1908 |
Traduit de l'allemand par Gérard Billy, 2015, d'après la réédition en fac-similé publiée par ELV-Verlag en 2013 |
Les origines du christianisme
IIème partie. La société romaine à l'époque impériale.
1. Une économie esclavagiste
e. Le déclin économique
1908
Les classes dominantes, qui, exclues de toute activité, faisaient de plus en plus exécuter par des esclaves toute espèce de travail, même la science, même la politique, eurent de bonne heure un sentiment diffus de décadence. En Grèce, l'esclavage avait d'abord servi à laisser aux maîtres tout le temps de loisir nécessaire pour la gestion des affaires de l’État et la méditation sur les problèmes importants de la vie. Mais plus augmentaient les surplus que la concentration de la propriété foncière, l'extension des latifundia, et la multiplication des esclaves accumulaient dans quelques mains, plus la quête de plaisirs, la dilapidation de ces surplus, devenait la fonction sociale préférée des classes dominantes, plus s'aiguisait en leur sein la compétition pour le maximum de gabegie, la course à qui surpasserait l'autre en éclat, en opulence, en farniente. A Rome, cela rencontra encore moins d'obstacles qu'en Grèce, pour la raison que, culturellement, Rome était relativement en retard sur la Grèce quand elle passa à ce mode de production. L'expansion de la puissance grecque s'était principalement faite aux dépens de peuples barbares, mais s'était heurtée au Moyen-Orient et en Égypte à de solides obstacles. Les esclaves étaient des barbares qui ne pouvaient rien apprendre aux Grecs, et auxquels ils ne pouvaient se risquer à confier les affaires de l’État. Et les richesses que l'on pouvait prendre aux barbares étaient relativement minces. La suprématie romaine, au contraire, s'étendit rapidement sur tous les foyers de culture ancestraux de l'orient jusqu'à Babylone (ou l'empire des Séleucides) ; de ces nouvelles conquêtes, les Romains ne tirèrent pas seulement d'immenses richesses, mais aussi des esclaves dont le savoir était supérieur à celui de leurs maîtres, auprès de qui ceux-ci devaient s'instruire, et à qui ils pouvaient sans difficulté confier la gestion de l’État. L'aristocratie des grands propriétaires fonciers fut à l'époque impériale de plus en plus remplacée dans ses fonctions d'administrateurs de l’État par des esclaves de la maison impériale et d'anciens esclaves de l'empereur, des affranchis demeurés sous la coupe de leur ancien maître.
C'est ainsi que les latifundistes et leur suite de parasites n'avaient plus d'autre fonction dans la société que de s'adonner aux plaisirs. Mais les sensations s'émoussent quand le stimulus agit en permanence, la joie comme la douleur, la volupté comme l'angoisse devant la mort. Une vie ininterrompue de plaisirs, sans parenthèses vouées au travail, à la lutte, entraîna d'abord une recherche incessante de nouvelles jouissances susceptibles de surpasser les anciennes et d'exciter des nerfs engourdis, ce qui menait aux débauches les plus contre-nature, aux cruautés les plus raffinées, mais faisait aussi atteindre à la gabegie les sommets les plus absurdes. Mais tout finit par buter sur des limites, et quand un individu en était arrivé à ne plus être en état de doper ses plaisirs, les moyens ou les forces venant à manquer en raison d'une banqueroute financière ou d'une santé ruinée, alors il était pris d'une gravissime gueule de bois, n'importe quel plaisir lui donnait des nausées, il perdait complètement le goût de vivre, il avait le sentiment que tous les désirs et toutes les pensées étaient vides de sens – vanitas, vanitas vanitatum. C'était le moment de la désespérance, des aspirations suicidaires, mais aussi de l'espoir d'une autre vie, d'une vie supérieure – cependant l'aversion pour le travail était si profondément enracinée qu'on n'imaginait pas cette nouvelle vie idéale sous les traits d'une vie de travail dans la joie, mais comme une félicité totalement inactive dont la béatitude ne venait que de ce qu'elle était délivrée de toutes les douleurs et de toutes les désillusions des besoins et des plaisirs physiques.
Chez les meilleurs des exploiteurs se répandait cependant aussi un sentiment de honte, honte de ce que leur bien-être était bâti sur la ruine de nombreux paysans libres, sur les mauvais traitements infligés à des milliers d'esclaves dans les mines et les latifundia. De la dépression naissait aussi de la pitié pour les esclaves – une contradiction étrange, quand on pense à la brutale cruauté avec laquelle on disposait alors de leur vie -, rappelons seulement les jeux de gladiateurs. Enfin, ce cafard provoquait également de la répugnance contre la cupidité et la chasse à l'or, à l'argent, qui déjà à cette époque dominait le monde.
