Le bilan du "Frente Popular" espagnol selon les trotskystes : "Battre le fascisme, seule la révolution prolétarienne le pouvait. Or, toute la politique des dirigeants républicains, socialistes, communistes et anarchistes, tendait à détruire l'énergie révolutionnaire du prolétariat." |
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L'Espagne livrée
Comment le Front Populaire a ouvert les portes à Franco
La politique de la direction de la C.N.T. (Confédération Nationale du Travail), anarcho-syndicaliste et de la F.A.I. (Fédération Anarchiste Ibérique) n'est pas analysée en détail dans cet ouvrage. Toutefois, le lecteur pourra se faire une idée générale de la politique anarchiste en Espagne d'après les faits rapportés dans le chapitre : « Et la C. N. T. » et aussi d'après d'autres faits cités dans d'autres chapitres.
Pour la première fois dans l'histoire, les anarchistes ont eu la possibilité d'appliquer leurs théories, sur une grande échelle. Dans la région décisive et la plus industrielle d'Espagne, la Catalogne, ils jouissaient d'une autorité sans pareille, et avaient l'appui inconditionné de l'écrasante majorité du prolétariat. La justesse d'une théorie, comme l'efficacité d'un remède se vérifie d'après l'expérience. Qu'est-il resté des théories de Bakounine, Kropotkine, Malatesta, après l'expérience espagnole ? Nous, marxistes, nous avons depuis des décades, démontré le caractère petit bourgeois et borné des conceptions anarchistes. Nos maîtres, Marx, Engels, Lénine, Plekhanov, pour ne citer que ceux-là, ont dans leurs travaux théoriques, réfuté les conceptions anarchistes du point de vue doctrinal, mais aussi en se servant de l'expérience vivante de la lutte de classes. Pourtant, la guerre civile en Espagne, qui fut une épreuve idéologique pour l'anarchisme nous fournit une nouvelle occasion d'expliquer son inconsistance idéologique.
La thèse fondamentale de l'anarchisme, qui le sépare du bolchevisme, est la thèse sur la possibilité de passer sans la période transitoire de la dictature du prolétariat, à l'anarchie, c'est-à-dire à la suppression immédiate de l'Etat et de son appareil d'oppression.
Que reste-t-il de cette conception après les trente-et-un mois de guerre civile en Espagne ? Pour la première fois, nous avons assisté à l'expérience piquante et inattendue de l'anarchisme ministériel. C'est comme si quelqu'un disait une honnête crapule ou un malin idiot. Les anti-étatistes se sont transformés en ministres, les lanceurs de bombes en préfets de police, les terroristes en directeurs de prisons, et, au cours de cette transformation, les Garcia Olivier et Frédérica Montseny ont eu l'occasion de révéler la nature profondément réformiste de la direction de la C.N.T. qui freinait les masses autant que les austro-marxistes.
Comment la direction de la C.N.T. justifiait-elle son évolution ? A peu près de la même façon que les autres dirigeants du Front populaire. En principe, voyez-vous, ces gens sont pour l'anarchie, mais en attendant, ils sauvaient l'Etat bourgeois, comme Thorez est en principe pour la lutte de classes, mais en attendant, propage l'union de la nation française, c'est-à-dire l'union des bourgeois et des prolétaires français. En principe, ils sont des partisans ardents de l'antialcoolisme, mais en attendant, ils étaient ivres pendant ces trente tragiques mois.
Les idéologues anarchistes affirmaient pourtant que les principes étalent toujours saufs et se portaient bien, parce qu'est intervenu un facteur imprévu et « nouveau » : la guerre et l'intervention étrangère. Comme si, sur cette terre, on pouvait libérer le prolétariat dans n'importe quel pays sans une guerre et une intervention étrangère !
Mais laissons de côté les anarchistes ministrables qui ne se rendent pas compte du ridicule de leur situation. Quoique sommairement leur compte a été réglé au cours de ce travail.
