1938 |
Le manifeste « pour un art révolutionnaire indépendant » qui devait paraître sous la double signature d’André Breton et de Diego Rivera avait été en réalité le fruit d'un travail commun de Trotsky et d'André Breton. Pour permettre au lecteur de démêler les parts respectives des deux auteurs de ce texte célèbre, nous avons reproduit, suivant en cela une idée de Marlène Kadar, à gauche le texte tel qu'il fut publié en français, à droite la version qui se trouve dans les archives de Trotsky à la Houghton Library de Harvard, et qui est le projet rédigé par Breton. Un commentaire très complet se trouve aux pages 140‑145 de la thèse de Marlene Kadar, Cultural Politics in the 1930s. Partisan Review, the Surrealists and Leon Trotsky (PhD, Edmonton, Alberta, 1983, 284 p.) |
Œuvres - juillet 1938
Pour un art révolutionnaire indépendant
Texte définitif |
Texte des Archives Trotsky |
1) On peut prétendre sans exagération que jamais la civilisation humaine n'a été menacée de tant de dangers qu'aujourd'hui. Les vandales, à l'aide de leurs moyens barbares, c'est‑à‑dire fort précaires, détruisirent la civilisation antique dans un coin limité de l'Europe. Actuellement, c'est toute la civilisation mondiale, dans l'unité de son destin historique, qui chancelle sous la menace de forces réactionnaires armées de toute la technique moderne. Nous n'avons pas seulement en vue la guerre qui s'approche. Dès maintenant, en temps de paix, la situation de la science et de l’art est devenue absolument intolérable [1]. |
1) L'analyse des superstructures idéologiques, qui permet, en dernière instance, de ne voir dans certaines d'entre elles (la religion, la morale) que le reflet pur et simple des conditions économiques de la vie, laisse subsister comme partiellement irréductibles à cette dernière donnée trois facteurs, qui contribuent pour une part autonome à la modification progressive de la société. Il s'agit de l'art, de la science et de la poursuite de l'idéal social sous sa forme la plus élevée. Certes ces trois domaines ne peuvent aucunement prétendre se soustraire à l'emprise de la puissance prépondérante qui revient, en fin de compte, au développement économique. Mais en eux trouvent à se traduire des aspirations distinctes, fondamentales, capables de réagir sur la base de la nécessité matérielle et de fournir certains éléments complémentaires d'appréciation. Toute autre conception historique verserait inévitablement dans le fatalisme. |
2) En ce qu'elle garde d'individuel dans sa genèse, en ce qu’elle met en œuvre de qualités subjectives pour dégager un certain fait qui entraîne un enrichissement objectif, une découverte philosophique, sociologique, scientifique ou artistique apparaît comme le fruit d'un hasard précieux, c'est‑à‑dire comme une manifestation plus ou moins spontanée de la nécessité. On ne saurait négliger un tel apport, tant du point de vue de la connaissance générale (qui tend à ce que se poursuivre l'interprétation du monde) que du point de vue révolutionnaire (qui, pour parvenir à la transformation du monde, exige qu'on se fasse une idée exacte des lois qui régissent son mouvement). Plus particulièrement, on ne saurait se désintéresser des conditions mentales dans lesquelles cet apport continue à se produire et, pour cela, ne pas veiller à ce que soit garanti le respect des lois spécifiques auxquelles est astreinte la création intellectuelle. |
2) En ce qu'elle garde d'individuel dans sa genèse, en ce qu'elle met en œuvre de qualités subjectives pour dégager un certain fait qui entraîne un enrichissement objectif, une découverte philosophique, sociologique, scientifique ou artistique apparaît comme le fruit d'un hasard précieux, c'est‑à‑dire comme une manifestation plus ou moins spontanée de la nécessité. On ne saurait négliger un tel apport, tant du point de vue de la connaissance générale (qui tend à ce que se poursuivre l'interprétation du monde) que du point de vue révolutionnaire (qui, pour parvenir à la transformation du monde, exige qu'on se fasse une idée exacte des lois qui régissent son mouvement). Plus particulièrement, on ne saurait se désintéresser des conditions mentales dans lesquelles cet apport est appelé à se produire. Il est vital, non seulement pour l'artiste mais pour la société que nous voulons construire que cet apport continue à se produire et pour cela que soit garanti le respect des lois spécifiques auxquelles est astreinte la création intellectuelle. |
