1939 |
Article (T 4565) traduit du russe, avec la permission de la Houghton Library. |
Œuvres - avril 1939
La question ukrainienne
La question ukrainienne, que bien des gouvernements, bien des « socialistes » et même bien des « communistes », se sont efforcés d’oublier et de reléguer au fin fond de l'histoire, vient d’être remise à l'ordre du jour, cette fois avec une force redoublée. La toute récente aggravation du problème ukrainien se trouve liée très intimement à la dégénérescence de l'Union soviétique et de l'Internationale communiste, aux succès du fascisme et à l'approche de la prochaine guerre impérialiste [1]. Crucifiée par quatre Etats, l'Ukraine occupe à présent dans les destinées de l'Europe la même position que la Pologne autrefois, à cette différence près que les relations internationales sont infiniment plus tendues maintenant et que les rythmes des évènements s'accélèrent. La question ukrainienne est destinée à jouer dans un avenir proche un rôle énorme dans la vie de l ‘Europe. Ce n'est pas pour rien que Hitler a d'abord soulevé bruyamment la question de la constitution d'une « Grande Ukraine », pour ensuite s'empresser de l'enterrer furtivement [2].
La II° Internationale, qui exprime les intérêts de la bureaucratie et de l'aristocratie ouvrières des Etats impérialistes, a complètement méconnu la question ukrainienne. Même son aile gauche ne lui a jamais accordé l'attention nécessaire. Il suffit de rappeler que Rosa Luxemburg, malgré sa brillante intelligence et son esprit vraiment révolutionnaire, a pu affirmer que la question ukrainienne était l'invention d'une poignée d'intellectuels. Cette prise de position a même laissé une profonde empreinte sur le parti communiste polonais. La question ukrainienne a été considérée par les chefs officiels de la section polonaise du l'Internationale communiste plutôt comme un obstacle que comme un problème révolutionnaire. D'où les efforts opportunistes déployés en permanence pour échapper à cette question, pour l'écarter, pour la passer sous silence ou la renvoyer à un avenir indéterminé.
Le parti bolchevique était parvenu non sans difficultés et petit à petit, sous la pression incessante de Lénine, à se faire une idée juste de la question ukrainienne. Le droit à l'auto‑détermination, c'est‑à‑dire à la séparation, a été étendu par Lénine aussi bien aux Polonais qu'aux Ukrainiens : il ne reconnaissait pas de nations aristocratiques. Il considérait comme une manifestation de chauvinisme grand‑russe toute tendance à éliminer ou à différer le problème d'une nationalité opprimée.
Après la prise du pouvoir, il y eut au sein du parti bolchevique une lutte sérieuse au sujet de la solution des nombreux problèmes nationaux hérités de la vieille Russie tsariste. En sa qualité de commissaire du peuple aux nationalités, Staline représentait invariablement la tendance la plus centraliste et bureaucratique. Ce fut particulièrement net à propos de la question géorgienne et de la question ukrainienne. La correspondance sur ces questions n'a pas encore été publiée. Nous comptons publier la toute petite partie qui se trouve à notre disposition [3]. Chaque ligne des lettres et propositions de Lénine vibre de l'insistance qu'il met à ce qu'on fasse droit, dans la mesure du possible, à ces nationalités opprimées. Dans les propositions et déclarations de Staline, au contraire, la tendance au centralisme bureaucratique, est invariablement marquée. A seule fin d'assurer des « besoins administratifs », lisez les intérêts de la bureaucratie, les revendications les plus légitimes des nationalités opprimées ont été caractérisées comme manifestation du nationalisme petit‑bourgeois. On a pu observer tous ces symptômes dès 1922‑1923. Mais, depuis cette époque, ils se sont développés de façon monstrueuse et ont conduit à l'étranglement complet de tout développement national indépendant des peuples de l’U.R.S.S.
