1927

La plate-forme des bolcheviks-léninistes (Opposition) pour le XV° Congrès du PC de l'URSS. Un domument élaboré par Trotsky et Zinoviev, repris par 13 membres du CC et de la CCC, puis par près de 10 000 communistes.

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Plate-forme pour le XV° congrès du PCUS

Opposition bolchévique unifiée


VI. La question nationale

La ralentissement général du rythme du développement socialiste, la croissance de la nouvelle bourgeoisie à la ville et à la campagne, le renforcement des intellectuels bourgeois, le développement du bureaucratisme dans les organes d'État, le mauvais régime intérieur du parti, le développement qui en découle, le chauvinisme et, en général, le nationalisme, ont des répercussions néfastes dans les régions et les républiques nationales et elles s'aggravent encore des survivances pré-capitalistes.

A l'époque de la Nep, le rôle du capital grandit surtout dans les régions éloignées du Centre, retardataires du point de vue industriel. Les organes économiques misent, là-bas, assez souvent sur le capital privé ; ils fixent les prix sans tenir compte de la véritable situation des masses paysannes pauvres et moyennes ; ils baissent artificiellement les salaires des ouvriers agricoles, élargissent le système des intermédiaires privés et bureaucratisés entre l'industrie et les paysans, fournisseurs des matières premières. Ils dirigent la coopération dans une voie surtout profitable aux couches aisées (le la campagne, dédaignent de se préoccuper des intérêts des couches arriérées, des éleveurs et des éleveurs partiels de bétail. On laisse complètement à l'écart la tâche essentielle de la réalisation d'un plan de construction industrielle dans les régions autonomes, surtout le plan de transformation industrielle des matières premières provenant de l'agriculture.

Le bureaucratisme, s'appuyant sur le chauvinisme, a réussi à transformer la centralisation soviétique en une source de frictions pour le partage des sièges de fonctionnaires entre diverses nationalités (Fédération transcaucasienne) ; il a réussi à gâter les rapports entre le Centre et les régions éloignées et a, en fait, anéanti le Soviet des nationalités ; il est devenu à un tel point le tuteur des Républiques autonomes que celles-ci n'ont même plus le droit de résoudre les conflits concernant les terres, qui surgissent entre les populations indigène et russe. Jusqu'à aujourd'hui, le chauvinisme, surtout quand il se manifeste par l'intermédiaire de l'appareil d'État, reste le principal ennemi du rapprochement et de l'union des masses travailleuses des diverses nationalités.

Le soutien véritable de la paysannerie pauvre, le rapprochement de la masse essentielle des paysans moyens avec les paysans pauvres et les ouvriers agricoles et l'organisation de ces derniers en force de classe indépendante, revêtent une signification particulière dans les Républiques et régions nationales. Sans une organisation véritable des ouvriers agricoles, sans une organisation coopérative unissant les paysans pauvres, nous risquons de laisser la campagne orientale dans son état d'esclavage traditionnel et nos cellules du Parti sans de véritables éléments de base.

La tâche des communistes et de ceux des nationalités arriérées qui s'éveillent doit consister à diriger le processus de l'éveil national sur la voie soviétique socialiste, en attirant les masses travailleuses à la construction économique et culturelle, en particulier en aidant à développer la langue indigène, les écoles et la « nationalisation » de l'appareil soviétique.

Là où se produisent des frictions avec d'autres nationalités et les minorités nationales, le nationalisme, par suite de la croissance des éléments bourgeois, devient souvent directement agressif. Dans ces conditions, la « nationalisation » de l'appareil soviétique local se fait aux dépens des minorités nationales. Les questions concernant les frontières des républiques et régions autonomes deviennent des sujets de discussions éternelles. L'atmosphère du travail du Parti, des soviets et des syndicats est empoisonnée par le nationalisme.

« L'ukrainisation », la « turkménisation », etc. ne peuvent être justement appliquées qu'à la condition de surmonter les habitudes bureaucratiques et « grand-étatistes » des institutions et des organes de l'Union, seulement à la condition que le prolétariat, dans les républiques nationales, joue le rôle principal, seulement à la condition, d'une part, de s'appuyer sur les couches infériorisées de la campagne et, d'autre part, de lutter sans merci contre les éléments koulaks et les éléments chauvins.

