1936 |
T 3916, 3917, Biulleten Oppositsii, n° 50, avril 1936. Traduit du russe. Les informations officieuses en provenance de Moscou répétaient depuis quelque temps qu'une nouvelle Constitution était en préparation, dont le projet avait été préparé par une commission animée par Boukharine. |
Œuvres – avril 1936
L. Trotsky
[La nouvelle Constitution de l'U.R.S.S.]
16 avril 1936
On travaille actuellement dans les murs du Kremlin au remplacement de la Constitution soviétique par une nouvelle Constitution qui sera, selon les déclarations de Staline, Molotov [1] et autres, « la plus démocratique du monde ». Il est vrai que la manière dont on élabore cette Constitution est de nature à éveiller le doute. Ni dans la presse, ni dans les assemblées, il n'a été jusqu'à présent question de cette réforme. Jusqu'à présent, personne ne connaît le projet de Constitution. Cependant Staline a déclaré le 1° mars 1936 au journaliste américain Roy Howard [2]: « Nous adopterons probablement notre nouvelle Constitution à la fin de cette année. » Ainsi Staline sait exactement à quel moment sera adoptée une Constitution sur laquelle le peuple ne sait encore presque rien. On ne peut pas ne pas en conclure que la « Constitution la plus démocratique du monde » est préparée et adoptée selon une procédure pas tout à fait démocratique.
Staline a confirmé à Howard et par son intermédiaire aux peuples de l'U.R.S.S. qu' « aux termes de la nouvelle Constitution, les élections seront générales, égales, directes et secrètes ». Les privilèges électoraux dont les ouvriers jouissaient par rapport aux paysans [3] seront abolis. Désormais voteront non plus les usines, mais les citoyens : chacun pour soi. Du fait qu' « il n'y a plus de classes », tous les citoyens sont égaux. Ne pourront priver du droit de vote que les tribunaux. Tous ces principes sont entièrement empruntés au programme de la démocratie bourgeoise àlaquelle les soviets avaient entendu se substituer. Le parti avait toujours considéré le système soviétique comme une forme supérieure de démocratie. Ce système, expression de la dictature du prolétariat, ne devait disparaître qu'avec elle. C'est pourquoi le problème de la nouvelle Constitution se ramène à une autre question, plus fondamentale : la dictature sera‑t‑elle désormais « renforcée » comme l'exigent tous les discours ou articles officiels, ou, au contraire, va‑t‑elle s'adoucir, s'affaiblir, « dépérir » ? Ce n'est qu'en fonction de cette perspective que l'on pourra apprécier à sa juste valeur la portée de la nouvelle Constitution. Empréssons‑nous d'ajouter que cette perspective ne dépend nullement de la mesure du libéralisme stalinien, mais de la structure réelle de la société soviétique de transition.
Pour justifier la réforme, la Pravda se réfère à mots couverts et avec quelque imprudence au programme du parti rédigé par Lénine, en 1919, où il est effectivement dit que « la privation des droits politiques et les restrictions, quelles qu'elles soient, apportées aux libertés (souligné par nous, L.T.) doivent être considérées comme des mesures provisoires, nécessaires pour combattre les tentatives des exploiteurs de défendre ou de restaurer leurs privilèges. Au fur et à mesure que disparaîtront les possibilités objectives de l'exploitation de l'homme par l'homme, disparaîtra également la nécessité de ces mesures provisoires, et le parti fera en sorte de les restreindre ou de les supprimer ». Ces lignes justifient sans aucun doute la renonciation à la « privation des droits politiques »dans une société où les possibilités d'exploitation n'existent plus. Mais, parallèlement, le programme exige la suppression des « restrictions, quelles qu'elles soient, apportées aux libertés ». Car ce qui caractérise l'avènement de la société socialiste, ce n'est pas le fait de placer les paysans sur un pied d'égalité avec les ouvriers, et de restituer les droits politiques à 3 ou 5 % de citoyens d'origine bourgeoise, mais d'accorder une liberté réelle aux 100 % de la population. D'après Lénine comme d'après Marx, la disparition des classes n'entraîne pas seulement le dépérissement de la dictature, mais également celui de l'État. Or, jusqu'à maintenant, Staline n'a annoncé ni à Howard, ni aux peuples de l'U.R.S.S., l'abolition des « restrictions apportées aux libertés ».
Molotov est venu à l'aide de Staline, sans grand bonheur, hélas. Répondant à une question posée par le directeur du Temps [4] Molotov a déclaré : « La situation actuelle rend de plus en plus (?) inutiles certaines des mesures administratives rigoureuses naguère en vigueur », « toutefois le gouvernement soviétique se doit de rester fort à l'encontre des terroristes et de ceux qui voudraient attenter à la propriété collective ». Donc un « pouvoir soviétique » sans soviets, une dictature du prolétariat dirigée non pas contre la bourgeoisie, mais contre les terroristes et les voleurs. Il est certain que le programme du parti n'avait pas prévu ce type d'État.