Selon la conception du vieux parti bolchevique, l'Ukraine soviétique était destinée à devenir un axe puissant autour duquel s’uniraient les autres fractions du peuple ukrainien. Il est incontestable que, durant la première période de son existence, l’Ukraine soviétique exerça une puissante attraction également du point de vue national et qu'elle éveilla à la lutte les ouvriers, les paysans et l'intelligentsia révolutionnaire de l'Ukraine occidentale, asservie à la Pologne. Mais, au cours des années de réaction thermidorienne, la position de l'Ukraine soviétique et, en même temps, la manière de poser la question ukrainienne dans son ensemble, furent profondément modifiées. Plus grands avaient été les espoirs suscités, plus profonde fut la désillusion. En Grande‑Russie aussi, la bureaucratie a étranglé et pillé le peuple. Mais, en Ukraine, les choses ont été compliquées encore par le massacre des espérances nationales. Nulle part, les restrictions, les épurations, la répression et, de façon générale, toutes les formes de banditisme bureaucratique n'assumèrent un caractère de violence aussi meurtrier qu'en Ukraine, dans la lutte contre les puissantes aspirations, profondément enracinées, des masses ukrainiennes à plus de liberté et d'indépendance. Pour la bureaucratie totalitaire, l'Ukraine soviétique devint une subdivision administrative d'une entité économique et une base militaire de l'U.R.S.S. Sans doute la bureaucratie élève‑t‑elle des statues à Chevtchenko [4], mais seulement dans le but d'écraser plus complètement le peuple ukrainien de leur poids et de l'obliger à chanter dans la langue de Kobzar [5] des éloges de la clique de violeurs du Kremlin.
A l'égard des parties de l'Ukraine qui sont actuellement hors des frontières de l'U.R.S.S., l'attitude du Kremlin est aujourd'hui la même qu'à l'égard de toutes les nationalités opprimées de toutes les colonies et semi‑colonies, c'est‑à‑dire [qu'elle les considère comme] une petite monnaie d'échange dans ses combinaisons impérialistes. Au dernier 18° congrès du parti « communiste », Manouilsky [6], l'un des renégats les plus répugnants du communisme ukrainien, a déclaré tout à fait ouvertement que, non seulement l'U.R.S.S., mais également le Comintern, refusent de revendiquer l'émancipation nationale des peuples opprimés lorsque leurs oppresseurs ne sont pas parmi les ennemis de la clique dirigeante de Moscou. Aujourd'hui, Staline, Dimitrov [7] et Manouilsky défendent l'Inde contre le Japon, mais pas contre l'Angleterre. On est disposé à céder pour toujours l'Ukraine occidentale à la Pologne en échange d'un accord diplomatique qui semble aujourd'hui profitable aux bureaucrates du Kremlin. Le temps est loin où ils n'allaient pas, dans leur politique au‑delà de combinaisons épisodiques.
Il ne subsiste rien de la confiance et de la sympathie d'antan des masses d'Ukraine occidentale pour le Kremlin. Depuis la toute récente « épuration » sanglante en Ukraine, personne, à l'Ouest, ne désire plus devenir partie intégrante de la satrapie du Kremlin qui continue à porter le nom d'Ukraine soviétique. Les masses ouvrières et paysannes d'Ukraine occidentale, de Bukovine, d'Ukraine subcarpathique, sont en pleine confusion. Où se tourner ? Que revendiquer ? Et tout naturellement, du fait de cette situation, la direction glisse aux mains des plus réactionnaires des cliques ukrainiennes qui expriment leur « nationalisme » en cherchant à vendre le peuple ukrainien à l'un ou l'autre des impérialismes en échange d'une promesse d'indépendance fictive. C'est sur cette tragique confusion que Hitler fonde sa politique dans la question ukrainienne. Nous l'avons dit autrefois : sans Staline (c'est‑à‑dire sans la fatale politique du Comintern en Allemagne), il n'y aurait pas eu Hitler. Nous pouvons maintenant ajouter : sans le viol de l'Ukraine soviétique par la bureaucratie stalinienne, il n'y aurait pas de politique hitlérienne pour l'Ukraine.
