1926 |
Extrait du texte publi� en 1926 sous le titre Ziel und Wert meines Lebens, puis r��dit� en 1970 sous le titre Autobiografie einer sexuellen emanzipierten Kommunistin. En notes sont parfois mentionn�s des passages supprim�s sur �preuves qui ont �t� pr�cis�s dans cette derni�re �dition, ainsi que dans la traduction anglaise de 1971. La traduction fran�aise pr�sent�e ici, qui provient du site de la tendance Ensemble du SNUIPP, et dont l'auteur nous est inconnu, a vraisemblablement �t� effectu�e � partir de cette traduction anglaise. Quelques corrections ont �t� apport�es par la MIA � partir du texte allemand publi� en 1926. |
But et valeur de ma vie (extrait)
(�) J��tais d�j� en Norv�ge depuis plusieurs semaines lorsque le peuple russe se souleva contre l�absolutisme et renversa le tsar. Tous nos amis politiques baignaient dans l�all�gresse. Mais je ne me faisais pas d�illusions car je savais que la chute du tsar n��tait que le d�but d��v�nements bien plus importants et de luttes sociales difficiles. Aussit�t que l�amnistie politique fut d�clar�e par la nouvelle r�publique, je me h�tais de retourner en Russie en mars 1917. Je fus l�une des premi�res �migr�es politiques qui avait la chance de revenir sur la terre lib�r�e. Torneo, une petite ville fronti�re au nord des fronti�res su�doises et finlandaises par laquelle je devais passer �tait encore en proie � un terrible hiver. Un tra�neau me fit traverser le fleuve qui marque la fronti�re. Sur le sol russe se tenait un soldat. Un brillant ruban rouge flottait sur sa poitrine. � � Vos papiers, s�il vous pla�t, citoyenne ! � � � Je n�en ai pas, je suis r�fugi�e politique. � � Votre nom ? � Je dis mon nom. Un jeune officier fut appel�. Lui aussi portait un ruban rouge sur la poitrine. Son visage souriait. Oui, mon nom �tait sur la liste des r�fugi�s politiques qui �taient admis � rentrer libres dans le pays sur l�ordre du Soviet des travailleurs et des soldats. Le jeune officier m�aida � descendre du tra�neau et me baisa la main presque avec v�n�ration. Je me tenais sur le sol r�publicain de la Russie lib�r�e. Quatre mois plus tard, sur l�ordre du gouvernement de Kerensky (le gouvernement provisoire), ce m�me charmant jeune officier me mettait aux arr�ts comme bolchevik dangereuse au poste fronti�re de Torneo. Telle est l�ironie de la vie.
La mar�e des �v�nements qui ont suivi fut si forte que jusqu�� ce jour, je ne savais vraiment pas ce que j�allais d�crire, et sur quoi j�allais mettre l�accent. Qu�avais-je accompli, d�sir�, men� � bout ? Dans une �poque pareille, peut-on parler de volont� compl�tement individuelle ? N��tait-ce pas seulement l�orage tout-puissant de la R�volution, le commandement des masses actives, sortie de la torpeur qui d�terminait notre volont� et notre action ? Y avait-il un seul �tre humain qui ne serait pas pli� � la volont� g�n�rale ? Il y avait seulement des masses de gens, li�s ensemble dans une volont� bipartite qui op�raient soit pour, soit contre la r�volution, soit pour, soit contre la fin de la guerre et qui se situaient pour ou contre le pouvoir des Soviets. En regardant en arri�re, on ne distingue qu�une vaste op�ration, une lutte et une action des masses. En r�alit�, il n�y avait pas de h�ros ou de leader. C��tait le peuple, le peuple qui travaille, en uniforme de soldat ou en tenue civile, qui contr�lait la situation et inscrivait sa volont� ind�l�bile dans l�histoire du pays et de l�humanit�. C��tait par un �t� �touffant, l��t� d�cisif de la mar�e r�volutionnaire de 1917 ! D�abord la tourmente sociale ne fit rage que dans les campagnes ; les paysans mettaient le feu aux � nids des nobles �. Dans les villes, la lutte qui faisait rage se partageait entre les partisans de la Russie r�publicaine et bourgeoise et les aspirations