1921

Source : num�ro 3 du Bulletin communiste (deuxi�me ann�e), 20 janvier 1921, dans la rubrique � H�ros et martyrs du communisme ï¿½.


A la m�moire de Rosa Luxemburg et de Leo Tyszka (Jogiches)

Souvenirs personnels

Julian Marchlewski



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En consacrant cet article � la m�moire des camarades Luxemburg et Jogiches, je ne rapproche pas leurs noms pour la seule raison qu'ils ont eu le m�me sort et qu'ils sont morts tous les deux, en martyrs, de la main des mercenaires exasp�r�s des tra�tres au socialisme allemand, mais surtout parce que ces deux remarquables militants �taient �troitement li�s par une amiti� de trente ans et par un travail id�ologique commun.

Rosa Luxemburg naquit en 1870 dans la petite ville polonaise de Zamość, d'une famille juive nagu�re assez riche mais appauvrie. Vers 1880, sa famille vint s'installer � Varsovie et Rosa entra au gymnase. Elle avait conserv� de sa vie de famille les meilleurs souvenirs. Sa m�re �tait instruite. Elle aimait � lire avec ses enfants les �uvres de po�tes polonais et allemands et l'impressionnable Rosa, passionn�e de po�sie, se mit sous l'influence de ses lectures, � �crire elle-m�me des vers. Elle aima surtout Mickiewicz : par la suite, au cours de son activit� litt�raire, rares seront ses articles o� l'on ne trouvera pas une citation de Mickiewicz. La famille �tait souvent dans la g�ne et il lui arrivait m�me d'engager sa literie chez l'usurier pour en obtenir quelques roubles ; mais cette mis�re ne provoquait pas, comme, d'habitude, le d�couragement et l'aigreur. Je me souviens que Rosa Luxemburg racontait comment elle alluma un jour la lampe avec un bout de papier qui n'�tait autre chose que le dernier argent que son p�re venait de se procurer avec peine ; le vieillard ne la punit pas mais, la premi�re �motion pass�e, la consola en plaisantant sur la chert� de ses allumettes. Cette atmosph�re de bonne humeur concourut certainement au d�veloppement intellectuel de la future militante.

Ces capacit�s �taient grandes et se firent remarquer d�s l'�cole. Rosa acheva brillamment ses �tudes de gymnase et si elle ne re�ut pas la m�daille d'or c'est que la directrice suspectait d�j� ses � dispositions politiques ï¿½.

Soup�ons fond�s : notre �l�ve du gymnase appartenant � un groupe socialiste o� on lisait des brochures �dit�es par le parti du � Prol�tariat ï¿½1 et o� l'on r�vait de propagande et d'action parmi les ouvriers. Les gendarmes veillaient et bient�t, en 1888, � la conspiratrice ï¿½ de 18 ans dut fuir � l'�tranger. Sa fuite fut organis�e par un des plus habiles conspirateurs du Parti de ce temps-l�, le camarade Kasprzak2, pendu depuis.

Rosa Luxemburg arriva � Zurich. Elle v�cut l� dans, la famille d'un �migr� allemand, le docteur Karl L�beck, publiciste social-d�mocrate. Il avait �pous� une Allemande et Rosa, dans cette maison, se sentait chez elle. L�beck �tait un homme d'une grande intelligence, poss�dant d'immenses connaissances, mais gravement atteint de paralysie. Les meilleures relations s'�tablirent entre lui et la jeune �tudiante ; elle �crivait sous sa dict�e les articles au moyen desquels le malade gagnait son pain. Elle passait ensuite de longues heures en causerie avec lui ; il dirigeait ses �tudes. Nul doute que la camarade Luxemburg n'ait �t�, dans les premi�res ann�es de sa vie d'�tudiante, tr�s redevable � cet homme de valeur.

En 1891, Rosa Luxemburg fit la connaissance du camarade Jogiches. Je n'ai pas de renseignements sur les ann�es de jeunesse de ce dernier et je crois que m�me les camarades qui ont travaill� pendant de longues ann�es avec lui n'en ont pas non plus. Ce qui s'explique par la r�pugnance de Jogiches � parler de lui-m�me : il n'initiait personne � ses affaires personnelles. Peut-�tre des amis lui ayant �t� plus proches nous raconteront-ils, un jour, l'enfance et la jeunesse de ce lutteur.