Considérée en elle‑même, la promesse de Molotov selon laquelle on se passera « de plus en plus » des mesures extraordinaires dont on n'aura plus besoin ne vaut pas cher : mais elle perd définitivement toute valeur quand il invoque les ennemis de l'ordre qui, comme de juste, ne permettent pas que l'on renonce à ces mesures. D'où viennent donc ces ennemis de l'ordre, terroristes et voleurs, dont le nombre serait si inquiétant qu'il justifierait le maintien de la dictature dans une société sans classes ? Il nous faut ici nous porter au secours de Molotov. Au début du pouvoir des soviets, dans l'atmosphère de la guerre civile qui durait, les socialistes révolutionnaires ou les Blancs se livraient à des actes terroristes. Quand les anciennes classes dominantes eurent perdu tout espoir, le terrorisme prit fin également. La terreur « koulak [5] », dont on constate encore aujourd'hui certaines survivances, n'a jamais eu qu'un caractère local et constituait le complément de la guerre des partisans menée contre le régime soviétique. Mais ce n'est pas de cela que Molotov veut parler. La terreur actuelle ne s'appuie ni sur les anciennes classes dominantes, ni sur le koulak. Les terroristes des dernières années se recrutent exclusivement dans la jeunesse soviétique et dans les rangs des jeunesses communistes et du parti [6]. Totalement impuissante à remplir les tâches qu'elle s'assigne, la terreur n'en est pas moins un symptôme d'une importance considérable, car elle caractérise l'acuité de l'antagonisme qui existe entre la bureaucratie et les grandes masses du peuple, en particulier la jeune génération. Le terrorisme est le complément tragique du bonapartisme. Chaque bureaucrate pris isolément redoute la terreur ; mais la bureaucratie dans son ensemble l'exploite avec succès pour justifier son monopole politique. Dans ce domaine aussi, Staline et Molotov n ont pas inventé la poudre.
Le pire, cependant, c'est qu'on n'arrive pas à comprendre, à partir de ces deux interviews et des commentaires qui les ont suivies, quelle est la nature sociale de l'État pour lequel on élabore une nouvelle Constitution. Le régime soviétique était considéré officiellement comme l'expression de la dictature du prolétariat. Mais, si les classes ont cessé d'exister, la base sociale de la dictature est elle‑même abolie. Qui donc incarne aujourd'hui cette dictature ? Apparemment, l'ensemble de la population. Mais quand le peuple tout entier, libéré des antagonismes de classe, en vient à incarner la dictature, cela signifie que celle‑ci s'est fondue dans la société socialiste, et que, par conséquent, l'État n'existe plus. La logique marxiste est invulnérable. La liquidation de l'État, à son tour, commence par la liquidation de la bureaucratie. La nouvelle Constitution signifie‑t‑elle au moins la fin du G.P.U. ? Que quelqu'un en U.R.S.S. essaie d'exprimer cette idée : le G.P.U. trouvera sur‑le‑champ des arguments convaincants pour la réfuter. Ainsi, les classes ont disparu, les soviets sont supprimés, la théorie de l'État de classe est réduite en cendres, mais la bureaucratie demeure. Ce qu'il fallait démontrer.
Nous reviendrons plus loin sur la question de savoir dans quelle mesure le suffrage universel, direct et secret correspond à l'égalité sociale, prétendûment atteinte, de tous les citoyens Mais, si l'on accepte cette thèse, la question suivante n'en devient que plus insoluble ; pourquoi donc les élections doivent‑elles avoir lieu désormais au scrutin secret ? Que redoute la population d'un pays socialiste ? Contre quels attentats doit‑elle être défendue ? Si les enfants ont peur des ténèbres, c'est une crainte dont les fondements sont purement biologiques, mais quand des adultes n'osent pas exprimer ouvertement leur opinion, leur crainte a un caractère politique ; et, pour un marxiste, la politique est toujours fonction de la lutte de classe. Dans la société capitaliste, le vote à bulletin secret pour but de défendre les exploités contre la terreur des exploiteurs.
Si la bourgeoisie a consenti en fin de compte à cette réforme - évidemment sous la pression des masses ‑ c'est uniquement parce qu'elle avait intérêt, au moins en partie, à préserver son État de la démoralisation qu'elle y avait elle‑même engendrée. Mais il ne saurait être question en U.R.S.S., apparemment, d'une pression des exploiteurs sur les travailleurs. Contre qui les citoyens soviétiques doivent‑ils donc être défendus par le scrutin secret ?
D'après l'ancienne Constitution soviétique, le vote public était considéré comme une arme de la classe révolutionnaire contre ses ennemis bourgeois et petits‑bourgeois. Les restrictions au droit de vote lui‑même avaient un objectif identique. Aujourd'hui, au terme de la deuxième décennie de la révolution, ce ne sont plus les ennemis de classe, mais les travailleurs qui se révèlent apeurés au point de ne pouvoir voter autrement que sous le sceau du secret. Il s'agit précisément de la masse du peuple, de son écrasante majorité, car on ne peut admettre que le vote à bulletin secret soit spécialement appliqué pour les commodités de la minorité contre‑révolutionnaire !