3) Or le monde actuel nous oblige à constater la violation de plus en plus générale de ces lois, violation à laquelle répond nécessairement un avilissement de plus en plus manifeste, non seulement de l’œuvre d'art, mais encore de la personnalité « artistique ». Le fascisme hitlérien, après avoir éliminé d'Allemagne tous les artistes chez qui s'était exprimé à quelque degré l'amour de la liberté, ne fût‑ce que formelle, a astreint ceux qui pouvaient encore consentir à tenir une plume ou un pinceau à se faire les valets du régime et à le célébrer par ordre, dans les limites extérieures de la pire convention. A la publicité près, il en a été de même en U.R.S.S. au cours de la période de furieuse réaction que voici parvenue à son apogée. |
3) Or le monde actuel nous oblige à constater la violation de plus en plus générale de ces lois, violation à laquelle répond nécessairement un avilissement de plus en plus manifeste, non seulement de l’œuvre d'art, mais encore de la personnalité « artistique ». Le fascisme hitlérien, après avoir éliminé d'Allemagne tous les artistes chez qui s'était exprimé à quelque degré l'amour de la liberté, ne fût‑ce que formelle, a astreint ceux qui pouvaient encore consentir à tenir une plume ou un pinceau à se faire les valets du régime et à le célébrer par order, dans les limites extérieures de la pire convention. A la publicité près, il en a été de même en U.R.S.S. au cours de la période de furieuse réaction que voici parvenue à son apogée. |
4) Il va sans dire que nous ne nous solidarisons pas un instant, quelle que soit sa fortune actuelle, avec le mot d'ordre : « Ni fascisme ni communisme », qui répond à la nature du philistin conservateur et effrayé, s'accrochant aux vestiges du passé « démocratique ». L'art véritable, c’est-à‑dire celui qui ne se contente pas de variations sur des modèles tout faits mais s''efforce de donner une expression aux besoins intérieurs de l'homme et de l'humanité d'aujourd'hui, ne peut pas ne pas être révolutionnaire, c'est‑à‑dire ne pas aspirer à une reconstruction complète et radicale de la société, ne serait‑ce que pour affranchir la création intellectuelle des chaînes qui l'entravent et permettre à toute l'humanité de s'élever à des hauteurs que seuls des génies isolés ont atteintes dans le passé. En même temps, nous reconnaissons que seule la révolution sociale peut frayer la voie à une nouvelle culture. Si, cependant, nous rejetons toute solidarité avec la caste actuellement dirigeante en U.R.S.S., c'est précisément parce qu'à nos yeux elle ne représente pas le communisme mais en est l'ennemi le plus perfide et le plus dangereux [2]. |
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5) Sous l'influence du régime totalitaire de l'U.R.S.S. et par l'intermédiaire des organismes dits «culturels» qu'elle contrôle dans les autres pays, s'est étendu sur le monde entier un profond crépuscule hostile à l'émergence de toute espèce de valeur spirituelle. Crépuscule de boue et de sang dans lequel, déguisés en intellectuels et en artistes, trempent des hommes qui se sont fait de la servilité un ressort, du reniement de leurs propres principes un jeu pervers, du faux témoignage vénal une habitude et de l'apologie du crime une jouissance. L'art officiel de l'époque stalinienne reflète avec une cruauté sans exemple dans l'histoire leurs efforts dérisoires pour donner le change et masquer leur véritable rôle mercenaire. |
