La plate-forme des bolcheviks-léninistes (Opposition) pour le XV° Congrès du PC de l'URSS. Un domument élaboré par Trotsky et Zinoviev, repris par 13 membres du CC et de la CCC, puis par près de 10 000 communistes. |
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Plate-forme pour le XV° congrès du PCUS
Opposition bolchévique unifiée
La guerre des impérialistes contre l'URSS est non seulement probable mais inévitable.
Retarder le plus possible ce danger, gagner le plus possible de temps pour le renforcement de l'URSS pour unir le prolétariat mondial révolutionnaire, ce doit être une de nos tâches pratiques les plus importantes. Seule la révolution prolétarienne victorieuse dans les principaux pays peut éloigner ce danger.
Les dangers d'une guerre mondiale s'accroissent parce que :
La rupture des relations diplomatiques entre l'Angleterre et l'URSS se préparait de longue main, mais la défaite de la révolution chinoise a précipité les événements. En ce sens, la rupture des relations diplomatiques est la rétribution payée au Comité Central du PC de l'URSS pour son refus d'appliquer en Chine une véritable politique bolchevique. Il serait complètement faux de croire que la rupture, en fait, ne se réduit qu'aux changements de forme du commerce entre l'Angleterre et nous (« faire du commerce comme on en fait avec l'Amérique »). Actuellement, il est plus clair que l'Angleterre impérialiste a un plan d'action beaucoup plus vaste. Elle prépare la guerre contre l'URSS, ayant un mandat moral de la bourgeoisie de quelques pays et escomptant pouvoir d'une manière ou d'une autre, entraîner dans cette guerre contre nous la Pologne, la Roumanie, les Pays baltes, peut-être même la Yougoslavie, l'Italie, la Hongrie, etc.
La Pologne, cela est visible, préférerait avoir encore un certain délai pour la préparation de la guerre contre nous. Il n'est pas impossible que l'Angleterre l'oblige à faire la guerre avant qu'elle ne le veuille.
En France, la pression anglaise, en vue d'un front contre nous, trouve un appui dans la partie influente de la bourgeoisie qui devient de plus en plus exigeante dans ses prétentions et qui, évidemment, à un moment favorable pour elle, ne s'arrêtera pas devant la rupture.
Il devient de plus en plus clair qu'en fait, malgré les « courtoisies » de la diplomatie allemande, ces derniers temps, l'Allemagne s'oriente vers l'Ouest. La bourgeoisie allemande dit déjà ouvertement qu'en cas de guerre contre l'URSS, elle restera, les premiers temps, « neutre » (à la manière de l'Amérique en 1914), pour pouvoir s'enrichir le plus possible à la faveur de la guerre, et pour vendre, par la suite, à un prix très élevé, ouvertement sa neutralité aux impérialistes d'Occident. Rien ne peut être plus malsain pour les intérêts vitaux de l'URSS que de dissimuler le changement de la bourgeoisie allemande dans le sens d'une « orientation », vers l'Occident.
Car, un coup inattendu de la part de l'Allemagne bourgeoise peut avoir une portée décisive. Ce n'est qu'en disant ouvertement « ce qui est », ce n'est qu'en tenant éveillée la vigilance des ouvriers de l'URSS et celle des ouvriers allemands, que nous pouvons nous préserver contre un tel coup, ou tout an moins empêcher la bourgeoisie allemande de le porter.
La bourgeoisie japonaise manceuvre vis-à-vis de l'URSS non moins habilement que celle de l'Allemagne. Elle sait très habilement cacher ses intentions, se donnant pour une « amie ». Elle a même, pendant un certain temps, empêché Tchang-Tso-Lin de mettre la main sur le chemin de fer de l'Est chinois. Cela ne l'empêche nullement, en cachette, de tendre les relations entre la Chine et l'URSS, et le temps viendra, peut-être bientôt, où elle jettera bas le masque dans ses véritables rapports envers nous.
Dans le Proche-Orient (Turquie, Perse), nous n'avons, en tout cas, pas acquis une situation qui puisse garantir à l'URSS même une simple neutralité ferme en cas d'une attaque des impérialistes contre nous. Il faut plutôt s'attendre, dans ce cas, à ce que les gouvernements de ces États, sous la pression des impérialistes, soient prêts à fournir leur aide contre l'URSS .
