1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

Nous avons subi l'épreuve


Ce qui caractérise une organisation révolutionnaire authentique, c’est avant tout le sérieux avec lequel elle élabore et éprouve sa ligne politique à chaque tournant nouveau des événements. Le centralisme est fécondé par la démocratie.

En pleine guerre, nos sections discutent passionnément toutes les questions de la politique prolétarienne, testant les méthodes et écartant au passage les éléments instables qui nous ont rejoints seulement à cause de leur opposition à la Il° et à la III° Internationales. La séparation d'avec des compagnons de route indignes de confiance est un faux frais inévitable dans la formation d'un authentique parti révolutionnaire.

L'écrasante majorité de nos camarades dans différents pays a soutenu victorieusement la première épreuve de la guerre. Ce fait est d'une signification inestimable pour l'avenir de la IV° Internationale. Chaque membre de base de notre organisation n'est pas seulement autorisé mais tenu de se considérer à partir de maintenant comme un officier de l'armée révolutionnaire qui sera constituée dans le feu des événements. L'entrée des masses sur l'arène révolutionnaire va révéler tout de suite l'insignifiance des programmes opportuniste pacifiste et centriste. Un seul véritable révolutionnaire dans une usine, une mine, un syndicat, un régiment, un bateau de guerre, vaut infiniment mieux que des centaines de petits-bourgeois pseudo-révolutionnaires cuisant dans leur propre jus.

Les hommes politiques de la grande bourgeoisie sont de loin mieux à même de se retrouver avec le rôle de la IV° Internationale que nos petits-bourgeois pédants. A la veille de la rupture des relations diplomatiques, l'ambassadeur français Coulondre [1] et Hitler, cherchant, au cours de leur dernière entrevue, à se faire peur l'un à l'autre, se sont retrouvés d'accord sur le fait que « le seul vrai vainqueur » serait la IV° Internationale [2]. Lors du déclenchement des hostilités contre la Pologne, la grande presse de France, Danemark et autres pays, a publié des dépêches disant que, dans les quartiers ouvriers de Berlin étaient apparues des affiches sur les murs : « A bas Staline ! Vive Trotsky ! » Cela signifie : « A Bas la III° Internationale ! Vive la IV° Internationale ! ». Quand une manifestation a été organisée par les plus résolus des ouvriers et des étudiants pour l'anniversaire de l'indépendance nationale [3], le « Protecteur », le baron von Neurath [4] a publié une déclaration officielle reportant la responsabilité de cette manifestation sur les « trotskystes » tchèques. La correspondance de Prague parue dans le journal éditté par Beneš [5], l'ancien président de la république tchèque confirme le fait que les ouvriers tchèques sont en train de devenir « trotskystes ». Pour le moment, ce ne sont que des symptômes. Mais ils indiquent sans qu'on puisse se tromper le sens du développement.

La nouvelle génération d'ouvriers que la guerre va pousser sur la route de la révolution se rangera à sa place sous notre drapeau.


Notes

[1] Robert Coulondre (1885-1959) était ambassadeur de France à Berlin lors de la déclaration de guerre.

[2] En fait, le nom de « IV° Internationale » n'avait pas été prononcé, seulement celui de « Trotsky » dont on comprend la réserve.

[3] L'anniversaire de la naissance de la Tchécoslovaquie est le 28 octobre (commémoration de 1918).

[4] Le baron Konstantin von Neurath (1873-1956), diplomate de carrière et nazi, était « protecteur » de Bohême-Moravie depuis 1939.

[5] Eduard Beneš (1884-1948), président de la République tchécoslovaque avait démissionné après Munich et se trouvait en émigration à Londres.


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