1927

La plate-forme des bolcheviks-léninistes (Opposition) pour le XV° Congrès du PC de l'URSS. Un domument élaboré par Trotsky et Zinoviev, repris par 13 membres du CC et de la CCC, puis par près de 10 000 communistes.

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Plate-forme pour le XV° congrès du PCUS

Opposition bolchévique unifiée


V. Les soviets

L'appareil bureaucratique de n'importe quel État bourgeois, indépendamment de sa forme, domine la population, lie étroitement la caste dirigeante, inculque aux travailleurs le respect et la peur du Gouvernement. La Révolution d'Octobre, qui remplaça l'ancienne structure de l'État par les Soviets des ouvriers, des paysans et des soldats, porta le coup le plus terrible qu'ait enregistré l'Histoire au gouvernement bureaucratique. Le programme du parti dit à ce propos :

Le PCR, en menant la lutte la plus énergique contre le bureaucratisme, pour vaincre complètement ce fléau, prend les mesures suivantes : attirer chaque membre des soviets dans l'accomplissement d'un certain travail de direction de l'État ; afin de familiariser les membres des soviets avec tous les domaines du travail de direction de l'État, chacun, à tour de rôle, occupera les différentes fonctions ; attirer, petit à petit, toute la population laborieuse à la direction de l'État. L'application intégrale de ces différentes mesures nous donne la possibilité de faire un pas en avant dans la voie déjà t cée par la Commune de Paris, qui conduit à la simplification de l'appareil de direction au fur et à mesure que le niveau culturel des travailleurs s'élève ; ces mesures nous mènent vers la suppression du pouvoir étatique. »

Le bureaucratisme soviétique ne se manifeste pas exclusivement dans la lenteur administrative, le nombre exagéré des fonctionnaires, etc., mais il joue un rôle de classe, par ses liaisons, ses amitiés, sa force, ses privilèges, ses rapports avec le nepman et le manœuvre, l'intellectuel et l'illettré, la femme d'un « haut » fonctionnaire et la simple paysanne, etc. Qui est soutenu par le fonctionnaire? Telle est la question primordiale qui se pose journellement devant des millions de travailleurs.

Encore à la veille de la Révolution d'Octobre, Lénine s'appuyant sur l'analyse faite par Marx de la Commune de Paris soutenait fortement cette idée que dans un État socialiste les gens occupant des fonctions publiques cesseront d'être des « bureaucrates », des « fonctionnaires », dans la mesure où on introduira, entre l'éligibilité, le droit d'être remplacé, à n'importe quel moment; dans la mesure où on abaissera le salaire au niveau du salaire moyen des ouvriers ; dans la mesure où on remplacera les institutions parlementaires par des institutions qui édictent les lois et les appliquent elles-mêmes.

Quelle voie emprunte, dans ces derniers temps, le développement de l'appareil d'État soviétique ? Est-ce celle des simplifications, de la diminution des dépenses, de la prolétarisation, du rapprochement des travailleurs des villes et des campagnes, de la diminution de la « distance » entre les gouvernants et les gouvernés ? Où en est-on dans le domaine de l'égalité des conditions de vie, des droits et des devoirs ? Avons-nous, dans ce domaine, fait un pas en avant ? Il est clair qu'on ne petit répondre par l'affirmative à aucune de ces questions.

Il est évident quela réalisation de l'égalité complète et réelle n'est possible que dans les conditions de la disparition des classes. A l'époque de la Nep, la réalisation de l'égalité est plus difficile, elle est ralentie mais ne disparaît pas. La Nep, pour nous, est le chemin vers le socialisme et non vers le capitalisme ; par conséquent, une des tâches principales du parti reste, pendant la Nep, d'attirer progressivement au travail de direction de l'État toute la population laborieuse et de lutter systématiquement pour une égalité plus grande. Cette lutte ne sera victorieuse qu'à la condition que l'industrialisation du pays se développe et que le rôle dirigeant du prolétariat grandisse dans tous les domaines de l'édification économique et culturelle. La lutte pour une égalité plus grande n'exclut pas, dans la période transitoire actuelle, une rémunération plus grande des spécialistes de l'industrie, de même qu'elle n'exclut pas une meilleure rémunération des ouvriers qualifiés, l'élévation des conditions de vie à un niveau supérieur à celui des pays bourgeois, etc.

Il faut qu'on se rende compte clairement que, chez nous, ces derniers temps, l'armée des fonctionnaires a grandi et qu'elle se soude intérieurement, s'élève au-dessus des administrés, se lie aux couches aisées des villes et des campagnes.

En 1925, les « instructions » électorales accordant des droits électoraux à des éléments capitalistes fort nombreux, démontrent d'une manière éclatante la façon dont l'appareil bureaucratique, y compris sa tête, répond aux exigences des couches supérieures, des riches, de ceux qui accumulent et s'enrichissent. L'annulation de ces « instructions » qui, en fait, violaient la Constitution soviétique, a été prononcée - cela ne fait aucun doute - par suite des critiques de l'Opposition. Mais, déjà, les premières réélections qui se sont faites, selon les nouvelles instructions, ont démontré que, dans divers endroits, existe une tendance, encouragée d'en haut, à enlever au plus petit nombre possible des couches aisées les droits électoraux.