En cas d'agression contre nous, l'Amérique, qui conserve entièrement ses rapports d'hostilité à l'égard de l'URSS, sera l'« arrière » impérialiste dont l'importance sera d'autant plus grande que c'est justement elle qui peut garantir les fonds nécessaires pour la guerre contre l'URSS.
En somme, si les années 1923-1925 furent les années de notre reconnaissance par un certain nombre d'États bourgeois, actuellement c'est la période des ruptures,
En 1923-1925, la période de reconnaissance ne signifiait pas en soi que la paix fût garantie, qu'on pouvait, pour une longue période, reprendre haleine. La période actuelle des ruptures ne signifie pas en soi que la guerre est inévitable dans le plus bref délai. Ce qui est certain, c'est que nous entrons dans une époque où la situation internationale est très tendue. Cette époque est grosse d'agressions contre l’URSS. Les contradictions à l'intérieur du monde capitaliste sont grandes. La réalisation d'un front uni de la bourgeoisie mondiale contre nous, pour une longue période, est très difficile, mais l'union de quelques États bourgeois contre nous, pour un certain laps de temps, est possible.
Tout ceci, pris en bloc, doit obliger notre parti : 1° Á reconnaître la situation internationale comme dangereuse; 2° Á remettre de nouveau en avant, au premier plan, devant les larges masses, la question de la politique internationale ; 3° Á mener de la façon la plus sérieuse une préparation, dans tous les domaines, de la défense de l'URSS en cas de guerre.
Les partis de la bourgeoisie, y compris la social-démocratie officielle, cherchent par tous les moyens à tromper le peuple sur le véritable caractère de cette guerre que les impérialistes préparent contre l'URSS Notre tâche consiste à commencer dès maintenant à expliquer aux masses les plus larges des peuples du monde entier, ce que sera la guerre des impérialistes du monde entier, ce que sera la guerre des impérialistes et des marchands d'esclaves contre le premier État de la dictature du prolétariat - la guerre du capitalisme contre le socialisme. Dans cette guerre, les impérialistes lutteront pour sauvegarder tout le système de l'esclavage capitaliste ; l'URSS luttera pour les intérêts du prolétariat mondial, pour les intérêts des colonies et des semi-colonies, des pays opprimés, pour la révolution mondiale, pour le socialisme.
Dès maintenant, toute notre agitation doit être menée sur les mots d'ordre suivants :
Notre défense de la patrie est la défense de la dictature du prolétariat. Notre guerre sera menée par l'ouvrier et l'ouvrier agricole, avec l'appui du paysan pauvre, avec comme allié le paysan moyen, et contre « notre » koulak, le nouveau bourgeois, le bureaucrate, le spécialiste oustrialoviste, et l'émigré blanc. Notre guerre est une guerre réellement juste. Qui n'est pas pour la défense de l'URSS est, sans objection possible, traître au prolétariat mondial.
La défaite de la révolution chinoise change le rapport réel des forces au profit de l'impérialisme - évidemment, seulement pour un certain temps. De nouvelles batailles révolutionnaires, une nouvelle révolution en Chine sont inévitables. Ceci est démontré par toute la situation de la Chine.
Les dirigeants opportunistes tentent, après coup, expliquer leur propre banqueroute par les soi-disant « rapports objectifs des forces », oubliant qu'ils prophétisaient encore hier au sujet de l'approche de la révolution socialiste en Chine, qui devait grandir par suite du même rapport des forces.
Le sort défavorable de la révolution chinoise dans le stade actuel provient - dans sa racine même - de la fausse direction du Parti communiste de l'URSS et de l'Internationale qui fut surtout la cause que, au moment le plus décisif en Chine, il n'y avait pas, en réalité, de véritable parti bolchevik. Mettre les fautes seulement sur le dos des communistes chinois, c'est agir de façon superficielle et peu digne.
Nous avons eu en Chine un essai classique d'application de la tactique menchevique pendant une révolution bourgeoise démocratique. Voilà la raison pour laquelle le prolétariat chinois, non seulement n'a pas conquis son « 1905 » victorieux (Lénine), mais a joué jusqu'à maintenant, en réalité, le même rôle que le prolétariat européen pendant les révolutions de 1848.
