1920

Source : num�ros 14 et 15 du Bulletin communiste (permi�re ann�e), 17 et 24 juin 1920.


La Pologne et la Russie

Henriette Roland-Holst



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Le destin de la Pologne depuis plus d'un si�cle fut d'�tre le jouet et le souffre-douleurs des grands �tats europ�ens. Ce destin dure encore aujourd'hui : seuls, les ma�tres et les formes de la domination ont change, mais non la domination elle-m�me. La reconstitution de la Pologne en �tat ind�pendant, par l'Entente, ne signifie aucunement la r�alisation des vieux r�ves et des longs d�sirs d'un nationalisme sentimental et romantique. Cette reconstitution n'a fait qu'ajouter un nouveau chapitre au martyre du peuple polonais, dont le calvaire ne prendra fin que par la cessation du r�gime capitaliste.

La Pologne cr��e par le bon plaisir de l'Entente comme barri�re contre le flot r�volutionnaire venant de l'Est se compose de trois parties fort dissemblables et mal soud�es. La diversit�, tant des int�r�ts �conomiques que de la culture et de l'idiome, contribue � rendre peu viable cet organisme dont la fabrication artificielle se fit � l'encontre d'un processus historique de longue dur�e. Les int�r�ts des r�gions industrielles de la Pologne sont n�cessairement orient�s vers l'�tat dont elles faisaient partie avant la guerre ; l'ind�pendance nationale signifie pour ces r�gions la perte de l'immense march� russe.

Ce fait explique l'app�tit effr�n� d'expansion vers l'Est d'une partie de la bourgeoisie polonaise et engendre presque fatalement la guerre tant que la Pologne vivra en r�gime capitaliste. D�s que celle-ci sera transform�e en r�publique sovi�tiste, le fait de son activit� industrielle deviendra au contraire un facteur puissant d'unification �conomique et politique avec la Russie des Soviets.

C'est avec la ruine de son industrie, de ses finances et de son agriculture que la Pologne a pay� sa reconstitution en Etat ind�pendant. Elle a �t� oblig�e par ses amis de l'Entente de prendre sur ses �paules meurtries une partie de la dette de la Russie imp�riale et de celle contract�e envers la France durant la guerre. Au taux actuel du change, les obligations qui lui furent impos�es, se chiffrent � 100 milliards de marks polonais, soit 50 milliards en or. Une des causes de la baisse formidable du change en Pologne, ce sont les sommes immenses gaspill�es par Paderewski pour des achats de vivres � l'�tranger, achats dont une tr�s grande partie n'atteignit jamais le pays.

L'industrie textile, la principale industrie de la Pologne, occupant 50 % des ouvriers, a �t� ruin�e par la guerre et l'invasion. De nombreuses machines furent emport�es en Allemagne par les envahisseurs, les ouvriers d�port�s par dizaines de mille dans les r�gions industrielles de la Westphalie. Lodz, autrefois une ruche bourdonnante d'activit� industrielle, est aujourd'hui presque une ville morte occupant � peine 25 % du nombre des ouvriers qui autrefois y enrichissaient leurs ma�tres.

Les autres industries : colle du sucre, des bois, la m�tallurgie, etc., sont �galement ruin�es. Les sans-travail se comptent par centaines de mille. � La bourgeoisie polonaise a vendu l'industrie nationale au capital �tranger. Les Fran�ais ont la part du lion pour ce qui concerne la m�tallurgie et l'industrie mini�re, les Anglais se sont empar�s des filatures, de lu menuiserie et de la r�gulation des changes. Tous : Am�ricains, Fran�ais et Anglais ont fond� � Varsovie leurs banques ; tous y ont envoy� leurs missions pour exploiter le pays ï¿½.

La plus grande partie des produits industriels o� agraires n'entrent pas dans la circulation et ne servent en rien � all�ger la mis�re du peuple polonais : la sp�culation, le commerce illicite s'en emparent pour r�aliser leurs immondes b�n�fices.

La situation de l'agriculture est plus d�sesp�r�e encore. La Pologne qui est en premier lieu un pays agraire, devrait �tre � m�me d'exporter de grandes quantit�s de c�r�ales : il ne r�ussit pas m�me � nourrir sa population. Le gouvernement a d�j� fait l'achat de 100 000 tonnes de bl� en Am�rique et il faudra qu'il ach�te encore 300 000 tonnes pour que le peuple puisse subsister tant bien que mal jusqu'� la prochaine r�colte. Ce bl� est livr� � des prix tr�s �lev�s et les transports �tant �galement d�mesur�ment chers, le malheureux pays payera ces 400 000 tonnes de bl�, 12 milliards de marks polonais.

