1929

lettre à des amis d'URSS


Œuvres – novembre 1929

Léon Trotsky

26 novembre 1929

Comment aider les centristes


J'ai reçu une courte lettre d'un camarade qui, apparemment, est dans un état d'esprit de pré-capitulation. Naturellement, il projette ces sentiments sur la majorité des exilés. Sa philosophie est d'"aller à l'aide du centrisme." Sous cette formule retentissante, abstraite, informe, libérale se cache, en fait, un rejet du marxisme. Il y a deux manières d'aider le centrisme dans une période où il se déplace vers la gauche : on peut se dissoudre en lui ou faire un bloc avec lui – formellement ou officieusement, explicitement ou d'une manière discrète dans le cadre d'un parti unifié régi par discipline, des statuts, etc... Seule la deuxième manière est permise pour un marxiste. La déclaration de Rakovsky est une expression de cette deuxième manière. Elle a fait un long chemin pour rencontrer les centristes, avec des formulations ne traitant de rien d'autre que des choses qui unissent ou peuvent unir l'opposition à eux, actuellement.

Un bloc est-il permis sur un tel terrain ? Dans certaines circonstances, oui. Au nom des buts tactiques immédiats, l'opposition peut temporairement laisser de côté des questions de stratégie, se réservant la droit et le devoir de les réavancer fortement quand les circonstances l'exigeront, même au prix de casser le bloc avec les centristes. Il n'y a aucun opportunisme dans une telle conduite. Elle est tout à fait légitime. Et c'est précisément pourquoi les centristes n'ont pas accepté la déclaration. Ils ont exigé que l'opposition renoncent à ses principes théoriques. Les centristes n'ont pas besoin de l'aide tactique de l'opposition autant que de son auto-capitulation stratégique. En cela ils restent totalement fidèles à leur propre ligne stratégique. Seuls les traîtres peuvent conclure un bloc avec eux au prix de la renonciation et de la condamnation de leur propre plateforme. Bien qu'une telle trahison soit en général commise sous le slogan d'"aide au centrisme" en fait elle aide le centrisme, non contre la droite mais contre la gauche – et seulement contre la gauche. Dans la lutte contre les boukhariniens, de quelle utilité sont aux staliniens Piatakov, Radek, et les autres ? D'aucune. Cependant, ils peuvent être considérablement utiles dans la lutte contre l'opposition de gauche. En revanche, une opposition idéologiquement irréconciliable demeure la meilleure aide aux centristes dans la lutte contre la droite. Nous avons expliqué ces principes plus d'une fois par le passé. Il ne peut y avoir aucun doute que chaque semaine "le maître" menace son Klims [Voroshilov] avec les mots : "nous ne pouvons pas dévier vers la droite en ce moment – c'est juste ce que les trotskyistes attendent." Demain, si l'opposition devait disparaître, les Voroshilovs et leurs suivants sauteraient en selle sur l'échine des centristes de gauche. Mais ceci, naturellement, n'est pas le critère principal pour nous, il y a d'autres choses un peu plus importantes. Mais cet argument est décisif contre les déserteurs qui trahissent le marxisme, y renoncent, et le maltraitent pour aider le maître contre Baloven [1] ou Klim. Nous n'avons rien à à discuter avec de telles inconsistances.

S'il ne reste non pas trois cent exilés fidèles à notre bannière mais cinquante, trente-cinq ou même trois, la bannière restera, la ligne stratégique demeurera, ainsi que notre futur. Salutations à ceux qui sont solides et seulement à eux.

Votre, L.T.


Notes

[1] Baloven, qui signifie "animal de compagnie" ou "favori" était le surnom donné par Lénine à Boukharine, qu'il appelait le "favori du parti" (Note du traducteur)


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