1952

« De même que la propriété par un groupe d'actionnaires d'une entreprise capitaliste s'accompagne du droit de voter au sujet de son administration et de décider la nomination ou le renvoi de ses directeurs, la propriété sociale de la richesse d'un pays doit s'exprimer par le pouvoir donné à la société de décider de son administration ainsi que de la nomination ou du renvoi de ses dirigeants. Les « démocraties populaires » sont basées sur des conceptions différentes. Une dictature policière et bureaucratique s'est établie au-dessus du peuple et demeure indépendante de la volonté de celui-ci, tout en prétendant gouverner au nom de ses intérêts. »

Tony Cliff

Les satellites européens de Staline

TROISIÈME PARTIE — LE SATELLITE REBELLE
Chapitre III — Les titistes exposent le stalinisme.

1952

Le jugement des titistes sur la politique intérieure et étrangère de l'U. R. S. S., sur le rôle de Staline en tant que chef de la classe ouvrière, sur les caractères du stalinisme, etc., s'est radicalement métamorphosé depuis la date fatidique du 28 juin 1948. Quoique rien ne soit plus récalcitrant à la systématisation logique que les conceptions nées de l'empirisme, il n'existe pas le moindre doute sur l'orientation des idées des dirigeants yougoslaves. Chaque aggravation de leur différend avec Moscou les oblige à jeter bas une nouvelle pierre du stalinisme. Ils ont commencé par accepter tous les principes fondamentaux de celui-ci et fini par les rejeter tous. Ils n'y sont pas parvenus après une étude théorique et méthodique, mais parce que tous les aspects du stalinisme se tiennent entre eux. C'est prouvé empiriquement par l'évolution des critiques formulées par les titistes. Il existe une telle antinomie entre le stalinisme et le socialisme ou le communisme véritables que critiquer un seul de ses aspects du point de vue socialiste aboutit à le découvrir entièrement.

Louange de la Russie et de Staline

Quand le Ve Congrès du parti communiste yougoslave se réunit, après la rupture, les portraits de Tito et de Staline présidaient ses séances. Les délégués répétèrent des phrases telles que : « Nos grands maîtres : Marx, Engels, Lénine et Staline », « Le chef et le maître du prolétariat international : le grand Staline Celui-ci fut très fréquemment cité comme guide par les princiaux orateurs. On ne cessa de crier : « Staline, Tito, le Parti ! » L'U. R. S. S. fut de nombreuses fois proclamée « la patrie du socialisme », le seul pays où les réalisations socialistes fussent plus élevées qu'en Yougoslavie. La politique extérieure soviétique fut également exaltée, il n'était pas alors question d'impérialisme russe, d'exploitation nationale. Les critiques adressées au Kominform — si tant est qu'on puisse parler de critiques — se limitèrent à la dénonciation de « certains de ses dirigeants », qui déviaient de la ligne internationaliste en attaquant la Yougoslavie. Pas une fois, Staline ne fut accusé d'être l'instigateur de toute l'affaire.