Le nombre de t�tes de b�tail a �galement beaucoup baiss� pendant la guerre ; sous ce rapport aussi, la Pologne est devenue de pays d'exportation qu'elle �tait, un pays d'importation.

La situation des masses est mis�rable au possible ; elles souffrent du manque de nourriture et de v�lements ; les �pid�mies s�vissent et la mortalit� est effrayante. On �value � deux millions les cas de d�c�s de la population civile depuis le commencement de la guerre. Durant l'hiver de 1918-19, plus de 270 000 cas de typhus furent enregistr�s.

La population agraire ne souffre pas moins que les habitants des villes. Les r�formes agraires de juillet 19 ayant pour but le d�veloppement et la consolidation de la petite propri�t� ne peuvent �tre appliqu�es, les paysans pauvres et les ouvriers agricoles ne disposant pas des sommes n�cessaires pour racheter les terres des grands propri�taires. La r�forme est une mauvaise farce et rien de plus. Les paysans pauvres se trouvent dans une impasse cruelle : ils n'ont ni semences pour ensemencer leurs terres, ni instruments aratoires, ni benzine pour les moteurs, ni b�tail. Huit mille hectares de terre sont rest�s en friche. Ce sont ces paysans mis�reux, ces laboureurs exasp�r�s qui constitueront les gros bataillons de la r�volution sociale en Pologne.

Tandis que les masses souffrent et meurent dans leurs taudis et leurs cabanes, et que le chaos g�n�ral empire de jour en jour, la bourgeoisie gaspille les derni�res ressources du pays en orgies �c�urantes. A Varsovie, les pauvres tombent d'inanition dans la rue, tandis que les magasins sont bond�s d'articles de luxe et d'aliments de choix. La d�pravation et la perversit� s'�talent cyniquement au grand jour ; la sp�culation bat son plein, l'escroquerie et le vol sont devenus les conditions normales de l'�change,

La situation d�sesp�r�e du pays et l'impossibilit� de r�organiser la production sur des bases capitalistes poussent la bourgeoisie polonaise � la guerre. Cette impossibilit� est la m�me partout, mais elle est plus marqu�e dans les pays o�, par suite de l'�branlement politique et �conomique, la d�composition du r�gime capitaliste est le plus avanc�. La guerre est pour la classe au pouvoir un moyen de retarder sa chute en retardant l'heure o� elle doit avouer son impuissance � r�soudre les probl�mes se dressant devant le pays et dont la solution est une question de vie ou de mort pour des millions de cr�atures humaines.

L'Entente, si elle a int�r�t � seconder les efforts militaires de la Pologne et � pousser celle-ci dans la voie de la folie guerri�re, n'en a aucun � am�liorer la situation �conomique du pays. Une Pologne riche et prosp�re serait vraiment ind�pendante ; or, l'Entente veut une Pologne ob�issante et soumise, li�e � elle par l'endettement et le besoin. En outre, l'Entente ne saurait venir en aide � la Pologne d'une fa�on efficace ; tout l'or de l'Am�rique et de la Grande-Bretagne n'y suffirait pas. La r�organisation de la production �tant avant tout une question morale, la bourgeoisie pourrie est incapable de l'effectuer. Seuls le sentiment du devoir r�volutionnaire et l'enthousiasme communiste pourront r�ussir � la t�che;

On voit pourquoi la Pologne �tait destin�e � devenir le centre de la vaste conspiration tram�e � nouveau par le monde capitaliste contre la Russie des Soviets. Et tandis qu'� San Remo les grands Judas du drame de la Passion, humaine pronon�aient le mot de la reprise des relations commerciales avec la Russie, la Pologne, tra�treusement, ouvrait l'attaque, bondissait sur Kiev comme un tigre. Des forces militaires consid�rables, �quip�es par la France, l'Angleterre et l'Am�rique, organis�es et command�es par des officiers fran�ais, per�aient le front sud-ouest russe faiblement occup�.