Qui donc terrorise le peuple ? La réponse est claire : la bureaucratie. Par le vote à bulletin secret, elle se dispose à défendre les travailleurs contre elle‑même. Staline l'a avoué avec pas mal de franchise. A la question : « Pourquoi le vote à bulletin secret est‑il nécessaire ? », il a répondu littéralement : « Mais parce que nous désirons donner aux soviétiques la pleine liberté de voter pour ceux qu'ils veulent élire. » Ainsi Staline nous apprend‑il aujourd'hui que les « soviétiques » ne peuvent pas voter pour ceux qu'ils veulent élire. « Nous » ne nous apprêtons encore qu'à leur en donner la possibilité. Qui est ce « nous » qui peut accorder ou ne pas accorder cette liberté de vote ? C'est la couche sociale au nom de laquelle Staline parle et agit : la bureaucratie. Staline aurait dû aussi ajouter que son aveu de taille est également valable pour le parti comme pour l'État et qu'en particulier lui, Staline, détient le poste de secrétaire général du parti grâce à un système qui ne permet pas à ses membres de voter pour qui ils veulent. A elle seule, cette phrase : « Nous désirons donner aux soviétiques », est infiniment plus importante que toutes les Constitutions que Staline pourra rédiger, car cette phrase laconique est une Constitution toute prête, bien réelle au surplus et pas du tout fictive.
Comme en son temps la bourgeoisie européenne, la bureaucratie soviétique est obligée aujourd'hui de recourir au scrutin secret pour épurer, au moins partiellement, l'appareil d'État qu'elle exploite « comme sa propriété privée », de la corruption qu'elle engendre. Staline a été obligé de lever un coin du voile sur ce motif de la réforme. « Nous avons pas mal d'institutions, dit‑il à Howard, dont le travail est mauvais [ ... ] Les élections générales, égales, directes et secrètes en U.R.S.S. seront une cravache dans les mains de la population contre les organes du pouvoir qui travaillent mal. » Deuxième aveu remarquable ! Après avoir créé de ses propres mains une société socialiste, la bureaucratie a éprouvé le besoin de se donner une cravache. Et pas seulement parce que les organismes de l'État « travaillent mal », mais encore et surtout parce qu'ils sont rongés par les vices d'une clique incontrôlée.
En 1928 déjà, Rakovsky [7] écrivait à propos d'une série de cas flagrants de cette effrayante démoralisation bureaucratique : « Ce qui caractérise le flot de scandales qui déferle, ce qui en constitue le plus grand danger, c'est précisément cette passivité des masses, passivité plus grande encore parmi les masses communistes que chez les sans‑parti, face aux manifestations de despotisme sans précédent qui se sont produites. Des ouvriers en ont été témoins, mais ils les ont laissées passer sans protester ou bien se sont contentés de murmurer un peu, par crainte de ceux qui étaient au pouvoir ou par indifférence politique [8]. » Au cours des huit années écoulées, la situation n'a cessé d'empirer. L'autocratie stalinienne a érigé en système de gouvernement le copinage, l'arbitraire sans frein, les malversations, la corruption. La gangrène de l'appareil, de plus en plus manifeste, en est arrivée à menacer l'existence même de l'État en tant que source de pouvoir, de revenus et de privilèges pour la couche sociale dirigeante. Une réforme était indispensable. Epouvantée devant son oeuvre, l'oligarchie du Kremlin s'adresse à la population et lui demande son aide pour épurer et remettre en ordre l'appareil gouvernemental.
Tout en demandant au peuple cette cravache salutaire, la bureaucratie pose pourtant une condition en forme d'ultimatum : « Qu'il n'y ait pas de politique. » Cette fonction sacrée doit rester comme auparavant le monopole du « chef ». Répondant à une question épineuse de son interlocuteur américain, Staline a déclaré : « Etant donné que les classes n'existent pas, que les limites entre classes s'effacent ("les classes n'existent pas", "les limites entre classes" ‑ qui n'existent plus ‑ "s'effacent"), il ne reste plus qu'une certaine différence, mais pas de différence radicale entre les diverses couches en société socialiste, il ne peut pas exister de terrain propice pour la création de partis luttant les uns contre les autres. Là où il n'existe pas plusieurs classes, il ne peut exister non plus plusieurs partis, car le parti est une fraction de classe. » Pour chaque mot, une erreur et parfois deux !
Selon Staline, les frontières de classe seraient, paraît-il, nettement tracées, et à chaque classe correspondrait, à chaque époque donnée, un seul parti. La théorie marxiste de la nature de classe des partis devient ici une grotesque caricature bureaucratique : la dynamique politique est complètement écartée du processus historique ‑ dans l'intérêt de l'ordre administratif. L'histoire politique, en réalité, ne fournit pas un seul exemple d'un parti unique correspondant à une classe unique ! Les classes ne sont pas homogènes, elles sont déchirées par des antagonismes internes, et n'en arrivent même à résoudre leurs problèmes communs qu'à travers une lutte interne de tendances, de groupes et de partis. On peut admettre ‑ avec certaines réserves ‑ que le parti soit « une fraction de classe ». Mais comme une classe se compose de multiples « fractions » ‑ les unes tirant à hue et les autres à dia ‑ une seule et même classe peut donner naissance à plusieurs partis. Pour la même raison, un parti peut s'appuyer sur des fractions de plusieurs classes.