Je dirai pourtant ce que j'ai pu en apprendre. Leo-Samo�lovitch Jogiches �tait n� � Vilnius en 1867, d'une riche famille juive. De bonne heure, il prit part au mouvement r�volutionnaire, et fut arr�t� en 1888 par la gendarmerie de Vilnius pour � propagande active contre les autorit�s, parmi les ouvriers ï¿½. On le condamna � 4 mois de prison et on le laissa sous surveillance sp�ciale. En 1890, il passa � l'�tranger pour ne pas faire de service militaire. En Suisse, il entra en relations avec Plekhanov, mais se s�para bient�t de lui. A cette �poque, dans les milieux social-d�mocrates russes, r�gnaient des m�urs assez antipathiques. En Russie, le mouvement naissait seulement : parmi les �migr�s Plekhanov r�gnait selon son bon plaisir. Celui qui ne s'accordait pas personnellement avec lui �tait mis au banc et se voyait d�nier la qualit� de social-d�mocrate. Le camarade Jogiches n'�tait pas un souple et ne voulut pas se soumettre � ce r�gime. D'autres �migrants se group�rent avec lui et d�cid�rent bient�t d'agir ind�pendamment. La question la plus importante �tait celle de la librairie r�volutionnaire. La jeunesse �migr�e et les milieux ouvriers en Russie avaient le plus grand besoin de litt�rature. Jogiches disposait d'assez grandes ressources et, ayant r�uni quelques collaborateurs (Kritchevski3, Riazanov, Parvus), il se mit � �diter la � Biblioth�que social-d�mocrate ï¿½. Ses qualit�s d'organisateur se r�v�l�rent tout de suite. Il n'�crivait pas lui-m�me, mais il �tait un r�dacteur mod�le, exact jusqu'au p�dantisme. Les petits livres de sa Biblioth�que �taient magnifiquement �dit�s et le transport en �tait aussi bien assur�.

Parall�lement � son travail d'�dition, Jogiches voulut combler les lacunes de ses connaissances. Ses capacit�s intellectuelles �taient sup�rieures. Il s'orientait rapidement dans les questions les plus difficiles ; il avait une m�moire et une �rudition remarquables.

Chose singuli�re : le camarade Grosovsky (tel �tait alors son pseudonyme) donnait aux publicistes du parti d'excellents conseils ; int�ress� par quelques questions, il pouvait, pour son �tude, dresser le plan le plus exact et le plus r�ussi ; mais �crire, m�me s'il s'agissait d'un article de journal, lui �tait difficile. Il le reconnaissait, et la n�cessit� absolue seule pouvait l'obliger � prendre la plume.

Ayant fait la connaissance de Rosa Luxemburg, Jogiches s'int�ressa aux questions du socialisme polonais, qui la pr�occupaient alors. Il �tudia le polonais, et si bien, qu'il put plus tard s'acharner � bannir des articles des camarades polonais les expressions russes ; et bient�t il renon�a � toute activit� dans le mouvement russe, consacrant toutes ses forces au mouvement social-d�mocrate polonais.

Les questions du socialisme polonais �taient alors extr�mement complexes et int�ressantes. Le mouvement r�volutionnaire socialiste repr�sent� par le Parti du Prol�tariat, � la t�te duquel se trouvaient Ludwik Waryński et Kunicki4 traversait vers 1880 une crise difficile. Le parti, consacrait toutes ses forces au terrorisme et n'�tait pas en �tat d'organiser les masses ouvri�res que le d�veloppement extraordinairement rapide du capitalisme en Pologne poussait d'instinct aux luttes purement �conomiques. Une Union Ouvri�re se fonda � Varsovie, s'effor�ant de diriger le mouvement gr�viste et faisant aussi, selon ses moyens, une propagande marxiste. Cependant, le Parti du Prol�tariat se divisait sous l'influence des courants nationalistes dominant alors toute l'Europe. Les groupes d'�migrants plac�s � la t�te du Parti, interpr�tant d'une fa�on erron�e les principes du mouvement des masses ouvri�re, se laiss�rent p�n�trer par l'id�e d'accorder le socialisme avec le patriotisme. La Pologne, � affirmaient les publicistes de cette tendance, � a d�pass� par son d�veloppement �conomique la Russie sous le joug politique de laquelle elle se trouve et c'est pourquoi le but du prol�tariat polonais doit �tre la lib�ration de son pays, la cr�ation d'un Etat polonais ind�pendant, afin de se frayer un chemin vers le socialisme.

Cette tendance aboutit � la fondation du Parti socialiste polonais (P. P. S.).

En Pologne, cette tendance �tait combattue par l'Union Ouvri�re et, dans l'�migration, principalement � Zurich, un groupe de jeunes s'effor�a de lui opposer un programme marxiste dans son ensemble. A ce groupe appartenait te camarade Wesołowski5, l�chement assassin� depuis par les gendarmes polonais. Des �tudiants en faisaient partie qui, par la suite, ont quitt� les rangs des militants de la r�volution, mais se sont fait conna�tre autrement (c'est le cas entre autres de l'un des plus remarquables po�tes de la Pologne contemporaine, W. Berent6). Mais il devait appartenir � Rosa Luxemburg de cr�er le fondement th�orique du marxisme polonais et du mouvement social-d�mocrate, son collaborateur le plus actif, le plus d�vou� dans ce travail fut le camarade Joguiches-Grosovsky.

Les th�ses fondamentales de cette tendance �taient celles-ci : le capitalisme se d�veloppe dans la Pologne asservie dans un �troit accord avec le capitalisme russe, allemand et autrichien ; les liens les plus �troits se cr�ent n�cessairement entre la bourgeoisie des provinces polonaises et celle de ces �tats ; la lutte des classes devient plus �pre en Pologne et rend impossible l'insurrection contre le joug national. La t�che du prol�tariat polonais c'est de lutter, de concert avec les ouvriers russes, allemands et autrichiens, contre l'ordre capitaliste ; cette lutte politique et �conomique doit �tre conduite en tenant compte des conditions de la vie politique dans chaque Etat, ce qui rend n�cessaires des relations �troites avec les Partis socialistes russe, allemand et autrichien. L'autonomie du Parti polonais, qui lui permet de d�fendre les int�r�ts de la culture du prol�tariat polonais, doit �tre naturellement sauvegard�e. Seule la r�volution commune, en d�truisant l'ordre capitaliste, entra�nera la lib�ration de tous les peuples, donc du peuple polonais ; tant que r�gne l'ordre capitaliste, la cr�ation d'un Etat polonais ind�pendant n'est pas possible. La t�che des prol�taires polonais, ce n'est donc pas de lutter pour une Pologne capitaliste ind�pendante, mais pour la destruction des Etats capitalistes en g�n�ral. Tout ceci nous para�t aujourd'hui indiscutable, mais il fallut alors un �norme travail pour ouvrir un chemin � ces id�es.