Nous n'allons pas nous attarder ici à analyser les motifs qui ont poussé Hitler à rejeter, au moins pour le moment, le mot d’ordre d'une Grande Ukraine. Il faut en chercher les raisons, d’une part dans la politique de brigandage de l'impérialisme allemand, d'autre part dans la crainte d'évoquer des démons qui pourraient se révéler difficiles à exorciser. Hitler a fait cadeau aux bouchers hongrois de l'Ukraine subcarpathique [8]. Et cela s’est fait, sinon avec l'approbation ouverte de Moscou, du moins avec la conviction qu'elle allait suivre. C'est comme si Hitler avait dit à Staline : « Si je me préparais à attaquer demain l'Ukraine soviétique, j'aurais gardé entre mes mains l'Ukraine subcarpathique. » En guise de réponse, Staline, au XVIII° congrès [9], a pris ouvertement la défense de Hitler contre les calomnies des « démocraties » occidentales. Hitler se propose d’attaquer l'Ukraine ? Que non ! Se battre contre Hitler ? Il n'y a aucune raison. Manifestement, Staline interprète la remise de l'Ukraine subcarpathique à la Hongrie comme un geste de paix [10].
Cela veut dire que les différentes fractions du peuple ukrainien ne sont devenues ni plus ni moins qu'une monnaie d’échange pour les machinations internationales du Kremlin. La IV° Internationale doit clairement comprendre l'énorme importance de la question ukrainienne pour les destinées non seulement de l'Europe sud‑orientale et orientale, mais encore de l’Europe tout entière. Nous avons affaire à un peuple qui a donné des preuves de sa vitalité, qui a une population égale à celle de la France, qui occupe un territoire exceptionnellement riche et qui, de surcroît, est de la plus grande importance stratégique. La question de l'Ukraine est posée dans toute son ampleur.
Il faut un mot d'ordre clair et précis, qui corresponde à la situation nouvelle. A mon avis, il n'existe à l'heure actuelle qu'un seul mot d'ordre de ce type : pour une Ukraine soviétique, ouvrière et paysanne unie, libre et indépendante !
Ce programme est tout d'abord en opposition inconciliable avec les intérêts des trois puissances impérialistes, Pologne, Roumanie et Hongrie. Il n'y a que les indécrottables imbéciles pacifistes pour croire que l'émancipation et l'unification du l'Ukraine puissent être réalisées par des moyens diplomatiques pacifiques, des référendums, des décisions de la Société des Nations, etc. Ils ne valent naturellement pas mieux les uns que les autres, tous ces « nationalistes » qui proposent de résoudre la question ukrainienne en utilisant un impérialisme contre l'autre. Hitler a donné une leçon hors de prix à ces aventuriers en livrant (pour combien de temps?) l'Ukraine subcarpathique aux Hongrois, qui se sont empressés de massacrer un grand nombre de ces Ukrainiens pleins de confiance. Pour autant que l'issue dépende de la force militaire des Etats impérialistes, la victoire de l'un ou l'autre bloc ne peut signifier qu'un nouveau démembrement et un asservissement plus brutal encore du peuple ukrainien. Le programme de l'indépendance ukrainienne à l'époque de l'impérialisme est directement et indissolublement lié au programme de la révolution prolétarienne. Il serait criminel d'entretenir en la matière quelque illusion que ce soit.
