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Octobre 1929. Les suites de la déclaration de Rakovsky du 8.8.1929, l'évolution du Leninbund, le conflit sino-soviétique... |
Œuvres - octobre 1929
Lettre à G.I. Myasnikov
Cher camarade Myasnikov,
Je ne vois aucune raison, ou plus exactement aucune possibilité d'engager une polémique au sujet du vote imaginaire que j'aurais émis à votre sujet.[1]
Que pouvons nous prouver ? Staline a le choix entre trois attitudes :
a) ne rien dire, tout simplement ;
b) prétendre qu'il n'a jamais, au grand jamais, rien dit de semblable à votre ami ;
c) enfin : il peut répéter cette calomnie contre moi, plus deux ou trois autres de Yaroslavsky pour enfoncer le clou.
Aucune de ces variantes possibles n'apportera le moindre éclaircissement dans cette affaire.
J'ajouterai que depuis des années les staliniens ont répandu et répandent sur mon compte des mensonges et des calomnies absolument monstrueux, et non pas dans des discussions de couloir, entre quatre yeux, mais publiquement, dans des réunions d'ouvriers, et ce qui se dit là est encore bien plus répugnant que ce qui s'écrit dans la presse.
C'est pourquoi je crois que se lancer dans une enquête sur cette calomnie, une en passant, et proférée en privé, n'aurait aucune signification politique. Je ne doute pas un instant que votre ami ait fidèlement rapporté les paroles de Staline.
Il ne pouvait lui montrer aucun compte-rendu, à moins de supposer qu'il ait fabriqué un faux spécialement pour l'occasion, ce que je ne crois pas, car Staline est très prudent.
Un détail parmi d'autres : les comptes-rendus du bureau politique ne comportent que les décisions majoritaires. Jamais les propositions de la minorité n'y sont reproduites. Ainsi procédait-on du temps de Lénine, conformément à une décision du bureau politique lui-même. Par conséquent, si le vote inventé par Staline devait se trouver mentionné quelque part, ce ne serait justement pas dans le compte-rendu.
Je me rappelle que peu de temps avant le XVème congrès, j'avais demandé à Zinoviev où, quand, dans quelles conditions, avait été prise la décision de vous exiler.
Qui a pris cette décision, lui ai-je dit, votre petit comité des trois, ou votre comité des sept ?, car, moi, je n'ai rien vu passer ! Zinoviev m'a répondu qu'il ne se souvenait absolument pas des circonstances de cette affaire, et pensait que cela s'était fait en dehors de lui. A-t-il ou non dit la vérité ? Je ne me hasarderai pas à en juger. Il n'est cependant pas exclu qu'il se soit trouvé à Leningrad à l'époque où la décision a été prise.
Mais quelle corvée, de devoir perdre son temps à débrouiller toutes ces histoires, sans cesse renouvelées ! En ce qui me concerne, je considère que cette question-là est close.
Cordial salut.
Note
[1] Myasnikov avait écrit à Trotsky lui reprochant d'avoir autrefois voté la décision de l'exiler ; il assurait en être informé par une confidence de Staline à l'un de ses amis.