Il est curieux que cette scandaleuse erreur de Staline soit absolument désintéressée, dans la mesure où, en ce qui concerne l'U.R.S.S., il part de l'affirmation qu'il n'y existe plus de classes. Or de quelle classe le parti communiste de l'U.R.S.S. est‑il une fraction, après l'abolition de toutes les classes ? En s'aventurant imprudemment dans le domaine de la théorie, Staline démontre plus qu'il ne voudrait. Ce qui découle de son raisonnement, ce n'est pas qu'en U.R.S.S. « il ne saurait y avoir différents partis », mais qu'il ne devrait pas y avoir un seul parti : là où il n'y a plus de classes, il n'y a plus de place pour la politique en général. :Cependant Staline fait une aimable exception à la règle en faveur du parti dont il est le secrétaire général.
L'inconsistance de la théorie stalinienne des partis ressort, on ne peut mieux, de l'histoire de la classe ouvrière. Bien que celle‑ci, par sa structure sociale, soit à coup sûr la moins hétérogène de toutes les classes de la société capitaliste, l'existence d'une « couche sociale » comme l'aristocratie ouvrière et la bureaucratie ouvrière qui s'y rattache aboutit à la formation de partis réformistes qui deviennent fatalement une des armes de la domination bourgeoise. Que, du point de vue de la sociologie stalinienne, la différence entre l'aristocratie ouvrière et la masse du prolétariat soit une différence « fondamentale » ou seulement une « certaine » différence, c'est égal, mais c'est justement de cette différence qu'est sortie en son temps la nécessité de fonder la III° Internationale. Il n'est pas douteux par ailleurs que la structure de la société soviétique est infiniment plus variée et plus complexe que celle du prolétariat dans les pays capitalistes. De ce fait, elle peut offrir un terrain suffisamment favorable à la formation de plusieurs partis.
Mais, en réalité, ce n'est pas la sociologie de Marx qui intéresse Staline, mais le monopole de la bureaucratie. Ce n'est pas du tout la même chose. Toute bureaucratie ouvrière, même quand elle ne possède pas le pouvoir d'État, est portée à estimer qu'il n'y a pas dans la classe ouvrière de « terrain favorable » pour une opposition. Les chefs du Labour Party chassent les révolutionnaires des trade‑unions sous prétexte qu'il n'y a pas, dans le cadre d'une classe ouvrière « unie », de place pour la lutte entre partis. MM. Vandervelde, Léon Blum Jouhaux [9] et Cie, font de même. Cette façon d'agir ne leur est pas dictée par la métaphysique de l'unité, mais par les intérêts égoïstes de cliques privilégiées. La bureaucratie soviétique est infiniment plus puissante, plus riche et plus sûre d'elle‑même que la bureaucratie ouvrière des pays bourgeois. Les ouvriers hautement qualifiés jouissent en U.R.S.S. de privilèges qu'ignorent les catégories d'ouvriers les plus élevées d'Europe et d'Amérique. Et c'est cette couche sociale double ‑ la bureaucratie qui s'appuie sur l'aristocratie ouvrière ‑ qui gouverne le pays. Le parti dirigeant actuel en U.R.S.S. n'est pas autre chose que l'appareil politique d'une couche sociale privilégiée. La bureaucratie stalinienne a quelque chose à perdre et rien à gagner. Elle n'incline pas à partager ce qu'elle a. Elle tient à se réserver désormais le « terrain favorable » pour elle seule.
Certes, au cours de la première période de l'ère soviétique, le parti bolchevique a exercé dans l'État une sorte de monopole. Cependant, identifier ces deux phénomènes, c'est prendre l'apparence pour la réalité. Au cours des années de la guerre civile, dans des conditions historiques d'une exceptionnelle gravité, le parti bolchevique a été obligé d'interdire temporairement les autres partis, non pas parce qu'il n'existait pas pour eux de « terrain propice » ‑ dans ce cas, il eût même été inutile de les interdire ‑ mais, au contraire, précisément parce qu'il existait un tel terrain : c'était ce qui les rendait dangereux. Le parti expliqua franchement aux masses les mesures qu'il prenait, car il était clair pour tous que ce qui était en jeu, c'était la défense de la révolution isolée face à des dangers mortels. Aujourd'hui, la bureaucratie maquille d'autant plus la réalité sociale qu'elle l'exploite avec plus d'impudence à son profit. S'il était vrai que le règne du socialisme était déjà arrivé et qu'il n'existait plus de terrain propice pour les partis politiques, il serait inutile de les interdire. Il ne resterait plus, conformément au programme du parti, qu'à abolir « les restrictions, quelles qu'elles soient, apportées aux libertés ». Mais la bureaucratie n'autorise personne à souffler mot d'une Constitution de ce genre. La fausseté intrinsèque de tout cet édifice saute aux yeux !