La particularité de la révolution chinoise, dans la situation internationale actuelle, n'est pas l'existence de la soi-disant bourgeoisie « libérale-révolutionnaire » sur laquelle reposait, pleine d'espérance, toute la ligne essentielle de Staline-Martinov- Boukharine - la particularité est la suivante :
En dehors de ce chemin, il ne reste que la voie menchevique d'alliance avec la bourgeoisie libérale qui mène inévitablement à la défaite de la classe ouvrière. C'est ce qui s'est passé en Chine en 1927.
Toutes les décisions des III° et IV° Congrès mondiaux de l'Internationale Communiste concernant les soviets en Orient, la pleine indépendance des partis communistes ouvriers dans les pays avec un mouvement national-révolutionnaire, l'union de la classe ouvrière avec la paysannerie contre « sa » bourgeoisie et l'impérialisme étranger, ont été oubliés.
La résolution du 7° Plenum élargi de l'Exécutif de l'lC (novembre 1926) non seulement n'a pas fait l'examen léniniste du développement, déjà grandiose à l'époque, des événements de Chine. mais, en entier, glissa sur la voie menchévique de Martinov. Ce Plenum, si incroyable que cela puisse paraître, n'a rien dit dans sa résolution, ni sur le premier coup d'État de Tchang Kaï-chek en mars 1926, ni sur les fusillades des ouvriers et paysans et les autres répressions effectuées par le pouvoir de Canton, qui ont eu lieu pendant l'été et l'automne 1926 en divers endroits, ni sur l'arbitrage obligatoire qui est dirigé en fait contre les ouvriers, ni sur l'écrasement des grèves ouvrières par le gouvernement de Canton, ni sur la protection accordée par le gouvernement cantonais aux organisations jaunes soudoyées par les industriels, ni sur les efforts du gouvernement de Canton en vue d'étouffer le mouvement paysan, de le limiter, de ne pas le laisser se développer et grandir. Dans la résolution du 7° Plenum, pas de mot d'ordre pour l'armement général des ouvriers, pas d'appel à la lutte contre les officiers contre-révolutionnaires ; les troupes de Tchang Kaï-chek sont représentées comme des troupes révolutionnaires. Il n'y a pas d'indication pour créer une presse communiste quotidienne et il n'est pas dit clairement, à pleine voix, la nécessité d'une véritable indépendance du Parti communiste. Le comble, c'est que le 7° Plenum élargi du CE de l'IC pousse les communistes à entrer dans le gouvernement national, ce qui, dans la situation qui s'était créée, ne pouvait que créer un préjudice énorme.
Dans la résolution du CE de l’IC, il est dit que « l'appareil du gouvernement national-révolutionnaire (ce qui veut dire de Tchang Kaï-chek) offre le véritable chemin pour se rapprocher de la paysannerie » et en même temps on prophétise (en novembre 1926) que « même certaines couches de la grande bourgeoisie (!) peuvent encore, pendant un certain temps, marcher avec la révolution ».
La résolution du 7° Plenum a passé sous silence le fait que le CC du Parti communiste chinois, après mars 1926, a pris l'engagement de ne pas critiquer le Sun-Yat-Senisme, a renoncé à tous les droits élémentaires d'un parti ouvrier indépendant, a mis en avant le programme agraire des cadets, et enfin, que le secrétaire du CC ChenDu-Siu, dans une lettre ouverte du 4 juillet 1926, reconnaissait le Sun-Yat-Senisme comme « la foi commune des ouvriers et des bourgeois dans le mouvement national » !
A peu près au même moment, les camarades russes les plus responsables donnaient des conseils dans ce sens que le développement de la guerre civile à la campagne peut affaiblir la combativité du Kuomintang, en d'autres termes, ils interdisaient le développement de la révolution agraire.
Le 5 avril 1927, quand il apparaissait que la situation était déjà suffisamment clarifiée, le camarade Staline, à la réunion des cadres du Parti de l'organisation de Moscou, tenue dans la salle des Colonnes, déclara que Tchang Kaï-chek était le champion de la lutte contre l'impérialisme, que Tchang Kaï-chek se soumettait à la discipline du Kuomintang et qu'il était, de ce fait, le plus sûr allié.