Cette solidarité des dirigeants yougoslaves avec le stalinisme pendant plus d'un an après la rupture est bien illustrée par leur attitude, absolument exempte de toute critique, envers la politique étrangère de la Russie, bien que la scission entre Belgrade, et Moscou provînt justement de cette politique. Le « programme du parti communiste de Yougoslavie » adopté à son Ve Congrès dit : « Deux camps se constituèrent après la deuxième guerre mondiale : d'une part, celui des impérialistes, des anti-démocrates, des fauteurs de guerre, conduit par l'impérialisme américain ; de l'autre, celui des anti-impérialistes, des démocrates, des ennemis de la guerre, conduit par l'Union soviétique. » Le même thème reparaît de temps en temps dans les discours de Kardelj, ministre des Affaires étrangères. Dans le discours prononcé! devant l'Assemblée fédérale, le 29 décembre 1948, il dit : « La politique extérieure de notre gouvernement continuera de servir la cause de la paix et de la collaboration internationale pacifique, ainsi que celle d'une union plus étroite entre les forces anti-impérialistes conduites par l'Union soviétique. » Devant l'Assemblée générale de l'O. N. U. (29 septembre 1948), il proclama que les Etats-Unis constituaient la puissance ultra-impérialiste et portaient seuls la responsabilité de la menace de guerre. Il est particulièrement intéressant de noter que Kardelj se fit un point d'honneur de célébrer la politique de l'U. R. S. S. en Corée, qu'il qualifia de politique de paix et d'indépendance nationale. Et il appuya sans réserve la campagne pacifiste inspirée par les Russes, en disant : « Il faut donner aux millions de travailleurs, que trouble chaque jour le bruit fait par les fauteurs de guerre, la preuve vivace qu'ils n'ont pas à avoir peur du lendemain. La seule voie réaliste qui, dans les conjonctures présentes, peut conduire le monde à ce but, c'est l'interdiction des armes atomiques, la destruction des bombes existantes, le contrôle de l'énergie atomique et la réduction générale des armements. C'est précisément pourquoi la proposition mise en avant par M. Vichinsky au nom du gouvernement soviétique au sujet de la réduction d'un tiers des forces armées représente une contribution consistante et importante au renforcement de la paix, de la collaboration internationale pacifique et, par conséquent, de l'organisation de Nations Unies elle-même. Accepter cette proposition, ce serait apporter une participation essentielle à la libération des masses de la crainte qui les oppresse, à l'abolition de la menace de guerre comme méthode de politique internationale, et à la création d'une atmosphère où toutes les questions internationales brûlantes pourraient être vraiment résolues dans un accord mutuel. »

A côté de ces louanges adressées à la Russie, on entendit une note de critique, dirigée avant tout contre le Kominform. Devant le blocus soviétique qui obligea la Yougoslavie à se retourner vers l'Occident pour ses relations commerciales — renversement capital qui devait lui causer bien des difficultés – et devant le fardeau imposé par un plan quinquennal exagérément ambitieux, Tito jugea absolument nécessaire de réfuter la légende selon laquelle la Russie avait apporté à son pays une aide économique désintéressée, altruiste et, dès le début de la rupture, souligna que ses rapports économiques avec elle étaient restés basés sur les principes capitalistes. La nécessité de consolider l'appui reçu des des masses l'obligea, dès le commencemenr , à ne pas se borner à des généralités au sujet des menaces contre l'indépendance yougoslave, mais à attaquer les pays du Kominform sur des questions plus immédiates, plus au jour le jour, notamment sur ce que leur politique était de maintenir la Yougoslavie dans son retard, comme source de matières premières à bon marché, et avec un niveau de vie très bas, etc. Jamais la Russie ni Staline ne furent désignés comme responsables de cette politique, tandis que les pays du Kominform étaient accusés de mener cette politique réactionnaire uniquement à l'encontre de la Yougoslavie, ce qui était une aberration sans aucune raison et qu'il était impossible d'essayer d'expliquer.

« La politique extérieure de l'U. R. S. S. tend a établir son hégémonie. »

Le second stade de l'évolution de l'attitude yougoslave envers le stalinisme, après la rupture, fut caractérisé par une critique générale adressée à la politique extérieure de la Russie d'être expansionniste, mais son régime intérieur continua d'être qualifié de socialiste, tandis que Staline était toujours cité comme l'un des plus grands maîtres marxistes.

Lorsque le « procès » Rajk essaya de prouver que la Yougoslavie nourrissait des desseins impérialistes contre ses voisins et qu'elle était « l'agent de l'impérialisme anglo-américain », les dirigeants yougoslaves, pour se défendre, durent réfuter la prétention de la Russie à conduire les forces pacifistes et anti-impérialistes. En conséquence, leurs journaux se remplirent, partir de septembre 1949, d'articles sur ce qu'ils appelaient la « politique d'hégémonie de l'U. R. S. S. ». Ils entreprirent d'exposer son caractère impérialiste et la phraséologie « internationaliste » qu'elle employait pour se masquer, la façon dont elle exploitait et asservissait d'autres pays, son désir de transformer la Yougoslavie en une véritable colonie. Pour se couvrir contre le principe du stalinisme selon lequel quiconque ne soutient pas inconditionnellement la Russie devient fatalement un agent États-Unis, il leur fallut expliquer également la campagne « pour la paix ».