Il existe cependant en Espagne et dans le monde entier des groupes anarchistes-oppositionnels, qui condamnent la politique de la direction de la C.N.T. et de la F.A.I., et jugent en termes sévères les trahisons de Garcia Oliver et autres anarchistes ministrables. Dans un langage parfois ardent et violent, ils stigmatisent le réformisme, la mollesse des Comités directeurs anarchistes, mais ils voient la source du mal dans la non-application de la vraie doctrine anarchiste, et dans le fait que la C.N.T. et la F.A.I. ont commencé à faire de la « politique » comme la font les marxistes depuis toujours. La C.N.T. et la F.A.I. selon eux, restaient révolutionnaires jusqu'au 19 juillet. Tant qu'elle restait sur le terrain de l'action directe et de la lutte économique, tout allait bien. Mais le mal a commencé quand les dirigeants de la C.N.T. ont commencé à faire des compromis avec d'autres partis politiques. De compromis en compromis, les dirigeants anarchistes ont roulé vers le réformisme. Par exemple, selon certains ardents dirigeants des Jeunesses Libertaires, la première faute fut déjà la création des organisations étatiques, comme le Comité des Milices Antifascistes. C'était déjà une obligation, c'était déjà l'Etat en puissance. Ce n'est pas la peine de faire une révolution qui a précisément pour but de supprimer l'Etat si le premier jour de la révolution on commence à édifier un nouvel appareil étatique. Et les Comités de Défense où les anarchistes devaient collaborer, et par conséquent faire des compromis avec d'autres « politicos », n'ont-ils pas été le commencement du glissement de la C.N.T. et de la F.A.I. vers cette même « pourriture politiques ? Il fallait laisser libre cours à l'initiative du peuple, il ne fallait pas briser cette splendide spontanéité du 19 juillet. Ce jour-là, le peuple sans armes n'a-t-il pas brisé en 24 heures à Barcelone le soulèvement des militaires ? Ne s'est-Il pas jeté poitrine nue contre le feu des mitrailleuses ? Et il a vaincu. Il fallait persister dans cette voie. Ne pas perdre confiance dans le peuple. Quand on a mis le doigt dans la politique, on était perdu ! (Comme les Juifs ou les mahométans deviennent impurs s'ils mangent du cochon, les anarchistes sont devenus impurs après avoir touché à la politique). Cette fatale évolution des lutteurs anarchistes en sages ministres n'est-elle pas une illustration de ce qui attend n'importe qui quand il commence à faire de la « politique » ? La politique est l'art de tromper les autres. Nous l'avons toujours dit. Faut-il une nouvelle preuve que l'anarchie a raison ?
Ce raisonnement, nous le trouvons dans plusieurs revues et feuilles anarchistes, comme Idéas, qui prêchent le retour au pur anarchisme doctrinal. II reflète l'état d'esprit des jeunes anarchistes et aussi de certains anciens qui critiquent l'attitude des dirigeants réformistes de la C.N.T. Comme exemple, on peut citer entre autres la critique faite par l'anarchiste américain Schapiro.
Pour mieux illustrer ce raisonnement des anarchistes, je citerai les propos qui m'ont été tenus par une anarchiste cultivée et dévouée à Barcelone.
En avril 1937, quand les conseillers anarchistes à la Généralité approuvèrent les décrets sur la réorganisation de l'ordre intérieur dans le sens bourgeois [1] ma sympathique anarchiste était révoltée : elle était étonnée de la mollesse du Comité Régional, qui ne faisait pas suffisamment valoir sa force au cours des crises ministérielles de la Généralité et qui ne savait pas imposer un président du Conseil de la Généralité cénétiste. La C.N.T. devait avoir selon elle plus de portefeuilles. Il est vrai qu'en disant cela elle n'était pas très « gauche ». Mais un quart d'heure après son gauchisme et sa « pureté » l'emportait sur le désir de voir toutes les conseilleries occupées par les anarchistes. Elle disait : « Je suis maintenant plus anarchiste que jamais. Quand on a commencé à faire de la politique et à occuper des fonctions publiques, on a roulé bien bas ! Il faut être intransigeant ! »
J'ai discuté dix-huit mois après avec la même anarchiste à Barcelone. Sa tendance oppositionnelle d'anarchiste de gauche s'était accentuée. Cette intègre révolutionnaire venait du reste de sortir d'une prison privée de la « Tchéka », accusée d'espionnage.
En réponse à mon argumentation, elle ripostait : « Vous trotskistes, vous osez parier de la faillite de l'anarchisme à cause de l'expérience ministérielle de Garcia Olivier et de Frederica Montseny. Avec d'autant de raison nous pouvons parler de la faillite du marxisme à cause des expériences de Blum, Négrin, Staline ou José Diaz ! Vous dites que le marxisme vrai n'a pas été appliqué au cours de la révolution espagnole ; eh bien, l'anarchisme vrai n'a pas été non plus appliqué !
Tout cela est très beau, très touchant quand on l'entend chez des jeunes et ardents anarchistes ; les arguments au premier regard paraissent tenir, mais en réalité ce n'est qu'un château de cartes : il suffit d'y toucher d'un doigt et il s'effondre. Le raisonnement des anarchistes de gauche manque d'un petit détail : du positif.