5) Sous l'influence de l'U.R.S.S. et par l'intermédiaire des organismes dits « culturels » qu'elle contrôle dans les autres pays, s'est étendu sur le monde entier un profond crépuscule hostile à l'émergence de toute espèce de valeur spirituelle. Crépuscule de boue et de sang dans lequel, déguisés en intellectuels et en artistes, trempent des hommes qui se sont fait de la servilité un ressort, du reniement de leurs propres principes un jeu pervers, du faux témoignage vénal une habitude et de l'apologie du crime une jouissance. L'art officiel de l'époque stalinienne reflète avec une cruauté sans exemple dans l'histoire leur véritable rôle mercenaire. |
6) La sourde réprobation que suscite dans le monde artistique cette négation éhontée des principes auxquels l'art a toujours obéi et que des Etats même fondés sur l'esclavage ne se sont pas avisés de contester si totalement doit faire place à une condamnation implacable. L'opposition artistique est aujourd'hui une des forces qui peuvent utilement contribuer au discrédit et à la ruine des régimes sous lesquels s'abîme, en même temps que le droit pour la classe exploitée d'aspirer à un monde meilleur, tout sentiment de la grandeur et même de la dignité humaine. |
6) La sourde réprobation que suscite dans le monde artistique cette négation éhontée des principes auxquels l'art a toujours obéi et que les Etats même fondés sur l'esclavage ne se sont pas avisés de contester si totalement doit faire place à une condamnation implacable. L'opposition artistique est aujourd'hui une des forces qui peuvent utilement contribuer au discrédit et à la ruine des régimes sous lesquels s'abîme, en même temps que le droit pour la classe exploitée d'aspirer à un monde meilleur, tout sentiment de la grandeur et même de la dignité humaine. |
7) La révolution communiste n'a pas la crainte de l'art. Elle sait qu'au terme des recherches qu'on peut faire porter sur la formation de la vocation artistique dans la société capitaliste qui s'écroule, la détermination de cette vocation ne peut passer que pour le résultat d'une collision entre l'homme et un certain nombre de formes sociales qui lui sont adverses. Cette seule conjoncture, au degré près de conscience qui reste à acquérir, fait de l'artiste son allié prédisposé. Le mécanisme de sublimation, qui intervient en pareil cas, et que la psychanalyse a mis en évidence, a pour objet de rétablir l'équilibre rompu entre le « moi » cohérent et les éléments refoulés. Ce rétablissement s'opère au profit de l' « idéal du moi » qui dresse contre la réalité présente, insupportable, les puissances du monde intérieur, du «soi », communes à tous les hommes et constamment en voie d'épanouissement dans le devenir. Le besoin d'émancipation de l'esprit n'a qu'à suivre son cours naturel pour être amené à se fondre et à se retremper dans cette nécessité primordiale : le besoin d'émancipation de l'homme. |
7) La Révolution communiste n'a pas la crainte de l'art. Elle sait qu'au terme des recherches qu'on peut faire porter sur la formation de la vocation artistique dans la société capitaliste qui s'écroule, la détermination de cet homme et un certain nombre de formes sociales qui lui sont adverses. Cette seule conjoncture, au degré près de conscience qui reste à acquérir, fait de l'artiste son allié prédisposé. Le mécanisme de sublimation, qui intervient en pareil cas, et que la psychanalyse a mis en évidence, a pour objet de rétablir l'équilibre rompu entre le « moi » cohérent et les éléments refoulés. Ce rétablissement s'opère au profit de l' « idéal du moi » qui dresse contre la réalité présente, insupportable, les puissances du monde intérieur, du « soi », communes à tous les hommes et incessamment en voie d'épanouissement dans le devenir. Le besoin d'émancipation de l'esprit n'a qu'à suivre son cours naturel pour être amené à se fondre et à se retremper dans cette nécessité primordiale : le besoin d'émancipation de l'homme. |
8) Il s'ensuit que l'art ne peut consentir sans déchéance à se plier à aucune directive étrangère et à venir docilement remplir les cadres que certains croient pouvoir lui assigner, à des fins pragmatiques, extrêmement courtes. Mieux vaut se fier au don de préfiguration qui est l'apanage de tout artiste authentique, qui implique un commencement de résolution (virtuel) des contradictions les plus graves de son époque et oriente la pensée de ses contemporains vers l'urgence de l'établissement d'un ordre nouveau. |
