impact politique du mouvement étudiant proviennent des changements qui ont lieu dans le domaine de l'éducation à la suite des progrès scientifiques, technologiques et industriels provoqués par la « troisième révolution industrielle ». Ces développements nécessitent un personnel plus éduqué et plus techniquement qualifié, qui soit capable d'inventer, de développer et d'utiliser les moyens de production et de destruction les plus modernes, les plus complexes... ». Or « ... d'une part le système d'éducation n'a pas été refaçonné assez rapidement ou assez complètement pour satisfaire les besoins de la classe dirigeante dans les pays capitalistes et ceux des experts chargés de veiller sur ses intérêts. D'autres part, les tâches imposées à l'Université en transition vers ses nouvelles fonctions ont provoqué une grande insatisfaction au sein des étudiants et dans certaines parties des facultés. Le sentiment d'aberration que les étudiants ressentent par suite de la forme capitaliste de l'Université, de la structure et de la fonction bourgeoise de l'éducation supérieure, et son administration autoritaire, est devenu de plus en plus répandu » (idem page 39).

On croirait lire Salini à peine modifié pour les besoins de la cause, qui écrit :

 « Les forces productives évoluent à grande allure. Les découvertes se succèdent à un rythme jamais atteint. Comment l'enseignement pourrait-il rester ce qu'il était... Cette adaptation indispensable, le gaullisme l'a tentée, mais timidement, sans claire conscience des besoins nouveaux, enfermé qu'il est dans les limites étroites du profit capitaliste ». (Le mai des prolétaires, page 101).

Il s'agirait donc, finalement, d'un aspect de la crise de croissance du « néo capitalisme », conjuguée à une « crise idéologique ». Nous retrouvons les mêmes questions.

La crise de l'Université est, en effet, un phénomène majeur. Cette crise est générale. Elle affecte aussi bien les pays capitalistes avancés, que ceux sous la botte de l'impérialisme, que ceux sous le contrôle de la bureaucratie du Kremlin. Au cours de ces dernières années, de grandes luttes étudiantes ont déferlé au Japon, en Turquie, aux U.S.A., en Amérique Latine, en Espagne, en France, etc. Les étudiants yougoslaves, polonais, tchécoslovaques ont engagé de leur côté d'importants combats. Doit-on en conclure à un rôle social et politique nouveau des étudiants et des intellectuels en général ?

L'histoire en témoigne, toute grande crise sociale et politique s'est manifestée à l'Université. Bien souvent, l'agitation politique et idéologique à l'intérieur des universités précédait les grandes crises politiques et sociales. Il faut  toute l'étroitesse d'esprit de groupes comme « Lutte Ouvrière » pour considérer comme de peu d'importance les crises, les affrontements politiques et idéologiques à l'Université, en cataloguant les étudiants de petits ou de grands bourgeois. Cet ouvriérisme se change d'ailleurs facilement en son contraire. En Mai-juin 68, à l'instar de la J.C.R. et de biens d'autres, l'ex « Voix Ouvrière » cavalait après les étudiants promus au rang de « nouvelle avant-garde ». Les marxistes ne sont pas des ouvriéristes. Ils n'ont pas de mépris pour la culture, fût-elle bourgeoise. Ils savent que les matériaux du vieux monde sont indispensables à la construction d'un monde nouveau. Ils savent également que Marx, Engels, Trotsky, Rosa Luxembourg, et tant d'autres, qui ont élaboré la méthode du matérialisme dialectique, la théorie et la politique révolutionnaires du prolétariat, étaient d'authentiques intellectuels, au sens le plus noble du terme. Ils espèrent   ils sont certains - que les meilleurs des intellectuels s'engageront dans la lutte des classes, et s'intégreront aux combats de la classe ouvrière qu'ils féconderont. Ce n'est encore, si déterminant qu'il soit, qu'un aspect de la question.

Par principe, la classe ouvrière et singulièrement le Parti Révolutionnaire ne peuvent en aucun cas limiter leurs actions et leur intervention aux travailleurs intégrés directement à la production, qui produisent de la plus-value ; elles doivent s'étendre à toutes les couches, toutes les classes de la société. Qui ne comprend pas cela ne comprend pas le pourquoi ni le comment de la révolution socialiste.