Ils le firent avec une grande véhémence, comme le démontre les citations suivantes, prises au hasard dans leurs déclaration

Pijade, dit, le 7 juillet 1949 :

Les peuples de Yougoslavie ont appris énormément de choses au cours de cette dernière année. Ils ont appris que les grands principes du socialisme et de la solidarité internationale peuvent devenir des formules commerciales dans la bouche de diplomates et d'hommes d'État socialiste. Ils ont appris que les phrases au sujet de l'internationalisme socialiste pouvaient uniquement dissimuler les intérêts des grands pays aux dépens des petits. Ils ont appris que le prétendu droit à subordonner les intérêts de certains peuples aux intérêts généraux du stalinisme camouflait une politique égoïste, considérant exclusivement ceux de son propre Etat comme les intérêts gênéraux auxquels tous les autres doivent être sacrifiés.
Les derviches hurleurs de l'Informburo ont prédit qu'en résistant à leur volonté nous perdrions en deux mois notre indépendance et deviendrions une colonie des impérialistes. Les résultats ont été exactement l'inverse ! Nous avons sauvé notre liberté et notre indépendance, notre pays ne sera ni une colonie, ni une «goubernia ». Leur prophétie, considérée d'un point de vue théorique, n'était pas du tout clairvoyante et ne se justifiait aucunement du point de vue historique.
Soit dit en passant, c'est bien le comble de l'hypocrisie, car cette prophétie signifiait qu'un petit peuple tombe forcément dans la gueule d'un requin s'il ne se laisse pas avaler par un autre. Mais je ne vois pas la nécessité, pour les petits peuples, de se laisser avaler par quelque requin que ce soit. (Tanjug)

Au sujet de la campagne « pour la paix », la Revue des Affaires internationales (30 août 1950), publication bimensuelle paraissant à Belgrade, déclara que c'était « une propagande montée pour pousser à la guerre, habilement camouflée par les spécialistes du Kominform pour prêter aux autres les méthodes et les intentions de leurs patrons ». Dans le numéro précédent (16 août 1950), l'éditorial portait ce titre significatif : « La psychose de guerre est développée sous le slogan de la lutte pour la paix. » On y lisait, entre autres : « Cette lutte « pour la paix » (dans les États satellites), ou plutôt la propagation de la peur de la guerre sous ce manteau, poursuit un but particulier. L'U. R. S. S. s'arrange de cette manière pour mieux tenir ses satellites en laisse, pour les exploiter plus largement et plus brutalement. D'autre part, cette propagande vise à provoquer un sentiment d'insécurité, et la crainte d'un conflit détourne l'attention des peuples d'Europe orientale de leur situation économique et politique, ainsi que des difficultés où l'U. R. S. S. les a plongés par son attitude de « frère aîné » qui, en échange de l'indépendance économique et politique dont il les a privés, donne à ses « frères cadets » des promesses vides et étend son « aide fraternelle » sous la forme d'une lutte pour la paix, camouflant une propagande incitant à la guerre. »

Puisque la Yougoslavie est accusée de nourrir des intentions chauvines à l'égard de ses voisins, quoi de plus naturel, pour les dirigeants yougoslaves, que d'exposer le chauvinisme pan-russe ? Dans un article du Komunist, organe du comité central du parti communiste yougoslave (septembre 1949), Djilas accuse les dirigeants russes d'être « nationalistes sous la forme la plus grossière » :

Leurs propagandistes parlent des capacités exceptionnelles du peuple russe (p. ex. dans le message adressé par l'Académie des Sciences soviétique à Molotov), de la supériorité de la culture russe (qui est en effet considérable) sur celle des autres nations. Les dirigeants de l'U. R. S. S. ne font pratiquement rien pour mettre leur peuple au courant des réalisations révolutionnaires, socialistes et culturelles effectuées par les autres peuples, pas même de celles des peuples qui se sont déjà engagés dans la voie du progrès socialiste. Ils ont inventé la théorie antimarxiste de l'importance primordiale des « premières découvertes » dans le domaine scientifique (affirmant que les savants russes ont tout découvert les premiers)1, et, sur la base de cette « idée », ils se sont approprié d'innombrables inventions effectuées par les nationaux d'autres pays.
Il est à peine besoin de signaler que tout le nouveau de cette « théorie » (également celle des capacités exceptionnelles d'une nation déterminée), c'est qu'elle vient d'apparaître en U. R. S. S. après avoir été propagée dans le passé, sous une forme à peine différente, par tous les genres de racistes et de nationalistes.