Quand nous, marxistes conséquents, c'est-à-dire partisans de la IV° Internationale, faisons une critique de la politique stalinienne réformiste et anarchiste (au fond c'était la même politique, celle du Front populaire), nous ne nous contentons pas de réfuter, nous indiquons la voie à suivre. Nous indiquons les méthodes révolutionnaires qui peuvent amener le prolétariat à la victoire. Ces méthodes, nous ne les avons pas inventées, nous ne faisons qu'exprimer l'expérience de la lutte de classes du prolétariat international. Nous indiquons l'exemple de la victorieuse révolution d'Octobre de 1917, nous indiquons ce pas gigantesque en avant de l'humanité, le plus grand que l'histoire ait connu, bien qu'il fut suivi d'une momentanée réaction stalinienne. Nous disons aux ouvriers : ne suivez pas la politique du Front populaire, parce qu'elle vous conduit à l'abîme, mais suivez la voie de Lénine et de Trotsky à l'échelle mondiale, et elle vous donnera la victoire mondiale, c'est-à-dire la libération de l'humanité du capitalisme. Et nous ne nous contentons pas d'exposer cette idée générale, nous indiquons au prolétariat dans chaque situation concrète le pas tactique, le chemin. Nous disons : Garcia Oliver, quand il a prononcé son discours Alto el Fuego (Cessez le feu !), le 4 mai 1937, un discours calqué sur celui de Thorez « Il faut savoir terminer les grèves », a trahi les ouvriers de Barcelone, mais en même temps nous ajoutons : le devoir de la direction révolutionnaire pendant les journées de Mai était de répondre à la provocation stalino-bourgeoise par la prise du pouvoir par le prolétariat qui seul après avoir établi sa dictature, était capable de mener avec succès la guerre contre le fascisme. Aux procédés du Front populaire, nous opposons dans chaque domaine, que cela soit le problème militaire, économique ou autre, les méthodes révolutionnaires dont l'efficacité est vérifiée par l'expérience.
Nous chercherons en vain dans les écrits critiques des anarchistes de gauche le positif, c'est à-dire la voie qu'on devait suivre selon les opposants. Nous ne la trouverons pas pour la simple raison qu'elle ne peut pas être trouvée sur la bases des conceptions anarchistes.
La spontanéité du 19 juillet, c'était vraiment beau. L'initiative du peuple, son héroïsme sans exemple ! C'était une journée grande et inoubliable pour le prolétariat, mais c'était une journée, c'est-à-dire qu'elle durait vingt quatre heures. Et ces vingt-quatre heures passées, le prolétariat doit continuer de lutter, car il est impossible d'abattre le régime capitaliste en une journée, ni en une semaine. La classe ouvrière doit non seulement continuer de lutter, elle doit organiser sa lutte. Et quand on passe à l'organisation, quand on met les mains à la pâte, on se salit tout de suite. On commence à agir et à prendre des responsabilités. surtout dans une période révolutionnaire, car on ne peut plus se contenter de faire des critiques du régime capitaliste : on commence à faire de la politique. C'est inévitable. Seulement, il faut faire de la politique révolutionnaire.
La grande journée révolutionnaire victorieusement terminée, on enlève les barricades ; mais les combattants des barricades qui ont échappé aux balles se retrouvent le lendemain, ils se retrouvent dans les rues, puis à l'usine. Pour préserver leurs victoires, ils doivent constituer des organismes de défense, des juntes, des comités. Et dans ces comités, forcément doivent entrer non seulement les ouvriers les plus avancés, mais aussi ceux qui sont arriérés, imbus de l'esprit petit bourgeois. Dans ces comités, les révolutionnaires doivent côtoyer les réformistes et les opportunistes, surtout quand ces derniers influençaient le prolétariat. Ils doivent faire des compromis. Il faut seulement qu'ils fassent des compromis révolutionnaires, c'est à-dire les compromis qui favorisent la lutte du prolétariat, et non des compromis pourris qui favorisent les ennemis, comme ceux qu'ont conclu les antiétatistes Garcia Olivier et Frederica Montseny. Les anarchistes de gauche feraient bien de relire « La maladie infantile du communisme » de Lénine. Ils feraient bien surtout d'assimiler les leçons de cet ouvrage marxiste. Cela leur éviterait des divagations et leur apprendrait le réalisme révolutionnaire.