Le socialisme est nécessaire parce qu'à un certain niveau de son développement, le mode de production capitaliste entraîne l'humanité toute entière à la déchéance, à la décadence, à la barbarie. Tout se retourne en son contraire, les moyens de production deviennent forces destructives, la culture stagne, régresse, devient destruction des sources de la culture. Toute la société entre alors en crise. L'intelligentsia entre en crise. Les étudiants, l'université entrent en crise, et à de multiples titres : comme jeunes, ils sont, comme toute la jeunesse, plus sensibles à la crise de la société ; pour la plupart fils et filles de la classe dirigeante, celle-ci est incapable de leur assurer un avenir matériel et intellectuel ; parce qu'ils ne peuvent plus, comme intellectuels, apporter à cette société, contribuer à son développement ; les besoins, la générosité, l'aspiration de la jeunesse à se consacrer à des activités grandes, nobles et belles, entrent directement en contradiction avec la triste, pesante, étouffante et écœurante réalité de cette société. La grande majorité de la jeunesse étudiante se voit refuser tout avenir matériel et moral. C'est une très grande stupidité que de séparer l'un de l'autre. Les étudiants ont des intérêts à défendre, leurs droits aux études, à la culture (fût-elle bourgeoise ; d'ailleurs, quelle autre culture peut-il bien exister aujourd'hui ?), leurs droits sur l'avenir, leur droit à penser, à réfléchir et à combattre politiquement, sont inséparables. Ce sont des éléments qui leur donnent une base commune, même si le statut d'étudiant ne dure que quelques années, qui permet, qui exige qu'ils disposent d'organisations spécifiques   de syndicats, pour défendre leurs intérêts matériels et moraux   et qu'ils s'organisent politiquement afin de combattre sur le terrain qui est le leur, en ordonnant leurs combats par rapport aux luttes de classes de l'ensemble de la société.

Mais il existe crise et crise. Au cours de sa longue histoire, la bourgeoisie a vu maintes fois ses intellectuels, ses étudiants, s'opposer à elle, engager des luttes tumultueuses. Bien souvent, elle s'en est effrayée. Tant qu'elle fut une classe progressive, en dernière analyse, ses crises, ses conflits participaient de son propre développement, la fécondaient. Si aujourd'hui la crise de l'Université s'inscrit dans une période de croissance gigantesque des forces productives et est un produit de cette croissance, ainsi que l'écrivent Daniel Ben Saïd et Henri Weber :

« La réforme universitaire, en particulier, est apparue comme une urgence première. Programmes académiques surannés, pédagogie autoritaire, etc., tout était à revoir. Mais la tâche n'allait pas sans problèmes.
D'une part, elle supposait de gros investissements   parce que la bourgeoisie, au moment de payer, n'agit plus en tant que classe, parce qu'au moment des comptes, chaque bourgeois se décharge sur son concurrent, la bourgeoisie ergote et lésine sur les dépenses. D'autre part, elle comportait un danger politique. L'élévation de la qualification, donc du niveau d'études, peut donner aux travailleurs les moyens d'y voir plus clair dans l'organisation de la production et de. distinguer la place qu'ils y occupent : la distinction entre les dirigeants   ceux qui ont le pouvoir de décision   et les travailleurs apparaît de moins en moins technique, de plus en plus sociale. Pour ces raisons financières et politiques, la Réforme Fouchet est l'expression d'une rationalité bâtarde. Improvisée pragmatiquement, appliquée par demi-mesures, ses conséquences n'en étaient que mieux perceptibles pour les étudiants. » (Mai 68 : une répétition générale, page 16).

La conclusion ne fait pas de doute : les mouvements étudiants sont nécessaires pour contraindre la bourgeoisie à « ne pas lésiner sur les dépenses », à concevoir une « réforme d'une rationalité non-bâtarde, non-pragmatique et à appliquer par mesures entières ». Prendrait-il des allures révolutionnaires, le mouvement étudiant aurait des fins réformistes et ne pourrait avoir d'autres fins. Quant « à l'élévation de la qualification, etc., etc. » et les dangers politiques qu'elle recèlerait, la bourgeoisie en a digéré bien d'autres.