Rosa Luxemburg prouva de suite un remarquable talent de publiciste et les dons d'un brillant th�oricien. Nous reconn�mes volontiers en elle notre guide doctrinal. Le camarade Jogiches �tait son auxiliaire le plus actif bien que seuls ses plus proches amis l'avaient su.

La nouvelle tendance eut bient�t � soutenir son premier combat sur une large ar�ne. A l'automne de 1891, la gendarmerie du tsar d�truisit l'Union Ouvri�re dont presque tous les leaders furent arr�t�s. La manifestation du 1er mai, en 1892, rev�tit n�anmoins des proportions grandioses, montrant que le mouvement des masses ouvri�res �tait devenu en Pologne un fait capital de la vie sociale.

En 1893, il devint possible de renouveler et d'�largir notre activit� r�volutionnaire dans la r�gion. Le camarade Wesołowski �tait alors l'un des meilleurs organisateurs. Les ouvriers de l'Union et ceux qui restaient du Parti du Prol�tariat adh�r�rent au nouveau groupe et nous adopt�mes le nom de Parti Social-D�mocrate de l'empire polonais. Cette appellation para�tra �trange � beaucoup (quel accouplement de mots : socialiste et empire !). Elle fut choisie dans un but d�fini. Nous voulions exprimer ainsi que, selon nos doctrines, nous �tendions notre organisation sur un territoire donn� et pr�cis�ment sur cette partie de la Pologne o� le prol�tariat doit lutter la main dans la main avec le prol�tariat de toute la Russie. Justement, cette ann�e-l�, un Congr�s Socialiste International se r�unissait � Zurich. Nous r�sol�mes de nous y affirmer devant le prol�tariat du monde entier. Les ouvriers de Varsovie m'envoy�rent un mandat de d�l�gu�. Les groupes de l'�tranger en donn�rent � Rosa Luxemburg et au camarade Warszawski. Les meneurs du P. P. S. menaient contre nous une furieuse campagne dans laquelle ils eurent recours aux moyens les plus honteux, accusant effront�ment le camarade Warszawski d'�tre � un agent russe ï¿½. Comme il y avait parmi eux des hommes entretenant depuis longtemps d'excellentes relations avec les chefs de l'Internationale : Engels, Wilhem Liebknecht et d'autres, il leur fut facile de nous repr�senter comme un petit groupe d'intrigants rompant l'unit� du socialisme polonais. Malgr� le brillant discours de Rosa Luxemburg r�futant ce mensonge le Congr�s r�solut de ne valider ni son mandat ni celui du camarade Warszawski. Plekhanov joua dans cette affaire un bien pi�tre r�le ; il connaissait les affaires polonaises et il e�t suffi d'un mot de lui qui jouissait dans l'Internationale d'une si grande popularit� pour an�antir toute cette intrigue. Mais il pr�f�ra se taire et reconnut plus tard qu'il lui sembla f�cheux de � devoir aller � l'encontre de l'opinion du vieil Engels ï¿½. Malheureusement, ces choses devaient par la suite arriver assez souvent dans la Seconde Internationale o� les affaires se d�cidaient fr�quemment selon les sympathies et les antipathies des chefs jouissant d'une certaine popularit�. Nous sub�mes un �chec, mais on s'int�ressa dans l'Internationale aux questions du socialisme polonais et l'occasion se pr�senta � nous d'exposer ces questions dans la presse fran�aise et allemande. Cette t�che aussi fut surtout d�volue � Rosa Luxemburg.

L'�tude des questions du mouvement ouvrier polonais avan�ait et le mouvement se fortifiait. Rosa Luxemburg suivait � ce moment les cours de l'Universit�. En 1897, elle pr�senta pour son doctorat une brillante dissertation sur le d�veloppement de la production en Pologne. Elle se distinguait non seulement par des connaissances solides, mais par une dialectique brillante qu'elle faisait valoir dans ses fr�quentes discussions avec le professeur d'Economie politique, Julius Wolf, adversaire r�solu du marxisme. Nous pr�parions tout simplement ces discussions : j'amenais tout doucement l'honorable professeur sur ce sujet glissant, puis, disposant de toutes les armes du marxisme, nous lui prouvions qu'il n'y comprenait pas un tra�tre mot. Nous devons rendre cette justice � l'Universit� de Zurich que malgr� notre propagande elle ne s'opposa aucunement � notre obtention du doctorat.