Gr�ce au trait� conclu par la r�publique des hobereaux polonais li�e avec Petlioura, le condottiere des gardes blanches de l'Ukraine, celle-ci abandonnait � ses lib�rateurs le contr�le des chemins de fer dans la vaste r�gion fertile des � Terres noires ï¿½, o� le bl� �pais pousse ses beaux �pis dor�s. En m�me temps, les pr�paratifs pour �touffer la Russie des Soviets dans un r�seau de fer se poursuivaient dans plusieurs capitales d'Europe. L'alliance des Etats dits � de fronti�re ï¿½, formant demi-cercle autour de la Russie, depuis l'Oc�an arctique jusqu'� la Mer Noire, se concertait. La Hongrie et la Roumanie, ces noyaux de la r�action monarchiste, se pr�paraient � y prendre part. En Finlande arrivaient r�guli�rement d'Allemagne des bateaux charg�s de munitions. Des officiers anglais, fran�ais et allemands s'y coudoyaient dans une cordiale et charmante camaraderie contre-r�volutionnaire. Puis Mannerheim, le bourreau du prol�tariat finlandais, fut envoy� � Berlin pour s'entendre avec les chefs de la mission militaire anglaise et les organisateurs de l�gions contre-r�volutionnaires russes et allemandes. A Berlin c'est le colonel Rodzianko, un neveu de l'ancien pr�sident de la Douma, qui s'occupe de l'organisation militaire des �migrants russes : tandis qu'un autre bureau du m�me genre est fond� � Munich. Le colonel Rosenberg, un officier de la ci-devant garde imp�riale, y �labore, de concert avec le parti monarchiste bavarois, le projet de transporter sur le front polonais les troupes de Bermondt, plac�es sous le commandement d'officiers de l'ancienne arm�e prussienne. Aujourd'hui, ces troupes sont en route pour la Prusse Orientale.

L'agression de la Russie par les arm�es polonaises et les bandes de Petlioura est une exp�dition de pirates et de forbans. Durant les longs mois que le gouvernement de Piłsudski tra�nait les n�gociations avec la Russie des Soviets, le gouvernement de L�nine interdisait express�ment aux arm�es rouges toute avance sur le territoire polonais, voulant avant tout d�montrer ses intentions pacifiques. La R�publique des ouvriers et des paysans d�sirait ardemment la paix. Elle d�sirait celle-ci afin de pouvoir transformer ses arm�es rouges en arm�es du travail et de commencer la r�alisation de ces vastes projets de d�veloppement �conomique d'exploitation rationnelle des richesses naturelles de la Russie, projets destin�s � combattre victorieusement la mis�re. Elle d�sirait pouvoir employer ses ouvriers qualifi�s trop longtemps d�tourn�s de leur m�tier � remettre en �tat les moyens de transport � r�parer les centaines de � locomotives malades ï¿½ � premi�re condition du r�tablissement de la circulation dans ce vaste organisme appauvri par des ann�es de souffrance, de luttes et d'efforts d�passant les forces humaines. De toutes leurs forces, le gouvernement et l'avant- garde communiste du peuple russe essayaient d entra�ner les masses vers des buts nouveaux ; il n'�tait question en Russie que de travail, d'accroissement de la production, d'organisation du � front non-sanglant ï¿½, comme on intitulait le travail collectif. On �tait heureux en pensant pouvoir, non pas se reposer, prendre ses aises, mais reporter l'effort de la sph�re militaire � la sph�re �conomique, tellement plus sympathique tant � l'esprit communiste qu'au temp�rament de ce peuple bon, doux et travailleur qu'est le peuple russe.

Mais, h�las le d�mon du capitalisme ne peut renoncer � couler � fond la R�publique des Soviets, ce navire �chapp� � tant d'orages, porteur de l'espoir des travailleurs de tous les pays. Il a de nouveau fallu mobiliser, arracher les paysans de leur champ et les ouvriers de l'usine, faire un appel � toutes les �nergies pour chasser le voleur de la maison et d�fendre les biens pr�cieux acquis au prix de tant d'efforts, de sang et de larmes : la libert� politique et �conomique, bases de l'�difice d'une soci�t� nouvelle. Il a fallu remettre encore une fois ces projets grandioses de travail commun, scientifiquement r�gl�, de ce travail b�ni, pour le bien de tous, et reporter tout l'effort sur le terrain militaire. Encore des terres pi�tin�es, et des villes d�vast�es ; encore des victimes et des martyrs et encore la lutte �pre contre la faim, la mis�re et les �pid�mies, � recommencer dans des circonstances rendues plus difficiles par l'�puisement du pays.