Au milieu du mois de mai 1927, alors que la situation s'était encore plus clarifiée, le camarade Staline déclara que le Kuomintang de Wouhan est « le Kuomintang révolutionnaire, débarrassé des éléments de droite du Kuomintang, qu'il est le centre révolutionnaire ».
Le 8° Plenum élargi du CE de l’IC (mai 19271) ne trouva pas les forces nécessaires pour corriger toutes ces fautes menchéviques. L'Opposition apporta devant le 8° Plenum du CE de l’IC la proposition suivante :
« Le Plenum agirait d'une façon juste en mettant une croix sur la résolution de Boukharine et en la remplaçant par une résolution de quelques lignes :
« Il ne faut pas que les paysans et les ouvriers placent leur confiance dans les chefs du Kuomintang de gauche, mais qu'ils constituent leurs soviets en s'unissant avec les soldats. Les soviets doivent armer les ouvriers et les paysans avancés. Il faut garantir au Parti communiste sa pleine indépendance, créer une presse quotidienne et lui assurer la direction dans la création des soviets. La terre doit immédiatement être prise aux propriétaires fonciers. La bureaucratie contre-révolutionnaire doit être immédiatement réprimée. Il faut châtier sur place les généraux qui trahissent et agir ainsi, en général, avec tous les contre-révolutionnaires. Il faut tendre tous les efforts pour instaurer la dictature démocratique par les soviets de députés ouvriers et paysans ».
Les tentatives faites par l'Opposition, pour prévenir le parti sur ce qu'est le « Kuomintang de Wouhan », qui n'est nullement un Kuomintang révolutionnaire, sont déclarées par Staline et Boukharine comme étant une « lutte contre le parti », une « attaque contre la révolution chinoise », etc.
Les communications, basées sur des faits, concernant la marche réelle de la révolution et de la contre-révolution en Chine, étaient ou cachées ou déformées. L'affaire est allée tellement loin que l'organe central de notre parti (Pravda, 3 juillet 1927) parlait, à propos du désarmement des ouvriers par les généraux chinois, de la « fraternisation des soldats avec les ouvriers ».
Staline, se moquant des enseignements de Lénine, essayait de prouver que le mot d'ordre des Soviets en Chine signifiait « lancer le mot d'ordre du passage à la dictature du prolétariat », tandis qu'en réalité, Lénine lançait, pendant la révolution de 1905, le mot d'ordre des soviets comme organes de la dictature démocratique des ouvriers et des paysans.
Le mot d'ordre des soviets en Chine, lancé en temps opportun par l'Opposition, provoqua, de la part de Staline et de Boukharine, l'accusation qu'elle « aidait la contre-révolution », etc. Quand les foyers du mouvement ouvrier et paysan furent détruits par « nos » généraux « révolutionnaires », Staline et Boukharine, pour cacher leur banqueroute, lancèrent d'une manière inattendue le mot d'ordre des soviets en Chine, pour l'oublier le lendemain.
Au début, le Parti communiste chinois était déclaré « la section modèle de l'Internationale Communiste » et la plus petite critique formulée par l'Opposition - au moment où ses fautes pouvaient être corrigées - était stigmatisée comme des « attaques perfides » contre le PC chinois. Ensuite, lorsque la banqueroute de Martinov, Staline et Boukharine apparut d'une façon trop éclatante, on essaya de mettre toutes les fautes commises sur le dos du jeune parti chinois.
Tout d'abord on misa sur Tchang Kaï-chek, ensuite sur Tan Tchen-Tsi, puis sur Fen You-Hsiang enfin sur le « fidèle » Wan Tin Wei. Tour à tour, tous ces bourreaux d'ouvriers et de paysans furent proclamés des « champions anti-impérialistes » et « nos alliés ».
La politique menchévique est couronnée maintenant, ouvertement, par l'« expulsion » du sens révolutionnaire de l'enseignement de Lénine. Staline, Boukharine et « l'école des jeunes » sont occupés à « prouver » que l'enseignement de Lénine sur les « mouvements nationaux révolutionnaires » aboutit au serment de « l'alliance avec la bourgeoisie ».