Au contraire, la crise actuelle de l'université, comme de l'intelligentsia, est une expression particularisée de l'impasse de la société bourgeoise toute entière. C'est en cela qu'elle est d une importance fondamentale. La crise de l'université manifeste la révolte de la jeunesse contre la bourgeoisie. La jeunesse bourgeoise et petite-bourgeoise se révolte contre la bourgeoisie. Elle engage, elle ne peut engager le combat que sur son propre plan. Les militants révolutionnaires sont parties prenantes de ces combats. lis ne conseillent pas aux étudiants d'aller résoudre leurs problèmes en allant aux usines « construire le parti révolutionnaire », ainsi que les y invite « Lutte Ouvrière ». Qui n'est pas capable de combattre sur son propre terrain est incapable de se battre ailleurs. Ni Marx, ni Engels, ni Lénine, ni Trotsky ne se métamorphosaient en métallos et ne se firent embaucher chez Krupp, Poutilov ou Renault.

Les militants révolutionnaires se dressent contre les renégats de la IV° Internationale qui intitulent pompeusement le mouvement étudiant « substitut provisoire au parti révolutionnaire ». Si les étudiants sont le « substitut », fût-ce provisoire, il leur revient naturellement de diriger les combats des travailleurs. A moins que l'action centrale se déroule précisément chez les étudiants, celle des travailleurs n'intervenant que comme un appoint. La caricature de cette conception a pris corps parmi les lycéens, eux aussi chargés par les pablistes, les spontanéistes, d'organiser au moyen des C.A.L., des « bases rouges » « autogérées » par les lycéens eux-mêmes. Niant la « culture bourgeoise », luttant contre les « structures oppressives », se dressant contre le corps enseignant « qui représente l'Etat bourgeois », les lycéens devaient faire de leurs lycées « des centres de contestation permanente », « les ouvrir aux travailleurs jeunes et vieux ». En fait, isolés des maîtres et des parents, sans aucun moyen de défense réelle, ils devenaient des victimes faciles de la répression, c'était une des contre parties gauchistes de l'opportunisme profond qui se masque derrière la théorie des « nouvelles avant-gardes ».

Le mouvement étudiant n'est pas, ne peut pas être « la nouvelle avant-garde », encore bien moins le « substitut », même « provisoire » au parti révolutionnaire. Par lui-même il est dans une impasse totale. Moins que quiconque, les marxistes sous-estiment l'importance des intellectuels d'origine sociale bourgeoise ou petite-bourgeoise pour la lutte de classe du prolétariat et la construction du Parti de la Révolution Socialiste. Mais c'est l'être qui détermine la conscience. Marx et Engels expliquent clairement la faillite des néo-hégéliens, réduits à la spéculation intellectuelle, au mouvement de leurs propres idées se développant sur elles-mêmes, des intellectuels porteurs du « savoir », de la « connaissance » . Marx et Engels élaborèrent le matérialisme dialectique comme des militants du prolétariat. La lutte de classe du prolétariat, le chartisme, les insurrections ouvrières de 1831, la lutte des tisserands de Silésie, conditionnèrent l'élaboration du marxisme. Condition nécessaire bien que non suffisante, mais condition première. C'est par la lutte de classe du prolétariat que seront résolues les contradictions mortelles de la société bourgeoise. C'est en partant de cette lutte de classe, et en y participant, que Marx et Engels purent utiliser les acquis antérieurs de la pensée bourgeoise, les matériaux qu'elle leur fournissait, analyser le contenu, le mouvement, la forme de la lutte de classe du prolétariat, mettre à jour ses origines et ses fins, et lui donner son expression scientifique. Au contraire de ce que pensent d'eux-mêmes les petits-bourgeois en révolte, la lutte de classe du prolétariat nourrit les luttes universitaires et même celles de la jeunesse en général. Envisager les mouvements étudiants qui ont eu lieu au cours des années 60 indépendamment de tous les acquis antérieurs des luttes de la classe ouvrière, de ses luttes actuelles, c'est se mystifier et ne pas être en mesure de comprendre ces mouvements eux mêmes. Ils prennent leur point d'appui sur les luttes de la classe ouvrière, et, comme parties de ces luttes, des possibilités, qu'ils n'auraient pas autrement, s'ouvrent à eux   mais pas celle de se substituer, ne fût ce que provisoirement, au parti révolutionnaire et pas plus à la classe ouvrière comme classe.

Il faut toute l'impudence ou l'ignorance de petits bourgeois en révolte pour écrire :

« En dépit de leur violence, de leur ampleur, ou de leurs mots d'ordres, ces débordements (du Mans, de Caen et d'ailleurs) n'ont pu faire tache d'huile et actualiser les possibilités qu'ils révélaient. Ils apparaissaient comme des excroissances du mouvement ouvrier, comme des saillies et non comme des exemples à suivre. Pour que l'énergie latente se libère, il a fallu que la classe ouvrière se penche sur les étudiants comme sur un miroir pour y entrevoir ses propres capacités. Il a fallu que le 13 mai joue le rôle unificateur qu'aucun débordement partiel n'aurait pu jouer. »  (Idem pages 152 153).