8) Il s'ensuit que l'art ne peut consentir sans déchéance (cesser d'être lui‑même) à se plier à aucune directive étrangère et à venir docilement remplir les cadres que certains croient pouvoir lui assigner, à des fins pragmatiques, extrêmement courtes. Mieux vaut se fier au don de préfiguration qui est l'apanage de tout artiste authentique, qui implique un commencement de résolution virtuel de résolution des contradictions les plus graves de son temps et oriente la pensée de ses contemporains vers l'urgence de l'établissement d'un ordre nouveau. Pour l'art, dit Marx, on sait que des périodes de floraison déterminées ne sont aucunement en rapport avec le développement général de la société, ni, par conséquent, avec la base matérielle, l'ossature, en quelque sorte, de son organisation. |
9) L'idée que le jeune Marx s'était fait du rôle de l'écrivain exige, de nos jours, un rappel vigoureux. Il est clair que cette idée doit être étendue, sur le plan artistique et scientifique, aux diverses catégories de producteurs et de chercheurs. « L'écrivain, dit‑il, doit naturellement gagner de l'argent pour pouvoir vivre et écrire, mais il ne doit en aucun cas vivre et écrire pour gagner de l'argent... L'écrivain ne considère aucunement ses travaux comme un moyen. Ils sont des buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu'il sacrifie au besoin son existence à leur existence... La première condition de la liberté de la presse consiste à ne pas être un métier. Il est plus que jamais de circonstance de brandir cette déclaration contre ceux qui prétendent assujettir l'activité intellectuelle à des fins extérieures à elle-même et, au mépris de toutes les déterminations historiques qui lui sont propres, régenter, en fonction de prétendues raisons d'Etat, les thèmes de l'art. Le libre choix de ces thèmes et la non restriction absolue en ce qui concerne le champ de son exploration constituent pour l'artiste un bien qu'il est en droit de revendiquer comme inaliénable. En matière de création artistique, il importe essentiellement que l'imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. A ceux qui nous presseraient, que ce soit pour aujourd'hui ou pour demain, de consentir à ce que l'art soit soumis à une discipline que nous tenons pour radicalement incompatible avec ses moyens, nous opposons un refus sans appel et notre volonté délibérée de nous en tenir à la for mule : toute licence en art. |
9) L'idée que Marx s'est faite du rôle de l'écrivain exige, de nos jours, un rappel rigoureux. Il est clair que cette idée doit être étendue, sur le plan artistique et scientifique, aux diverses catégories de producteurs et de chercheurs. « L'écrivain, dit‑il, doit naturellement gagner de l'argent pour pouvoir vivre et écrire, mais il ne doit en aucun cas vivre et écrire pour gagner de l'argent... L'écrivain ne considère aucunement ses travaux comme un moyen. Ils sont des buts en soi, ils sont si peu un moyen pour lui-même et pour les autres qu'il sacrifie au besoin son existence à leur existence... La première condition de la liberté de la presse consiste à ne pas être un métier. » Il est plus que jamais de circonstance de brandir cette déclaration contre ceux qui prétendent assujettir l'activité intellectuelle à des fins extérieures à elle-même et, au mépris de toutes les déterminations historiques qui lui sont propres, régenter, en fonction de prétendues raisons d'Etat, les thèmes de l'art. Le libre choix de ces thèmes et la non restriction absolue en ce qui concerne le champ de son exploration constituent pour l'artiste un bien qu'il est en droit de revendiquer comme inaliénable. Hors évidemment, le cas où son ((?) œuvre prendrait un sens hostile à la cause de l'émancipation humaine, ou entrerait en contradiction avec le matérialisme dialectique qui en est la clé) il ne doit avoir à répondre que devant son propre tribunal des formes de tentation variables qu'il subit. En matière de création artistique, il importe essentiellement que l'imagination échappe à toute contrainte, ne se laisse sous aucun prétexte imposer de filière. A ceux qui nous presseraient... que ce soit pour aujourd'hui ou pour demain, de consentir à ce que l'art soit volonté délibérée de nous en tenir à la formule : toute licence en art, sauf contre la révolution prolétarienne [3]. |