Ces questions revêtent une importance particulière lorsqu'on parle du Bassin du Don ou de Bakou, où la population prolétarienne, pour la plus grande partie, n'est pas de la même nationalité que celle des habitants des campagnes environnantes. Dans ces conditions, les rapports politiques et culturels mutuels entre la ville et la campagne ne sont possibles qu'à la condition :

  1. D'accorder une attention fraternelle toute particulière de la ville envers les besoins matériels et moraux de la campagne dont la nationalité de la population est différente de celle des villes ;
  2. D'empêcher fermement toute tentative de la part de la bourgeoisie pour s'interposer entre la ville et la campagne, soit qu'elle cherche à créer un état d'esprit bureaucratique et de mépris de la ville envers la campagne, soit qu'elle cherche à créer, à la campagne, une jalousie koulak, réactionnaire envers la ville.

Le régime bureaucratique met entre les mains des fonctionnaires, des spécialistes, des instituteurs petits-bourgeois, la « nationalisation » superficielle, à caractère d'exhibition, de l'appareil d'État. Ces éléments sont liés par de multiples liens sociaux avec les couches supérieures des villes et des campagnes et ils adaptent leur politique à la défense des intérêts de ces groupes. Ceci éloigne la paysannerie locale pauvre du Parti, du pouvoir soviétique et, en même temps, la lance dans les bras de la bourgeoisie commerçante locale, des usuriers, du clergé réactionnaire, des éléments du féodalisme patriarcal. En même temps, le régime bureaucratique repousse au dernier plan les véritables tendances communistes concernant la question des nationalités, déclarant souvent que ce sont des « déviations », en persécutant les auteurs de toutes ses forces. Ceci s'est passé, à titre d'exemple, avec un groupe important de vieux bolchevik géorgiens qui ont été mis en disgrâce par le groupe Staline, mais qui avaient été chaleureusement défendus par Lénine durant la dernière période de sa vie. Le soulèvement des masses travailleuses des républiques et régions à minorités nationales, concrétisé par la Révolution d'Octobre, provient de ce que ces masses aspirent à participer directement et indépendamment à la construction pratique, tandis que le régime bureaucratique paralyse ces aspirations en cherchant à les intimider en agitant le danger du nationalisme local.

Le XII° Congrès du PC (Bolchevik) a reconnu la nécessité de la lutte contre les « survivances » chauvines et grand-étatistes, contre « l'inégalité économique et culturelle des diverses nationalités de l'Union », contre « les survivances » nationalistes qui se font jour clans les diverses minorités nationales qui ont subi une oppression nationale terrible ».

La IV° Conférence (1923), avec les dirigeants responsables des diverses républiques et régions à minorités nationales, a démontré « qu'une des tâches primordiales du parti est de faire croître et de développer, parmi les éléments prolétariens et semi-prolétariens, les organisations communistes des républiques et régions à minorités nationales ». La Conférence a reconnu à l’unanimité que les communistes envoyés du Centre dans les républiques et les régions arriérées doivent jouer « non un rôle de pédagogues, de bonnes d'enfants, mais remplir le rôle de collaborateurs » (Lénine). Malgré cela, pendant les dernières années, le travail s'est développé précisément dans un sens opposé. Les sommets de l'appareil du Parti, dans les républiques ou les régions nationales, nommés par le Secrétariat du CC résolvent eux-mêmes toutes les questions d'ordre soviétique ou de parti, éliminent les militants indigènes, estimés par eux comme des communistes de deuxième classe, attirés à l'accomplissement de tâches « pour la forme » (Crimée, Transcaucasie, Turkestan, Gorsky Obiasty, Régions montagneuses, Caucase du Nord, etc.). La division artificielle des militants locaux en « droitiers » et « gauchistes » est un système qui permet aux secrétaires nommés par le Centre de diriger, sans aucun contrôle, les deux groupes.


Dans le domaine de la politique nationale, ainsi que dans d'autres domaines, il faut revenir à la position de Lénine.