Les auteurs démontrent leur incompréhension du processus qui a mis en mouvement les étudiants. Les luttes ouvrières, dès la rentrée de septembre 1967, annonçaient un mûrissement au sein de la classe ouvrière. Elles s'intégraient à un processus qui se cristallisa et se développa à partir de la grève des mineurs de mars avril 63. Sans ces luttes ouvrières, peut être y aurait il eu quand même des luttes étudiantes, en tout cas, elles n'auraient pas eu cette ampleur et ce retentissement sur la classe ouvrière. Le 13 mai 1968 a ses origines dans tout ce passé de luttes récentes de la classe ouvrière, et non seulement dans les luttes étudiantes du début de mai 1968. Quant aux débordements des appareils par la classe ouvrière, les études de ces gens, porteurs de la connaissance, se sont arrêtées court : ils n'ont pas entendu parler d'août 53, de l'été 55, ils n'ont pas vu que la grève des mineurs était un mouvement de « débordement » où les travailleurs utilisèrent les canaux de leurs organisations syndicales et ainsi débordèrent la politique des appareils, comme ils le firent le 13 mai et pour réaliser la grève générale.

Si les luttes étudiantes de mai 68 démontrent quelque chose, ce serait plutôt exactement l'inverse des conclusions qu'en tirent Weber et Ben Saïd et avec eux toute une faune d'apprentis intellectuels. Il n'y a pas de substitut à la classe ouvrière, il n'y pas de substitut, même provisoire, au parti révolutionnaire. Après le premier élan nourri des expériences de la classe ouvrière, malgré des circonstances relativement favorables, toutes les tares bourgeoises et petites bourgeoises du milieu l'ont emporté, faute de direction révolutionnaire : la Sorbonne et Censier étaient transformés en bourbiers, le mouvement étudiant se dissociait, se décomposait, se putréfiait. Il donna naissance au spontanéisme, au gauchisme, à l'infection Mao Spontex et à toute une variété de tendances et courants qui expriment jusqu'à la limite la décomposition de la société bourgeoise.

La responsabilité n'en incombe pas aux étudiants. Ils ne peuvent dépasser les limites qu'implique leur milieu social qu'en s'incorporant politiquement à la classe ouvrière, à son mouvement historique, que seul peut exprimer le parti révolutionnaire qui plonge ses racines à l'intérieur de la classe ouvrière. Un tel parti restant à construire, le milieu étudiant, dans sa masse, a subi les conséquences de la politique stalinienne et réformiste qui a contenu et ensuite désagrégé la grève générale. La responsabilité des organisations qui disent combattre pour la construction de ce parti révolutionnaire, reste néanmoins de combattre en milieu étudiant, comme ailleurs, contre les illusions petites bourgeoises et pour une politique qui se fonde sur l'hégémonie du prolétariat dans la lutte des classes. Au lieu de tout cela, les renégats de la IV° internationale ont magnifié les tares petites bourgeoises du milieu étudiant. Ils se sont persuadés que le milieu étudiant, devenant le substitut à la classe ouvrière, le substitut au parti révolutionnaire, ils devenaient les dirigeants  de « la révolution de mai » comme ils disent. En fait, ils s'adaptaient au milieu, théorisaient » ses illusions et faisaient de ses tares des vertus, bien préparés à jouer ce rôle par toute la tradition mandelo pabliste.

La classe ouvrière a l'hégémonie dans la lutte de classe contre la bourgeoisie, son Etat, son gouvernement, par sa position dans la production. Elle est la principale force productive. Mais une force productive d'une sorte particulière : vivante, agissante, combattante, qui pour cela possède les moyens potentiels de libérer l'ensemble des forces productives des rapports de production bourgeois. Son développement comme force productive ne peut s'accomplir, à l'étape actuelle en particulier, que par la lutte des classes poussée à son aboutissement : la lutte pour le pouvoir, la prise du pouvoir. Rien n'est plus actuel que ces lignes qu'écrivaient Marx et Engels :