10) Nous reconnaissons, bien entendu, à l'Etat révolutionnaire le droit de se défendre contre la réaction bourgeoise agressive, même lorsqu'elle se couvre du drapeau de la science ou de l'art. Mais entre ces mesures imposées et temporaires d'auto‑défense révolutionnaire et la prétention d'exercer un commandement sur la création intellectuelle de la société, il y a un abîme. Si, pour le développement des forces productives matérielles, la révolution est tenue d'ériger un régime socialiste de plan centralisé, pour la création intellectuelle elle doit dès le début même établir et assurer un régime anarchiste de liberté individuelle. Aucune autorité, aucune contrainte, pas la moindre trace de commandement ! Les diverses associations de savants et les groupes collectifs d'artistes qui travailleront à résoudre des tâches qui n'auront jamais été si grandioses peuvent surgir et déployer un travail fécond uniquement sur la base d'une libre amitié créatrice, sans la moindre contrainte de l'extérieur. |
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11) De ce qui vient d'être dit il découle clairement qu’en défendant la liberté de la création, nous n'entendons aucunement justifier l'indifférentisme politique et qu'il est loin de notre pensée de vouloir ressusciter un soi‑disant art « pur » qui d'ordinaire sert les buts plus qu'impurs de la réaction. Non, nous avons une trop haute idée de la fonction de l'art pour lui refuser une influence sur le sort de la société. Nous estimons que la tâche suprême de l'art à notre époque est de participer consciemment et activement à la préparation de la révolution. Cependant, l'artiste ne peut servir la lutte émancipatrice que s'il s'est pénétré subjectivement de son contenu social et individuel, que s'il en a fait passer le sens et le drame dans ses nerfs et que s'il cherche librement à donner une incarnation artistique à son monde intérieur. |
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12) Dans la période présente, caractérisée par l'agonie du capitalisme, tant démocratique que fasciste, l'artiste, sans même qu'il ait besoin de donner à sa dissidence sociale une forme manifeste, se voit menacé de la privation du droit de vivre et de continuer son œuvre par le retrait devant celle‑ci de tous les moyens de diffusion. Il est naturel qu'il se tourne alors vers les organisations stalinistes qui lui offrent la possibilité d'échapper à son isolement. Mais la renonciation de sa part à tout ce qui peut constituer son message propre et les complaisances terriblement dégradantes que ces organisations exigent de lui en échange de certains avantages matériels lui interdisent de s'y maintenir, pour peu que la démoralisation soit impuissante à avoir raison de son caractère. Il faut, dès cet instant, qu'il comprenne que sa place est ailleurs, non pas parmi ceux qui trahissent la cause de la révolution en même temps, nécessairement, que la cause de l'homme, mais parmi ceux qui témoignent de leur fidélité inébranlable aux principes de cette révolution, parmi ceux qui, de ce fait, restent seuls qualifiés pour l'aider à s'accomplir et pour assurer par elle la libre expression ultérieure de tous les modes du génie humain. |
12) Dans la période présente, caractérisée par l'agonie du capitalisme, l'artiste, sans même qu'il donne à sa dissidence sociale une forme manifeste, se voit menacé de la privation du droit de vivre ((?)) et de continuer son œuvre par le retrait devant celle‑ci de tous les moyens de diffusion. Il est naturel qu'il se tourne alors vers... les organisations staliniennes qui lui offrent là le moyen d'échapper à son isolement... mais la renonciation, de sa part, à tout ce qui peut constituer son message propre et les complaisances que ces organisations exigent de lui en échange de quelques possibilités matérielles lui interdisent de s'y maintenir, pour peu que la démocratisation soit impuissante à avoir raison de son caractère. Il faut, dès cet instant, qu'il comprenne que sa place est ailleurs, non pas parmi ceux qui trahissent ((?... à la fois la cour)) la cause de la Révolution en même temps ((?)), que la cause de l'homme, mais parmi ceux qui témoignent de leur fidélité inébranlable aux principes de cette Révolution, parmi ceux qui, de ce fait, restent seuls ((?)) qualifiés pour l'aider à s'accomplir et pour assurer par elle... la libre expression ultérieure de tous les modes du génie humain. |