socialistes des bolcheviks. Comme je l�ai dit au pr�alable, je faisais partie des bolcheviks. Imm�diatement, d�s les premiers jours, je trouvai un �norme amoncellement de travail qui m�attendait. Une fois de plus mon but �tait d�engager une lutte contre la guerre, contre la coalition avec la bourgeoisie lib�rale et pour le pouvoir de conseils ouvriers : les soviets. Cons�quence logique de cette situation : la presse bourgeoise me stigmatisa comme une bolchevik en jupons, compl�tement folle. A cette �poque j��tais tr�s populaire dans les milieux ouvriers, ceux des soldats, des ouvri�res et des femmes soldats, et en m�me temps ha�e et attaqu�e avec acrimonie par la presse bourgeoise. J��tais cependant accabl�e par le nombre des affaires courantes, au point qu�il me restait tr�s peu de temps libre pour lire les attaques et les calomnies qu�on �crivait contre moi. La haine � mon �gard, sous pr�texte que j�avais �t� dans le pays du Kaiser allemand afin d�affaiblir le front russe, croissait chez ceux qui n��taient pas pour les soviets dans des proportions monstrueuses. Une des questions br�lantes de l��poque �tait la mont�e du co�t de la vie et la p�nurie grandissante des produits de premi�re n�cessit�. Ainsi les femmes appartenant aux couches sociales frapp�es par la pauvret� �taient-elles dans une condition extr�mement difficile. Ceci donna � notre parti l�occasion d�initier les ouvriers � la prise de conscience et au travail politique. D�j� en mai 1917 paraissait un hebdomadaire appel� � Les ouvri�res �. A la premi�re assembl�e de masse qui se tint en Russie sous le gouvernement provisoire se press�rent des milliers de gens sous le mot d�ordre de la solidarit� nationale et contre la guerre. Il fut organis� par nous les bolcheviks. Kerensky et ses ministres ne faisaient pas myst�re de leur haine � mon sujet. � L�instigatrice de l�esprit de d�sordre � dans l�arm�e. Un de mes articles de la Pravda dans lequel j�interc�dais pour des prisonniers de guerre allemands d�cha�na l�indignation dans les milieux patriotes1. Je devais souvent sauter des tramways en marche avant que les gens ne me reconnaissent, parce que j��tais devenue un sujet d�actualit� et que j��tais en butte directement aux plus incroyables injures et mensonges. Rien d�extraordinaire non plus dans le fait que, menac�e comme je l��tais par les foules en col�re, je ne fus sauv�e du pire que par les interventions courageuses de mes amis et camarades du parti. J�eus n�anmoins dans mon entourage une haine qui ne me troubla pas du tout. Naturellement j�avais aussi un grand nombre d�amis enthousiastes : les ouvriers, les marins, les soldats. De plus, le nombre des bolcheviks croissait de jour en jour. En avril, je fus membre du Soviet ex�cutif qui en fait, �tait alors l�organe politique dirigeant dans lequel j��tais la seule femme et ce, pendant une longue p�riode. En mai 1917 je pris part � une gr�ve des blanchisseuses qui revendiquaient � la municipalisation � de toutes les blanchisseries. La lutte dura six semaines. N�anmoins, la principale revendication des blanchisseuses resta sans �cho sous le r�gime de Kerensky. A la fin de juin, je fus envoy�e par le parti � Stockholm comme d�l�gu�e � une conf�rence internationale qui fut interrompue par la nouvelle du soul�vement de juillet � Petrograd contre le gouvernement provisoire, et l�annonce des mesures extr�mement dures que le gouvernement provisoire Kerensky prit contre les bolcheviks. De nombreux leaders du parti avaient �t� arr�t�s ; d�autres, y compris L�nine s��taient arrang�s pour s�enfuir, et se cacher. Les bolcheviks furent accus�s de haute trahison et stigmatis�s comme espions du Kaiser. Le soul�vement s�arr�ta, et le r�gime de coalition entama des repr�sailles contre tous ceux qui avaient manifest� de