1919 |
Un article consécutif à la fondation de l'Internationale Communiste; La nécessité de la délimitation politique avec le "centre" social-chauvin. |
Les tâches de la III° Internationale
Ramsay Macdonald et la III° Internationale
Deuxième conclusion : la Ill° Internationale, l'Internationale communiste, a été justement fondée pour ne pas permettre à des « socialistes » de se tirer d'affaire par la reconnaissance verbale de la révolution, comme celle dont Ramsay Macdonald fournit des échantillons dans son article. La reconnaissance verbale de la révolution, qui recouvre en fait une politique totalement opportuniste, réformiste, nationaliste et petite-bourgeoise, était le péché capital de la Il° Internationale et nous luttons à mort contre ce mal.
Quand on dit : la Il° Internationale est morte après une faillite honteuse, il faut savoir le comprendre. Cela veut dire : Ce qui a fait faillite, ce qui est mort, c'est l'opportunisme, le réformisme, le socialisme petit-bourgeois. Car la Il° Internationale a un mérite historique, elle a réalisé une conquête είς αεί (pour toujours) à laquelle l'ouvrier conscient ne renoncera jamais, à savoir : la création d'organisations ouvrières de masse, coopératives, syndicales et politiques, l'utilisation du parlementarisme bourgeois, comme, en général, de toutes les institutions de la démocratie bourgeoise, etc.
Pour vaincre effectivement l'opportunisme, qui a entraîné la mort honteuse de la Il° Internationale, pour aider effectivement la révolution, dont Ramsay Macdonald lui‑même est obligé de reconnaître l'approche, il faut :
premièrement, mener toute la propagande et toute l'agitation du point de vue de la révolution, par opposition aux réformes, en expliquant systématiquement aux masses cette opposition, à la fois dans la théorie et dans la pratique, à chaque pas de l'activité parlementaire, syndicale, coopérative, etc. Ne refuser en aucun cas (hormis des cas de force majeure) de mettre à profit le parlementarisme et toutes les « libertés » de la démocratie bourgeoise, ne pas refuser les réformes, mais les considérer uniquement comme un résultat accessoire de la lutte de classe révolutionnaire du prolétariat. Aucun des partis de l'Internationale « de Berne » ne satisfait à cette exigence. Aucun même ne comprend comment il faut mener toute la propagande et toute l'agitation, en expliquant la différence entre les réformes et la révolution, comment il faut éduquer sans relâche à la fois le Parti et les masses en vue de la révolution.
Deuxièmement, on doit combiner travail légal et travail illégal. Les bolchéviks l'ont toujours enseigné, et surtout avec une insistance particulière pendant la guerre de 1914‑1918. Les héros de l'abject opportunisme ricanaient, portant aux nues avec fatuité la « légalité », la « démocratie », la « liberté » des pays et des républiques d'Europe occidentale, etc. Désormais, seules de franches canailles qui dupent les ouvriers avec des paroles peuvent nier que les bolchéviks aient eu raison. Il n'est pas un seul pays au monde, fût‑ce la plus avancée et la plus « libre » des républiques bourgeoises, où ne règne la terreur bourgeoise, où ne soit proscrite la liberté de militer en faveur de la révolution socialiste, de faire de la propagande et d'organiser les masses, précisément dans ce sens. Un parti qui jusqu'à présent ne l'a pas reconnu dans un régime de domination bourgeoise et qui n'effectue pas un travail illégal systématique, sur tous les plans, malgré les lois de la bourgeoisie et des parlements bourgeois, est un parti de traîtres et de gredins qui trompent le peuple en reconnaissant verbalement la révolution. Ces partis ont leur place à l'Internationale jaune « de Berne ». Il n'y en aura pas dans l'Internationale Communiste.
Troisièmement, il faut se battre sans répit et sans pitié pour chasser complètement du mouvement ouvrier les chefs opportunistes qui se sont démasqués avant la guerre et surtout pendant la guerre, tant sur l'arène politique que, notamment, dans les syndicats et les coopératives. La théorie du « neutralisme » est un stratagème vil et malhonnête qui, en 1914‑1918, a aidé la bourgeoisie à dominer les masses. Les partis qui sont pour la révolution en paroles, mais pratiquement ne travaillent pas sans relâche à ce que le Parti révolutionnaire et lui seul exerce son influence dans les diverses organisations ouvrières de masse, sont des partis de traîtres.
Quatrièmement, on ne saurait tolérer que certains condamnent l'impérialisme en paroles, et qu'en fait ils ne mènent pas une lutte révolutionnaire pour affranchir les colonies (et nations dépendantes) de leur propre bourgeoisie impérialiste. C'est de l'hypocrisie. C'est la politique des agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier (labor lieutenants of the capitalist class). Les partis anglais, français, hollandais, belge, etc., hostiles à l'impérialisme en paroles, mais qui, en réalité, n'engagent pas une lutte révolutionnaire à l'intérieur de « leurs » colonies pour renverser « leur » bourgeoisie, qui n'aident pas systématiquement le travail révolutionnaire, déjà amorcé partout dans les colonies, qui n'y introduisent pas des armes et de la littérature pour les partis révolutionnaires des colonies, ces partis sont des partis de gredins et de traîtres.
Cinquièmement, le comble de l'hypocrisie est ce phénomène typique des partis de l'Internationale « de Berne » : reconnaître en paroles la révolution et faire miroiter aux yeux des ouvriers des phrases pompeuses affirmant qu'ils reconnaissent la révolution, mais, dans les faits, considérer d'un point de vue purement réformiste les germes, les pousses et les manifestations de croissance de la révolution que constituent toutes les actions des masses qui forcent les lois bourgeoises et rompent avec toute légalité ; ce sont, par exemple, les grèves de masse, les manifestations de rue, les protestations des soldats, les meetings parmi les troupes, la diffusion de tracts dans les casernes et les camps militaires, etc.
Si vous demandez à n'importe quel héros de l'Internationale « de Berne » si son parti se livre à ce travail systématique, il vous répondra soit par des phrases évasives pour dissimuler l'absence de ce travail : inexistence d'organisations et d'appareil à cet effet ; inaptitude de son parti à le mener, ou bien par des déclamations contre le « putschisme », l'« anarchisme », etc. Or, c'est ainsi que l'Internationale de Berne a trahi la classe ouvrière, est passée en fait dans le camp de la bourgeoisie.
Tous les gredins que sont les chefs de l'Internationale de Berne jurent leurs grands dieux, proclament leur « sympathie » pour la révolution en général et la révolution russe en particulier. Mais seuls des hypocrites ou des sots peuvent ne pas comprendre que les succès particulièrement rapides de la révolution en Russie sont dus à de longues années de travail du parti révolutionnaire dans le sens indiqué, des années pendant lesquelles un appareil clandestin organisé était mis sur pied pour diriger les manifestations et les grèves, pour militer parmi les troupes ; il étudiait minutieusement les moyens d'action, éditait une littérature illégale qui dressait le bilan de l'expérience et éduquait tout le parti dans l'idée de la nécessité de la révolution, formait les dirigeants pour de pareilles actions, etc., etc.