« Nous savons, » s'exclame Pline dans le 33ème livre de son histoire naturelle, « que Spartacus (le chef d'une révolte d'esclaves) interdisait dans son campement de porter sur soi de l'or ou de l'argent. Comme nos esclaves fugitifs nous surpassent en élévation spirituelle ! L'orateur Messal écrit que le triumvir Antoine s'était servi de vases en or pour tous ses besoins malpropres … Antoine, qui avilissait l'or pour couvrir la nature d'opprobre, aurait mérité d'être banni. Mais il aurait fallu un Spartacus pour le bannir. »
En-dessous de cette classe dominante qui, en partie, dégénérait dans une débauche, une cupidité et une cruauté sans fond, en partie était remplie de compassion pour les pauvres et de dégoût pour l'argent et les jouissances, et même de désirs suicidaires, il y avait une foule immense d''esclaves au travail, plus maltraités que nos bêtes de somme, rassemblés depuis tous les coins de la terre, avilis et corrompus par les mauvais traitements incessants, par le travail dans les chaînes et sous les coups de fouet, pleins de rage, de vindicte et de désespoir, toujours prêts à se révolter et à user de violence, mais incapables, en raison de la misère intellectuelle de ses éléments barbares, c'est-à-dire de la majorité d'entre eux, de mettre à bas l'ordonnance de l'énorme machine étatique et de fonder un nouvel État, même si ce pouvait être le but de certains esprits éminents parmi eux. La seule voie émancipatrice sur laquelle ils pouvaient atteindre leur but, n'était pas celle du bouleversement de la société, mais celle de la fuite hors de la société, la fuite dans le crime, le brigandage, dont ils de cessaient de gonfler les troupes, ou la fuite au-delà des frontières, auprès des ennemis de l'empire.
Au-dessus de ces millions de malheureux s'élevaient des centaines de milliers d'esclaves vivant souvent au milieu de l'opulence et du bien-être, constamment témoins et objets des transports des sens les plus débridés et les plus déments, complices de toutes les corruptions imaginables et, soit saisis eux-mêmes par cette corruption et aussi véreux que leurs maîtres, soit aussi, comme beaucoup d'entre eux et souvent les y précédant parce qu'ils subissaient, eux, les à-côtés insupportables de cette vie de jouissances, profondément écœurés par la dépravation et aspirant à une nouvelle vie, plus pure, plus noble.
Et à côté de tous ces gens grouillaient encore des centaines de milliers de citoyens libres et d'affranchis, des débris de la paysannerie, nombreux mais loqueteux, des métayers tombés dans la misère, des artisans et des porte-faix sans ressources, ainsi, enfin, que le lumpenprolétariat des grandes villes, doué de la vigueur et de l'assurance du citoyen libre, et pourtant économiquement superflu dans la société, sans foyer, sans sécurité aucune, complètement dépendant des miettes que les grands seigneurs leur jetaient en puisant dans leur superflu, par libéralité ou par peur, ou pour avoir la paix.
Quand l'évangile de Mathieu fait dire à Jésus à son propre sujet : « Les renards ont leurs terriers et les oiseaux ont leurs nids, mais le fils de l'homme, lui, n'a pas de lieu où reposer sa tête »(8, 20), il ne fait que reprendre une idée exprimée 130 ans avant J.-C. par Tiberius Gracchus pour tout le prolétariat de Rome : « Les bêtes sauvages de l'Italie ont leurs tanières et une couche où se reposer, mais les hommes qui combattent et meurent pour la suprématie de l'Italie, n'ont à eux que l'air et la lumière, parce que c'est la seule chose qu'on ne peut pas leur prendre. Sans toit et sans abri, ils vagabondent avec femme et enfants. »
De leur misère et de la précarité de leur mode de vie naissait une amertume d'autant plus vive que les grands mettaient plus d'indécence et de profusion à faire étalage de leur richesse. Les pauvres conçurent une farouche haine de classe pour les riches, mais cette haine était d'une nature très différente de celle du prolétaire moderne.
Aujourd'hui, tout l'édifice social repose sur son travail. Il n'a qu'à arrêter de travailler pour que les fondations de la société soient ébranlées. Le prolétaire de l'Antiquité, le prolétaire en guenilles, ne fournissait aucun travail, et même le travail de ce qu'il restait de paysans et d'artisans libres n'était pas indispensable. A cette époque-là, la société ne vivait pas du prolétariat, c'était le prolétariat qui vivait aux dépens de la société. Il était complètement inutile et aurait pu disparaître sans que cela la menace en rien. Bien au contraire, cela l'aurait seulement soulagée d'une charge. C'était le travail des esclaves qui était le fondement de la société.
Le terrain d'affrontement entre le capitaliste et le prolétaire est aujourd'hui l'usine, l'atelier. L'enjeu, c'est de savoir qui doit commander au processus de production, ceux qui possèdent les moyens de production ou ceux qui possèdent la force de travail. Dans cette lutte, il y va du mode de production, il s'agit de remplacer le mode de production existant par un mode de production supérieur.
