1921 |
En 1921, un débat sur la "doctrine militaire" de l'Armée Rouge. Une facette peu connue de la lutte contre le "gauchisme" au sein de l'Internationale Communiste. Source: L’Internationale Communiste n°19, décembre 1921. |
Doctrine militaire ou doctrinarisme pseudo-militaire
Décembre 1921
L'esprit défensif et l’esprit offensif
Mais « il est impossible de baser l'éducation sur l’esprit défensif et sur l’esprit offensif en même temps » , dit Solomine (p. 22). Le voilà bien, le doctrinarisme ! Et pourquoi pas ? Qui a dit que c’était impossible ? Où et par qui cela est-il prouvé ? Nulle part et par personne, car c’est radicalement faux. Tout l'art de notre construction militaire (et non seulement militaire) en Russie soviétiste consiste à associer les tendances internationales révolutionnaires offensives de l'avant-garde prolétarienne aux tendances révolutionnaires défensives de la masse paysanne et même des larges couches de la classe ouvrière. Cette association correspond à la situation internationale dans son ensemble. En expliquant cette situation aux éléments avancés de l'armée, nous leur apprenons par là même à associer harmoniquement la défensive et l’offensive, non seulement au sens stratégique, mais au sens révolutionnaire historique du mot. Solomine ne penserait-il pas que cela affaiblit le moral ? C'est en effet ce que lui et ses partisans semblent vouloir dire. Mais c’est là du socialisme révolutionnaire pur. Faire comprendre à notre armée l'essence de la situation internationale et intérieure et s'y adapter activement, ce n’est pas là affaiblir le moral, c’est au contraire le tremper.
Mais peut-être dira-t-on que, sous le rapport purement militaire, il est impossible de préparer une armée à la fois pour la défensive et pour l’offensive. Ce sont là encore des sornettes, Dans son opuscule Toukhatchevsky souligne que, dans la guerre civile, la défensive ne pouvait presque pas se réduire à la guerre de position. De là, Toukhatchevsky conclut justement que, dans ces conditions, la défensive doit avoir forcément un caractère actif et manœuvrier au même titre que l’offensive. Si nous sommes trop faibles pour l'attaque, nous nous efforçons d’échapper à l'étreinte de l'adversaire pour nous rallier en un fort groupe qui lui, barrera la voie et le frappera au point faible. Il est absurde d'affirmer, comme le fait Solomine, que l’armée doit être dressée à une spécialité : la défensive ou l’offensive. En réalité, l’armée est instruite et formée pour la lutte et pour la victoire. La défensive et l'offensive entrent alternativement dans la lutte, surtout quand cette lutte est basée sur la manœuvre. Celui qui se défend bien là où il faut se défendre, qui attaque là où il faut attaquer, est le vainqueur. Telle est la seule éducation saine que nous devons donner à notre armée et, en premier lieu, à son corps d'officiers. Le fusil et la baïonnette servent à la défense aussi bien qu’à l’attaque. Il en est de même du bras du combattant. Le combattant lui-même et l’unité à laquelle il est affecté doivent être préparés de façon à pouvoir lutter, à pouvoir se défendre, repousser l’ennemi et l’exterminer. Le régiment qui sait le mieux effectuer l'offensive est celui gui sait le mieux se défendre. Seul est capable d'une bonne défensive le régiment qui désire et sait avancer. Les règlements doivent apprendre à se battre et non pousser à l'offensive.
L’esprit révolutionnaire n'est pas la panacée universelle; il peut donner l’enthousiasme, l’élan. L’enthousiasme et l'élan sont les conditions les plus importantes du succès, mais non les seules. Il faut une orientation, il faut un apprentissage. Quant au harnais doctrinaire, point n’en est besoin.