Ce chauvinisme russe est devenu la risée de la Yougoslavie. Dans une vitrine de Belgrade, consacrée à une satire des pays du Kominform, un morceau de fer rouillé fut exposé avec cette notice : « D'après l'Académie des sciences de l'U. R. S. S., ce morceau de fer rouillé appartint à la première locomotive du monde — une locomotive russe, — qui circula entre les villes sibériennes d'Irkoutsk et de Verkhoyansk, au VIe siècle avant J.-C. » ( Alexander Werth, dans The Manchester Guardian, 16 juin 1950).

Mijalko Todorović, ministre de l'Agriculture, déclara, le 6 novembre 1950 :

Pour exprimer cette politique de domination, il a été mis en circulation une « théorie » au sujet de la nation directrice, du « frère aîné », qui, dans son essence, est indiscernable de la théorie raciale de l'Herrenvolk, familière à tous dans un passé très récent, la seule différence étant que sa nature contre-révolutionnaire se dissimule derrière la Révolution d'Octobre » .(Tanjug)

Naturellement, si les dirigeants russes sont chauvins et impérialistes, ils ne peuvent être des adversaires, mais des partisans de la tradition tsariste. Djilas le met en lumière en disant :

Ce n'est pas par hasard que la propagande soviétique a fait presque complètement disparaître ses critiques du tsarisme et de sa politique impérialiste en général, vis-à-vis des peuples opprimés et faibles en particulier.2 (Komunist, septembre 1949, op. cit.)

Révélations au sujet des « procès »

La critique ne pouvait s'arrêter en si beau chemin. Lorsque le « procès » Rajk fut utilisé contre les dirigeants yougoslaves, ceux-ci se virent contraints d'exposer tout le système des « procès » de Vichinsky, non seulement des « articles d'exportation », mais aussi des originaux, des « procès » de Moscou des années trente. Pijade, parlant de celui de Rajk, déclara :

Le procès de Budapest rappelle ceux de l'Union soviétique en 1936, dont les organisateurs auraient pu aider de leur riche expérience les metteurs en scène hongrois. Toutefois, les procès de Moscou, quoiqu'ils fussent significatifs pour tous les partis communistes, demeurèrent des affaires intérieures russes, l'acte d'accusation fut dressé et le procès conduit contre des citoyens soviétiques auxquels on imputait des crimes divers, dont celui d'avoir eu des relations avec les fascismes allemand et japonais. Mais Hitler ne fut pas accusé, ni même mentionné. Un pacte de non-agression fut conclu avec lui quelques années plus tard, occasion au cours de laquelle des toasts furent portés à sa santé. Mais, aujourd'hui où l'accusateur public est le ministre des Affaires étrangères, ce genre de procès se transporte sur la scène internationale, il devient un article d'exportation. »

Il conclut énergiquement :

Il a prouvé que l'attitude contre-révolutionnaire de ces dirigeants bolcheviks envers la Yougoslavie ne peut constituer une déviation exceptionnelle ou partielle de la ligne générale, qu'elle ne peut aller de pair avec une attitude révolutionnaire correcte, mais qu'elle fait partie intégrante d'une politique nouvelle, d'une nouvelle ligne idéologique constituant une déviation de la ligne fondamentale du marxisme-léninisme, un acte de révision ayant porté sur tous les domaines de la théorie et de la pratique. (Borba, 22 septembre 1949)

Afin de se défendre contre les mensonges répandus sur eux par le Kremlin, les titistes jugèrent nécessaire d'attaquer le principe moral contenu implicitement dans la politique de Staline, à savoir que la fin justifie les moyens. Dans le message adressé à l'occasion du Nouvel An, Tito déclara :

Ceux qui continuent à dire, pour apaiser leur conscience, que la fin justifie les moyens doivent savoir que ce mot d'ordre était particulièrement bien connu des jésuites au temps de l'Inquisition. Les grandes choses ne peuvent en aucun cas se fonder sur des moyens vils ni sur la malhonnêteté. (New York Times, 2 janvier 1949)