Le lumpenprolétaire de l'Antiquité était en-dehors de tout cela. Il ne travaillait pas et ne voulait pas travailler. Ce qu'il réclamait, c'était d'avoir sa part des plaisirs des riches, une autre distribution des biens de consommation et d'agrément, pas des moyens de production, il voulait prendre son butin sur les riches, pas changer de mode de production. Le calvaire des esclaves dans les mines le laissaient autant de marbre que disons les souffrances des bêtes de somme.
Les paysans et les artisans pouvaient encore moins concevoir l'idée d'un mode de production supérieur. Même aujourd'hui, ils en sont incapables. Leur rêve était, au mieux, le retour au passé. Mais ils étaient si proches des prolétaires et les buts de ceux-ci étaient si séduisants qu'ils ne désiraient rien d'autre, n'aspiraient à rien d'autre qu'eux : une vie sans travail et aux frais des riches ; un communisme assis sur le pillage de la fortune des riches.
Il y avait donc dans la société romaine de la fin de la République et de l'époque impériale, certes d'énormes antagonismes sociaux, un océan de haine de classe et de luttes de classes, des soulèvements et des guerres civiles, une aspiration colossale à une autre vie, à une vie meilleure, à un dépassement de l'ordre social existant, mais aucun mouvement visant à instaurer un mode de production différent et supérieur. 12
Les conditions morales et intellectuelles n'étaient pas remplies, aucune classe n'avait le savoir, l'énergie, le goût du travail ni la générosité nécessaires pour s'engager pratiquement et efficacement sur la voie d'un changement de mode de production. En outre étaient absents les prérequis matériels nécessaires pour que l'idée même en surgisse.
Nous venons de voir que, techniquement, l'économie esclavagiste ne représentait pas un progrès, mais une régression, que l'aristocratie s'avachissait et devenait incapable d'aucun travail, que non seulement le nombre des travailleurs improductifs augmentait dans la société, mais que la productivité des travailleurs productifs baissait et était un frein au développement des techniques – à l'exception peut-être de quelques productions de luxe. Si on comparait le nouveau mode de production esclavagiste avec celui des paysans libres qu'il avait refoulé et asphyxié, on ne pouvait que constater un déclin, pas un essor. D'où l'idée que les temps anciens étaient meilleurs, que c'était l'âge d'or, que le temps passant, tout empirait. Si l'époque capitaliste, avec sa quête permanente d'amélioration des moyens de production, secrète l'idée du progrès infini de l'humanité, si elle incline à peindre autant que se peut le passé en noir et à voir le plus possible l'avenir en rose, nous trouvons tout au contraire, à l'époque de l'empire romain, la perspective inverse, celle d'un irrésistible déclin de l'humanité et d'une nostalgie tenace du bon vieux temps. Si d'aventure des réformes sociales, des idéaux sociaux, visaient à corriger dans le bon sens les rapports de production, ils n'avaient toujours comme horizon que le retour à l'ancien mode de production, celui de la paysannerie libre, et ils avaient raison, car il était supérieur à celui existant. L'esclavagisme menait à une impasse. La société devait être remise sur les fondements de l'économie paysanne avant de pouvoir de nouveau prendre son essor. Mais cela non plus, la société romaine n'en était pas capable, car elle avait perdu les paysans dont elle aurait eu besoin. Il fallut attendre qu'avec les invasions barbares, de nombreux peuples de paysans libres se répandent dans tout l'empire romain, pour que ce qui restait de la civilisation qu'il avait créée pût servir de point de départ d'un nouveau développement social.
A l'instar de tout mode de production édifié sur des antagonismes, l'esclavagisme de l'Antiquité se creusa lui-même sa propre tombe. Sous la forme que ce système économique finit par prendre dans l'empire romain, il reposait sur la guerre. Seules, des guerres victorieuses ininterrompues, l'assujettissement constant de nouvelles nations, l'extension continuelle du territoire, pouvaient assurer l'approvisionnement massif en esclaves bon marché dont il avait besoin.
Mais on ne peut pas faire la guerre sans soldats, et c'était le paysan qui fournissait la meilleure matière première militaire. Habitué à un travail pénible et ininterrompu au grand air, qu'il fasse chaud ou froid, sous le soleil et sous la pluie, c'est lui qui supportait le mieux les fatigues harassantes que la guerre impose au soldat. Le lumpenprolétaire de la ville, déshabitué du travail, en était beaucoup moins capable, et pas davantage l'artisan adroit de ses mains, le tisserand, ou l'orfèvre, ou le sculpteur sur bois. Les paysans libres disparaissant, l'armée romaine voyait disparaître ses soldats. On fut de plus en plus contraint de compléter le nombre des soldats de la milice assujettis au service en recrutant des volontaires, des soldats de métier qui continuaient à servir après avoir fait leur temps obligatoire. Rapidement, cela ne suffit plus si l'on se limitait aux citoyens romains. Tibère, déjà, déclarait au Sénat qu'on manquait de volontaires de qualité et qu'il fallait aller chercher toutes sortes de racailles et de vagabonds. Les armées romaines comptèrent de plus en plus de mercenaires barbares issus des provinces soumises, et même, on finit par recruter des étrangers, des ennemis de l'empire pour combler les vides. Déjà chez César, on trouve des Germains dans les armées romaines.