S'efforçant de dissiper les doutes, bien compréhensibles, de son interlocuteur, Staline a émis cette nouvelle réflexion : « Non seulement le parti communiste présentera des listes électorales aux élections, mais probablement aussi toutes sortes d'organisations sociales sans‑parti. Nous possédons des centaines de ces organisations [ ... ] Chacune de ces couches sociales (de la société soviétique) peut avoir des intérêts spéciaux et les exprimer par les nombreuses organisations sociales existantes. » C'est sans doute pour cette raison que la nouvelle Constitution soviétique sera « la plus démocratique du monde ».
Ce sophisme ne vaut pas mieux que les autres. Les principales « couches sociales » de la société soviétique sont les hautes sphères de la bureaucratie, ses couches intermédiaires et inférieures, l'aristocratie ouvrière et kolkhozienne, la masse ouvrière moyenne, les couches moyennes de kolkhoziens, les paysans ayant une exploitation individuelle, les couches inférieures d'ouvriers et de paysans et, audessous d'elles, le lumpenprolétariat, les enfants abandonnés, les prostituées, etc. Quant aux organisations sociales soviétiques ‑ syndicales, coopératives, culturelles, sportives et autres ‑ elles ne représentent nullement les intérêts des diverses « couches sociales », parce qu'elles ont toutes la même structure hiérarchique. Même quand elles reposent sur des couches non privilégiées, comme par exemple les syndicats et les coopératives, le rôle actif y est joué exclusivement par des représentants des sommets privilégiés, et le dernier mot revient « au parti », c'est‑à‑dire à l'organisation politique de la couche sociale dirigeante. La participation à la lutte électorale d'organisations apolitiques ne mènera par conséquent qu'à la rivalité entre les diverses cliques bureaucratiques, dans les limites fixées par le Kremlin. L'oligarchie dirigeante se propose d'apprendre par ce moyen certains secrets qu'on lui dissimule et de rénover son régime, sans pour autant tolérer une lutte politique qui serait inévitablement dirigée contre elle.
En la personne de son chef le plus autorisé, la bureaucratie démontre une fois de plus à quel point elle comprend peu les tendances historiques qui la font agir. Quand Staline déclare qu'il n'y a entre les couches sociales de la société soviétique qu'une « certaine » différence, « nullement fondamentale », il veut sans doute dire qu'à l'exception des paysans exploitants individuels ‑ suffisamment nombreux aujourd'hui encore pour peupler la Tchécoslovaquie... ‑, toutes les autres « couches sociales » s'appuient sur des moyens de production étatisés ou collectivisés. C'est indiscutable ! Mais il reste une différence « fondamentale » entre la propriété collective, c'est‑à‑dire la propriété de groupe dans l'agriculture, et la propriété collective dans l'industrie nationalisée : elle pourrait même se faire sentir à l'avenir ! Nous n'aborderons pas cependant l'examen de cette importante question. A l'heure actuelle, la différence qui est incontestablement la plus importante entre les « couches sociales » est celle qui est déterminée par leur position, non vis‑à‑vis des moyens de production, mais des objets de consommation. La sphère de la répartition n'est évidemment qu'une «superstructure » par rapport à celle de la production. Cependant, dans la vie quotidienne des individus, la sphère de la répartition a une importance décisive. Vue sous l'angle de la propriété des moyens de production, la différence entre un maréchal et un balayeur, entre un directeur de trust et un manœuvre, entre un fils de commissaire du peuple et un enfant abandonné, n'est pas « fondamentale ». Mais les uns occupent des appartements somptueux, jouissent de plusieurs maisons de campagne dans diverses régions du pays, disposent des meilleures automobiles, et ne savent plus depuis longtemps cirer leurs bottes. Les autres vivent souvent dans des baraquements, traînent une existence à moitié affamée, et, s'ils ne cirent pas eux‑mêmes leurs bottes, c'est parce qu'ils marchent nu‑pieds. Pour le bureaucrate, il n'y a peut‑être là qu'une « certaine » différence, qui ne mérite pas qu'on s'y arrête. Mais, pour le manœuvre, elle apparaît, non sans raison, comme une différence « fondamentale ».
En dehors des terroristes, l'autre objectif de la dictature du prolétariat, selon Molotov, ce sont les voleurs [10]. Mais l'abondance même des gens qui exercent cette profession est le plus sûr indice de la misère qui règne dans la société. Là où le niveau matériel de l'écrasante majorité est encore si bas qu'il faut défendre par des exécutions ceux qui ont du pain et des bottes, c'est se moquer outrageusement du monde que de parler du socialisme comme s'il était réalisé.