Le rôle messianique de la Russie

En détruisant la légende de l'internationalisme de Moscou, les titistes sont conduits à détruire aussi certaines autres idées, devenues des demi-axiomes dans le mouvement communiste mondial. On y considérait le Kremlin comme l'autorité infaillible, qui décidait ceux qui étaient socialistes et ceux qui étaient fascistes, ceux qui étaient démocrates et ceux qui ne l'étaient pas3. Devenus l'objet des accusations soviétiques, ils se sont rappelés que « personne n'a, aujourd'hui, le droit de distribuer des brevets de socialisme à des régimes comme les papes de jadis conféraient des titres impériaux » (Pijade, dans Borba, 22 août 1949)

Une autre légende, renvoyée au magasin des accessoires, est celle d'après laquelle la Russie jouerait un rôle messianique dans la libération du monde entier. Dans un discours prononcé devant des mineurs, le 12 septembre 1949, Tito déclara :

(Les pays du Kominform) commettent une erreur en propageant l'idée que l'Armée rouge joue un rôle exclusivement révolutionnaire, ce qui, en fait, entraîne à la démobilisation des forces révolutionnaires latentes dans chaque peuple et dans chaque classe ouvrière. »
Chaque classe ouvrière est capable de lutter et de vaincre dans l'établissement du nouvel ordre social. Les baïonnettes n'ont jamais propagé convenablement une idée progressiste, elles n'ont jamais amené de transformation sociale, mais seulement la servitude.

Tito dit encore, dans une autre occasion :

Si la voie où ils (les pays du Kominform) se sont engagés devait être suivie jusqu'au bout, c'est-à-dire amener la libération par les baïonnettes de l'Armée rouge, qui ne serait qu'un asservissement des peuples sous une autre forme, c'en serait fait à jamais de la science du marxisme-léninisme, et le prétendu nouvel ordre social ainsi créé différerait bien peu de ceux qui l'auraient précédé ». (Yugoslav Fortnightly, 2 novembre 1949)

Vukmanović a tenté d'expliquer les raisons de la théorie stalinienne selon laquelle un mouvement révolutionnaire ne pouvait être victorieux sans la présence de l'Armée rouge :

Le gouvernement soviétique ne s'intéresse pas du tout à la victoire du socialisme dans un autre pays, à moins qu'il n'ait la garantie que celui-ci deviendra aussitôt dépendant de lui et soumis, exactement comme il ne s'intéresse pas le moins du monde à un mouvement révolutionnaire qu'il ne peut contrôler et subordonner à ses propres plans d'hégémonie, il le considère même comme un obstacle. Dans la pratique, cette garantie de la future soumission du mouvement révolutionnaire ne repose finalement que sur la force brute de l'armée soviétique. Dans ce domaine, il ne peut pas en être autrement !... Pour mener à bien leur politique d'hégémonie, les dirigeants de l'Union soviétique se sont montrés totalement hostiles aux mouvements et aux luttes révolutionnaires dans tout pays sur lequel ils n'exerçaient pas un contrôle (soit à cause de la distance géographique, parce que les chefs ne sontpas « dignes de confiance », etc.) ou qui a pu être l'objet de marchandages avec les impérialistes (sur le principe des zones d'influence). C'est pourquoi les dirigeants soviétiques ont ordonné aux communistes français et italiens de désarmer le peuple à fin de la seconde guerre mondiale, de dissoudre tous les comité populaires qui avaient pu être constitués pendant les hostilité comme organes préparatoires ou réels d'un régime révolutionnaire, de participer aux coalitions politiques bourgeoises (ce qui entraîne en fait, la liquidation de tous les résultats de la lutte révolutionnaire et la renonciation à toute nouvelle lutte). Et ainsi de suite. Que faut-il conclure, dès lors, de ces faits ? Manifestement que les dirigeants soviétiques se sont intéressés exclusivement au développement du mouvement dans les pays qui se trouvaient dans la « zone d'influence » de l'U. R. S. S., et où la possibilité existait de les soumettre au contrôle du gouvernement soviétique Quant aux mouvements révolutionnaires des autres pays, le gouvernement moscovite a fait tous ses efforts pour les empêcher de vaincre et pour les obliger à collaborer avec la bourgeoisie réactionnaire, quelles qu'en soient les conséquences » (Vukmanović, op. cit. p. 2, 3).