Mais l'indépendance d'une Ukraine unifiée signifierait la séparation de l'Ukraine de l'U.R.S.S., vont s'écrier en chœur le « amis » du Kremlin. Qu'y a‑t‑il de si terrible ? répondons‑nous. L'adoration béate des frontières des Etats nous est totalement étrangère. Nous ne soutenons pas la thèse d'un tout « un et indivisible ». Après tout, la Constitution de l'U.R.S.S. elle-même reconnaît le droit à l’auto‑détermination aux peuples fédérés qui la composent, c'est‑à‑dire le droit à la séparation. Ainsi même l'oligarchie toute‑puissante du Kremlin n'ose pas nier ce principe. Il ne subsiste sans doute que sur le papier : la moindre tentative de soulever ouvertement la question d'une Ukraine indépendante, entraînerait l'exécution immédiate pour trahison. Mais c'est précisément cette suppression sans vergogne de toute pensée nationale libre qui a conduit les masses travailleuses de l'Ukraine, plus encore que les masses de la Grande-Russie, à considérer le gouvernement du Kremlin comme une oppression monstrueuse. Devant une telle situation intérieure, il est naturellement impossible de parler d'une Ukraine occidentale se rattachant volontairement à l'U.R.S.S. telle qu'elle est actuellement. En conséquence, l'unification de l'Ukraine présuppose l’affranchissement de l'Ukraine dite « soviétique » de la botte stalinienne. En ce domaine aussi, la clique bonapartiste ne récoltera que ce qu'elle aura semé.
« Mais cela ne signifierait‑il pas un affaiblissement militaire l’U.R.S.S. ? » vont hurler, épouvantés, les « amis » du Kremlin. Nous répondons que l'U.R.S.S. est affaiblie par les tendances centrifuges sans cesse grandissantes qu'engendre la dictature bonapartiste. En cas de guerre, la haine des masses pour la clique dirigeante peut conduire à l'écroulement de toutes les conquêtes sociales d'Octobre. L'origine de ces dispositions défaitistes se trouve au Kremlin. D'autre part, une Ukraine soviétique indépendante deviendrait, ne fût‑ce qu'en vertu de ses intérêts propres, un puissant rempart au sud‑ouest de l'U.R.S.S. Plus vite la caste bonapartiste d'aujourd'hui sera minée, renversée, écrasée et balayée, plus solide deviendra la défense de la République soviétique et plus certain son avenir socialiste.
Il est évident qu'une Ukraine ouvrière et paysanne indépendante pourrait ultérieurement rejoindre la fédération soviétique, mais de sa propre volonté, à des conditions qu'elle jugerait elle-même acceptable, ce qui présuppose à son tour une régénérescence révolutionnaire de l'U.R.S.S. L'émancipation véritable du peuple ukrainien est inconcevable sans une révolution ou une série de révolutions à l'Ouest, qui devraient, à la fin, conduire à la création des Etats‑Unis soviétiques d'Europe. Une Ukraine indépendante pourrait rejoindre et certainement rejoindrait cette fédération en tant que partenaire égal. La révolution prolétarienne en Europe, à son tour, ne laisserait pas une pierre de la révoltante structure du bonapartisme stalinien. En ce cas, l'union la plus étroite entre les Etats‑Unis soviétiques d'Europe et l’U.R.S.S. régénérée serait inévitable et présenterait des avantages infinis pour les continents européen et asiatique, comprenant également l'Ukraine. Mais nous glissons ici vers des questions de second ou de troisième ordre. La question principale est la garantie révolutionnaire de l'unité et de l'indépendance d'une Ukraine ouvrière et paysanne dans la lutte contre l’impérialisme, d'une part, et contre le bonapartisme de Moscou, l'autre.
L'Ukraine est particulièrement riche et expérimentée dans les voies erronées de la lutte pour son émancipation nationale. Là, on a tout essayé : la Rada petite‑bourgeoise et Skoropadsky, et Petlioura et l' « alliance » avec les Hohenzollern et les combinaisons avec l'Entente [11]. Après toutes ces expériences, il n'y a plus que des cadavres politiques pour continuer à placer leurs espoirs dans l'une des fractions de la bourgeoisie ukrainienne en tant que dirigeant de la lutte nationale pour l'émancipation. Seul le prolétariat ukrainien est à même, non seulement de résoudre cette tâche ‑ qui est révolutionnaire par son essence-même ‑ mais aussi de prendre une initiative pour la résoudre. Le prolétariat et le prolétariat seul peut rallier autour de lui les masses paysannes et l'intelligentsia nationale authentiquement révolutionnaire.