La révolution, c'est la lutte pour le pouvoir. Cette lutte prend une forme aiguë et sanglante. Le pouvoir passe des mains d'une fraction dans les mains d'une autre, plus révolutionnaire ou plus modérée, d'une autre manière que s'opère le transfert du pouvoir des conservateurs aux laboristes dans le régime constitutionnel et parlementaire anglais.
Tout repose sur le tranchant de couteau. Les maîtres d'hier se changent en prisonniers et vice versa. Lénine disait que les prisons sont dans la période révolutionnaire, l'antichambre des ministères, et de là il déduisait la nécessité de la terreur rouge !
Quand les Mozos de Escuada me libérèrent après les événements de mai, ils me disaient : Hasta la vista. Au revoir, et ils ajoutaient : A bientôt, ou peut-être nous changerons de rôle. Dans une période révolutionnaire, le problème se pose toujours : Nous ou Vous.
Pendant les journées de juillet et d'une façon plus aiguë encore pendant les journées de mai, le problème du pouvoir se posait pour la C.N.T. et la F.A.I. Prendre le pouvoir ou le laisser aux autres : c'est-à-dire à la bourgeoisie de gauche et aux staliniens. Il n'y avait pas d'échappatoire. La direction de la C.N.T. durant les premiers mois qui ont suivi le 19 juillet, fermait obstinément les yeux pour ne pas voir la réalité. La réalité en Catalogne, c'était le fait qu'elle dominait toute la vie du pays, possédait les armes, et pouvait presque sans coup férir s'emparer du pouvoir. Mais les dirigeants de la C.N.T. disaient : nous nous occupons seulement de l'économie, des syndicats et des usines. Le pouvoir, cela ne peut intéresser que des « politiciens ». Elle laissa ainsi passer la première occasion la plus propice. Au mois de septembre en Catalogne, et au mois de novembre à Madrid, les anarchistes qui répétaient l'idée d'un pouvoir des comités ouvriers comme trop « étatiste », ont commencé à travailler à reconstituer l'Etat bourgeois. Au mois de mai 1937, la question du pouvoir s'est posé de nouveau pour la C.N.T., mais d'un façon plus aiguë qu'en juillet. C'étaient les staliniens qui avaient passé à l'attaque pour désarmer la C.N.T. Cette dernière devait prendre le pouvoir ou se démettre. Elle choisit la seconde vole.
Que devait faire la C.N.T. selon les anarchistes de gauche ? La plupart des anarchistes de gauche restent muets et ne répondent pas à cette question-clé. Certains des opposants arrivent à l'idée de la dictature cénétiste. Mais cette idée est exprimée chez eux d'une façon imprécise. En l'exprimant, ils s'approchent évidemment de nos points de vue. Mais que reste-t-il alors de l'anarchisme ?
Le seul groupement oppositionnel à l'intérieur de la C.N.T. qui exprima des idées nettes, surtout pendant les journées de mai, sont « Les Amis de Durruti ». Ils se sont prononcés pour une Junta Revolucionaria qui, s'appuyant sur les comités et les syndicats, devait prendre le pouvoir. Malheureusement « Les Amis de Durruti » se sont arrêté à mi-chemin dans leur critique. Nous espérons que dans l'avenir, ils sauront tirer les leçons de la tragique expérience.
Si nous nous sommes arrêtés sur les idées des anarchistes de gauche, c'est parce que leurs idées reflètent l'état d'esprit de la base de la C.N.T. Or, l'avenir du mouvement ouvrier espagnol dépend dans une grande mesure de l'évolution de la base révolutionnaire de la C.N.T. et de la F.A.I. vers des positions révolutionnaires, c'est-à-dire vers les positions de la IV° Internationale.
Après avoir passé en revue les idées des anarchistes de gauche, nous voulons nous arrêter sur tous ceux qui, à l'échelle internationale, ont rompu avec le stalinisme, mais combattent néanmoins les méthodes bolchevistes. Nous avons analysé la politique du POUM et nous avons démontré en quoi elle s'est distingué de la nôtre. Nous n'allons pas évidemment discuter avec les différents groupements « trotskistes antitrotskistes » dans le genre Oehler, etc... Ces groupes n'ont pas en général d'idées à nous opposer, mais des rancunes personnelles : on n'a pas apprécié comme il fallait leur valeur de dirigeants du mouvement ouvrier, on les a sous-estimé... Du reste, Trotski, paraît-il, ne sait pas manier les hommes. Ils critiquent nos « méthodes d'organisation ». Pourtant, au lieu de les critiquer, ils feraient mieux de venir travailler avec nous pour les améliorer. Nous sommes prêts à apprendre, mais nous n'avons pas de temps à perdre...