Exposé du régime intérieur russe

Jusqu'ici, ces critiques ne s'adressent qu'à la politique extérieure de la Russie. Avant 1950, les dirigeants yougoslaves n'avaient nullement laissé entendre que cette politique impliquait l'existence d'un certain régime économique, social et politique dans la Russie elle-même. Mais cela ne pouvait tarder beaucoup. Pour tous ceux qui se prétendent marxistes — et Tito le prétend, — la politique extérieure d'un pays n'est que la continuation de sa politique intérieure. Celle d'un pays ou d'un groupe de pays féodaux, par exemple, diffère complètement de celle d'un pays parvenu au stade du capitalisme commercial ; celle-ci diffère à son tour de celle d'un pays capitaliste hautement industrialisé, et ainsi de suite. Aucun État, même socialiste, ne peut échapper à cette loi de l'Histoire. Les maîtres marxistes supposaient qu'un État socialiste aurait une politique extérieures de paix, de liberté nationale, d'égalité entre les peuples. Si, disaient-ils, il n'y a pas de place dans le pays lui-même pour l'exploitation de l'homme par l'homme, il n'y aura pas de place non plus dans sa politique étrangère pour l'oppression ou l'exploitation des nations. C'est un axiome pour tout socialiste que, de même que la politique extérieure d'un État marchand capitaliste — par exemple l'encouragement de l'expansion commerciale, la création de colonies servant de débouchés, etc. — ne peut se combiner avec une politique intérieure féodale, il est impossible de greffer une politique étrangère capitaliste sur une politique intérieure socialiste.

Tito est donc logique en disant que, la politique extérieure de la Russie étant impérialiste, sa politique intérieure ne peut être socialiste, mais oppressive. Comme exemple concret, nous pouvons prendre l'affirmation de Tito — dont n'a jamais parlé le Kominform, même pour la réfuter — que le principe capitaliste domine le commerce entre l'U. R. S. S. et les « démocraties populaires ». S'il prévaut dans le commerce entre ces pays, une question se pose : chacun d'entre eux ne va-t-il pas essayer de vendre ses produits aussi cher que possible non seulement aux autres pays, mais à son peuple lui-même, et d'acheter ce qu'ils offrent — principalement de la main-d'œuvre — aussi bon marché que possible ? En outre, les vendeurs ne pouvant céder leur main-d'œuvre à personne, sauf à l'État employeur, et les acheteurs ne se procurant leurs produits qu'auprès de l'État-marchand, il est évident que, si les ouvriers ne disposent d'aucun contrôle sur l'État employeur, ils souffriront encore plus que ceux même d'un pays arriéré commerçant avec cet État. Si un pays, disposant de gros capitaux, en exploite un moins bien doté à cet égard, et surtout si le premier occupe une situation de monopole (renforcée par des dispositions politiques), la bureaucratie qui possède l'État et les moyens de production ne peut manquer d'exploiter très durement les travailleurs ne possédant pas de biens et privés de tous les droits politiques.

Les dirigeants yougoslaves commencèrent en 1950 à exposer et à attaquer la structure sociale du régime stalinien. C'est Djilas qui ouvrit le feu dans le très important discours électoral prononcé devant les étudiants de Belgrade (18 mars 1950) ; il énuméra les principaux péchés de la Russie :

Création d'une inégalité dans ses rapports avec les autres pays socialistes et exploitation de ceux-ci ; exaltation contraire au marxisme du rôle d'un chef, prenant souvent la forme de falsifications grossières de l'Histoire et idolâtrie semblable à celle qu'on trouve dans les monarchies ; différenciation des traitements, bien supérieure à celle des administrations bourgeoises, allant de 400 à 15 000 roubles ; promotion idéologique du nationalisme pan-russe, sous-estimation et subordination du rôle de la culture et de l'histoire des autres peuples ; politique visant au partage de zones d'influence avec les Etats capitalistes ; monopolisation de l'interprétation de l'idéologie marxiste et de la tactique à employer par le mouvement international de la classe ouvrière ; introduction de méthodes recourant au mensonge et au scandale dans le mouvement de la classe ouvrière... sous-estimation de la conscience, notamment de las conscience des masses, dans la lutte pour une société nouvelle ; tendance à liquider la démocratie socialiste en n'en conservant plus que l'apparence ; abolition de la liberté de discussion, freinage de l'initiative des masses, c'est-à-dire des forces productrices fondamentales et, du même coup, de toutes les forces productrices en général. (Sur les nouveaux chemins du socialisme, Belgrade, 1950, p. 11-12).