Mais moins l'armée pouvait recruter dans la nation des seigneurs, plus les soldats devenaient rares et chers, plus les sentiments pacifistes ne pouvaient manquer de se répandre à Rome, non pas en raison d'une révolution éthique, mais pour des motifs très matériels. Rome devait ménager ses soldats, elle ne pouvait plus non plus repousser les frontières de l'empire, car elle devait s'estimer heureuse si elle arrivait à trouver suffisamment de soldats pour protéger la frontière existante. C'est précisément à l'époque où l'on situe la vie de Jésus, sous le règne de Tibère, que, pour l'essentiel, s'arrête l'offensive romaine. A partir de là, les efforts de l'empire romain visent de plus en plus à se défendre des ennemis qui le mettent sous pression. Et cette pression ne cesse alors d'augmenter, car plus il y avait d'étrangers, et particulièrement de Germains, dans les armées romaines, plus les voisins barbares découvraient la richesse et l'art militaire de Rome, mais aussi sa faiblesse, et plus leur prenait l'envie de s'établir dans l'empire, non pas comme mercenaires et comme domestiques, mais comme conquérants et comme seigneurs. Au lieu de lancer des razzias pour attraper des barbares, les maîtres de Rome se virent bientôt contraints de reculer devant les barbares ou de les payer pour qu'ils restent tranquilles. C'est ainsi qu'au cours du premier siècle de notre ère, se tarit l'afflux d'esclaves bon marché. On fut de plus en plus obligé d'en passer par la production d'esclaves.
Mais c'était un procédé extrêmement coûteux et qui ne se justifiait que pour des esclaves domestiques de niveau supérieur pour des travaux qualifiés. Il était impossible de poursuivre l'exploitation d'un latifundium en produisant soi-même ses esclaves. On cessa progressivement d'utiliser des esclaves dans l'agriculture, et de son côté, l'exploitation minière recula, de nombreuses fosses n'étaient plus rentables dès lors que manquaient les prisonniers de guerre que l'on n'avait pas à ménager parce que c'étaient des esclaves.
L'économie esclavagiste se désagrégeait, mais il n'y eut pas de renaissance de la paysannerie. Il aurait fallu pour cela qu'existe une abondante population de paysans économiquement robustes, et la propriété privée du sol y faisait obstacle. Les latifundistes n'avaient aucunement envie de renoncer à leurs propriétés. En revanche, ils restreignirent la taille de leurs grandes entreprises. Ils transformèrent une partie de leurs terres en petites métairies qu'ils cédaient en location à des métayers, des colons, à charge pour eux de consacrer une fraction de leur force de travail à la ferme du propriétaire. Ainsi se constitua le système de gestion des sols qui plus tard, à l'époque féodale, demeura l'horizon des grands seigneurs de la terre, jusqu'au moment où le capitalisme lui substitua son propre système d'affermage.
Les forces de travail parmi lesquelles se recrutaient les colons étaient, soit des esclaves de la campagne et des paysans tombés dans la gêne, soit également des prolétaires, des artisans libres et des esclaves des grandes villes qui n'y trouvaient plus de moyens d'existence, depuis que, les revenus issus de l'esclavage dans l'agriculture et les mines diminuant, les libéralités et la vie de plaisirs des riches se réduisaient. Plus tardivement, ils furent sans doute rejoints par des habitants des provinces frontalières chassés de leurs propriétés par l'avancée des barbares et cherchant refuge dans l'arrière-pays, où ils trouvaient à s'installer comme colons.
Mais ce nouveau mode de production ne put enrayer le déclin économique dû à l'arrêt de l'approvisionnement en esclaves. Lui aussi était techniquement inférieur à la paysannerie libre et constituait un obstacle à toute évolution des techniques. Le travail auquel était astreint le colon dans le domaine du seigneur restait du travail forcé, accompli avec la même grogne et le même laisser-aller, le même manque de respect pour les bêtes et l'outillage, que le travail des esclaves. Certes, le colon avait sa propre exploitation à lui, mais ses dimensions l'empêchaient de trop prospérer et suffisaient tout juste à lui permettre de survivre. En revanche, la hauteur du fermage payé en nature était telle que le colon livrait au seigneur tout ce qu'il produisait au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour un train de vie misérable. La pauvreté des colons soutenait la comparaison avec celle des fermes minuscules de l'Irlande ou celle des campagnes de l'actuelle Italie méridionale qui voit subsister un système de production semblable. Mais les contrées agraires d'aujourd'hui ont au moins une soupape de sécurité, l'émigration vers des régions en plein essor industriel. Rien d'analogue pour les colons de l'empire romain. L'industrie ne servait que peu à la production de moyens de production, elle se consacrait essentiellement à la consommation de luxe. Les surplus des propriétaires de mines et de latifundia s'amenuisant, l'industrie reculait aussi dans les villes, et leur population baissait rapidement.