Dans une société réellement homogène, où les besoins normaux des citoyens sont satisfaits sans haines ni bagarres, non seulement l'absolutisme bonapartisme, mais encore la bureaucratie en général seraient inconcevables. La bureaucratie n'est pas une catégorie technique, mais sociale. Toute bureaucratie surgit, naît et se maintient sur l'hétérogénéité de la société, l'antagonisme des intérêts et la lutte interne. Elle régularise les antagonismes sociaux dans le sens de l'intérêt des classes ou couches privilégiées et prélève pour cela un énorme tribut sur les travailleurs. En dépit de la profonde révolution intervenue dans les rapports de propriété, la bureaucratie soviétique continue cyniquement et non sans succès à remplir cette fonction.
Elle s'est hissée sur la Nep, en exploitant l'antagonisme entre les koulaks et les nepmen d'une part [11], et entre les ouvriers et les paysans de l'autre. Lorsque le koulak, devenu plus fort, a commencé à la menacer, elle a été obligée de s'appuyer directement sur les couches inférieures de la société pour son auto‑défense. C'est au cours des années de lutte contre les koulaks (1929‑1932) que la bureaucratie fut le plus faible. C'est précisément pour cette raison qu'elle s'appliqua avec zèle à constituer une aristocratie ouvrière et kolkhozienne : les différences criantes entre les salaires, primes, décorations et autres mesures semblables, qui sont motivées pour un tiers par des raisons économiques et pour deux tiers par les intérêts politiques de la bureaucratie. S'appuyant sur ce nouvel antagonisme social qui ne cesse de s'aggraver, la caste dirigeante est parvenue jusqu'aux sommets bonapartistes d'aujourd'hui !
Dans ce pays où la lave de la révolution ne s'est pas encore refroidie, les privilégiés craignent énormément leurs propres privilèges, en particulier, dans le contexte de la misère générale. Les hautes sphères soviétiques ont peur des masses, d'une façon tout à fait bourgeoise. Staline, par l'intermédiaire de l'I.C., donne des privilèges grandissants une justification « théorique » et défend l'aristocratie ouvrière contre le mécontentement au moyen des camps de concentration. Staline est le chef indiscutable de l'aristocratie et de la bureaucratie ouvrières. Ce n'est qu'avec ces « couches sociales »‑là qu'il est en contact permanent. Ce n'est que de ces milieux qu'émane la sincère « vénération » du Chef. Telle est l'essence du système politique actuel de l'U. R. S. S.
Pour que ce mécanisme puisse cependant durer, Staline doit de temps en temps se mettre du côté du « peuple » contre la bureaucratie, bien entendu avec l'accord tacite de celle‑ci. à est même obligé de recourir à la cravache de la base pour réprimer les abus du sommet. Tel est, comme nous l'avons déjà dit, l'un des motifs de la réforme constitutionnelle. Mais il en est un autre, non moins important.
La nouvelle Constitution supprime les soviets et fond les ouvriers dans la masse de la population. Les soviets ont certes perdu, depuis longtemps leur signification politique. Mais le développement des nouveaux antagonismes sociaux et l'éveil d'une nouvelle génération auraient pu les ressusciter. Il est certain que les soviets des villes sont particulièrement à craindre étant donné la participation croissante de jeunes communistes frais émoulus et pleins d'exigences. Dans les villes, le contraste entre le luxe et la misère n'est que trop éclatant. Le premier souci de l'aristocratie soviétique est de se débarrasser des soviets d'ouvriers et de soldats.
En dépit de la collectivisation, l'écart matériel et culturel entre la ville et la campagne ne s'est qu'à peine atténué. Les paysans sont encore très arriérés et dispersés. Il existe des antagonismes sociaux même à l'intérieur des kolkhozes et entre kolkhozes. Mais la bureaucratie viendra bien plus facilement à bout du mécontentement des campagnes. Elle peut, non sans succès, utiliser les kolkhoziens contre les ouvriers des villes. Etouffer la protestation des ouvriers contre l'inégalité sociale grandissante, sous le poids des masses rurales plus arriérées, telle est la principale mission de la nouvelle Constitution, ce dont ni Staline, ni Molotov n'ont évidemment tenu à informer le monde. Le bonapartisme, soit dit en passant, s'appuie toujours sur la campagne contre la ville. Là encore, Staline continue la tradition.
De savants philistins dans le genre des Webb [12], qui ne voyaient pas grande différence entre le tsarisme et le bolchevisme jusqu'en 1923, ont en revanche admis sans réserve la « démocratie » du régime stalinien. Il ne faut pas s'en étonner : toute leur vie, ces gens ont été les idéologues de la bureaucratie ouvrière. En réalité, le bonapartisme soviétique a le même rapport avec la démocratie soviétique que le bonapartisme bourgeois, voire le fascisme, avec la démocratie bourgeoise. L'un et l'autre sont également issus des effroyables défaites du prolétariat mondial. L'un et l'autre s'effondreront à sa première victoire.