En 1897, Rosa Luxemburg ayant termin� ses �tudes universitaires, r�solut de passer en Allemagne. Pour avoir la possibilit� de militer, elle se maria fictivement avec l'un des fils du docteur L�beck et devint de cette fa�on allemande. Elle travailla parmi les ouvriers polonais en Posnanie et en Sil�sie, collaborant en m�me temps aux journaux allemands et � l'organe scientifique du parti Die Neue Zeit. Je m'�tais rendu en Allemagne un an auparavant et je collaborais � Dresde � cet organe dont Parvus �tait le r�dacteur. Mais, en 1898, nous f�mes tous deux expuls�s de Saxe. Rosa Luxemburg nomm�e r�dacteur du journal de Dresde ne put s'y accorder et commen�a bient�t � collaborer au Leipziger Volkszeitung, dont le r�dacteur �tait alors le meilleur journaliste allemand, Sch�nlank7. Apres sa mort, Rosa Luxemburg seule r�digea un moment ce journal.

C'�tait le moment o� commen�ait la crise du mouvement ouvrier allemand : Bernstein entrait en lice et le � r�visionnisme ï¿½ se r�pandait. Rosa Luxemburg se jeta dans la pol�mique et ses remarquables articles pr�cis�rent nos lignes de tactique. Bient�t les questions de tactique devinrent actuelles dans toute l'Europe. La question de la participation des socialistes au gouvernement bourgeois (ce qu'on appelait le millerandisme) se posa et d'une fa�on g�n�rale ce fut le commencement d'une �pre lutte entre les courants r�volutionnaire et r�formiste. Le talent dialectique et pol�mique de Rosa Luxemburg s'y manifesta dans toute sa force : elle devint bient�t l'un des champions les plus en vue de la tendance r�volutionnaire. Le Parti Social-D�mocrate polonais la nomma membre du Bureau International, et depuis ce jour elle ne cessa de combattre pour les id�es r�volutionnaires sur la plus large ar�ne. Ici encore, Jogiches �tait son ins�parable collaborateur. Les proches amis de Rosa savent qu'elle ne donnait � composer aucun de ses articles de pol�mique ou de programme sans qu'il l'ait relu. Cependant, nos deux camarades ne cessaient pas de s'int�resser au mouvement polonais. Le logement de Rosa Luxemburg, � Friedenau (faubourg de Berlin) �tait le centre vers lequel se dirigeaient les camarades venant de Varsovie pour demander conseil ; c'est l� aussi que venait Jogiches dans les mains duquel se trouvaient tous les fils reliant le Parti du pays avec les camarades travaillant pour lui dans l'�migration.

Ainsi pass�rent, dans une constante lutte pour les id�es r�volutionnaires, les ann�es de 1897 � 1905. Dans cette lutte, Rosa Luxemburg rendit au prol�tariat d'inappr�ciables services en ne reculant pas d'un pas de la ligne de conduite du marxisme r�volutionnaire. Un fait caract�rise sa personnalit� : c'est que malgr� ses fa�ons impitoyables et sa duret� parfois excessive dans la pol�mique, ses plus grands adversaires (parmi lesquels figur�rent quelquefois Jean Jaur�s et Bebel) la respectaient et m�me l'aimaient. Elle �tait alors li�e par une amiti� �troite avec Karl Kautsky sur lequel elle avait une grande influence et qu'elle stimulait � aller de l'avant quand se manifestaient ses vell�it�s opportunistes.

La R�volution Russe (1905 � 1906) �clata et le prol�tariat polonais constitua dans cette lutte � mort une bonne avant-garde. Jogiches s'empressa de se rendre � Varsovie. Rosa voulut absolument le suivre. C'est en vain que nous lui d�clar�mes qu'elle devait rester � Berlin o� nous avions besoin de son travail scientifique qu'elle pourrait difficilement continuer dans son pays. Malgr� notre opposition cat�gorique elle d�barqua, un beau matin, � Varsovie nantie d'un passeport allemand. Tyszka � c'est le pseudonyme que Jogiches avait alors adapt� � fut m�content, mais il dut se r�signer. Rosa Luxemburg d�clara formellement qu'elle ne quitterait pas son poste et se mit � travailler avec notre journal.

Pas pour longtemps, h�las ! Quelques semaines plus tard, elle tombait entre les mains de la police qui n'avait pas eu de difficult� � �tablir son identit�. Par bonheur, � cette �poque, la d�sorganisation de la police commen�ait d�j�. Par la menace de venger cruellement Rosa et par la corruption nous la f�mes lib�rer sous cautionnement apr�s quoi les camarades la renvoy�rent � l'�tranger : elle protesta, mais cette fois nous f�mes in�branlables.