la sympathie aux bolcheviks. Je d�cidai imm�diatement de rentrer bien que mes amis consid�rent cela comme une entreprise risqu�e. Ils voulaient que j�aille en Su�de et que j�y attende le cours des �v�nements. Quelque bien intentionn�s que furent ces conseils je ne pus les suivre. Je devais tout simplement rentrer. Autrement, il me semblait faire acte de l�chet�, en tirant parti du privil�ge qui �tait devenu le mien, de rester tout � fait � l�abri des pers�cutions du gouvernement provisoire lorsqu�un grand nombre de mes amis politiques �taient mis en prison. Je fus arr�t�e sur l�ordre de Kerensky � la fronti�re de Torneo et soumise comme espionne aux traitements les plus grossiers� L�arrestation elle-m�me eut quelque chose de th��tral : pendant l�inspection de mon passeport, on me demanda d�aller au bureau du commandant. Je compris ce que cela signifiait. De nombreux soldats se tenaient dans une immense salle, press�s les uns contre les autres. De jeunes officiers y �taient pr�sents. L�un d�eux �tait le charmant jeune homme qui m�avait re�ue si amicalement quatre mois auparavant. Un silence �trange r�gnait dans la salle. L�expression du premier officier, le prince B., trahissait une grande nervosit�. Paisible, j�attendais la suite des �v�nements. � Vous �tes aux arr�ts �, m�expliqua le Prince B. � � Est-ce que la contre-r�volution a triomph� ? sommes-nous revenus en monarchie ? � � � Non ; r�pondit-il d�un ton bourru, vous �tes aux arr�ts par ordre du gouvernement provisoire. � � � Je m�y attendais. S�il vous pla�t, apportez-moi ma valise, je ne voudrais pas la perdre. � � � Mais, bien s�r. Lieutenant ! la valise. � Je voyais les officiers pousser un soupir de soulagement et les soldats quitter la salle, le m�contentement inscrit sur leurs visages. Plus tard, j�appris que mon arrestation avait provoqu� des remous chez les soldats qui exig�rent d�en �tre les t�moins. Les officiers, cependant avaient peur que je puisse faire un discours aux soldats. � Dans ce cas, nous aurions �t� perdus � me dit l�un d�eux apr�s coup. Je fus forc�e d�attendre le cours des �v�nements, comme les autres bolcheviks � la prison de Petrograd, dans un strict isolement. Plus le gouvernement, � l��gard des bolcheviks, se comportait de fa�on � peine croyable, plus l�influence des bolcheviks croissait. La marche sur Petrograd du g�n�ral blanc Kornilov raffermit les �l�ments les plus radicaux de la R�volution. Le peuple exigeait la lib�ration des bolcheviks. Kerensky, cependant, refusait de me lib�rer et ce fut seulement sur un ordre du Soviet que je fus relax�e sous caution. Mais un jour apr�s ma sortie je tombais sous le coup d�un d�cret de Kerensky comme quoi je devais �tre mise en maison d�arr�t. Ma pleine libert� de mouvement me fut pourtant accord�e un mois avant la lutte d�cisive : la R�volution d�Octobre de 1917. De nouveau mon travail s�accumula. On devait alors poser des bases pour cr�er m�thodiquement un mouvement d�ouvri�res. La premi�re assembl�e d�ouvri�res devait avoir lieu. Elle eut lieu et co�ncida avec la chute du gouvernement provisoire et l��tablissement de la R�publique des Soviets. A cette �poque j��tais membre des sph�res les plus hautes du parti, le Comit� Central2. J��tais �galement membre de diff�rentes d�l�gations du parti, dans des congr�s importants et des institutions d��tat (pr�liminaires au Parlement, Congr�s d�mocratiques, etc.). Les grands jours de la R�volution d�Octobre arriv�rent. Smolny passa dans l�histoire. Les nuits sans sommeil, les s�ances permanentes� et pour finir, la d�claration bouleversante : � Les Soviets prennent le pouvoir ! � � Les Soviets adressent un appel aux peuples du monde pour mettre fin � la guerre! � � La terre est nationalis�e et appartient aux paysans ! � On forma le Gouvernement