Mais la population du plat pays se réduisait elle aussi simultanément. Les micro-exploitations ne permettaient pas de faire vivre de grandes familles. Ce qu'on en tirait suffisait tout juste en période normale à nourrir chichement les tenanciers. En cas de mauvaises récoltes, ils n'avaient pas de stocks ni d'argent pour acheter ce qui faisait défaut. La faim et la misère ne pouvaient que faire des ravages et éclaircir les rangs des colons, notamment ceux de leurs enfants. L'Irlande voit depuis un siècle sa population diminuer, il en était de même dans l'empire romain.
« Il est facile de comprendre que les causes de nature économique qui provoquèrent dans l'ensemble de l'empire romain la diminution de la population, se faisaient particulièrement sentir en Italie, et en tout premier lieu à Rome. Si l'on veut citer des chiffres, on peut admettre qu'à l'époque d'Auguste, la ville comptait environ un million d'habitants, qu'au premier siècle de l'empire, ce nombre est resté à peu près constant, est ensuite tombé à 600 000 environ à l'époque des Sévères, puis s'est effondré rapidement. » 13
Dans sa belle étude sur « L'évolution économique de l'Antiquité » (1895), Eduard Meyer reproduit dans une annexe la description que Dion Chrysostome (né autour de 50 après J.-C.) fait, dans son septième discours, de la situation régnant dans une petite ville d'Eubée dont le nom n'est pas cité. Le dépeuplement de l'empire y est vigoureusement mis en évidence.
« Tout le district dépend de la ville et est redevable de l'impôt. Pour la majeure partie, sinon exclusivement, le sol appartient à des riches, propriétaires de vastes complexes exploités partie en pâturages, partie en terres arables. Mais il est complètement désertifié. Un citoyen déclare devant l'assemblée du peuple : « Les deux tiers de notre territoire, ou presque, sont à l'abandon, parce que nous ne nous en occupons pas ou que la population y est trop clairsemée. J'ai moi-même autant d'arpents que n'importe qui d'autre, non seulement à la montagne, mais aussi en plaine, et si je trouvais quelqu'un pour les cultiver, non seulement je les lui céderais pour rien, mais je lui donnerais encore de l'argent avec plaisir... » La désertification commence, poursuit-il, immédiatement aux portes de la ville,, « le pays est complètement dépeuplé et présente un aspect désolé, comme s'il était situé au milieu du désert et pas aux portes d'une ville. A l'intérieur des murs, par contre, on sème et on fait paître du bétail sur le terrain urbain. … On a transformé le gymnase en champs cultivés, et en été, Héraclès et les autres statues de dieux et de héros sont enfouies dans le blé. Tous les matins, l'orateur qui m'a précédé emmène ses bêtes paître sur le marché, devant la mairie et les bureaux administratifs, ce qui fait que la ville est la risée des gens qui viennent d'ailleurs, ou leur fait pitié. »
« En concordance avec cet état de choses, dans la ville elle-même, beaucoup de maisons sont vides, manifestement, la population ne cesse de diminuer. Aux rochers de Kaphareus habitent quelques pêcheurs de pourpre ; sinon, dans toute la région, de vastes étendues sont inhabitées. Naguère, tout ce pays appartenait à un riche citoyen « qui possédait de nombreux troupeaux de chevaux et de bœufs, de nombreuses prairies, de nombreux champs florissants et encore d'autres biens de belle taille. » Sa richesse lui a valu d'être tué sur ordre de l'empereur, ses troupeaux ont été déplacés au loin, et par la même occasion le bétail appartenant à son berger, et depuis, tout le pays est là inexploité. Seuls sont restés deux gardiens de bœufs, des hommes libres et citoyens de la ville, ils se nourrissent de chasse, d'un peu de culture et de jardinage ainsi que d'élevage. …
« Dion brosse ici un tableau – valable pour l'ensemble de la Grèce dès le début de l'ère impériale – que l'on retrouvera au cours des siècles suivants à Rome et dans ses environs et dont l'empreinte est encore aujourd'hui visible dans la Campanie. Là aussi, on en est venu à une situation où les villes moyennes ont disparu, où la campagne n'est plus que friches s'étendant sur des lieues à la ronde, où la seule activité est l'élevage (et ici et là sur les pentes des montagnes la viticulture), avant que, au bout du compte, même Rome soit déserte, que les maisons y restent inoccupées et s'effondrent, de même que les bâtiments publics, et que le forum et le Capitole servent de pâturage aux troupeaux. N'importe quel voyageur arrivant à Dublin ou parcourant l'Irlande constate aussitôt que ce pays, au dix-neuvième siècle, commence à être atteint par le même phénomène. » (op. cit., p. 67 à 69)
En même temps, la fertilité du sol s'effondrait. L'alimentation en étable était peu développée, et ne pouvait que perdre encore dans une économie esclavagiste, ce système impliquant un mauvais traitement du bétail. Or sans stabulation, pas d'engrais. Sans fumure et sans culture intensive, on ne tirait du sol que ce qu'il voulait bien produire. Ce type de culture ne donnait de bons rendements que sur les meilleures terres. Mais si on les exploitait sans trêve, le sol se vidait de sa substance et leur surface se rétrécissait.