Au début de la dernière guerre impérialiste, les Ukrainien Melenevsky (« Basok ») et Skoropis‑leltoukhovsky [12] essayèrent de placer le mouvement de libération ukrainien sous l'aile du général des Hohenzollern Ludendorff [13]. Ce faisant, ils se couvraient de phrases « de gauche ». Les marxistes révolutionnaires ont chassé ces gens‑là d'une seule bourrade. C'est ainsi que les révolutionnaires doivent continuer à se comporter à l'avenir. La guerre qui vient va créer une atmosphère favorable à toutes sortes d'aventuriers, faiseurs de miracles et chercheurs de, toison d'or. Ces messieurs, qui aiment particulièrement se chauffer les mains aux questions nationales, ne doivent pas être admis à portée de canon dans le mouvement ouvrier. Pas le moindre compromis avec l'impérialisme, qu’il soit fasciste ou démocratique ! Pas la moindre concession aux nationalistes ukrainiens, qu'ils soient réactionaires-cléricaux ou pacifistes-libéraux ! Pas de « Fronts Populaires » ! Indépendance totale du parti prolétarien en tant qu’avant-garde des travailleurs !
C’est ce qui me semble une politique juste dans la question ukrainienne. Je parle ici personnellement et en mon nom propre. La question doit être ouverte à la discussion internationale. La toute première place dans cette discussion doit revenir aux marxistes révolutionnaires ukrainiens [14]. Nous écouterons leurs voix avec la plus grande attention. Mais ils feraient bien de se hâter. Il ne reste que peu de temps pour se préparer !
Notes
[1] L'Ukraine ‑ les terres ukrainiennes ‑ était alors partagée de fait entre l’U.R.S.S., la Pologne, la Roumanie et la Hongrie.
[2] Trotsky fait allusion ici à la politique de Hitler vis‑à‑vis de la question ukrainienne qui commence après Munich et se termine avec le dépècement de la Tchécoslovaquie en mars 1939. La partie ukrainienne de la Tchécoslovaquie, la Ruthénie, avait été dotée de l'autonomie et son gouvernement, présidé par Mgr Voloisin avec J. Revay, appuyé sur la milice nationale Sitch, était devenu le centre d’agitation et d'organisation du nationalisme ukrainien sous l'aile allemande : tel quel, l’Etat ruthène était incapable d'exister de façon indépendante, mais il était une tête de pont vers l'Ukraine soviétique, prenant même en janvier 1939 le nom d’Ukraine carpathique : le gouvernement de Chust (le village devenu capitale) avait pris des contacts avec tous les milieux blancs émigrés. C'est probablement au début de 1939 que, dans le cadre du plan visant au rapprochement avec l’U.R.S.S., le gouvernement allemand abandonna les projets de « Grande Ukraine » ‑ qui avaient été le thème et l'orchestration du gouvernement de Chust ‑ en faveur du dépècement de la Tchécoslovaquie. L'armée allemande occupa la Bohême et la Moravie le 15 mars; le 16, avec l'autorisation de Berlin, l'armée hongroise occupa la Ruthénie qu'elle allait annexer. Il n'était plus question de « Grande Ukraine ».
[3] Ces lettres, déposées à l'Institut international d'histoire sociale d'Amsterdam ont été publiées dans les deux volumes des Trotsky's Papers à La Haye. Quelques années plus tôt, Trotsky n'aurait pas laissé passer ici l'occasion de rappeler le soutien que Lénine avait apporté à Rakovsky.
[4] Tarass H. Chevtchenko (1814‑1861), poète ukrainien, professeur à Kiev, organisateur de la Fraternité de Cyrille et Méthode, partisan d'une Ukraine nationale profondément réformée, est le père du nationalisme ukrainien moderne.
