1917 |
"Dans l'histoire en général, et surtout en temps de guerre, il est impossible de piétiner sur place.
Il faut ou avancer ou reculer. Il est impossible d'avancer dans la Russie du XX° siècle (...) sans marcher au socialisme (...).
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La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer
Les mesures de contrôle sont universellement connues et faciles à réaliser
Mais, pourra-t-on se demander, les moyens et mesures de contrôle ne sont-ils pas une chose extrêmement compliquée, difficile, encore non expérimentée, voire inconnue ? Les altermoiements ne s'expliquent-ils pas par le fait que les hommes d'État du parti cadet, de la classe industrielle et commerçante, des partis socialistes-révolutionnaire et menchévique, ont beau peiner depuis six mois, à la sueur de leur front, sur la recherche, l'étude, la découverte des mesures et moyens de contrôle, le problème se révèle incroyablement difficile et n'est toujours pas résolu ?
Hélas ! C'est sous cet aspect qu'on s'efforce de présenter les choses, en « faisant marcher » le moujik inculte, ignorant et abêti, et le philistin qui croit tout et n'approfondit rien. Mais en réalité, même le tsarisme, même l'« ancien régime », lorsqu'il créa les comités des industries de guerre [1], connaissait la mesure essentielle, le principal procédé et moyen d'exercer le contrôle, qui consiste à associer la population par professions, par objectifs de travail, par branches d’activité, etc. Mais le tsarisme redoutait l'association de la population; c'est pourquoi il restreignait de toutes les manières et entravait artificiellement l'emploi de ce procédé et moyen de contrôle universellement connu, éminemment facile et parfaitement applicable.
Accablés par les charges extrêmes et les calamités de la guerre, souffrant dans une plus ou moins grande mesure du marasme économique et de la famine, tous les États belligérants ont depuis longtemps établi, défini, appliqué, essayé toute une série de mesures de contrôle, qui, presque toujours, reviennent à associer la population, à créer ou encourager des associations de toute sorte, surveillées par l'État, auxquelles participent ses représentants, etc. Toutes ces mesures de contrôle sont universellement connues, on en a beaucoup parlé et on a beaucoup écrit à leur sujet; les lois sur le contrôle, édictées par les puissances belligérantes avancées, ont été traduites en russe ou exposées en détail dans la presse russe.
Si notre gouvernement voulait réellement appliquer le contrôle de façon sérieuse et pratique, si ses institutions ne s'étaient pas condamnées, par leur servilité envers les capitalistes, à une « inaction totale », l'État n'aurait qu'à puiser des deux mains dans l'abondante réserve des mesures de contrôle déjà connues, déjà appliquées. Le seul empêchement à cela, empêchement que les cadets, les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks dissimulent aux yeux du peuple, a été et reste que le contrôle mettrait en évidence les profits fabuleux des capitalistes et leur porterait atteinte.
Pour mieux faire comprendre cette question capitale (qui est en somme la question du programme de tout gouvernement vraiment révolutionnaire, désireux de sauver la Russie de la guerre et de la famine), nous allons énumérer ces principales mesures de contrôle et les examiner l'une après l'autre.
Nous verrons qu'il aurait suffi à un gouvernement intitulé démocratique révolutionnaire autrement que par dérision de décréter (d'ordonner, de prescrire), dès la première semaine de son existence, l'application des principales mesures de contrôle, d'établir des sanctions sérieuses, des sanctions d'importance, contre les capitalistes qui essaient de se soustraire frauduleusement à ce contrôle, et d'inviter la population à surveiller elle-même les capitalistes, à veiller à ce qu'ils se conforment scrupuleusement aux décisions sur le contrôle, pour que celui-ci soit depuis longtemps appliqué en Russie.
Ces principales mesures sont :
1. La fusion de toutes les banques en une seule dont les
opérations seraient contrôlées par l'État, ou la nationalisation des banques.
2. La nationalisation des syndicats capitalistes, c'est-à-dire
des, groupements monopolistes capitalistes les plus importants (syndicats du
sucre, du pétrole, de la houille, de la métallurgie, etc.).
3. La suppression du secret commercial.
4. La cartellisation forcée, c'est-à-dire
l'obligation pour tous les industriels, commerçants, patrons en général, de se
grouper en cartels ou syndicats.
5. Le groupement obligatoire ou l'encouragement au groupement
de la population en sociétés de consommation, et un contrôle exercé sur ce
groupement.
Voyons maintenant la portée qu'aurait chacune de ces mesures, à la condition d'être appliquée dans un esprit démocratique et révolutionnaire.
Notes
[1] Les
comités des industries de guerre avaient été fondés en mai 1915 par la
grande bourgeoisie impérialiste dans le but d'aider à l'effort de guerre du
tsarisme. Le gros capitaliste A. Goutchkov, leader du parti bourgeois "octobriste", était le
président du Comité central des industries de guerre. Faisaient également
partie de ce Comité l'industriel A . Konovalov, le banquier et industriel M.
Térechtchenko, etc. Désireuse de placer les ouvriers sous son influence et de
leur inculquer un état d'esprit chauvin, la bourgeoisie décida d'organiser des
« groupes ouvriers » auprès de ces comités. Elle entendait montrer ainsi que la
« paix sociale », avait été conclue entre la bourgeoisie et le prolétariat. Les
bolcheviks boycottèrent les comités des industries de guerre et furent soutenus
par la majorité des ouvriers.
A la suite du vaste travail d'explication des
bolcheviks, sur les 239 comités des industries de guerre régionaux et locaux,
70 seulement organisèrent des élections de « groupes ouvriers», et 36
eurent leurs représentants ouvriers.