Tandis que le P.P.S., le parti social-d�mocrate, petit bourgeois et nationaliste de Pologne, acclamait par son chef Daszyński l'aventure criminelle contre le peuple russe, � aventure qu'il avait l'effronterie d'intituler une guerre nouvelle, guerre sainte pour la lib�ration de l'Ukraine, les communistes polonais, traqu�s et pers�cut�s par le gouvernement �  d�mocrate ï¿½, lan�aient, il y a plus d'un mois, leur appel vibrant � la conscience du prol�tariat international1. Ils le suppliaient de pr�venir, par des d�monstrations et des gr�ves, le d�cha�nement de forces militaires consid�rables accumul�es par la Pologne avec l'aide de l'Entente contre la R�publique des Soviets. Malheureusement cet appel resta st�rile. Les Lloyd George et les Millerand avaient bien cach� leur jeu ; la reprise annonc�e des relations commerciales avec la Russie semblait exclure la probabilit� d'une nouvelle agression. La cr�dulit� excessive du prol�tariat aux paroles des ma�tres qui l'ont si souvent tromp� est un des sympt�mes du manque de conscience de classe des ouvriers de l'Europe occidentale. M�me dans certains milieux communistes, on se raillait de ceux qui prenaient au s�rieux la menace d'une nouvelle attaque des puissances capitalistes, contre la Russie et qui poussaient � prendre des mesures pour devancer l'ennemi. Il a fallu d'avance des Japonais en Sib�rie et l'agression tra�tresse de la Pologne pour d�sabuser ces camarades trop confiants. Devant les faits, heureusement, la passivit� coupable du prol�tariat se dissipe et un frisson de solidarit� s'�l�ve dans ses rangs. Les ouvriers d'Allemagne et d'Angleterre n'ont pas attendu l'appel de Moscou, venu � nous ces derniers jours par le t�l�graphe sans fil, pour se dresser afin de d�fendre la r�volution russe, patrie commune de tous les prol�tariats.

A Berlin, le 11 mai, plus de 80 000 ouvriers, malgr� les souffrances et les privations qui les accablent, malgr� le pass� torturant et l'avenir gros de menaces, ont parcouru les rues en protestant contre la pr�sence du sinistre assassin Mannerheim dans la capitale et les agissements � peine cach�s de la contre-r�volution russe. En Angleterre, on ne s'est pas born� a des manifestations. Par suite d'un effort vigoureux de propagande, les dockers de Londres ont refus� d'achever le chargement du Jolly George, qui portait des armes et des munitions destin�s � la Pologne. Les armateurs ont d� se d�cider � faire d�charger les canons pour que le navire puisse partir. Derni�rement la section de l'exportation du syndicat des dockers a vot� une r�solution faisant appel � la F�d�ration des transports et � la fraction parlementaire du Labour Party, les invitant � faire le n�cessaire pour pr�venir l'envoi de munitions sur le front anti-bolchevik. En outre, ces ouvriers ont pris l'engagement solennel de ne pas manier eux-m�mes des munitions destin�es � la Pologne ou � un des autres pays en guerre avec la Russie.

Le geste pratique du prol�tariat des transports n'a pas �t� sans porter des fruits dans la sph�re politique. Le ministre de la Guerre Bonar Law a �t� forc� d'avouer, � une s�ance du Parlement, ce qu'il avait toujours ni� : que l'Angleterre, tout en n�gociant la reprise des relations commerciales avec la R�publique des Soviets, trempait dans la nouvelle conspiration contre elle. Le ministre a ajout�, avec l'hypocrisie caract�ristique de la bourgeoisie anglaise � cet hommage que son vice � elle rend � la vertu � que l'honneur et la bonne foi exigeaient de livrer � la Pologne les munitions et les armes achet�es par celle-ci il y a neuf mois. Certes, celte r�ponse offre aux adversaires lib�raux et travaillistes du minist�re une occasion excellente de lui susciter des difficult�s, comme du reste l'a d�j� fait le rus� Asquith.

Mais tout ceci n'est encore, en somme, que des man�uvres politiques. Ce n'est pas une interpellation de radicaux ou de socialistes dans n'importe quel Parlement du monde qui peut emp�cher la r�alisation du grand complot contre la Russie des Soviets : c'est uniquement l'entr�e en action des masses prol�tariennes des principaux pays de l'Entente.