Encore en 1920, au II° Congrès de l'Internationale Communiste, Lénine disait :
« Entre la bourgeoisie exploiteuse et la bourgeoisie des pays coloniaux il s'est produit un certain rapprochement. Ainsi très souvent, probablement dans la majorité des cas, la bourgeoisie des pays opprimés, en même temps qu'elle soutient les mouvements nationaux, est d'accord avec la bourgeoisie impérialiste et, avec elle, lutte contre tous les mouvements révolutionnaires et les classes révolutionnaires (T. XXVII, pages 275-276). »
Comment Lénine stigmatiserait-il les gens qui se permettent, actuellement, de s'en référer à lui pour se disculper de leur politique menchévique et de l'alliance avec les Tchang Kaï-chek, les Wan Tin Wei, etc. ? Lénine l'a indiqué lui-même au mois de mars 1917 :
« Notre révolution est bourgeoise, voilà pourquoi les ouvriers doivent soutenir la bourgeoisie - disent les politiciens du camp des liquidateurs. Notre révolution est bourgeoise - disons-nous, nous les marxistes - voilà pourquoi les ouvriers doivent ouvrir les yeux du peuple sur les mensonges des politiciens bourgeois, lui apprendre à ne pas croire aux belles phrases, à se fier uniquement à ses propres forces, à son organisation, à son unité, à son armement. » (T. XIV,première partie, page 11.)
Il n'y a pas de plus grand crime que de présenter Lénine devant le prolétariat mondial comme un apôtre de « l'alliance avec la bourgeoisie ».
Dans l'histoire de la lutte révolutionnaire, il est rare de trouver des cas où les prévisions marxistes se confirment aussi vite et d'une manière aussi exacte que se sont confirmées les vues de l'Opposition sur les problèmes de la révolution chinoise en 1926-1927.
La tâche des communistes du monde entier est d'étudier la marche des événements de la Révolution chinoise et les raisons de sa défaite. Ces questions, dès demain, seront des questions de vie ou de mort pour la classe ouvrière, non seulement de Chine, mais des Indes et des autres pays de l'Orient et, par suite, des questions de vie ou de mort pour le prolétariat international. C'est de la discussion de ces questions, qui portent sur les bases même du marxisme, que surgiront les véritables cadres bolcheviks des révolutions futures.
Une des thèses fondamentales du bolchevisme dit que l'époque actuelle, engendrée par la guerre mondiale et par notre révolution, est l'époque de la révolution socialiste. L'Internationale Communiste a été créée en tant que « parti de la révolution mondiale ». Ceci était inscrit dans « les 21 conditions » et, dès le début, sur cette thèse, s'est produite la sélection entre communistes et sociaux-démocrates, « indépendants », menchéviks de tous poils et de toutes couleurs.
Reconnaître que la guerre et la Révolution d'Octobre ont ouvert l'époque de la révolution mondiale ne veut pas dire qu'à n'importe quel moment nous avons une situation directement révolutionnaire. Dans certaines périodes, dans divers pays, et dans diverses branches de production « le capitalisme déclinant » (Lénine) est capable de relever partiellement l'économie et même de développer les forces productives. L'époque de la révolution mondiale a ses hauts et ses bas. Les possibilités de combat de la classe ouvrière et de son parti, le degré d'influence de la social-démocratie contre-révolutionnaire, une juste direction de la part de l'Internationale Communiste jouent, dans ce sens, un rôle immense. Mais les flux et les reflux ne changent pas l'appréciation léniniste fondamentale de l'époque historique actuelle, prise dans son ensemble. Cette appréciation peut seulement servir de base pour la stratégie révolutionnaire de l'Internationale Communiste.
Malgré une série de défaites du mouvement révolutionnaire international et les tendances au découragement qu'elles ont fait naître, le groupe Staline, sans s'en apercevoir, en est venu à une appréciation complètement « nouvelle », en réalité social-démocrate, de l'époque actuelle. Toute la « théorie » du socialisme dans un seul pays provient de ce qu'il croit que la « stabilisation » capitaliste peut durer des dizaines d'années. Cette « théorie » est le produit de tendances pourries (« stabilisationnistes »). Ce n'est pas par hasard que les socialistes-révolutionnaires de « gauche » et de droite ont acclamé la « théorie » du socialisme dans un seul pays. Tchernov écrivait justement à ce sujet en parlant des tendances « communistes-narodnikistes » de Staline et Boukharine. L'organe des socialistes-révolutionnaires « de gauche » s'écriait : « Staline et Boukharine posent le problème comme les Narodniki, que le socialisme vaincra dans un seul pays ». (Le Drapeau de la Lutte, n° 16-17, 1926). Les socialistes-révolutionnaires soutiennent cette théorie car ils y voient le renoncement à la tactique de la Révolution mondiale.