Tyszka avait �t� arr�t� en m�me temps qu'elle. Son travail avait �t� magnifique. Notre journal �tait gr�ce � lui admirablement organis�. Il avait soumis la r�daction clandestine install�e au centre de la ville au r�gime le plus s�v�re. Il n'�crivait g�n�ralement pas lui-m�me. Mais tout article (et presque toutes les notes) �tait �crit d'apr�s ses instructions, � pour que notre num�ro, disait-il, soit d'une seule pi�ce ï¿½ ; pas une ligne n'�tait envoy�e � la composition sans avoir �t� attentivement relue par lui, il tenait ses collaborateurs dans une main de fer, n'admettant ni fatigue ni � disposition d'esprit particuli�re ï¿½. � � Il faut travailler, voil� tout ! ï¿½ Et, le voyant, infatigable, du matin � la nuit, tous se soumettaient � sa remarquable organisation du travail. Mais il ne se bornait pais � tenir ainsi sa collaboration litt�raire, il ne l�chait pas non plus les typographes et les collaborateurs techniques. A Dieu ne plaise qu'une notule f�t compos�e dans un caract�re autre que celui qui �tait indiqu� sur la copie ! A Dieu ne plaise qu'un num�ro ne f�t pas compos� selon toutes les r�gles de l'art typographique ! Une exp�dition inexacte �tait un crime impardonnable. Il arrivait � de malheureux collaborateurs d'encourir des reproches pour quelque 5 num�ros qui un mois auparavant �taient arriv�s quelque part en retard8. Tyszka se rappelait tout et veillait � tout et pourtant il avait, outre son travail de r�daction, un tr�s grand travail d'organisation. Il connaissait par le menu le travail du Parti et se pr�occupait continuellement de tout. Mais ce travail minutieux ne diminuait pas sa largeur de vues et il se distinguait dans toutes les questions th�oriques par sa r�serve et par sa pr�voyance. On l'arr�ta, en f�vrier 1906, avec Rosa Luxemburg. Identifi�, jug�, il fut condamn� � 8 ans de travaux forc�s. Mais en f�vrier 1907 les camarades r�ussirent � organiser son �vasion. Cette entreprise fut men�e � bien par le camarade Ganetsky9 : un gardien fut achet�, on procura � Tyszka un costume et on l'emmena. Je me souviens qu'il vint tout droit de la prison � la r�daction, o� il dut rester plusieurs jours avant d'avoir trouv� un logement plus s�r. Les affaires de la r�daction �taient d�j� moins bonnes. Presque tous les r�dacteurs �taient emprisonn�s. Il �tait de plus en plus difficile de faire marcher la typographie et notre journal avait perdu son �l�gance. Tyszka commen�a par s'en faire apporter une collection compl�te ; il la parcourut avec effroi ; Que de coquilles ! J'indiquai que le correcteur devait travailler tant�t sous sa machine, tant�t dans la cave. Mais il ne fut pas convaincu : � il faut pour la correction une t�te et des mains, et tant qu'on a une t�te sur les �paules et un crayon dans les mains on peut travailler n'importe o� ! ï¿½ Et de fait Tyszka pouvait travailler ainsi. Puis il se mit au travail et dans la nuit r�digea une s�rie d'instructions qui lui parurent utiles pour am�liorer nos affaires. Ayant r�ussi � passer la fronti�re sans encombre, � et je me souviens qu'un officier r�volutionnaire le conduisit en voiture jusqu'� la fronti�re, � Tyszka ne resta pas un instant inactif et prit la direction du groupe �tranger qui retrouvait son ancienne importance pendant que la contre-r�volution triomphait en Pologne et en Russie. Je rencontrai de nouveau Tyszka � l'�tranger au congr�s du Parti social-d�mocrate russe, � Londres, pendant l'�t� de 1907. Nous luttions contre les mencheviks et Tyszka qui, pendant toutes ces ann�es �tait rest� en contact avec les camarades russes �tait tout naturellement le guide du groupe polonais. Il �tait au courant de toutes les affaires russes dans leurs moindres d�tails et il prit la part la plus active au travail compliqu� qu'il fallut faire � ce congr�s o� des questions � d�licates ï¿½ s'embrouillaient prodigieusement10. Dans ces cas il se r�v�lait � diplomate ï¿½ d�fendant pourtant ses positions avec t�nacit� et de fait sa � diplomatie ï¿½ n'abandonnait jamais rien de la tactique strictement r�volutionnaire. Les mencheviks et les bundistes le voyaient naturellement d'un fort mauvais �il. Il nous arrivait aussi, il est vrai, de nous quereller avec les camarades bolcheviks avec lesquels nous n'�tions pas d'accord sur des questions d'organisation. Mais gr�ce � la retenue de Tyszka, les relations entre les bolcheviks et le groupe polonais rest�rent toujours satisfaisantes.

D�s 1907, Rosa Luxemburg se plongea dans les affaires allemandes. On approchait de cette p�riode fatale pendant laquelle l'aspect ext�rieur du Parti fut excellent tandis qu'en r�alit� la gangr�ne le rongeait profond�ment. La tendance radicale semblait avoir vaincu. Les Congr�s adoptaient des r�solutions tr�s radicales. Mais ceux qui savaient voir voyaient que ce radicalisme �tait pire que tout opportunisme. L'arrivisme se d�veloppait dans le Parti, la bureaucratie atteignait des proportions excessives. On avait la lettre radicale sans esprit r�volutionnaire. Il �tait tr�s difficile de lutter contre cet �tat de choses, qui devait enfin amener � la catastrophe morale du 4 ao�t 1914. Parmi les chefs influents, le vieux Bebel n'avait plus son ancienne intuition r�volutionnaire et Karl Kautsky, n'ayant jamais �t� en contact avec la vie du Parti, s'enfermait toujours plus dans un dogmatisme livresque. Les hommes nouveaux dans les rangs des radicaux, les Scheidemann, les Ebert, les Haase n'avaient jamais �t� r�volutionnaires au fond de leur �me et ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez ; les autres n'�taient que de vulgaires arrivistes. Rien d'�tonnant � ce que dans cette atmosph�re les meneurs aient r�ussi � repr�senter Rosa Luxemburg et ses partisans, qui ne cessaient de sonner le tocsin, comme des � critiques chagrins ï¿½, ne troublant la paix du Parti que � par amour des disputes ï¿½. Kautsky c�da enfin � cette tendance et son attitude, en 1912, amena la rupture d'une amiti� datant de longues ann�es. Cet �rudit de biblioth�que eut enfin le courage de traiter Rosa Luxemburg et ses amis d' ï¿½ anarchistes-syndicalistes ï¿½.