Plus que l'Angleterre, o� des fractions importantes de la bourgeoisie industrielle et commerciale veulent s�rieusement la paix avec la Russie, qu'ils consid�rent en ce moment plus profitable que la guerre, � plus que l'Am�rique, � demi-d�sengag�e des destin�es de la mis�rable Europe en ruines, la France est engag�e � fond dans le grand complot anli-bolcheviste. Car la France, comme le dit avec raison le manifeste �nergique du Secr�tariat Ouest Europ�en, � n'a jamais cess� de consid�rer la Russie comme une colonie, qui doit �tre saign�e pour l'int�r�t du capital fran�ais ï¿½.

C'est afin d'exploiter la Russie pour son avantage � elle que la France a fait �uvre commune avec la convoitise des junkers et des capitalistes polonais, dont les campagnes et les usines s'�tendaient autrefois bien avant dans les terres russes et qui ont perdu leurs richesses par la victoire des masses travailleuses de Russie.

Si c'est l'or am�ricain qui, en premier lieu, sert � �quiper et � ravitailler les arm�es polonaises, c'est le militarisme fran�ais qui, en premier lieu, a fait l'�ducation de ses arm�es, qui leur procure des instructeurs et des chefs, comme le font surtout les fabriques fran�aises qui leur procurent des armes et des munitions. Il n'est donc que juste que ce soit le prol�tariat fran�ais qui se porte au premier rang de l'action pour la Russie des Soviets.

Les ouvriers fran�ais viennent de d�montrer que l'�lan et l'esprit de combativit� r�volutionnaire ne sont pas affaiblis en eux. Leurs grandes gr�ves r�centes et spontan�es pour des revendications d'ordre �conomique mais o� passait un souffle de r�volte sociale l'ont prouv�. En reprenant l'arme de la gr�ve pour des buts de solidarit� r�volutionnaire internationale � de nos jours, au fond, les seuls buts vraiment pratiques, les seuls dont la r�alisation r�pondra aux attentes des militants convaincus � ils pourront forcer leur gouvernement � battre en retraite. Par l�, un des principaux anneaux de la cha�ne qui s'appelle la r�action internationale serait bris�.

Ce n'est pas uniquement de la Russie des Soviets qu'il s'agit dans l'effort qui s'impose au prol�tariat europ�en, mais �galement de la Pologne. D�j� le gouvernement de Piłsudski commence � changer de ton. Effray� par l'opposition d'une partie de sa propre bourgeoisie, par le m�contentement manifest� dans plusieurs unit�s de l'arm�e polonaise, par la fermet� pleine de confiance de Moscou et le geste d�cid� du prol�tariat de Berlin et de Londres, il ne parle plus de la � lib�ration de l'Ukraine ï¿½, mais d'une � juste paix ï¿½, r�tablissant les fronti�res polonaises de 1772. Il semble possible que l'agression ne sera pas continu�e, mais qu'on voudra imposer la paix � la Russie avant que les ann�es rouges rappel�es du front sud ne soient sur place. Mais cette paix doit �tre, dans la pens�e de ses promoteurs, une seconde �dition de celle de Brest-Litovsk, taillant dans le vif de la R�publique des travailleurs, imposant � celle-ci des conditions scandaleuses et de lourdes obligations, la d�pouillant comme le bandit d�pouille sa victime. Une paix de ce genre, dict�e par la bande noire de la r�action internationale � la Russie des Soviets, aurait pour effet presque s�r de retarder l'effondrement du r�gime pourri en Pologne, auquel la victoire militaire procurerait un certain prestige et certains avantages �conomiques lui permettant de durer. Si, au contraire, la Pologne, tant par l'effort h�ro�que des arm�es rouges de Russie que par l'action vigoureuse du prol�tariat international, ne retirait aucun avantage de son agression criminelle, la r�volution qui couve en elle probablement �claterait. Les masses du peuple polonais se d�feraient de la bande de malfaiteurs qui les exploits et les tyrannise et se constitueraient en r�publique sovi�tiste. Il est �galement probable que le flot r�volutionnaire ne s'arr�terait pas aux fronti�res polonaises.

C'est vraiment toute la r�volution qui est en jeu aujourd'hui et il est du devoir des communistes de le faire comprendre aux masses laborieuses de l'Europe occidentale.

20 mai 1920.

Note

1 Cet appel a �t� publi� dans la Vie Ouvri�re du 16 avril 1920.


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