« Dans le développement des forces productives, il arrive un stade où naissent des forces productives et des moyens de circulation qui ne peuvent être que néfastes dans le cadre des rapports existants, et ne sont plus des forces productives mais des forces destructives (le machinisme et l'argent) ; et, fait lié au précédent, il naît une classe qui supporte toutes les charges de la société, sans jouir de ses avantages, qui est expulsée de la société et se trouve, de force, dans l'opposition la plus ouverte avec toutes les autres classes, une classe que forme la majorité des membres de la société et d'où surgit la conscience de la nécessité d'une révolution radicale, conscience qui est la conscience communiste et peut se former aussi, bien entendu, dans les autres classes quand on voit la situation de cette classe. »  (Idéologie allemande, pages 119­120).

La société n'est pas composée, en dehors de la classe ouvrière, d'une masse réactionnaire unique, mais les membres des autres classes sociales ne peuvent acquérir une conscience communiste qu'en rapport avec la classe ouvrière, son mouvement, son combat.

Marx et Engels poursuivent :

« Une transformation massive des hommes s'avère nécessaire pour la création en masse de cette conscience communiste comme aussi pour mener la chose elle même à bien ; or, une telle transformation ne peut s'opérer que par un mouvement pratique, que par une révolution ; cette révolution n'est donc pas seulement nécessaire parce qu'elle est le seul moyen de renverser la classe dominante ; elle l'est également parce que seule une révolution permettra à la classe qui renverse l'autre de balayer toute la pourriture du vieux système qui lui colle après, et de devenir apte à fonder la société sur des bases nouvelles. » (Idem page 121).

Le prolétariat est parvenu à un stade où, pour se protéger comme force productive, il lui faut faire la révolution. La révolution est la condition nécessaire à la libération de ses virtualités. Il lui faut vaincre sa partiellisation et devenir « apte à fonder sur des bases nouvelles la société », c'est à dire à se développer comme force productive. La vie quotidienne, dans le cadre du mode de production capitaliste, atomise, partiellise la classe ouvrière, elle tend, au stade impérialiste, à la détruire comme toute autre force productive. Que dire de l'activité intellectuelle qui est séparée, mise en contradiction pour l'essentiel, avec le processus de production, qui est transformée en activité parasitaire, vide de contenu ?

Seule la lutte révolutionnaire du prolétariat peut reclasser les intellectuels, les étudiants, à condition qu'ils s'y intègrent, qu'ils reconnaissent l'hégémonie du prolétariat dans la lutte de classe contre la bourgeoisie, non seulement en paroles mais dans les actes. Il ne s'agit pas pour eux d'aller au peuple, d'abandonner leur terrain de lutte, voir de renoncer à leurs études, mais de combattre au nom du prolétariat. Ils ne feront pas des universités et des lycées « des bases rouges ». Cette théorie est celle de l'auto-émancipation des intellectuels, des étudiants, des... lycéens. D'ailleurs, la classe ouvrière ne transformera pas non plus chaque usine en « base rouge ». Prétendre cela, c'est s'émietter, détruire la classe ouvrière comme classe. La seule « base rouge » que la classe ouvrière établira sera l'Etat ouvrier qu'elle constituera en prenant le pouvoir.

La crise de la société bourgeoise a quelque chose de dramatique pour les intellectuels, les étudiants ; beaucoup d'entre eux sont transformés en lumpen intellectuels . Les renégats de la IV° Internationale se font les chantres de cette lumpénisation. Il revenait à Pierre Frank de lancer le cocorico de cette politique en prononçant, à la tribune de la Sorbonne, les mémorables paroles :

« Je salue le premier territoire socialiste libéré. »

La situation des intellectuels et des étudiants des pays de l'Europe de l'Est, de l'U.R.S.S., de la Chine, est sensiblement différente. Tandis qu'intellectuels et étudiants des pays capitalistes sont liés au mode de production bourgeois, que   pour la plupart   ils appartiennent à la bourgeoisie et à la petite  bourgeoisie, eux sont liés aux rapports de production institués par la Révolution Russe étendus à l'Europe de l'Est, et par la Révolution Chinoise. Ils ont,  pour la plupart, des liens avec la classe ouvrière et la paysannerie. Les rapports sociaux de production, au lieu d'être des obstacles qui se dressent devant le développement de la culture, exigent au contraire que celle ci se transforme et se développe. Les rapports sociaux de production, malgré leur gestion par les bureaucraties parasitaires, ont exigé que par centaines et centaines de milliers, jeunes ouvriers, jeunes paysans accèdent à un large horizon culturel. Si ces acquis sont remis en cause, la raison en est : la bureaucratie parasitaire.