[5] Kobzar est le titre d'un célèbre recueil de poèmes de Chevtchenko publié juste avant son exil de 1840.
[6] Dimitri Z. Manouilsky (1883‑1952) qui avait été compagnon d'exil de Trotsky à Paris et son collaborateur à Naché Slovo, était devenu sous Staline l'un des secrétaires de I'I.C., exécutant sans personnalité. C'était le 11 mars 1939 qu'il avait prononcé son rapport sur l'I.C. au congrès du parti russe.
[7] Georgi V. Dimitrov (1882‑1949), ancien dirigeant du parti social-démocrate des tesnjaki ‑ proche du bolchevisme ‑ et des syndicats bulgares, ancien responsable du bureau de Berlin de l'I.C., avait été le héros du procès de Leipzig en 1933; il était depuis la figure de proue en même temps que le secrétaire général de l'I.C.
[8] Lors de l'occupation de la Ruthénie par l'armée hongroise (cf. plus haut), cette dernière se livra à plusieurs massacres dans des villages peuplés d'Ukrainiens.
[9] Le rapport de Staline au XVIII° congrès fut présenté le 10 mars 1939.
[10] Staline avait notamment insisté dans son discours sur la publicité donnée par la presse occidentale à l'Ukraine carpathique et à ses projets de « Grande Ukraine », publicité destinée selon lui à pousser l'Allemagne à attaquer l’U.R.S.S. ‑ ce qu'elle n'avait pas fait puisqu'elle avait laissé la Hongrie annexer la Ruthénie.
[11] La Rada (ou conseil) formée de nationalistes modérés et de conciliateurs, avait pris le pouvoir en Ukraine en février 1937. Pavel P. Skoropadky (1873‑1945) général en 1914 dans l'armée du tsar, se souleva après octobre 1917 et prit le titre d'ataman (hetman en allemand) d'Ukraine, où il gouverna au compte de l'occupant allemand. Il s’enfuit en nvembre 1918. Semion V. Petlioura (1879‑1926), ancien social‑démocrate devenu nationaliste membre de la Rada, fut le chef de son armée, puis l'inspirateur du Directoire qui gouverna l'Ukraine pendant un temps. Battu par l'Armée rouge, il se réfugia en Pologne et bénéficia de l'appui de Pilsudski et de l'Entente, lors de l'offensive polonaise contre la Russie soviétique en 1920, où il commandait des unités ukrainiennes et se présentait en « libérateur ».
[12] M.I. Melenevsky dit Basok (1879‑1938) et Oleksander Skoropis-leltoukhovskil d'abord membres du parti révolutionnaire ukrainien, avaient fondé en 1904 l’union social‑démocrate ukrainienne. En 1914, sous la protection de l'armée allemande, ils avaient fondé à Lemberg (Lviv ou Lvov) une Union Pour la Libération de l'Ukraine et, au cours de la guerre, avaient étë placés à des fonctions administratives dans les territoires ukrainiens occupés par l’armée allemande.
[13] Erich von Ludendorff (1865‑1937), général prussien, était « quartier-maître général » au grand état‑major du Reich allemand à l'époque du dernier empereur Hohenzollern, Guillaume II. Profondément réactionnaire, il était l'un des chefs militaires les plus politiques.
[14] Toute une génération de marxistes ukrainiens avait été exterminée par Staline en U.R.S.S. Trotsky ne pouvait l'ignorer et son appel s’adressait aux « marxistes révolutionnaires » des autres pays. L’un d’entre eux au moins et non le moindre partageait l'analyse de Trotsky sur la question de l'indépendance de l’Ukraine. Roman Rosdolsky entré en 1915 dans le mouvement révolutionnaire, puis dirigeant du P.C. d'Ukraine occidentale, était en liaison avec la section polonaise de la IV° Internationale. Il enseignait à l'université de Lvov (Lviv ou Lemberg).