1940 |
En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat. |
Manifeste d'alarme de la IV° Internationale
Tâches de la révolution en Inde
Dès les tout premières semaines de la guerre, les masses indiennes ont exercé une pression grandissante obligeant les dirigeants nationaux « opportunistes » à parler un langage inhabituel. Mais malheur au peuple indien s'il fait confiance à ces paroles ronflantes ! Sous le masque du mot d'ordre d'indépendance nationale, Gandhi s'est déjà hâté de proclamer son refus de créer des difficultés à la Grande‑Bretagne pendant la sévère crise actuelle [1]. Comme si les opprimés, où et quand que ce soit, avaient jamais pu se libérer sauf en exploitant les difficultés de leurs oppresseurs !
La répugnance « morale » de Gandhi pour la violence reflète la peur de la bourgeoisie indienne devant ses propres masses. Elle a d'excellentes raisons de présumer que l'impérialisme britannique va l'entraîner aussi dans le désastre. Londres, pour sa part, prévient qu'au moindre signe de désobéissance, elle appliquera « toutes les mesures nécessaires », y compris, bien sûr, cette aviation qui fait si cruellement défaut sur le front Ouest. Il existe une nette division du travail entre la bourgeoisie coloniale et le gouvernement britannique : Gandhi a besoin des menaces de Chamberlain et de Churchill [2] pour mieux arriver à paralyser le mouvement révolutionnaire.
Dans le proche avenir, l'antagonisme entre les masses indiennes et la bourgeoisie promet de s'aggraver au fur et à mesure que la guerre impérialiste deviendra de plus en plus une gigantesque entreprise commerciale pour la bourgeoisie indienne. En ouvrant un marché exceptionnellement favorable pour les matières premières, elle peut promouvoir rapidement l'industrie indienne. Si la destruction complète de l'Empire britannique coupe le cordon ombilical qui relie le capital indien à la City de Londres, la bourgeoisie nationale recherchera vite un nouveau patron à Wall Street. Les intérêts matériels de la bourgeoisie déterminent sa politique avec la force des lois de la gravitation.
Tant que le mouvement de libération est contrôlé par la classe exploiteuse, il est incapable de sortir de l'impasse. Le seul moyen de garder l'Inde soudée est la révolution agraire sous le drapeau de l'indépendance nationale. Une révolution dirigée par le prolétariat sera dirigée non seulement contre la domination britannique, mais aussi contre les princes indiens, les concessions étrangères, la couche supérieure de la bourgeoisie nationale et les dirigeants du Congrès national aussi bien que ceux de la Ligue musulmane [3]. C'est la tâche urgente de la IV° Internationale que de créer en Inde une section stable et puissante.
La politique traîtresse de collaboration de classe à travers laquelle le Kremlin, au cours des cinq dernières années, a aidé les gouvernements capitalistes à préparer la guerre, a été brutalement liquidée par la bourgeoisie, dès qu'elle n'a plus eu besoin d'un déguisement pacifiste. Mais, dans les pays coloniaux et semi‑coloniaux ‑ non seulement en Chine et en Inde, mais en Amérique latine ‑, la fraude du « Front populaire » continue à paralyser encore les masses ouvrières, en faisant de la chair à canon pour la bourgeoisie « progressiste » et créant ainsi une base politique indigène pour l'impérialisme.
Notes
[1] Mohandas Gandhi (1869‑1948) assurait qu'il serait immoral de faire des difficultés à quelqu'un qui se bat pour sa vie.
[2] Winston Churchill (1874‑1965), aristocrate, dirigeant conservateur britannique, caractérisé par sa haine de la révolution et sa méfiance de l'Allemagne, lord de l'amirauté du gouvernement Chamberlain en septembre 1939, était devenu Premier Ministre le 10 mai 1940. Arthur Neville Chamberlain (1869‑1940), d'une famille d'industriels conservateurs avait été Premier Ministre du 26 mai 1937 au 10 mai 1940. Il avait vainement tenté d'apaiser Hitler et de le tourner vers l'Est; notamment lors des accords de Munich.
[3] Le Congrès national indien, animé à l'époque par des hommes aussi différents, voire opposés, que Gandhi, Nehru et Chandra Bose, était le parti nationaliste indien dont le caractère « hindou » s'était accentué avec la création ‑ appuyée par les Britanniques ‑ de la Ligue Musulmane de M. A. Jinnah.