13) Le but du présent appel est de trouver un terrain pour réunir les tenants révolutionnaires de l'art, pour servir la révolution par les méthodes de l'art et défendre la liberté de l'art elle-même contre les usurpateurs de la révolution. Nous sommes profondément convaincus que la rencontre sur ce terrain est possible pour les représentants de tendances esthétiques, philosophiques et politiques passablement divergentes. Les marxistes peuvent marcher ici la main dans la main avec les anarchistes, à condition que les uns et les autres rompent implacablement avec l'esprit policier réactionnaire, qu'il soit représenté par Joseph Staline ou par son vassal Garcia Oliver [4]. |
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14) Des milliers et des milliers de penseurs et d'artistes isolés, dont la voix est couverte par le tumulte odieux des falsificateurs enrégimentés, sont actuellement dispersés dans le monde. De nombreuses petites revues locales tentent de grouper autour d'elles des forces jeunes, qui cherchent des voies nouvelles, et non des subventions. Toute tendance progressive en art est flétrie par le fascisme comme une dégénérescence. Toute création libre est déclarée fasciste par les stalinistes. L'art révolutionnaire indépendant doit se rassembler pour la lutte contre les persécutions réactionnaires et proclamer hautement son droit à l'existence. Un tel rassemblement est le but de la Fédération internationale de l'art révolutionnaire indépendant (F.I.A.R.I.) que nous jugeons nécessaire de créer. |
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15) Nous n'avons nullement l'intention d'imposer chacune des idées contenues dans cet appel, que nous ne considérons nous-mêmes que comme un premier pas dans la nouvelle voie. A toutes les représentations de l'art, à tous ses amis et défenseurs qui ne peuvent manquer de comprendre la nécessité du présent appel, nous demandons d'élever la voix immédiatement. Nous adressons la même injonction à toutes les publications indépendantes de gauche qui sont prêtes à prendre part à la création de la Fédération internationale et à l'examen de ses tâches et méthodes d'action. |
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16) Lorsqu'un premier contact international aura été établi par la presse et la correspondance, nous procéderons à l'organisation de modestes congrès locaux et nationaux. A l'étape suivante devra se réunir un congrès mondial qui consacrera officiellement la fondation de la Fédération internationale. |
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Ce que nous voulons : l'indépendance de l'art – pour la révolution; la révolution ‑ pour la libération définitive de l'art. |
Ce que nous voulons : l'indépendance de l'art – pour la révolution; la révolution ‑ pour la libération définitive de l'art. |
Notes
[1] Ce paragraphe est indubitablement de la main de Trotsky.
[2] On notera dans ce paragraphe incontestablement rédigé par Trotsky l'affirmation concernant « l'ennemi le plus perfide et le plus dangereux », déjà rencontrée, se refusant ainsi à faire une balance égale entre « stalinisme » et « social‑démocratie », contrairement à une interprétation couramment répétée.
[3] On relève ici que Breton avait écrit « toute licence en art, sauf contre la révolution prolétarienne » ‑ et que Trotsky n'a pas estimé qu'il s'agirait là d'une véritable « licence » pour l'art, faisant supprimer la réserve « sauf contre la révolution prolétarienne ».
[4] Garcia Oliver était anarchiste.