Dans la résolution du XIV° Congrès, adoptée sur le rapport du camarade Staline, il est dit faussement : « Dans le domaine des rapports mondiaux, il apparaît clairement, d'après la situation mondiale, que la période de « répit » se prolonge, se transforme en véritable époque ». (Procès-verbaux du XIV° Congrès, page 957.)
Au VII° Plenum élargi du CE de l’IC, Staline (dans un rapport présenté le 7 décembre 1926) a bâti toute la politique de l'Internationale sur l'appréciation fausse - à sa base même - de la situation internationale (compte rendu sténographique, 11, page 12). Cette appréciation est complètement fausse.
La résolution du Plenum du CE de l'IC et de la CCC (juillet-août 1927) parle déjà sans aucune restriction de la stabilisation technique, économique et politique du capitalisme. Elle nous montre mieux encore le rapprochement entre les appréciations staliniennes de la situation internationale et la position des chefs de la II° Internationale : Otto Bauer, Hilferding, Kautsky et autres.
Un peu plus d'un an et demi s'est écoulé depuis le XIV° Congrès. Durant cette période ont eu lieu - pour ne citer que les événements les plus importants - la grève générale en Angleterre, les événements gigantesques de la Révolution chinoise, l'insurrection ouvrière de Vienne. Tous ces événements sont étroitement liés à la « stabilisation » actuelle, ils nous démontrent combien d'explosifs le capitalisme accumule, combien sa « stabilisation » est peu solide. Tous ces événements réduisent à néant la « théorie » du socialisme dans un seul pays.
Le côté négatif de la « stabilisation » capitaliste, ce, sont les 20 millions de chômeurs, I'immense appareil de production ne travaillant pas à plein rendement, la croissance folle des armements, l'instabilité des rapports économiques mondiaux.
Rien ne détruit mieux les illusions sur une longue période d'accalmie que les dangers de guerre suspendus sur l'Europe. Les petits-bourgeois se font des illusions sur la stabilisation « pour des dizaines d'années », étant éblouis par les « victoires » du capitalisme sur les ouvriers et aveuglés par ses succès techniques, économiques et politiques. La réalité, cependant est tout autre ; on va vers la guerre - vers l'explosion qui anéantira toute « stabilisation ». La classe ouvrière, ainsi que les masses asservies d'Orient, l'une après l'autre, portent un coup terrible à la « stabilisation », comme par exemple en Angleterre, en Chine, à Vienne.
Grève générale anglaise, et seulement cinq mille membres dans le Parti communiste britannique. A Vienne, insurrection des ouvriers avec des pertes telles qu'elles auraient suffi à faire toute une révolution, et seulement six mille membres dans le parti autrichien ! Un soulèvement grandiose des niasses ouvrières et paysannes en Chine, mais le CC du Parti chinois est partie intégrante de la direction bourgeoise du Kuomintang ! Telles sont les contradictions les plus criantes de la situation internationale actuelle. Voilà ce qui soutient et prolonge la « stabilisation » du capitalisme.
La tâche principale consiste à aider les partis communistes à s'élever au niveau des exigences formidables de l'époque actuelle. Ce n'est possible que si l'Internationale communiste apprécie d'une manière juste le caractère de la situation internationale. La tâche de notre Parti communiste mondial (l'Internationale Communiste) est d'entraîner le prolétariat du monde entier dans la lutte pour l'éloignement des dangers de guerre, pour la défense de l'URSS pour la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, pour le socialisme. Pour y arriver, l'ouvrier communiste doit, avant tout, gagner les ouvriers avant déjà des sentiments révolutionnaires, parmi les sans-parti, les sociaux-démocrates, les anarcho-syndicalistes, les trade-unionistes, ainsi que les ouvriers honnêtes qui font partie encore d'organisations purement bourgeoises Il faut comprendre la signification de l'« unité, du front ouvrier », l'unité de tous les travailleurs qui veulent lutter contre le capitalisme, y compris les ouvriers qui suivent encore les anarcho-syndicalistes, etc. Dans les pays latins, le nombre de ces ouvriers est encore assez important. C'est ainsi que, du temps de Lénine, en décida le IV° Congrès. Aujourd'hui, cette décision garde toute sa valeur.
