1931 |
Brochure rééditée dans les "Ecrits" de Trotsky, tome III, Supplément à la revue "4ème Internationale", 1959 |
Contre le national-communisme
(les leçons du plébiscite "rouge")
Le centrisme bureaucratique, école de capitulations
Il y a quelques années, l'Opposition de gauche avertissait que la théorie " véritablement russe " du socialisme dans un seul pays amènerait inévitablement des tendances social-patriotiques dans les autres sections de l'Internationale Communiste. A l'époque, cela paraissait être une fantaisie, une invention perfide, une " calomnie ". Mais les idées ont non seulement leur logique, elles ont encore leur force explosive. Le P.C. allemand a glissé très vite, sous nos yeux, dans la sphère du social-patriotisme, c'est-à-dire de tendances et de mots d'ordre dont la haine mortelle inspira jadis la fondation de l'Internationale Communiste. Est-ce extraordinaire ? Non, c'est dans l'ordre des choses !
La méthode qui consiste à se travestir avec les habits de l'adversaire et de la classe ennemie – méthode profondément contraire à la théorie et à la psychologie du bolchevisme – découle d'une façon tout à fait organique de l'essence du centrisme, de son absence de principes, de son inconsistance, de son vide idéologique. Ainsi, la bureaucratie stalinienne appliqua pendant quelques années une politique thermidorienne pour faire perdre du terrain aux thermidoriens. Par crainte de l'Opposition de gauche, la bureaucratie stalinienne commença à faire par morceaux des contrefaçons de la plateforme de la gauche. Pour arracher les ouvriers anglais au pouvoir du trade-unionisme, les staliniens remplacèrent la politique marxiste par la politique trade-unioniste. Pour aider les ouvriers et les paysans chinois à trouver une voie indépendante, les staliniens les ont fait entrer dans le Kuomintang bourgeois. On peut continuer cette énumération sans fin. Dans les grandes questions aussi bien que dans les petites, nous voyons toujours le même esprit de travestissement, de contrefaçon continuelle des idées de l'adversaire, de tentative de se servir contré l'ennemi non pas de ses armes propres – qui manquent, hélas ! – mais de l'arme volée dans les arsenaux de l'adversaire.
Le régime actuel du parti agit dans le même sens. Nous avons dit et écrit plus d'une fois que l'autocratie de l'appareil affaiblit inévitablement l'avant-garde prolétarienne devant l'ennemi, en démoralisant les ouvriers avancés, en pliant et en brisant les caractères révolutionnaires. Celui qui baisse servilement la tête devant chaque oukase venu d'en haut est un militant révolutionnaire sans aucune valeur !
Les bureaucrates centristes étaient des zinovievistes sous Zinoviev, des boukhariniens sous Boukharine, des staliniens et des molotovistes avec l'avènement de Staline et de Molotov. Ils ont baissé la tête même devant les Manouilsky, les Kussinen et les Losovsky. Ils répétaient à chaque étape les paroles, les intonations et les grimaces du " chef " du jour, ils renonçaient aujourd'hui, selon le commandement reçu, à ce à quoi ils juraient fidélité hier et, ayant mis deux doigts dans la bouche, ils sifflaient le chef en retraite qu'hier ils portaient aux nues. Dans ce régime funeste, la virilité révolutionnaire se châtre, la conscience théorique se vide, et les échines s'assouplissent. Il n'y a que des bureaucrates passés par l'école zinovievo-stalinienne qui puissent avec une telle facilité remplacer la révolution prolétarienne par la révolution populaire et, après avoir traité les bolcheviks-léninistes de renégats, hisser sur leurs épaules des chauvins du type Scheringer.