Malgr� ce travail �nervant, Rosa trouvait encore du temps pour des travaux scientifiques fondamentaux. On l'avait d�sign�e pour enseigner � l'�cole marxiste du Parti l'�conomie politique et, non seulement elle se r�v�la un p�dagogue mod�le, mais encore pr�parant tr�s consciencieusement ses le�ons, elle �crivit un remarquable cours d'�conomie marxiste, qui, par malheur, n'a pas �t� imprim� (et il faut craindre que les bandits de Noske, qui, aux jours tragiques de janvier, ont viol� le domicile de Rosa Luxemburg, aient d�truit ce manuscrit, en m�me temps que beaucoup d'autres). A cette �poque, un autre travail important de Rosa fut �dit� : L'Accumulation du Capital.

C'�tait aussi le moment de son activit� de propagande la plus intense. Les calomnies des chefs du Parti contre Rosa Luxemburg n'eurent pas d'effet sur les masses. Dans toutes les villes, m�me dans le centre du r�visionnisme, les ouvriers aimaient � entendre � notre Rosa ï¿½ et son talent si entra�nant d'orateur agissait m�me sur ceux que l'opportunisme avait contamin�s. Je me souviens qu'un camarade (de Mannheim, je crois) racontait l'�tonnant effet d'un discours de Rosa Luxemburg : les ouvriers d�clarant � leurs chefs habituels qu'ils voyaient maintenant combien ils avaient �t� tromp�s et exigeant que Rosa Luxemburg f�t invit�e � faire une s�rie de conf�rences et de causeries-discussions sur les questions int�ressant le Parti. Ces cas �taient fr�quents.

En 1913, Rosa Luxemburg pronon�a, � Francfort-sur-le-Main, un discours antimilitariste pour lequel elle fut poursuivie et condamn�e � un an de prison. Mais, pendant les d�lais d'appel � une instance sup�rieure, elle pronon�a, � Berlin, un nouveau discours, dans lequel elle disait entre autres que dans les casernes de l'Allemagne les soldats �taient chaque jour odieusement brutalis�s et brim�s. Elle fut de nouveau poursuivie. La d�fense se chargea de prouver la v�racit� de ses assertions et invita des t�moins � se faire conna�tre par les journaux du Parti. En juin 1914, quelques semaines avant la guerre mondiale, le proc�s s'ouvrit, plusieurs centaines de t�moins se pr�sent�rent � l'audience d�s le premier jour, pr�ts � d�poser sur les horreurs de la vie de caserne et le d�fenseur d�clara que sa liste comptait plusieurs milliers de noms. Le gouvernement s'effraya, le proc�s fut remis, � et l'on n'en reparla plus.

A cette �poque, le camarade Tyszka travaillait dans les partis polonais et russe. On avait commenc� � �diter � Varsovie un journal hebdomadaire l�gal, mais comme tous les �crivains du Parti devaient �migrer, la r�daction �tait � Berlin et Tyszka, naturellement, en avait la charge. Il habitait alors � l'h�tel, � Steglitz, faubourg de Berlin, et Franz Mehring, qui connaissait � fond l'histoire de la Prusse, d�couvrit que cet h�tel avait �t� jadis le palais du g�n�ral Wrangel, qui r�prima la r�volution de 1848. Chaque fois qu'il voyait Tyszka, le vieillard affirmait que Wrangel devait se retourner dans son cercueil � la seule id�e qu'un r�volutionnaire comme Tyszka habitait maintenant son logis. Notre r�daction si�geait dans une petite chambre de cet h�tel. Tyszka y introduisait de nouveau son r�gime s�v�re tan�ant vertement les coupables si le travail n'�tait pas parfait. Le fait est qu'on ne pouvait diriger de Berlin la r�daction d'un journal de Varsovie qu'au prix d'une exactitude exemplaire et que sous ce rapport notre confr�rie litt�raire n'�tait bonne � rien. Cependant, l'�nergie de Tyszka faisait marcher l'affaire, bien que notre journal, r�guli�rement suspendu, d�t continuellement changer de nom pour ressusciter ; il v�cut pr�s d'un an changeant, je crois, sept fois de nom.