Le bonapartisme, l'Histoire en fournit maint témoignage, sait parfaitement s'accommoder du suffrage universel, même secret. Le rite démocratique du bonapartisme, c'est le plébiscite. De temps en temps, on pose aux citoyens la question : « Pour ou contre le Chef ? » De son côté, le chef s'arrange pour que celui qui vote sente sur sa tempe le canon du revolver. Depuis le temps de Napoléon III, qui fait aujourd'hui figure de dilettante de province, cette technique s'est prodigieusement développée comme le démontre la dernière mise en scène de Goebbels [13]. La nouvelle Constitution a donc pour objectif de liquider juridiquement le régime soviétique dépassé et de le remplacer par un bonapartisme basé sur le plébiscite.
Développant la pensée de Staline, Molotov a répondu au journaliste du Temps que la question des partis en U.R.S.S. « ne présente pas d'actualité, étant donné la liquidation presque complète [ ... ] des classes ». Quelle précision dans les idées et dans les termes ! En 1931, on a liquidé « la dernière classe capitaliste », les « koulaks », mais en 1936 on en est « presque » à la liquidation des classes. D'une façon ou d'une autre, la question des partis n'est pas « d'actualité » pour Molotov. Mais les ouvriers ont là‑dessus une tout autre opinion : ils savent que la bureaucratie, tout en écrasant d'une main les classes exploiteuses, prépare de l'autre leur renaissance. Pour ces ouvriers d'avant‑garde, la question de leur propre parti, indépendant de la bureaucratie, est, de toutes les questions, la plus actuelle. Staline et Molotov le comprennent parfaitement : ce n'est pas pour rien qu'au cours des derniers mois ils ont exclu du parti dit communiste de l'Union soviétique plusieurs dizaines de milliers de bolcheviks‑léninistes, c'est‑à‑dire, au fond, tout un parti révolutionnaire.
Quand le rédacteur du Temps pose poliment la question des fractions et de leur éventuelle transformation en partis indépendants, Molotov répond avec la vivacité d'esprit qui le caractérise : « Au sein du parti [ ... ] il est à remarquer que les divergences qui ont pu exister autrefois ont aujourd'hui presque complètement disparu. Le parti est plus uni qu'il ne l'a jamais été. » Il aurait pu ajouter que la meilleure preuve en est fournie par les épurations continuelles et les camps de concentration. Cependant, le fait qu'un parti d'opposition existe de façon illégale ne signifie pas qu'il n'existe pas, mais seulement qu'il vit dans des conditions pénibles. Les arrestations peuvent se révéler réellement efficaces quand elles sont dirigées contre les partis d'une classe qui quitte la scène politique : la dictature révolutionnaire de 1917 à 1923 l'a amplement démontré. Mais les arrestations dirigées contre l'avant‑garde révolutionnaire ne sauveront pas une bureaucratie en état de survie et qui, de son propre aveu, a besoin de la « cravache ».
C'est un mensonge grossier que d'affirmer que le socialisme a été réalisé en U.R.S.S. L'épanouissement de la bureaucratie constitue la preuve barbare que le socialisme est encore éloigné. Tant que la productivité du travail en U.R.S.S. sera plusieurs fois inférieure à celle des pays capitalistes avancés, tant que le peuple ne sera pas sorti de la misère, tant que les articles de consommation feront l'objet d'une âpre lutte, tant que la bureaucratie, en tant que groupe distinct, pourra jouer impunément sur les antagonismes sociaux, le danger d'une restauration bourgeoise subsistera intact. Aujourd'hui, avec l'accroissement des inégalités basé sur les succès économiques, ce danger s'est même encore aggravé. C'est là, et là seulement, que réside la justification de la nécessité du pouvoir d'État. Mais l'État bureaucratique dégénéré est devenu lui‑même le danger principal pour l'avenir socialiste. Seul le contrôle politique actif des travailleurs et d'abord de leur avant‑garde pourra ramener l'inégalité dans les limites économiquement inévitables au stade actuel de développement de l'U.R.S.S. et frayer la voie à l'égalité socialiste. La renaissance du parti bolchevique ‑ contre le parti des bonapartistes ‑ constitue la clé de toutes les autres difficultés et de toutes les autres tâches.
Quand il s'agit d'atteindre un but, il faut savoir utiliser toutes les possibilités réelles qui s'offrent à chaque étape. Toute illusion sur la Constitution stalinienne serait évidemment déplacée. Mais il n'en serait pas moins inadmissible de la considérer comme une bagatelle insignifiante et de s'en désintéresser. Si la bureaucratie prend le risque d'une réforme, ce n'est pas de gaieté de cœur, mais par nécessité. L'histoire connaît bien des exemples de dictatures bureaucratiques qui, ayant eu recours à des réformes « libérales » pour se sauver, n'ont fait ainsi que s'affaiblir davantage. En mettant le bonapartisme à nu, la nouvelle Constitution créera une couverture semi‑légale pour le combattre. Les rivalités entre cliques bureaucratiques pourront éventuellement offrir une issue pour une lutte politique plus vaste. La cravache contre les « organismes d'État qui travaillent mal » pourra être retournée contre le bonapartisme. Tout dépendra du degré d'activité des éléments avancés de la classe ouvrière.