Mais ceci n'est plus le centre de la question. Le poids spécifique de la nouvelle bourgeoisie et des koulaks grandit sans cesse, ils se rapprochent des bureaucrates et, aidés par les fautes de la direction, le koulak et le nepman, même n'avant plus de droits politiques, gardent néanmoins la possibilité d'influencer, tout en restant derrière les coulisses, la composition et la politique des organes de base du pouvoir soviétique.

La pénétration des éléments koulaks, « sous-koulaks » et de la petite bourgeoisie des villes dans les soviets de base, pénétration qui a commencé en 1925 et fut partiellement arrêtée par la résistance de l'Opposition, représente un processus politique très important. Les conséquences les plus funestes pour la dictature du prolétariat peuvent résulter de la négligence ou de la dissimulation de ce processus.

Les soviets des villes, arme principale pour attirer les ouvriers et en général les travailleurs à la direction de l'État, s'éloignent, ces dernières années, de leur but, reflétant de cette façon un regroupement dans les rapports de classe aux dépens du prolétariat.

On ne peut combattre ces phénomènes par une « activisation » administrative des soviets, mais seulement par une ferme ligne de classe, en menant la lutte contre les nouveaux exploiteurs, en augmentant l'activité et l'influence du prolétariat et des paysans pauvres dans toutes les institutions soviétiques sans exception ainsi que dans tous les organes de l'État soviétique.

La « théorie » de Molotov, qui dit qu'on ne peut pas exiger le rapprochement des ouvriers de l'État et l’État des ouvriers car, dit-il, notre État est déjà un État ouvrier (Pravda, 13-12-1925), représente une formule malsaine du bureaucratisme, car elle couvre d'avance toutes les altérations bureaucratiques. La critique de la « théorie » anti-léniniste de Molotov, qui trouve un appui tacite de la part de larges cercles des administrations soviétiques, est représentée par le cours actuel comme une déviation social-démocrate, alors que la lutte la plus catégorique contre une telle « théorie » et des « théories » semblables est le seul moyen de lutter effectivement contre le bureaucratisme, non pas en transformant un certain nombre d'ouvriers en fonctionnaires, mais en rapprochant les couches inférieures des ouvriers et des pays de tout l'appareil d'État, dans toutes ses fonctions quotidiennes.

La lutte officielle contre le bureaucratisme, qui ne s'appuie pas sur l'activité de classe du prolétariat et qui essaie de la remplacer par les efforts de l'appareil lui-même, ne donne pas et ne peut donner de résultats appréciables et dans beaucoup de cas renforce le bureaucratisme existant.

Dans la vie intérieure des soviets se sont manifestés, pendant cette dernière période, divers processus à caractère négatif. Les soviets s'écartent de plus en plus des solutions des problèmes politiques, économiques et culturels essentiels, et deviennent des adjonctions aux Comités exécutifs et aux bureaux de ceux­-ci. Tout le travail de direction est concentré dans les mains de ces derniers. L'examen des questions dans les plénums des soviets n'a qu'un caractère de pure exhibition. En même temps, on prolonge les délais fixés par les réélections des organes soviétiques, on augmente l'indépendance de ces derniers vis-à-vis des larges masses ouvrières. Tout ceci renforce étrangement le poids des fonctionnaires dans les solutions des diverses questions.

Les camarades élus à des postes très importants sont remplacés, au premier différend avec le président du Soviet, et encore plus vite si ce différend se produit avec le secrétaire du Comité Régional du Parti ; de cette manière, l'éligibilité, en fait, est supprimée ; la responsabilité directe, vis-à-vis des ouvriers, diminue.

Il est nécessaire :

  1. De prendre une ligne ferme, léniniste, dans la lutte contre le fonctionnarisme, en limitant les aspirations capitalistes de la nouvelle bourgeoisie et des koulaks, en introduisant progressivement la démocratie ouvrière dans le parti, les syndicats et les soviets.
  2. D'appliquer le mot d'ordre de rapprochement des ouvriers, des ouvriers agricoles, des paysans pauvres et des paysans moyens de l'État, en subordonnant l'appareil d'État aux exigences vitales des larges masses travailleuses.
  3. D'activer les soviets et d'élever l'activité politique de classe des ouvriers, des ouvriers agricoles, des paysans pauvres et moyens.
  4. De transformer les soviets des villes en de véritables organes du pouvoir prolétarien, instruments destinés à entraîner les larges masses des travailleurs à la tâche de direction dans la construction socialiste. Réaliser, non en paroles, mais en fait le contrôle de la part des soviets des villes sur le travail du Comité Exécutif départemental et des organes qui leur sont subordonnés.
  5. Cesser définitivement d'écarter des camarades élus aux postes de direction du travail soviétique, à l'exception des cas vraiment indispensables, susceptibles d'être compris par les électeurs.
  6. De tenter d'arriver à ce que n'importe quel manœuvre ou n'importe quelle paysanne soient convaincus, l'expérience aidant, que dans n'importe quelle institution soviétique ils trouveront de l'attention, des conseils et un soutien.

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