Tyszka dut travailler dans le Parti russe, ayant �t� d�sign� par le Parti polonais qui s'�tait f�d�r� avec les organisations russes, en qualit� de membre du Comit� Central. Comme il �tait dans son travail ponctuel jusqu'� l'exag�ration, croyant indispensable d'informer de tout ce qui concernait les int�r�ts g�n�raux la direction du Parti polonais, qui se r�unissait p�riodiquement � Berlin, il dut tenir toute une s�rie de notes et de livres, cela seul et dans les conditions les plus p�nibles : il vivait avec un passeport �tranger. La police pouvait � chaque instant tomber chez lui et c'est pourquoi son � bureau ï¿½ �tait install� dans les appartements de certains camarades allemands chez qui les papiers �taient d�pos�s, tandis que d'autres adresses d'Allemands servaient pour la correspondance. Nous f�mes un jour le calcul que Tyszka avait affaire de cette fa�on dans une douzaine d'appartements. Il ne renon�ait pas � ce syst�me pour des raisons d'ordre conspiratif ; de la sorte, les mat�riaux �taient si dispers�s que m�me en d�couvrant un appartement la police n'y trouverait qu'une petite partie de documents dont elle ne pourrait tirer aucun avantage. Je lui demandai un jour : ï¿½ Mais, qu'arrivera-t-il si vous tombez brusquement malade ? Personne ne se retrouvera dans ce travail ! ï¿½. Il me r�pondit simplement : � Il ne m'est pas permis d'�tre malade ï¿½. Le fait est que seule une capacit� de travail d�concertante et une sant� de fer permettaient � Tyszka d'accomplir le travail �norme dont il se chargeait.

La guerre �clata. D�s le premier jour, Rosa Luxemburg commen�a sa propagande contre la guerre. Elle comptait grouper pour un travail commun un groupe choisi de camarades allemands. Et d'abord elle pensa qu'il �tait n�cessaire de publier un manifeste sign� au moins d'un petit nombre de noms populaires parmi les ouvriers. Tyszka dit tout de suite qu'il n'en r�sulterait rien.

Pourtant, avec Rosa, nous tent�mes l'essai. Mais sept personnes seulement, r�pondant � son invitation, se r�unirent chez elle pour examiner la question ; de ce nombre, il n'y avait que deux militants connus, Mehring et Lentsch. Ce dernier promit de signer, mais se d�roba ensuite. Le manifeste n'e�t �t� sign� que de Rosa Luxemburg, de Clara Zetkin et de Franz Mehring, ce qui �tait naturellement inadmissible ; il fallut y renoncer. Le lecteur non initi� aux choses d'Allemagne se demandera peut-�tre : Et Liebknecht ? Malheureusement Liebknecht h�sitait encore et ce n'est que quelques mois plus tard qu'il se d�cida � combattre la guerre.

Il fallut se r�soudre � l'activit� clandestine. Fort peu de camarades y �taient pr�par�s. Le petit groupe qui se mit au travail �tait compos� des camarades Luxemburg, Tyszka, Mehring, des �poux Duncker11, d'Ernst Meyer, de Wilhelm Pieck, de Lange12 et de moi. Je crois bien que c'est tout. Mathilde Jacob13 et la camarade Ezerskaya14 nous donnaient un concours technique mat�riel. Notre situation n'�tait pas brillante, nous n'avions ni argent, ni organisation de parti et, en outre, les militants allemands n'avaient aucune notion de propagande clandestine. Pourtant tout marcha. Tyszka et Meyer se charg�rent d'organiser une typographie. Pieck, Eberlein et Lange, � l'aide de leurs relations, donn�rent le moyen de r�pandre les publications, mais Tyszka dut bient�t assumer la direction de ces deux parties de l'entreprise. Nous p�mes ainsi �diter une s�rie de manifestes contre la guerre. Nous d�cid�mes en outre de commencer � �diter un journal l�gal, l'Internationale, mais il fut supprim� d�s son premier num�ro.

En f�vrier 1915, la condamnation de Rosa Luxemburg fut confirm�e en derni�re instance ; on l'emprisonna pour un an. Elle r�ussit pourtant � �crire et � nous faire passer � principalement avec le concours de l'active et infiniment d�vou�e Mathilde Jacob � des feuilles volantes et une brochure intitul�e La Crise de la Social-D�mocratie.

Elle insistait pour que la brochure f�t �dit�e sous son nom, mais nous savions qu'en pareil cas elle e�t �t� menac�e de travaux forc�s et nous refus�mes. La brochure fut sign�e du pseudonyme de Junius.

Sa d�tention termin�e, Rosa revint parmi nous. Liebknecht, maintenant, �tait aussi avec nous, et le travail s'�tait consid�rablement, �largi. Mais, en juin 1916, Rosa Luxemburg �tait de nouveau emprisonn�e, � par mesure administrative ï¿½. Je me trouvais alors dans un camp de concentration, mais je sais qu'alors aussi Rosa Luxemburg collaborait aux feuilles volantes qui paraissaient sous le titre de Lettres de Spartacus ; je sais que l'impression et la diffusion de ces feuilles furent merveilleusement organis�s gr�ce surtout � l'invincible �nergie de Jogiches. Sa grande exp�rience de l'activit� clandestine ne permettait pas aux autorit�s allemandes de l'arr�ter, bien qu'il d�t, par suite de l'arrestation ou de l'envoi au front de presque tous les militants �prouv�s du groupe Spartacus, travailler dans un cercle assez large et visiter des r�unions nombreuses. La police savait seulement qu'un myst�rieux �tranger �tait � la t�te du groupe. On r�ussit pourtant � l'arr�ter au printemps de 1918. Les efforts du camarade Joffe pour obtenir sa lib�ration n'eurent pas de succ�s. Jogiches �tant consid�r� comme citoyen suisse (de fait, il avait, en 1896, acquis, dans l'un des cantons, les droits de citoyen et avait r�cemment v�cu � Berlin avec son v�ritable passeport suisse).