des Soviets. Je fus d�sign�e commissaire (ministre) du peuple aux affaires sociales. J��tais la seule femme dans le conseil des ministres. Aussi loin que je puisse le savoir, c��tait la premi�re fois dans l�histoire qu�une femme ait �t� reconnue comme membre d�un gouvernement. Lorsqu�on se rappelle les premiers mois du Gouvernement des Travailleurs, mois qui furent si riches de grands buts, de projets, d�initiatives passionn�es pour am�liorer la vie, organiser un nouveau monde, mois pleins du romantisme v�ritable de la R�volution, on a en fait envie d��crire sur toute autre chose que sur soi-m�me. J�occupai le poste de ministre des affaires sociales d�octobre 1917 au printemps 1918. Ce n�est pas � bras ouverts que je fus re�ue par les fonctionnaires d�j� en place au minist�re. La plupart d�entre eux sabotaient ouvertement notre action, et ne faisait rien. Mais pr�cis�ment ce d�partement ne pouvait interrompre son travail, quoi qu�il advienne, � cause de son extraordinaire complication de fonctionnement. Il comprenait tout un programme social pour les bless�s de guerre, alors une centaine de milliers de soldats et d�officiers estropi�s, le syst�me des pensions en g�n�ral, des logements pour enfants trouv�s, pour vieillards, des orphelinats, des h�pitaux pour les n�cessiteux, des ateliers fabriquant des proth�ses, l�administration des usines de cartes � jouer (les manufactures de cartes � jouer �taient un monopole d��tat), les l�proseries, des cliniques pour femmes, etc. A ajouter � cela toute une s�rie d�instituts �ducatifs pour jeunes filles, qui d�pendaient de ce minist�re. On peut ais�ment imaginer les �normes exigences que ces t�ches r�clamaient � un petit groupe de gens, qui en m�me temps �taient novices dans l�administration d'�tat. Consciente de ces difficult�s, nous formions imm�diatement un conseil auxiliaire dans lequel des experts tels que des m�decins, juristes, p�dagogues �taient repr�sent�s aupr�s des travailleurs et des fonctionnaires moins importants du minist�re. Le sacrifice, l��nergie avec lesquels les petits employ�s supportaient le fardeau de cette t�che difficile �taient vraiment exemplaires. Ce n��tait pas seulement un moyen de soutenir le travail n�cessaire � la marche du minist�re, mais aussi une fa�on d�impulser des r�formes et des am�liorations. Des forces nouvelles, fra�ches, remplac�rent les fonctionnaires de l�ancien r�gime, qui sabotaient. Une nouvelle vie anima les bureaux du minist�re le plus anciennement conservateur. Journ�es de travail �reintant !� Et la nuit, les s�ances des conseils du commissaire du peuple (du minist�re) sous la pr�sidence de L�nine. Une petite salle modeste, et seulement un secr�taire pour enregistrer les d�cisions qui changeaient la vie de la Russie dans son tr�fonds. Mon premier jour de commissaire du peuple commen�a par d�dommager un petit paysan pour la r�quisition de son cheval. Cela ne faisait pas partie, � vrai dire de mes attributions. Mais l�homme �tait d�termin� � recevoir un d�dommagement pour son cheval ; il �tait venu de son lointain village jusqu�� la capitale et avait patiemment frapp� aux portes de tous les minist�res, toujours sans r�sultat ! Alors la r�volution bolchevique �clata. L�homme avait entendu dire que les bolcheviks se pronon�aient en faveur des ouvriers et des paysans. Ainsi vint-il � l�Institut de Smolny voir L�nine qui devait payer le d�dommagement. Je ne sais pas comment l�entrevue entre L�nine et le petit paysan se passa. Le r�sultat fut le suivant : L�homme vint me voir avec une petite page d�chir�e du carnet de L�nine qui me disait de r�gler l�affaire d�une mani�re ou d�une autre jusqu�au moment o� le commissaire du peuple aux affaires sociales disposerait du montant de l�argent. Le petit paysan re�ut son d�dommagement. Les