Etudiants, intellectuels, ont un pressent besoin de jouir des libertés nécessaires à la vie culturelle, à sa transformation, à son enrichissement. Des traitements monumentaux, des datchas sont accordés aux littérateurs, aux « artistes », aux scientifiques, serviles à la bureaucratie. La contradiction entre les possibilités créatrices que donnent les rapports sociaux de production et le joug stérilisant de la bureaucratie est ressentie avec plus de force. En Europe de l'Est, les grandes luttes du prolétariat contre la bureaucratie ont généralement été précédées par une intense activité des intellectuels exigeant plus de liberté en art, en littérature, dans les sciences ; le cercle Pétoefi en Hongrie au début de l'année 1956, la revue « Po Prostu » en Pologne, le II° Congrès des écrivains tchécoslovaques ont été des lieux d'où ces revendications se sont élevées. La lutte pour la liberté en art, en littérature, dans les sciences, est rapidement devenue critique sociale et politique, lutte pour les libertés politiques, et a ouvert la voie au prolétariat. Les intellectuels, les étudiants de l'Europe de l'Est et d'U.R.S.S. ont, par rapport à ceux des pays capitalistes, le privilège d'être par leurs aspirations, en correspondance avec les exigences des rapports sociaux. D'emblée, leur activité s'attaque à la bureaucratie dirigeante, corrode son pouvoir politique, correspond aux besoins du prolétariat, indépendamment de ce que pense individuellement tel ou tel d'entre eux.

Il suffit de lire le Samizdat soviétique pour s'en convaincre. La brutalité de la répression bureaucratique contre les Daniel, Siniavsky, Guinsbourg, Litvinov, lakir, Soljenytsine, Grigorenko, etc., le prouve. Bien sûr, l'intelligentsia est liée à la bureaucratie, étudiants et intellectuels se recrutent en grand nombre dans les rangs des fils et filles de la bureaucratie. Tous ne sont pas francs comme l'or. Parmi les intellectuels de l'U.R.S.S. et des pays de l'Europe de l'Est, nombreux sont ceux qui sont prêts à soutenir les forces pro bourgeoises qui surgissent de la bureaucratie même.

Il peut être établi une comparaison entre les étudiants et intellectuels bourgeois et petits bourgeois en rupture  avec leur classe, et ceux de l'U.R.S.S. et des pays de l'Europe de l'Est en rupture avec les bureaucraties parasitaires. Encore une fois, elle est limitée, voire superficielle ; étudiants et intellectuels de l'Europe de l'Est, de l'U.R.S.S., de Chine, lorsqu'ils entrent en conflit avec la bureaucratie parasitaire, expriment contre elle les nécessités des nouveaux rapports sociaux, tandis que les intellectuels et étudiants bourgeois en crise manifestent l'impasse, la faillite des rapports sociaux bourgeois.

Et cependant, l'hégémonie appartient, en U.R.S.S. et en Europe de l'Est, au prolétariat dans la lutte contre la bureaucratie, pour la révolution politique, comme elle appartient, dans la lutte contre la bourgeoisie pour la révolution sociale, au prolétariat dans les pays capitalistes. Ainsi que l'explique Trotsky dans « Littérature et Révolution », finalement une nouvelle culture, la culture socialiste, ne pourra naître que lorsqu'un nouvel et gigantesque élan sera donné au développement des forces productives, que le prolétariat commencera à disparaître comme classe et avec lui toute autre classe sociale. Ou, pour reprendre les expressions de Marx en Engels :

« Seuls les prolétaires de l'époque actuelle, totalement exclus de toute manifestation de soi même, sont en mesure de parvenir à leur manifestation totale et non plus bornée, qui consiste dans l'appropriation d'une totalité de forces productives et dans le développement ainsi posé d'une totalité de facultés. Toutes les appropriations révolutionnaires antérieures étaient bornées. Des individus, dont la manifestation de soi était bornée par un instrument de production limité et des relations limitées, s’appropriaient cet instrument de production limitée et ne parvenaient ainsi qu'à une nouvelle limitation. Leur instrument de production devenait leur propriété mais eux mêmes restaient subordonnés à la division du travail et à leur propre instrument de production. » (Idéologie allemande, page 78).

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