1917 |
Paru pour la première fois en 1927 dans la revue «Prolétarskaïa Révolioutsia » n° 10 Les interventions sont conformes à un double dactylographié du procès-verbal ; la résolution, au manuscrit |
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Lénine Séance du Comité Central du P.O.S.D.(b)R. du 16(29) octobre 1917 [1] |
RAPPORT
PROCÈS-VERBAL
Le camarade Lénine donne lecture de la résolution adoptée par le Comité central à la séance précédente. Cette résolution, dit-il, a été adoptée à l'unanimité moins deux voix. Si les camarades qui ont émis des objections veulent, s'expliquer, on peut rouvrir les débats ; pour l'instant, il rappelle les raisons qui ont inspiré la résolution.
Si les partis menchévik et socialiste-révolutionnaire avaient rompu avec la politique d'entente, on aurait pu leur proposer un compromis. Cette proposition a été faite, mais le fait est que les partis en question ont rejeté ce compromis [2]. D'autre part, il apparaissait déjà manifestement à ce moment-là que les masses étaient avec nous. C'était avant l'aventure Kornilov. L'orateur en donne pour preuves les statistiques des élections à Pétrograd et à Moscou. L'aventure Kornilov a poussé les masses vers nous plus résolument encore. Rapport des forces à la Conférence démocratique. La situation est claire : ou bien la dictature Kornilov, ou bien la dictature du prolétariat et des couches pauvres de la paysannerie. Il est impossible de déterminer notre attitude d'après l'état d'esprit des masses, car il est changeant et imprévisible ; nous devons déterminer notre attitude par l'analyse objective de la révolution et par l'appréciation qu'on peut en faire. Les masses ont donné leur confiance aux bolchéviks et exigent d'eux non pas des paroles, mais des actes, une politique résolue aussi bien dans la lutte contre la guerre que dans la lutte contre la désorganisation économique. Si l'on s'appuie sur l'analyse politique de la révolution, il apparaît avec évidence que même les interventions anarchiques confirment aujourd'hui tout cela.
L'orateur analyse ensuite la situation en Europe et montre que la révolution y est encore plus difficile que chez nous ; si, dans un pays comme l'Allemagne, les choses en sont arrivées à une mutinerie de la flotte, cela prouve que là aussi les choses sont très avancées. La situation internationale nous fournit des données objectives qui indiquent qu'en agissant en ce moment nous aurons avec nous toute l'Europe prolétarienne ; que la bourgeoisie veut livrer Pétrograd. Nous ne pouvons l'empêcher qu'en prenant la ville en mains. De tout cela il ressort nettement que l'insurrection armée, dont il est question dans la résolution du Comité central, est à l'ordre du jour.
Quant aux conclusions pratiques à tirer de la résolution, il sera plus commode de les formuler après avoir entendu les rapports des délégués des centres.
De l'analyse politique de la lutte des classes en Russie et en Europe découle la nécessité de la politique la plus résolue, la plus active, c'est-à-dire uniquement l'insurrection armée.
Interventions
Procès-verbal
Le camarade Lénine engage une polémique avec Milioutine et Schottmann et démontre qu'il ne s'agit pas de forces armées, qu'il ne s'agit pas de combattre la troupe, mais d'une lutte entre une partie des troupes et l'autre. Il ne voit pas de pessimisme dans ce qu'on a dit ici. Il démontre que les forces de la bourgeoisie ne sont pas bien grandes. Les faits attestent que nous avons la supériorité sur l'adversaire. Pourquoi le Comité central ne peut-il pas prendre l'initiative ? Cela ne saurait se déduire des données connues. Pour repousser la résolution du Comité central, il faut prouver qu'il n'y a pas de désorganisation économique, que la situation internationale ne conduit pas à des complications. Si les révolutionnaires professionnels exigent tout le pouvoir, ils savent parfaitement ce qu'ils veulent. Les conditions objectives prouvent que la paysannerie a besoin d'être guidée ; elle suivra le prolétariat.
On craint que nous ne puissions pas conserver le pouvoir, mais c'est précisément maintenant que nous avons le plus de chances de le conserver.
L'orateur exprime le vœu que les débats soient menés selon le plan d'une discussion sur le fond de la résolution.
Si toutes les résolutions étaient ainsi torpillées, ou ne pourrait rien souhaiter de mieux. Maintenant Zinoviev dit qu'il faut renoncer au mot d'ordre «le pouvoir aux Soviets» et faire pression sur le gouvernement. Si on dit que l'insurrection est mûre, il ne faut pas parler de complots. Si politiquement l'insurrection est inévitable, il faut traiter l'insurrection comme un art. Or politiquement, elle est déjà mûre.
Précisément parce qu'il n'y a de pain que pour un jour, nous ne pouvons pas attendre l'Assemblée constituante. L'orateur propose de confirmer la résolution, de se mettre résolument aux préparatifs de l'insurrection et de laisser au Comité central et au Soviet, le choix du moment pour agir.
Le camarade Lénine objecte à Zinoviev qu'il est impossible d'opposer cette révolution à la révolution de Février. Sur le fond, il propose la résolution suivante :
Résolution
L'Assemblée approuve pleinement la résolution du Comité central et la soutient entièrement. Elle appelle toutes les organisations, tous les ouvriers et tous les soldats à préparer sous tous ses aspects et de la façon la plus énergique l'insurrection armée, à soutenir le centre créé à cet effet par le Comité central. Elle exprime sa ferme conviction que le Comité central et le Soviet fixeront, en temps voulu le moment favorable et les moyens utiles pour passer à l'offensive.
Notes
Les notes rajoutées par l’éditeur sont signalées par [N.E.]
[1]. La séance élargie du Comité central du P.O.S.D.(b)R. en date du 16 (29) octobre 1917 se tint à la Douma d'arrondissement Lesnovski, dont le président était M. Kalinine. Lénine présenta un rapport exposant la résolution du C.C. sur l'insurrection armée, adoptée, à la séance du 10 (23) octobre. Kamenev et Zinoviev y intervinrent, de nouveau contre l'insurrection, cherchant à prouver que les forces des bolchéviks étaient insuffisantes pour commencer l'action et qu'il fallait attendre la convocation de l'Assemblée constituante. F. Dzerjinski, M. Kalinine, A. Rakhja, Y. Sverdlov, N. Skrypnik et autres soutinrent énergiquement la résolution du C.C. Ils critiqueront durement la position capitularde de Kaménev et Zinoviev. La résolution de Lénine fut adoptée par 19 voix, contre 2 et 4 abstentions. Le Comité central constitua, à huis clos, un centre militaire révolutionnaire pour diriger l'insurrection. Il fut indiqué dans la décision du C.C. que le Centre militaire révolutionnaire faisait partie du Comité militaire révolutionnaire prés le Soviet de Pétrograd. [N.E.]
[2]. Cf. Lénine, «Au sujet des compromis», Œuvres, Paris-Moscou, t. 25, pp. 333-339. (N .R.)