r�alisations les plus importantes de notre commissariat du peuple (minist�re des affaires sociales) dans les premiers mois apr�s la R�volution d�octobre furent les suivants : d�crets : d�crets pour am�liorer la situation des invalides de guerre, pour abolir l�instruction religieuse dans les �coles de jeunes filles qui d�pendaient du minist�re (ceci se passait encore avant la s�paration g�n�rale de l��glise et de l��tat) d�crets pour faire passer les pr�tres au service civil, pour faire adopter le droit � l�auto-administration des �l�ves dans les �coles de filles, pour r�organiser les orphelinats les plus anciens en des maisons d�enfants du gouvernement, d�crets pour cr�er les premiers foyers pour n�cessiteux et gamins des rues, d�crets pour r�unir un comit� compos� de docteurs qu�on allait charger de mettre sur pied un syst�me de sant� public et gratuit pour le pays tout entier. A mon avis, la r�alisation la plus importante du minist�re du peuple fut la fondation l�gale d�un office central pour l�aide � la maternit� et � l�enfance. Je signai le projet de loi concernant cet office central en janvier 1918. Un second d�cret suivit par lequel on transformait toutes les maternit�s en maisons gratuites pour dispenser des soins aux m�res et aux nourrissons. Il fallait jeter des bases pour la cr�ation d�un vaste complexe gouvernemental pour la protection des m�res. Je fus efficacement assist�e pour mener � bien ces �uvres-l� par le Dr. Korolev. Nous projet�mes aussi un � Palais pour la protection des M�res �, maison mod�le qui comprendrait une salle d�exposition dans laquelle des directives seraient donn�es aux m�res qui voudraient �tre aid�es, et il y aurait �galement une nurserie mod�le. Nous venions juste d�achever les pr�paratifs pour une telle entreprise dans les b�timents d�une pension de jeunes filles o� autrefois les jeunes filles de la noblesse �taient �duqu�es et qui �taient encore sous la direction d�une comtesse lorsqu�un incendie d�truisit notre travail � peine commenc� ! Le feu avait-il �t� mis volontairement ? Je fus tir�e de mon lit au milieu de la nuit ; je me pr�cipitai sur les lieux de l�incendie, la magnifique salle d�exposition �tait totalement d�truite au m�me titre que toutes les autres salles. Seule l��norme pancarte � Palais de la maternit� � �tait encore suspendue au-dessus de l�entr�e. Mes efforts pour nationaliser l�aide � la maternit� et � l�enfance soulev�rent une nouvelle vague d�attaques insens�es contre moi. Toutes sortes de mensonges furent �crits en Russie, � propos de lois qui obligeraient des jeunes filles de douze ans � devenir m�res. Une furie saisit plus particuli�rement les partisans religieux de l�ancien r�gime, lorsque nous transform�mes le fameux monast�re d�Alexandre Nevsky en une maison pour invalides de guerre. Les moines r�sist�rent et un combat arm� eut lieu. La presse � nouveau cria � haro ! � sur notre action. L��glise organisa des manifestations de rue et pronon�a �galement un anath�me contre moi� En f�vrier 1918, on envoya en Su�de une premi�re d�l�gation d'�tat �manant des Soviets. En tant que commissaire du peuple j��tais � la t�te de cette d�l�gation. Mais notre vaisseau fit naufrage et nous nous sauv�mes en d�barquant sur les �les �land qui appartenaient � la Finlande. A cette �poque, la lutte entre Blancs et Rouges avait atteint dans le pays le point le plus crucial et l�arm�e allemande �tait presque sur le point de d�clarer la guerre � la Finlande. Les troupes blanches occup�rent les iles �land le soir m�me de notre naufrage alors que nous dinions dans une auberge de la ville de Mariehamn, tout � la joie d��tre rescap�s. Nous nous arrange�mes pour fuir, gr�ce � une tr�s grande d�termination et une non moins grande ruse. Un des n�tres cependant, un � rouge � Finnois, fut captur� et abattu. Nous retourn�mes � P�trograd o� l��vacuation de la capitale fut pr�par�e � toute h�te. Les troupes allemandes �taient d�j� aux portes de la ville. Alors commen�a une phase de ma vie que je ne peux traiter ici bien que les �v�nements soient encore tous frais dans mon esprit3. Je d�missionnai de mon poste de commissaire du peuple4. La r�volution battait son plein. La lutte devenait de plus en plus irr�ductible et meurtri�re5. Mais apr�s tout il y avait encore une �uvre inachev�e : la lib�ration de la femme. Les femmes, naturellement jouissaient de tous les droits, mais en pratique, �videmment, elles vivaient encore sous l�ancien joug : aucune autorit� dans la vie familiale, asservies par un millier de t�ches domestiques, ayant � charge tout le fardeau de la maternit�, et m�me des questions d�ordre mat�riel, car r�sultat de la guerre et d�autres circonstances, beaucoup de femmes se trouvaient seules dans la vie. En automne 1918, je vouai toute mon �nergie � r�diger une plate-forme d�orientation pour la lib�ration des femmes qui travaillent, dans tous les domaines. Je trouvai un soutien pr�cieux dans la personne du premier Pr�sident des Soviets, Sverdlov, maintenant mort, qui consid�rait le travail de l��ducation politique des travailleurs comme un but s�rieux du parti et nous assista dans notre �uvre. Ainsi, le premier congr�s des femmes ouvri�res et des paysannes put avoir lieu d�s novembre 1918. Quelques 1 147 d�l�gu�es �taient pr�sentes. Des bases furent jet�es pour amorcer un travail m�thodique dans tout le pays en faveur de l��mancipation des femmes de la classe ouvri�re et paysanne. Un d�luge de nouveaux travaux m�attendait. La question � l�ordre du jour �tait d�attirer les femmes dans les cuisines du peuple et de les gagner au nouveau syst�me pour les �duquer en mati�re de politique, leur apprendre � s�occuper des maisons d�enfants, des centres de soins, du syst�me scolaire, des r�formes concernant les locations et de beaucoup d�autres affaires pressantes. Le but principal de cette activit� �tait en fait d�implanter des droits �gaux pour les femmes afin de les ins�rer comme forces laborieuses dans l��conomie nationale, et comme citoyennes dans la sph�re politique, avec des conditions sp�ciales : la maternit� devait �tre estim�e comme une fonction sociale et par suite prot�g�e et prise en charge par l'�tat. Sous la direction du Dr L�b�d�vo, les instituts d'�tat pour dispenser des soins aux futures m�res prosp�raient alors. En m�me temps des centrales furent cr��es dans tout le pays pour s�occuper des conflits et des obligations li�s � la lib�ration des femmes, et pour les int�grer dans les travaux des Soviets. La guerre civile de 1919 me chargea de nouveaux devoirs. Quand les troupes blanches en provenance du Sud de la Russie march�rent vers le Nord, je fus de nouveau envoy�e en Ukraine et en Crim�e o� je servis comme pr�sidente du service de l�Information dans l�arm�e. Plus tard, je fus nomm�e commissaire du peuple d�tach�e � l�Information et � la propagande aupr�s du gouvernement ukrainien. Une maladie s�rieuse m�arracha pendant des mois � mon travail intense. A peine remise, � � cette �poque, j��tais � Moscou -, je pris la t�te de la Centrale des femmes et une p�riode de travail intensif et harassant recommen�a. On cr�a un p�riodique des femmes communistes. Assembl�es et congr�s de femmes furent convoqu�s. Des bases furent jet�es pour travailler avec les femmes de l�Est (musulmanes). Deux conf�rences mondiales des femmes communistes se tinrent � Moscou. La loi lib�ralisant l�avortement fut vot�e, et nombre d�ordonnances confirm�es l�galement furent promulgu�es � l�initiative de notre centrale au b�n�fice des femmes. Notre travail re�ut l�approbation sans r�serves de L�nine, et