  1. Accomplir plus systématiquement, avec plus de continuité et d'énergie, le travail pour surmonter les frictions nationales parmi les ouvriers de diverses nationalités. Entourer de soins particuliers les nouveaux éléments ouvriers indigènes, en augmentant la qualification de leur travail, en améliorant leurs conditions de logement, de vie, etc.
    Se rappeler fermement que le levier indispensable pour attirer à la construction soviétique la campagne indigène arriérée est la création et l'éducation des cadres prolétaires de la population indigène.
  2. Réviser le plan économique quinquennal dans le sens de l'accélération du rythme d'industrialisation des régions éloignées qui, industriellement, sont retardataires, et élaborer un plan général pour 15 ans en tenant compte des intérêts des républiques et des régions à minorités nationales. Accorder la politique d'approvisionnement à la tâche du développement des cultures spéciales des économies pauvres et moyennes (kapok en Asie Mineure, tabac en Crimée, en Abhasie, etc.). La coopération, la politique des crédits doivent être inspirées en Asie Mineure, Transcaucasie, etc. par la stricte ligne de classe, en rapport avec les tâches essentielles de la construction socialiste. Accorder une plus grande attention à la coopérative d'élevage. Il faut réaliser sur place, en tenant compte des conditions particulières, la transformation industrielle des matières premières provenant de l'agriculture.
    La politique d'émigration doit être révisée en tenant compte de la juste ligne dans la question nationale.
  3. Réaliser avec bonne foi la « nationalisation » de l'appareil soviétique, de celui du Parti, des syndicats et des coopératives, en tenant compte des rapports mutuels des diverses minorités nationales. Lutter avec force contre les déviations colonialistes dans l'activité des organes d'État, des coopératives, etc. Diminuer le rôle des intermédiaires bureaucratiques dans les rapports entre les régions éloignées et le Centre. Voir, en s'appuyant sur l'expérience de la Fédération transcaucasienne, si le travail accompli par elle concorde avec le développement des intérêts économiques et culturels des minorités nationales transcaucasiennes.
  4. Surmonter systématiquement toutes les difficultés pour pouvoir réaliser au plus haut point le rapprochement et l'union des travailleurs des diverses nationalités de l’URSS autour de la construction socialiste et de la révolution mondiale. Lutter contre l'obligation pour les ouvriers et les paysans d'une nationalité de se servir de la langue d'une nationalité prépondérante ; dans cette question, les masses travailleuses doivent être libres de choisir leur langue. Garantir les droits réels de chaque minorité nationale, dans les ordres des républiques et régions nationales. Exiger que dans ce travail on tienne compte des rapports entre les nations opprimées et les nations qui, avant, étaient des nations oppresseuses.
  5. Instaurer progressivement la démocratie intérieure du Parti dans toutes les républiques et les régions nationales. Il faut renoncer complètement à commander les militants indigènes, à continuer la politique de nomination d'office et celle de l'exil. Il faut renoncer à la politique de classement arbitraire des communistes indigènes en « droitiers » et « gauchistes ». Il faut s'occuper sérieusement d'éduquer et de faire sortir du rang les militants obscurs des milieux prolétariens, semi­-prolétariens, d'ouvriers agricoles et de paysans (luttant contre les koulaks).
  6. Lutter contre les tendances oustrialovistes et « grand-étatistes », surtout dans les commissariats centraux et dans l'appareil d'État en général. Il faut lutter idéologiquement contre le nationalisme local en réalisant, avec clarté et d'une façon suivie, une politique de classe dans la question nationale.
  7. Transformer le Soviet des nationalités en véritable organe travaillant en liaison avec les républiques et les régions et pouvant défendre effectivement leurs intérêts.
  8. Accorder l'attention nécessaire au côté national du travail syndical. Se préoccuper de la formation des cadres du prolétariat indigène. Le travail des syndicats doit se faire dans la langue maternelle en sauvegardant les intérêts de toutes les nationalités et des minorités nationales.
  9. Enlever absolument à tous les éléments exploiteurs les droits électoraux.
  10. Convoquer la V° Conférence des Nationalités en y faisant participer réellement les représentants de la « base ».
  11. Publier dans la presse les lettres de Lénine sur la question nationale, qui contiennent en elles-mêmes la critique de la ligne de Staline dans la question nationale.

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