1939

Brochure qui aurait dû paraître comme n°19 des Cahiers Spartacus en juin 1939 mais la Gestapo détruisit les matricules. Après guerre, Wilebaldo Solano remit copie d'un jeu d'épreuves (déposé à la Bibliothèque nationale de Paris) à René Lefeuvre qui l'édita dans la compilation Espagne: les fossoyeurs de la révolution sociale (Spartacus, série B, n°65, décembre 1975).


Juan Andrade

L'assassinat d'A. Nin : ses causes, ses auteurs

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Le document « N »

Le 16 juin 1937, on arrêta Andrès Nin et on déclencha la répression contre son parti : pour donner un fondement à de tels actes, on « découvrit » le document N. Selon la version donnée, avec la complicité directe du gouvernement d’alors, par la police stalinienne de Madrid, les agents qui avaient arrêté le fasciste caractérisé Javier-Fernandez Golfin avaient saisi sur lui un plan de Madrid portant l’indication des emplacements de pièces d’artillerie et de batteries anti-aériennes. Selon cette version policière, les agents, en « manipulant » ce plan dans les laboratoires de la Brigade Spéciale de Madrid (laboratoires qui, ainsi qu’il fut démontré par la suite, n’existaient pas) découvrirent un écrit chiffré qui se trouvait être, quel merveilleux hasard ! une information donnée à Franco par ses agents madrilènes ; ceux-ci lui disaient qu’ils étaient en relations avec l’éminent membre du P.O.U.M. connu sous la  désignation de « N », lequel était prêt à les aider et à leur accorder son appui politique.

Evidemment on voulait, par la lettre N, désigner l’incorruptible révolutionnaire Andrès Nin. La supercherie était trop grosse pour que personne pût y croire. Dès le premier moment, il n’y eut pas un homme politique responsable qui, ayant pris connaissance du « document », accordât la moindre créance à une si maladroite supercherie. Seul le stalinisme, d’où sortent les auteurs et les complices de ce faux monstrueux, mit à profit l’occasion pour attiser le feu de sa haine et de ses aspirations contre-révolutionnaires. Il fut l’inventeur et le divulgateur de cette escroquerie politique.

Il convient de dire que, le 18 juin, le Directeur général de la police fit venir à son bureau tous les correspondants étrangers qui se trouvaient à Valence. L’objet de cette convocation était de leur montrer le « document N », afin de démontrer la culpabilité de Nin et du P.O.U.M., c’est-à-dire leurs relations avec l’espionnage fasciste. Les journalistes se rendirent immédiatement compte qu’il s’agissait d’un absurde truquage. Ils télégraphièrent à leurs journaux respectifs en déclarant qu’il ne fallait pas se faire l’écho d’une semblable invention. Il y eut cependant un journal anglais pour rendre compte du « document ». Son correspondant à Valence protesta immédiatement qu’on ne pouvait accorder de crédit à une si évidente falsification.

Il faut également souligner que dans les premiers temps on ne parvint pas non plus à connaître de façon certaine comment avait été falsifié le « document N », et par qui. Aujourd’hui, tout cela a été éclairci et ne comporte plus le moindre secret.

Dans l’organisation fasciste qui existait à Madrid et que dirigeait le phalangiste Javier Fernandez Golfin, fusillé à juste titre à Barcelone, le Commissaire de la Brigade spéciale de la capitale, Fernando Valentin, introduisit, pour le compte de la police, un certain Alberto Castilla qui, semble-t-il, se trouve aujourd’hui à Paris après avoir touché une forte somme. Le plan saisi sur Golfin et qui comportait l’indication des emplacements des pièces d’artillerie, ce Castilla l’eut quelques semaines en son pouvoir, car il avait réussit à capter la confiance politique et personnelle des fascistes.

Une fois en possession du plan, l’indicateur Castilla le transmit aux agents staliniens. Un communiste russe dont on n’a pu encore connaître le nom et qui se trouvait au Cabinet du chiffre de l’état-major du ministère de la Défense Nationale, procura, pour la falsification qu’on voulait faire, une clé qui avait été découverte quelques jours auparavant par le Cabinet du Chiffre et qu’utilisaient entre eux les fascistes. Un agent stalinien se chargea de rédiger un message qui devait apparaître en langage chiffré au verso du plan. On donna à ce message une rédaction équivoque pour créer la confusion. On employa, pour l’écrire, la clé découverte dans un message fasciste qui venait de Palma de Majorque. Telle est l’histoire interne, simple et véridique du si célèbre « document N ». Sur ce faux vécut pendant des mois et des mois toute la presse stalinienne internationale ; en invoquant ce faux on a assassiné notre Andrès Nin. La tromperie était connue de tout le monde. Il ne manquait pour couronner l’imposture que de voir la fausseté du « document » légalement démontrée. Le Tribunal Central d’espionnage, dans sa sentence contre le Comité exécutif du P.O.U.M., méprisa le « document », et s’il ne dénonça pas ses auteurs, c’est qu’on lui avait confié la tâche de les couvrir. 


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