Trotsky, bien que surcharg� par les t�ches militaires, se montrait infailliblement bien dispos� � nos conf�rences. Des femmes �nergiques, pleines de ressources, � deux d�entre elles ne sont pas rest�es longtemps en vie � Inessa Armand et Samoilova ont vou�, avec un grand esprit de sacrifice, toute leur �nergie au travail de cette centrale. Au huiti�me congr�s des Soviets, en tant que membre du Soviet ex�cutif, je proposai la motion suivante : Partout les Soviets doivent contribuer � ce que l�on consid�re les femmes sur un pied d��galit� avec les hommes, et en cons�quence, ils doivent les engager dans des travaux d'�tat et municipaux. Nous nous arrangions pour pousser et faire accepter cette motion, mais point sans r�sistance. Ce fut une victoire immense et durable. Un d�bat br�lant �clata � la publication de mes th�ses sur la nouvelle morale. Bien que l�enfant naturel soit mis sur le m�me plan que l�enfant l�gitime, en pratique beaucoup d�hypocrisie et d�injustice existe en la mati�re. Quand on parle de l�immoralit� que les bolcheviks ont propag�e, il suffit de soumettre nos lois sur le mariage � un examen minutieux pour remarquer que sur la question du divorce on est sur le m�me plan que l�Am�rique du Nord tandis que sur la question des enfants naturels nous ne sommes pas seulement arriv�s au stade des Norv�giens. L�aile la plus radicale du parti s��tait r�unie autour de cette question. Mes th�ses dans le domaine de la morale sexuelle furent combattues avec �pret�. Des soucis personnels et familiaux s�ajout�rent � cela, et ainsi, en 1922, des mois pass�rent sans que je puisse faire un travail fructueux. Je fus officiellement nomm�e conseiller de la l�gation repr�sentant les Soviets Russes en Norv�ge. Je croyais que cette nomination serait purement formelle et qu�en Norv�ge je trouverais le temps de me consacrer � mes activit�s litt�raires. Les choses tourn�rent tout � fait autrement. Le jour de mon entr�e en fonction en Norv�ge, je fis �galement mon entr�e dans une nouvelle �tape de ma vie qui galvanisa toutes mes forces. Pendant mon activit� diplomatique j��crivis peu : trois nouvelles ; � Les chemins de l�amour �, mon premier essai litt�raire, un article sociologique: � L��ros ail� � et d�autres articles peu importants. Mon livre � La nouvelle morale et la classe ouvri�re �, et une �tude socio-�conomique : � La condition des femmes dans l��volution de l��conomie politique � furent �crits lorsque j��tais encore en Russie.(...)
Notes
1 La phrase suivante fut supprim�e sur les �preuves du livre avant publication : � Lorsqu�en avril L�nine pr�senta son fameux programme sur l�organisation des Soviets, je fus la seule de ses camarades du parti qui prit la parole pour soutenir ses th�ses. Quelle haine m�attira cet acte singulier ! �
2 Ici le passage suivant a �t� supprim� sur �preuves : � Mais le jour viendra o� j�en ferai le r�cit. Les opinions �taient partag�es au parti. �
3 Ici le passage suivant a �t� supprim� sur �preuves : � Mais le jour viendra o� j�en ferai le r�cit. Les opinions �taient partag�es au parti. �
4 Ici a �t� supprim� sur �preuves : � du fait d�un total d�saccord avec la politique en cours. � Mais si Kollonta� �tait oppos�e au trait� de Brest-Litovsk, mais n��tait pas la seule au gouvernement. Il semblerait qu�elle ait aussi d�missionn� suite � l�arrestation de Dybenko avec qui elle avait une liaison notoire (elle l��pouse d�ailleurs aussit�t pour le faire lib�rer � sous caution de sa femme l�gitime �). Le passage supprim� continuait ainsi : � Peu � peu, je fus relev�e �galement de mes autres attributions. Je donnai � nouveau des conf�rences et d�fendis mes id�es sur la femme nouvelle et la nouvelle morale. �
5 Ici a �t� supprim� sur �preuves : � Beaucoup de ce qui se passait ne me convenait pas �.