Déjà, par leur attitude, les cercles dirigeants de la II° Internationale et de l'Internationale d'Amsterdam montrent que, pendant la guerre qui vient, leur conduite sera pire que celle qu'ils ont adoptée en 1914-1918. Paul-Boncour (France) se charge de faire voter une loi qui, pendant la guerre, met par avance les ouvriers complètement à la merci de la bourgeoisie. Le Conseil Général (Angleterre) défend les assassins de Volkov et bénit l'envoi de troupes en Chine. Kautsky (Allemagne) appela à l’insurrection armée contre le pouvoir soviétique en Russie, et le CC de la social-démocratie allemande organise la campagne des « bombes », exaltant le terrorisme, Les ministres sociaux-démocrates de Finlande et de Lettonie, les dirigeants du PPS en Pologne, sont « toujours prêts » à soutenir la guerre contre l'URSS. Les dirigeants des syndicats officiels américains agissent en véritables réactionnaires et luttent même contre la reconnaissance de l'URSS. Les « socialistes » balkaniques soutiennent les bourreaux de « leurs » ouvriers et soutiendront toujours la guerre contre les ouvriers « étrangers » (URSS). En paroles, les sociaux-démocrates autrichiens sont « pour l'URSS », mais ceux qui ont aidé. « leurs » fascistes à noyer dans le sang l'insurrection ouvrière de Vienne, au moment décisif, seront avec les capitalistes. Les menchéviks et les socialistes-révolutionnaires russes ne sont pas partisans de l'intervention armée contre l'URSS, jusqu'au moment où il y aura de puissants interventionnistes. Les chefs de la soi-disant « gauche » social-démocrate qui sert à dissimuler l'essence contre-révolutionnaire de la social-démocratie représente le danger principal, car c'est elle qui empêche les ouvriers, qui suivent encore la social-démocratie, de rompre définitivement avec les agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. Un rôle semblable est joué par d'anciens membres de l'IC ( Korsch, Katz, Rosenberg) qui, par suite de leurs conceptions ultra-gauches, en sont venus à la rupture avec le communisme.
Le jeu continuel, foncièrement anti-révolutionnaire, avec les dirigeants sociaux-démocrates, devient à mesure que la guerre approche, des plus dangereux. La tactique du front unique ne doit en aucun cas être interprétée comme un bloc avec les traîtres du Conseil général, comme un rapprochement avec Amsterdam, car une telle politique affaiblit et égare la classe ouvrière, redonne de l'autorité aux traîtres et rend le rassemblement de nos forces plus difficile,
Le cours foncièrement faux de Staline du « feu à gauche », pendant ces deux dernières années, a abouti au passage de la direction des principales sections de l'Internationale Communiste - contre la volonté des ouvriers communistes - entre les mains de l'aile droite (Allemagne, Pologne, Tchécoslovaquie, France, Angleterre, Italie).
La politique des dirigeants de droite mène à l'exclusion de l'aile gauche de l'Internationale Communiste, à l'affaiblissement des forces de l'IC et à la dissimulation d'immenses dangers. En particulier, l'exclusion du groupe Urbahns en Allemagne est dictée par toute la politique d'exclusion de l'aile gauche de l'Internationale. En s'attachant aux formes parfois trop brutales de la polémique des gauches, qui viennent de ce que les partisans d'Urbahns-Maslov sont traqués et accusés, avec mauvaise foi, d'être des « renégats », des « contre-révolutionnaires », des « agents de Chamberlain » etc., le groupe Staline pousse avec obstination les éléments de gauche d'Allemagne à former un deuxième parti, et cherche à provoquer la scission parmi les communistes allemands.
En réalité, le groupe d'Urbahns, dans toutes les questions principales du mouvement ouvrier mondial, défend le point de vue de Lénine. Ce groupe défend et défendra au moment décisif jusqu'au bout l'URSS. Ce groupe a parmi ses partisans des centaines de vieux ouvriers bolcheviks, liés aux larges masses ouvrières. Il possède parmi les ouvriers communistes, encore membres du Parti communiste allemand, des milliers de sympathisants.