Je ne devais plus rencontrer Rosa Luxemburg. J'arrivai de Moscou � Berlin, trois jours apr�s la catastrophe. Mais les r�cits de combattants de la bataille r�volutionnaire m'ont confirm� ce dont je n'ai pas dout� : avec Karl Liebknecht, elle a �t� le guide intellectuel du mouvement spartakiste, et Jogiches n'a pas cess� d'�tre son compagnon ins�parable. Je le trouvai, lui, au travail. Il avait �t� arr�t� pendant l'insurrection de janvier, mais il avait r�ussi � recouvrer la libert� et s'�tait aussit�t remis au travail. Il fallait concentrer les forces dispers�es, reformer le Comit� Central des Communistes-Spartakistes, reconstituer l'organisation.

Jogiches fut � la hauteur de sa t�che. Gr�ce � son �nergie, le travail du Parti recommen�a aussit�t apr�s la catastrophe. Son mauvais destin l'atteignit en mars : arr�t� pendant l'insurrection communiste, il fut l�chement assassin� en prison.

Je ne puis, � l'heure actuelle, donner un aper�u de l'activit� scientifique et politique de Rosa Luxemburg. Il faudrait, pour cela, tout un travail historique et critique, d'autant plus grand que son activit� f�conda le mouvement r�volutionnaire polonais et allemand pendant une p�riode assez longue, et se fit sentir en outre dans le mouvement international, les principaux efforts de notre inoubliable camarade ayant �t� consacr�s depuis 1887 � la lutte contre l'opportunisme consid�r� comme un fait international.

Mais je prends la libert� d'attirer l'attention du lecteur sur ce que, dans son dernier travail th�orique et tactique, � sa brochure sur la crise de la social-d�mocratie, � notre inoubliable camarade nous a laiss� de pr�cieuses indications pour le travail futur. Je veux parler des � th�ses ï¿½ �nonc�es � la fin de cette brochure et concernant l'Internationale. Cette brochure, comme je l'ai indiqu�, a �t� �crite en 1916 en prison. Connaissant � fond la 2e Internationale, Rosa Luxemburg y pr�dit clairement, nettement, l'in�luctabilit� de sa chute et montre la n�cessit� de recr�er l'Internationale sur de nouvelles bases. Bien des choses ont chang� depuis : La R�volution et la dictature du prol�tariat en Russie, puis en Hongrie, ont cr�� une nouvelle situation. Mais, dans son ensemble, la pens�e de la camarade Luxemburg reste exacte. Plus pr�cis�ment, elle se pose cette question ; Que doit �tre la nouvelle Internationale ? Et elle y r�pond.

La lutte de classe � l'int�rieur des �tats bourgeois contre les classes dirigeantes, et la solidarit� internationale des prol�taires de tous les pays sont les deux r�gles de conduite indispensables que la classe ouvri�re doit appliquer dans sa lutte de lib�ration historique. Il n'y a pas de socialisme en dehors de la solidarit� internationale du prol�tariat, le prol�tariat socialiste ne peut renoncer � la lutte de classe et � la solidarit� internationale, ni en temps de paix, ni en temps de guerre : cela �quivaudrait � un suicide.
Le centre de gravit� de l'organisation de classe du prol�tariat r�side dans l'Internationale. L'Internationale d�cide en temps de paix de la tactique des sections nationales au sujet du militarisme, de la politique coloniale, de la politique commerciale, des f�tes de mai, et de plus elle d�cide de la tactique � adopter en temps de guerre.

Nous sommes encore loin de l'organisation d'une telle Internationale. Mais, travaillant dans ce sens, nous accomplissons les derni�res volont�s de l'inoubliable martyre de notre cause.

I. MARCHLEVSKY (KARSKY).

Notes de la MIA

1 Le nom du parti fut d'abord Parti Social-R�volutionnaire International � Prol�tariat ï¿½ (Międzynarodowa Socjalno-Rewolucyjna Partia "Proletariat") entre 1882 et 1886, puis deux autres formations conserv�rent l'appelation � Prol�tariat ï¿½ jusqu'en 1909.

2 Marcin Kasprzak (1860�1905).

3 Boris Kritchevski (1866-1919).

4 Stanisław Kunicki (1861-1886).

5 Bronisław Wesołowski (1870-1919).

 6Wacław Berent (1878-1940).

7 Bruno Sch�nlank (1859-1901).

8 Sic.

9 Yakov Ganetsky (1879-1937).

10 Allusion au d�bat sur les � expropriations ï¿½ - attaques de banques � main arm�e men�es par des groupes bolcheviks afin de financer l'organisation qui caus�rent de vives dissensions.

11 K�te (1871-1953) et Hermann (1874-1960).

12 Paul Lange (1880-1951).

13 Mathilde Jacob (1873-1942 ?), secr�taire et amie de Rosa Luxemburg.

14 Fanny Ezerskaya.


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