Il s'est passé quelque chose d'analogue au dix-neuvième siècle en Amérique : dans les États esclavagistes du sud, le sol, faute d'engrais, s'épuisait lui aussi rapidement, et en même temps, ce n'était que sur les meilleures terres que l'utilisation d'esclaves pouvait être profitable. L'économie esclavagiste ne pouvait perdurer qu'en avançant toujours plus loin vers l'ouest, en conquérant sans cesse de nouvelles contrées, et en laissant derrière elle des sols épuisés et dévastés. Même phénomène dans l'empire romain, et c'est de cela entre autres causes que venait la soif inextinguible de terres qui caractérisait ses gouvernants, et leur appétit de conquêtes militaires. Dès le début de l'époque impériale, l'Italie du sud, la Sicile, la Grèce étaient des pays désertifiés.
Des sols pressurés, une main-d’œuvre faisant de plus en plus défaut, des méthodes irrationnelles – cela ne pouvait donner d'autres résultats que des rendements en chute libre.
Mais en même temps, diminuait aussi la capacité du pays à acheter des vivres à l'étranger. L'or et l'argent se faisaient de plus en plus rares. Car les mines produisaient de moins en moins faute de main-d’œuvre, comme déjà vu. Et une quantité toujours croissante des métaux disponibles partait à l'étranger, en partie en Inde et en Arabie pour acheter des produits de luxe pour les riches qui existaient encore, mais surtout pour arroser les nations barbares du voisinage. Nous avons vu que c'est chez elles qu'on allait de plus en plus recruter les soldats. Le nombre de ceux qui emportaient à l'étranger leur solde ou au moins ce qui leur en restait une fois leur période de service terminée, augmentait. Mais plus l'empire perdait de ses capacités à se défendre, plus il tentait d'amadouer ses dangereux voisins, le meilleur moyen étant de leur payer un riche tribut. Trop souvent, si la manœuvre échouait, les troupes ennemies envahissaient le territoire de l'empire pour se livrer à des pillages. Et cela lui soustrayait d'une autre façon une partie de ses richesses.
Et au final, pour les protéger, on dépensait ce qu'il en restait. Moins les habitants de l'empire étaient en état de se défendre, plus se faisaient rares les recrues originaires de l'intérieur, plus il fallait aller en chercher de l'autre côté des frontières, plus se faisait sentir la pression des ennemis barbares, plus, donc, la demande de mercenaires augmentait alors que l'offre diminuait, plus s'élevait le montant de la solde à payer. « Depuis César, elle était de 225 deniers annuels (196 marks) et à cela s'ajoutaient chaque mois deux tiers de médimne de céréales (un médimne = 54 litres), c'est-à-dire quatre modius, plus tard même cinq modius. Un esclave qui ne vivait que de céréales touchait mensuellement la même quantité. Vu la frugalité des méridionaux, ces céréales suffisaient à répondre à la majeure partie des besoins alimentaires. Domitien porta la solde à 300 deniers (261 marks). Sous les empereurs suivants, les armes étaient de surcroît fournies gratuitement. Septime Sévère et plus tard Caracalla ont encore augmenté la solde. »
N'oublions pas que le pouvoir d'achat de l'argent était alors bien supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Sénèque, par exemple, à l'époque de Néron, estimait qu'un philosophe pouvait vivre avec une demi-sesterce (11 pfennig) par jour. 40 litres de vin coûtaient 25 pfennig, un agneau de 40 à 50 pfennig, une brebis 1,5 marks.
« Il est clair que, vu le niveau des prix, la solde du légionnaire romain était très consistante. Et en plus de la solde, il y avait les cadeaux qu'il recevait quand un nouvel empereur était choisi par les soldats. A une époque où il ne s'écoulait que quelques mois entre deux accessions au trône, cela était assez considérable. A l'issue de son temps de service, il recevait un cadeau d'adieu qui, à l'époque d'Auguste, était de 3000 deniers (2600 marks), qui fut certes réduit de moitié par Caligula, mais de nouveau élevé à 5000 deniers (4350 marks) par Caracalla. » (Paul Ernst, Inventaire social de l'empire romain avant les invasions barbares. Neue Zeit iii , XI, 2, p. 253 sq.)
En même temps, il fallait augmenter la taille de l'armée permanente au fur et à mesure que les attaques aux frontières se multipliaient de tous côtés. Sous le règne d'Auguste, elle comptait 300 000 hommes, plus tard plus du double.