Il se dessinait cependant, depuis dix ans, à l'échelle internationale, une tendance des « chercheurs de dieu ». Nous appelons ainsi tous ceux qui ont condamné le stalinisme, mais croient que la source du stalinisme résidait déjà dans le bolchevisme. Ils condamnent non seulement les méthodes staliniennes, mais leur contraire, les méthodes léninistes. Ils disent que notre analyse des fautes du stalinisme est superficielle. Nous n'allons pas, paraît-il, à l'origine du mal et nous nous arrêtons seulement à ses suites logiques. C'est Lénine lui-même qui, selon ces nouveaux anti-bolchevistes, a commencé la contre-révolution en Russie et a préparé la voie à Staline. Les méthodes d'organisation bolchevistes qui manquent de démocratie, et méconnaissent la liberté, ont ouvert la voie à Staline. Il faut donc réviser, non seulement le stalinisme, mais aussi le bolchevisme. Il faut tout revoir. Certains vont encore plus loin, et disent que les racines du mal se trouvent déjà dans plusieurs fautes de la conception marxiste elle-même. Parmi les idéologues de cette conception « stalinisme égale bolchevisme » nous pouvons citer Boris Souvarine qui, soit dit en passant, a terminé au Figaro. Mais tous n'ont pas pris la voie de l'ancien journal du grand parfumeur français.
Il y a dans le monde entier plusieurs milliers de révolutionnaires honnêtes qui se trouvent dans un désarroi idéologique sans précédent. Ils voient où conduit le stalinisme, pour lequel ils ont une répugnance profonde et justifiée. Mais, après avoir rejeté le stalinisme, ils ont commencé à douter de tout, du bolchevisme et du marxisme. Et ils cherchent depuis dix ans des nouvelles méthodes révolutionnaires supérieures au bolchevisme et même au marxisme. Certains d'entre eux veulent tirer des arguments contre le bolchevisme et Lénine chez Rosa Luxembourg. Ils s'appuient sur les divergences entre Lénine et Rosa dans les questions d'organisation, et aussi sur les critiques faites par Rosa des méthodes bolchevistes dans sa brochure « La Révolution Russe ». Ces idées furent exprimées en France par le groupe « Spartacus » qui édite la revue « Masses », et dans d'autres pays par les groupes similaires. Ces anti-bolcheviks veulent tirer de Rosa Luxembourg des arguments contre l'idée d'une organisation centralisée à la manière léniniste. Ils combattent par conséquent la IV° Internationale, qui s'appuie sur les conceptions léninistes. Rejetant le bolchevisme, ils cherchent des nouvelles méthodes révolutionnaires, et même des nouvelles méthodes de pensée, trouvant par exemple que le dialectique marxiste se prête à trop d'interprétations arbitraires. Ne sachant pas à quel saint se vouer ils cherchent un nouveau dieu. Quand nous avons employé pour eux ce terme que Lénine employait contre l'empiriocriticisme, et contre Lounatcharsky, nous ne l'avons pas employé dans le sens péjoratif ou pour les besoins de la polémique. « Les chercheurs de dieu » sont toujours une réalité dans les périodes de désarroi idéologique qui suivent les catastrophes. Et la chute idéologique du Comintern n'est elle pas une catastrophe ? Du reste, il est très intelligent et noble de critiquer, de vouloir approfondir les, choses, de pousser le plus loin possible l'analyse et surtout de chercher. Mais ce qui est plus difficile c'est de trouver.
Nous n'avons pas l'intention de répondre dans ce travail à toutes les objections des chercheurs et des révisionnistes, qui du reste peuvent avoir raison dans certaines de leurs critiques. Nous n'avons pas la prétention de résoudre ici le problème des péchés originaux du bolchevisme, ni même de l'analyser à fond. Nous voulons seulement, à la lumière de la tragique expérience, démontrer que les chercheurs et les révisionnistes vident l'enfant avec l'eau de la baignoire, mélangent la paille avec le grain, qu'ils n'ont pas trouvé de nouvelles meilleures méthodes de stratégie révolutionnaire, ni de nouvelles méthodes de pensée et qu'au cours de la révolution espagnole, les idées du bolchevisme qu'ils critiquent précisément comme néfastes ont reçu une nouvelle confirmation.
Notes
[1] Ces décrets concernant l'ordre public n'ont pu être appliqués qu'après mai. Pour les appliquer il fallait désarmer le prolétariat de Barcelone.
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