Le retour au sein de l'Internationale Communiste de tous les camarades exclus qui approuvent les décisions des congrès mondiaux, en premier lieu la réintégration du groupe Urbahns, est le premier pas pour réparer les tentatives faites par Staline en vue de faire la scission dans l'Internationale Communiste.
Dans la Maladie infantile, Lénine, dénonçant les fautes réelles des ultra-gauches, écrivait que le principal ennemi du bolchevisme, à l'intérieur du mouvement ouvrier, reste l'opportunisme : « cet ennemi reste l'ennemi principal à l'échelle internationale » (Lénine, T. XVII, page 1241). Au II° Congrès de l'IC, Lénine ajoutait qu'« en comparaison avec cette tâche, le redressement des « fautes » du courant de gauche du communisme sera chose facile ». (T. XVII, page 267.)
Parlant des « gauches », Lénine visait les « ultragauches », tandis que, maintenant, Staline, parlant de la lutte contre les « ultra-gauches » vise les révolutionnaires léninistes.
Lénine appelait à la lutte décisive contre le courant opportuniste de droite, en tant qu'ennemi principal et au redressement des fautes du courant « de gauche » ! Nous appelons les oppositionnels àfaire ce que Lénine a enseigné.
En dernier lieu, la force de l'opportunisme « socialiste » est, celle du capitalisme. Dans les premières années après la guerre impérialiste (1918-1921), alors que le capitalisme roulait rapidement vers l'abîme, en même temps que lui s'affaiblissait et croulait la social-démocratie officielle. Les années de stabilisation partielle du capitalisme apportent avec elles un renforcement passager de la social-démocratie. La défaite des ouvriers italiens en 1920-1921, du prolétariat allemand en 1921-1923, la défaite des grandes grèves anglaises en 1926 et celle de la Révolution chinoise, en 1927, quelles qu'en soient les raisons, diminuent les tendances révolutionnaires des couches avancées du prolétariat, renforcent pour une certaine période la social-démocratie aux dépens des communistes et, à l'intérieur du parti, donnent plus de poids à l'aile droite sur l'aile gauche. Actuellement, le rôle de l'aristocratie ouvrière, de la bureaucratie ouvrière et des petits-bourgeois est extrêmement réactionnaire.
Ces processus, dans une certaine mesure, n'ont pas pu ne pas influencer le PC de l'Union soviétique. L'appareil « central » « ouvre le feu » exclusivement à gauche et, par des moyens mécaniques, crée artificiellement un nouveau rapport des forces aux dépens de l'aile gauche léniniste. En fait, dans la situation actuelle, ce n'est pas le parti qui se prononce, mais son appareil.
Telles sont les raisons qui, momentanément, ont affaibli l'influence de l'aile léniniste dans la politique de l'Internationale Communiste, du PC de l'URSS et de l'État soviétique. En même temps, les éléments de droite, semi-social-démocrate - ceux-là mêmes qui, après la Révolution d'Octobre, étaient dans le camp de l'ennemi - parlent au nom de l'IC toujours davantage. Par la suite, ils furent admis dans les rangs de l'lC (tels Martinov, Smeral, Rafès, D. Petrovsky, Pepper et autres), ainsi que des aventuriers dans le genre d'Hans Neumann et d'autres semblables à lui. Des éléments d'un nouveau coup de barre à gauche, de nouvelles tendances révolutionnaires se font jour dans les masses. Théoriquement et pratiquement, l'Opposition prépare l'avenir.
Le capitalisme rentre à nouveau dans une période de secousses. La guerre avec l'URSS, comme la guerre en Chine, portent en elles, pour le capitalisme mondial, une série de catastrophes. La guerre de 1914-1918 a été un grand « élément d'accélération » (Lénine) pour les révolutions socialistes. Les nouvelles guerres, surtout la guerre contre l'URSS, vers laquelle - si une politique juste est appliquée par nous - viendront les sympathies des travailleurs du monde entier, peuvent devenir d'encore plus grands « éléments d'accélération » pour la mort du capitalisme mondial. Les révolutions socialistes grandiront même sans de nouvelles guerres. Mais les nouvelles guerres entraîneront inévitablement des révolutions socialistes.