1917 |
Rédigé avant le 13 ou le 14 (26 ou 27) avril 1917. |
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Lénine Contre les fauteurs de violences Aux ouvriers, aux soldats et à toute la population de Pétrograd [1] |
Citoyens ! La Rousskaïa Voila, journal fondé par le ministre du tsar Protopopov et que méprisent même les cadets, cherche à créer un climat de pogrom contre notre Parti, contre la Pravda, contre nos camarades Lénine et Zinoviev, contre le comité de Pétersbourg de notre Parti, qui a son siège au palais de la Krzesinska. Nous sommes informés non seulement oralement, mais aussi par écrit, que des menaces de recours à la force, à la bombe, etc., ont été proférées à notre égard.
Depuis les premiers jours de la révolution, les capitalistes travestis en « républicains » s'efforcent de semer la division entre les ouvriers et les soldats. Ils ont d'abord imputé aux ouvriers l'intention de laisser l'armée sans pain. Ils lancent maintenant une campagne d'excitations contre la Pravda.
Nous en appelons au sentiment de l'honneur des ouvriers et des soldats révolutionnaires de Pétrograd et nous déclarons :
Non seulement nous n'avons à aucun moment, ni directement, ni indirectement, menacé qui que ce soit de violences, mais nous avons, au contraire, toujours affirmé que notre tâche est d'expliquer nos idées au peuple tout entier et que nous considérons le Soviet des députés ouvriers et soldats, élu par tous les ouvriers et par tous les soldats, comme le seul gouvernement révolutionnaire possible.
Les camarades appartenant à divers partis qui sont passés par l'Allemagne ont le jour même de leur arrivée, fait un rapport aux hommes de confiance de tous les ouvriers et de tous les soldats, à savoir : le Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats. Ce Comité exécutif comprenait entre autres Tchkhéidzé, Tsérétéli, Skobélev et Stéklov.
Camarades ! Ces dirigeants du Soviet des députés ouvriers et soldats sont, sur bien des points, loin de partager nos vues au sujet de l'organisation de l'État. Ils ne pouvaient s'être laissé guider par un sentiment de copinerie à notre égard.
Or, qu'a fait le Comité exécutif ?
Il a publié le texte intégral du rapport sur notre voyage à travers l'Allemagne dans le n° 32 de ses Izvestia, en date du 5 avril 1917.
Ce rapport expose tous les faits, comme tous les noms des socialistes étrangers de deux pays neutres, la Suisse et la Suède, qui ont vérifié nos procès-verbaux.
Qu'a décidé le Comité exécutif ? A-t-il condamné le passage de Lénine et des autres émigrés par l'Allemagne, ou du moins s'en est-il montré mécontent ?
Non. La rédaction des Izvestia a exposé en ces termes, dans le même numéro, la décision du Comité exécutif :
« Le Comité exécutif, après avoir entendu le rapport des camarades Zourabov et Zinoviev, décide de s'adresser sur-le-champ au Gouvernement provisoire et de prendre des mesures afin que tous les émigrés, quelles que soient leurs opinions politiques et leur attitude envers la guerre, puissent immédiatement rentrer en Russie. Nous ferons connaître sous peu le résultat des négociations avec le gouvernement. La réd. »
Chacun voit qu'il n'y a pas là un seul mot contre Lénine et ses camarades. Mais un avertissement est donné au Gouvernement provisoire ; il est décidé de prendre des mesures pour qu'il ne fasse pas obstacle au retour des émigrés en Russie.
Depuis, le télégramme de Martov et l'arrestation de Trotski en Angleterre ont démontré que Milioukov est impuissant contre l'Angleterre et la France qui ont elles-mêmes emprisonné leurs socialistes internationalistes, ou bien que Milioukov ne veut pas prendre des mesures sérieuses.
Des échanges de prisonniers allemands et, russes se sont produits des dizaines de fois pendant la guerre. Kovalevski, membre du Conseil d'Etat, a été échangé contre un Autrichien, etc. Les gouvernements ont maintes fois organisé des échanges quand il s'agissait de riches. Pourquoi le gouvernement actuel ne veut-il pas organiser un échange en faveur des émigrés ? Parce qu'il veut mettre un certain nombre de militants dans l'impossibilité de participer à l'action révolutionnaire.
Que font la Rousskaïa Volia et les journaux qui, tels la Retch et l'Edinstvo, lui emboîtent le pas ?
Ils poursuivent leur campagne d'excitation, poussant ainsi les éléments arriérés à des actes de violence contre telles ou telles personnalités, et se gardent bien de publier le rapport et la décision du Comité exécutif !...
Les noms des socialistes qui ont contrôlé et approuvé toutes les démarches des émigrés en relation avec le voyage, ont été communiqués au Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats. Ce sont les socialistes français Loriot et Guilbeaux, le socialiste suisse Platten, les socialistes suédois Lindhagen (maire de Stockholm), Karlsson, Ström, Nerman, le socialiste allemand du groupe de Karl Liebknecht Hartstein, le socialiste polonais Bronski.
Cette attitude de la Rousskaïa Volia, de la Retch et de l'Edinstvo les rend complices des forces ténébreuses qui menacent de recourir à la violence, au lynchage et aux bombes.
Camarades soldats et ouvriers !
Nous vous mettons en garde contre ces messieurs de la Rousskaïa Volia, de la Retch, de l'Edinstvo, et nous déclarons une fois de plus : nous voulons que le peuple soit éclairé sur les opinions de tous les partis, nous voulons que le Soviet des députés soldats et ouvriers soit respecté.
Si le Gouvernement provisoire, si la Retch, si M. Plékhanov sont mécontents de l'attitude du Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats, pourquoi ne le déclarent-ils pas ouvertement ? Pourquoi n'en exigent-ils pas la révision ? Pourquoi ont-ils peur de reproduire ce que les Izvestia du Soviet des députés ouvriers et soldats ont publié dans leur n° 32 ? Pourquoi ? Parce qu'ils veulent semer le trouble !
Si des actes de violence se produisent sous une forme ou sous une autre, nous en rendons responsables les rédacteurs et les collaborateurs de la Rousskaïa Volia, de la Retch, de l'Edinstvo et autres journaux qui se permettent de ne pas publier le rapport et la décision du Comité exécutif du Soviet, en même temps qu'ils multiplient leurs louches excitations.
Le Diélo Naroda, journal auquel collabore étroitement le ministre A. Kérenski, a déjà constaté que les procédés de ces journaux facilitent la besogne des fauteurs de violences (Diélo Naroda, n° 23).
Que Milioukov, Amfitéatrov, Plékhanov et consorts sachent que si leurs excitations aboutissent à l'emploi de la violence, celle-ci se retournera avant tout contre eux- mêmes.
A bas la propagande des fauteurs de violences ! A bas les champions de la calomnie et du mensonge, qui tiennent sous le boisseau les décisions du Comité exécutif !
Camarades soldats et ouvriers ! Vous ne tolérerez pas que la liberté du peuple soit souillée par des actes de violence ! Vous imposerez le respect des décisions de votre Soviet des députés soldats et ouvriers !
Le Comité central du P.O.S.D.R.
Le Comité de Pétersbourg du P.O.S.D.R.
Notes
Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]
[1]. L'appel Contre les fauteurs de violences est une version remaniée de l'appel Aux soldats et aux marins ; il fut adopté par la Conférence de Pétrograd-ville du P.O.S.D.(b)R., le 14 (27) avril 1917, lors de la discussion du sixième point de l'ordre du jour : «La campagne d'excitation contre la Pravda». [N.E.]