C'est énorme, si l'on songe que, vu l'état de l'agriculture, la population de l'empire était très clairsemée et le surplus fourni par leur travail très maigre. Beloch iv estime la population de l'ensemble de l'empire, environ quatre fois plus étendu que l'actuel empire d'Allemagne, à environ 55 millions d'habitants à l'époque d'Auguste. L'Italie, où vivent aujourd'hui 33 millions de personnes, en comptait alors seulement 6 millions. Avec leur technique primitive, ces 55 millions devaient entretenir une armée aussi importante que celle qui pour l'Allemagne actuelle, représente une charge écrasante en dépit de l'énorme progrès technique survenu entre-temps, une armée de mercenaires bien mieux payés que les militaires d'aujourd'hui.
Et pendant que la population diminuait et s'appauvrissait, le fardeau du militarisme ne cessait de s'alourdir.
A cela deux causes qui toutes deux achevèrent l'effondrement économique.
L’État avait alors essentiellement deux domaines d'intervention : les affaires militaires et les ouvrages architecturaux. S'il voulait augmenter les dépenses pour les premières sans majorer les impôts, il était contraint de délaisser les deuxièmes. Et c'est bien ce qui se passa. Dans la période d'opulence et de surplus importants fournis par le travail d'esclaves présents en masse, l’État avait lui-même été riche et capable de construire de grands édifices non seulement voués au luxe, à la religion, à l'hygiène, mais aussi à la vie économique. Les gigantesques foules humaines auxquelles il commandait, donnaient à l’État les moyens de construire ces œuvres colossales qui font encore aujourd'hui notre admiration, les temples et les palais, les canalisations et les égouts, mais aussi un excellent réseau de routes qui reliaient Rome aux extrémités les plus reculées de l'empire et constituaient un vigoureux instrument de cohésion économique et politique et de relations internationales. Et parallèlement, de grands travaux d'irrigation et d'assèchement. Les Marais Pontins, par exemple, étaient au sud de Rome une très vaste région de terrains prodigieusement fertiles dont l'assèchement ouvrit 100 000 hectares à la culture. Il y eut un moment où on y comptait pas moins de 33 villes. La construction et le maintien en état des ouvrages d'assainissement des Marais Pontins étaient une préoccupation constante des responsables de Rome. Ces ouvrages se délabrèrent si complètement qu'aujourd'hui encore, toute cette région de marais et ce qui les entoure est dans un état de désolation désertique.
A partir du moment où s'affaiblirent les capacités financières de l'empire, ses gouvernants préférèrent laisser ces ouvrages à l'abandon plutôt que de réduire le militarisme. Ces édifices colossaux devinrent des ruines colossales qui se délabraient d'autant plus que, vu le déficit croissant de main-d’œuvre, on préférait récupérer les matériaux dont on avait besoin pour les nouvelles constructions qu'il était absolument inévitable d'entreprendre, en démolissant les anciennes plutôt que d'aller s'approvisionner dans les carrières. Cette méthode a davantage endommagé les œuvres d'art de l'Antiquité que les ravages causés par l'invasion des Vandales et autres barbares.
« Le voyageur dont le regard affligé parcourt les ruines de la Rome antique, est tenté de maudire la mémoire des Goths et des Vandales, accusés de calamités qu'ils n'eurent ni le temps ni les forces, ni peut-être même l'envie de perpétrer. Les orages de la guerre ont pu certes raser quelques tours, mais les destructions qui ont miné les fondations de ces édifices stupéfiants, se sont poursuivies pendant un espace de dix siècles, sans précipitation et sans bruit. … Les monuments témoignant du rayonnement consulaire ou impérial n'étaient plus vénérés comme témoins de la gloire immortelle de la capitale. On ne voyait plus en eux qu'une mine inépuisable de matériaux moins chers et plus faciles à récupérer que ceux de carrières lointaines. » 14
Le délabrement ne touchait pas seulement les œuvres d'art, mais aussi les bâtiments publics utiles à l'activité économique ou à l'hygiène, les routes et les infrastructures hydrauliques. Cet effondrement était la conséquence de la débâcle générale de l'économie et contribuait en retour à l'accélérer.
Mais, les dépenses militaires étant malgré tout cela en progression constante, il était inévitable qu'elles deviennent de plus en plus insupportables et parachèvent la ruine complète. La somme des charges publiques – les redevances en nature, les prestations en travail, la fiscalité monétaire – restaient constantes ou augmentaient, cependant que la population et la richesse diminuaient. L'individu était accablé par les prélèvements de plus en plus lourds de l’État. Chacun essayait d'en faire retomber le poids sur de plus faibles épaules. Et au bout se trouvaient les infortunés colons, dont la situation déjà bien pénible devenait désespérée, comme en témoignent de nombreuses révoltes, par exemple celle des Bagaudes, des colons gaulois qui se soulevèrent d'abord sous Dioclétien, en 285 après J.C., furent écrasés après des victoires initiales, mais dont la profonde misère ne cessa pendant tout un siècle de se manifester dans une série de troubles et de tentatives d'insurrection.