Les bolcheviks‑léninistes devront désormais suivre attentivement toutes les péripéties de la réforme constitutionnelle, tenir compte très sérieusement de l'expérience des premières élections. Il nous faut apprendre à utiliser les rivalités entre les diverses « organisations sociales » dans l'intérêt du socialisme. Il faut apprendre à livrer aussi bataille sur le terrain des plébiscites. La bureaucratie a peur des ouvriers : il nous faut développer avec plus d'audace et sur une échelle plus grande notre travail parmi eux. Le bonapartisme a peur de la jeunesse : il faut l'unir sous le drapeau de Marx et de Lénine. Il faut détourner la jeunesse de l'aventure du terrorisme individuel, qui est la méthode du désespoir, il faut conduire l'avant‑garde de la jeune génération sur la grand route de la révolution mondiale. Il faut éduquer les nouveaux cadres bolcheviques qui prendront la place du régime bureaucratique pourrissant.
Notes
[1] Viatcheslav M. Skriabine, dit Molotov (né en 1890), bolchevik en 1906, était depuis le début des années vingt l'un des principaux collaborateurs de Staline. Il était en 1935 président du conseil des commissaires du peuple, c'est‑à‑dire officiellement chef du gouvernement.
[2] Sur l'interview de Staline par l'Américain Roy Howard, cf. n. 2, p. 70. Les passages de cette interview ont été reproduits dans le texte ci‑dessus d'après la traduction française publiée dans l'Humanité du 6 mars 1935.
[3] Aux termes de la première Constitution soviétique, les élus ouvriers étaient proportionnellement cinq fois plus nombreux par rapport à leurs électeurs que les élus des paysans par rapport aux leurs. La mesure avait été délibérément consacrée pour assurer l'hégémonie ouvrière dans les congrès des soviets.
[4] Le Temps était le quotidien de la grande bourgeoise française, organe, disait‑on, du Comité des Forges. L'interview de Molotov avait été en réalité accordée non à son directeur mais à un envoyé spécial et avait été publiée dans Le Temps du 24 mars 1936. Les citations de Molotov renvoient à ce texte en français.
[5] Le « koulak » était le paysan aisé. L'essence de la Nep avait été de l'encourager à produire pour relancer l'ensemble de l'activité économique. C'est après la grève des livraisons de blé ‑ stocké par le koulak ‑ que Staline s'était décidé en 1929 à envoyer la Nep « au diable » et à «liquider le koulak en tant que classe » en passant à la collectivisation forcée des campagnes.
[6] Cette phrase peut paraître quelque peu ambiguë. En effet, les hommes qui avaient été accusés de « terrorisme » par le régime stalinien au cours des dernières années ‑l'exemple le mieux connu est celui de Nikolaïev, l'assassin de Kirov ‑ étaient bien membres du parti ou des jeunesses. Mais il est certain que dans la majorité des cas, ils n'étaient précisément pas des « terroristes ». Encore faut‑il souligner que les informations que Trotsky avait reçues d'U.R.S.S. attestaient de la montée de tendances « terroristes » dans la jeunesse, et que Trotsky en était très alarmé.
[7] Khristian G. Rakovsky (1873‑1941), vieux révolutionnaire des Balkans, ami personnel de Trotsky, rallié au parti bolchevique en 1917, avait été longtemps un des dirigeants du régime, puis, après 1923, l'un des principaux dirigeants puis portedrapeau de l'Opposition de gauche en U.R.S.S. La lettre à laquelle Trotsky fait ici allusion avait été écrite le 6 aoÛt 1928 d'Astrakhan, où il était alors déporté, à un autre déporté, Valentinov. Elle a été publiée à diverses reprises sous le titre « Lettre à Valentinov » ou « Les dangers "professionnels" du pouvoir ».
[8] Kh. G. Rakovsky, « Les dangers "professionnels" du pouvoir », IV° Internationale, vol. 6, n° 10/11, octobre/novembre 1948, p. 31.
[9] Sur Léon Blum et Vandervelde, cf. n. 3, p. 81, n. 5, p. 59 sur Léon Jouhaux, n. 40, p. 125.
[10] Voir ci-dessus la citation des propos tenus par Molotov au Temps.
[11] Les nepmen (forme anglaise) ou nepmany (forme russe) étaient les « hommes de la Nep », en d'autres termes les entrepreneurs individuels qu'elle autorisait, la « nouvelle bourgeoisie ».
[12] Sydney Webb (1859‑1947) et Béatrice Potter Webb (18581943) étaient les animateurs de la très modérée et ultra‑réformiste « société fabienne » ; ils étaient également devenus « amis de l'U.R.S.S. » stalinienne.
[13] Joseph Goebbels (1897‑1945), un des chefs du parti nazi, était devenu en 1933 ministre de la propagande du III, Reich. Son rôle était important ‑ bien que moindre que celui du ministre de l'intérieur ‑ dans l'organisation des plébiscites qui, comme le 29 mars 1936, donnaient au régime une majorité plus écrasante encore que celle qu'avait obtenue en France le régime de Napoléon III (1808-1873).
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