Les autres classes étaient elles aussi de plus en plus poussées vers le bas, quoique moins durement que les colons. Le fisc prenait tout ce qu'il pouvait trouver, les barbares ne pouvaient piller plus sauvagement que l’État. Il s'ensuivit une désagrégation générale de la société, les individus refusant de plus en plus et étant de moins en moins en situation de faire ne serait-ce que le minimum primordial pour la cité ou pour les autres. Il fallait maintenant de plus en plus souvent recourir à la force étatique pour obtenir ce qui, jusqu'ici, avait été réglé par la tradition et par les besoins économiques. Les lois coercitives se multiplièrent à partir de Dioclétien. Les unes enchaînèrent les colons à la terre, les transformant ainsi légalement en serfs. D'autres firent obligation aux propriétaire fonciers de participer à l'administration des villes, ce qui, à vrai dire, consistait essentiellement à collecter les impôts pour le compte de l’État. D'autres encore organisèrent les artisans en corporations obligatoires et leur imposèrent de fournir leurs services et leurs marchandises à un prix déterminé. Cela faisait proliférer la bureaucratie d’État chargée de mettre à exécution ces lois.
Un antagonisme de plus en plus aigu se développait ainsi entre la bureaucratie et l'armée, c'est-à-dire le pouvoir étatique, d'un côté, et, de l'autre, non seulement les classes exploitées, mais aussi les classes d'exploiteurs. Pour celles-ci aussi, l’État était de moins en moins une institution protectrice qui les soutenait, et de plus en plus un mécanisme qui les dépouillait et les ruinait. L'hostilité envers l’État montait, même la prise du pouvoir par les barbares était considérée comme une délivrance. La population des régions frontalières allait de plus en plus chercher refuge chez eux, qui étaient des paysans libres, et en fin de compte c'est à eux qu'on fit appel comme à des sauveurs pour qu'ils viennent délivrer les habitants de l'ordre politique et social dominant, et ils furent reçus à bras ouverts.
Voici ce qu'écrivait à ce propos Salvien de Marseille, un écrivain chrétien de la fin de l'empire romain, dans son livre De gubernatione dei :
« Une grande partie de la Gaule et de l'Espagne est déjà gothique, et tous les Romains qui y vivent n'ont qu'un seul souhait : ne pas redevenir romain. Je ne serais pas étonné que la seule chose qui retienne tous les pauvres et les nécessiteux d'aller s'y installer, soit qu'ils ne peuvent abandonner leurs effets personnels et leurs familles. Et nous autres Romains, nous nous étonnons de ne pas venir à bout des Goths, alors que c'est nous qui préférons vivre parmi eux plutôt qu'entre nous. »
Les invasions barbares, la marée de grossiers Germains submergeant l'empire romain, ne signifièrent pas la destruction prématurée d'une haute culture florissante, mais seulement la phase finale d'un processus de putréfaction qui rongeait une civilisation à l'agonie, la première étape fondatrice d'un nouvel essor culturel, qui, cela est vrai, se développa très lentement et avec bien des hésitations tout au long de plusieurs siècles.
C'est dans les quatre siècles qui séparent la fondation du pouvoir impérial par Auguste et les invasions barbares, que se forma le christianisme : une époque qui commence somptueusement avec l'éclat le plus resplendissant qu'ait jamais connu le monde antique, la concentration la plus colossale et la plus grisante de richesses et de pouvoir en quelques mains, l'accumulation la plus massive de la misère la plus profonde chez les esclaves, les paysans, les artisans, les prolétaires « en guenilles » de plus en plus déclassés, les antagonismes de classes les plus exacerbés et la haine de classe la plus farouche – et qui se termine dans la paupérisation et la désespérance absolues de toute la société.
Tout cela a marqué le christianisme de son empreinte et y a laissé ses stigmates.
Mais il porte aussi les traces d'autres influences provenant de la vie sociale et politique qui a été nourrie par le mode de production dont nous venons de faire le tableau, et en a amplifié les effets.
Notes de K. Kautsky
12 De façon totalement absurde, Pöhlmann, dans son ouvrage déjà cité, « Histoire du communisme et du socialisme dans l'Antiquité », tire un trait d'égalité entre les luttes de classes des prolétaires de l'Antiquité, voire des agrariens endettés, l'effacement des dettes des hobereaux, les pillages et les redistributions de terres organisées par les déshérités, et le socialisme moderne, pour démontrer que la dictature du prolétariat ne peut avoir pour effet, en toutes circonstances, qu'incendies, assassinats et viols, partage et orgies. La philosophie de notre professeur de l'université d'Erlangen est la même que celle de feu Eugen Richter, agrémentée d'une foule de citations en grec.
13 Ludo M. Hartmann, Histoire de l'Italie au Moyen-Âge, 1897, tome 1, p. 7
14 Gibbon, Histoire du déclin et de la ruine de l'empire romain, chapitre 36
Notes du traducteur
iii Revue fondée et dirigée par Kautsky à partir de 1883
iv Karl Julius Beloch (1854 – 1929), historien allemand spécialiste de l'antiquité classique et de l'histoire économique