Ces péchés sont le résultat de l'existence d'une bureaucratie isolée du peuple et le dominant, cette bureaucratie est devenue un obstacle au développement des forces productrices de la société russe. Djilas dit : « Le développement des forces de production dans l'Union soviétique a atteint le point où les rapports sociaux ne lui correspondent plus, pas plus que les méthodes de direction de la production elle-même ou celles de distribution des produits » (Ibid., p. 10). Il pose alors la question : « Est-ce que ce qui se produit en Union soviétique constitue quelque forme nouvelle de société de classes ? est-ce du capitalisme d'État ? est-ce une « déviation » à l'intérieur du socialisme lui-même ? » Sa réponse est qu'il s'agit d'un socialisme « dévié ». La bureaucratie, coupable de cette distorsion, est également responsable de la politique extérieure impérialiste. « La résolution du Kominform... montre... que les éléments bureaucratiques de l'U. R. S. S. qui ont « gelé » leur situation privilégiée essayent de trouver dans le monde extérieur une solution à la crise intérieure, c'est-à-dire d'étouffer temporairement cette crise par des succès à l'étranger, par l'exploitation et la subordination d'autres pays socialistes. » « C'est ainsi que les contradictions internes entre le centralisme bureaucratique et les producteurs directs, c'est-à-dire le peuple, se sont inévitablement développés... en contradictions externes, en un conflit entre l'impérialisme bureaucratique et les aspirations du peuple vers une vie dans la liberté et l'égalité » (Ibid., p. 17, 18).

Tito lui-même, trois mois après le discours de Djilas, critiqua sévèrement le régime stalinien. Il est possible que la violence de l'attaque fût dictée par le fait qu'elle se produisit juste au lendemain du début de la guerre de Corée, après que la Yougoslavie eût appuyé les puissances occidentales de l'O. N. U. et que sa collaboration avec elles dans les questions de politique étrangère et commerciale fût devenue plus étroite. Il déclara :

La Révolution d'Octobre permit à l'État de prendre entre ses mains les moyens de production. Mais, au bout de trente et un ans, ils y sont toujours. Le slogan « l'usine aux ouvriers » a-t-il été mis en pratique ? Non, évidemment. Les ouvriers n'ont toujours aucun mot à dire dans la direction des usines. Celles-ci sont conduites par des directeurs nommés par l'État, autrement dit par des fonctionnaires. Les ouvriers n'ont qu'une possibilité et qu'un droit : travailler, mais ce n'est pas très différent du rôle qu'ils jouent dans les pays capitalistes. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas de chômage en U. R. S. S., voilà tout. (Tito, Les ouvriers dirigent les usines en Yougoslavie, Belgrade, 1950, p. 24).

Alors que Marx, Engels et Lénine, souligne Tito, enseignaient que l'État finirait par s'effacer sous le socialisme, il n'a cessé, en U. R. S. S., de s'élever de plus en plus au-dessus de la société, et de se bureaucratiser de plus en plus.

Existe-t-il dans ce pays (l'Union soviétique) la moindre tendance à céder aux organismes inférieurs les fonctions de l'État, soit économiques, soit politiques ? Y constate-t-on le moindre indice de décentralisation ? Aucun jusqu'ici. Bien au contraire, on y voit un centralisme de plus en plus intransigeant qui est la marque caractéristique des États les plus bourgeois, bureaucratiques et centralistes. Les signes les plus manifestes de cette centralisation outrancière sont :
  1. a concentration en un point unique de toutes les fonctions économiques, politiques, culturelles et autres ;
  2. un appareil bureaucratique monstrueux ;
  3. une augmentation et non une diminution des effectifs de la milice du ministère des Affaires intérieures, c'est-à-dire du N. K. V. D., etc.
(Ibid., p. 26).

Il cite alors ce que Staline disait en 1939 :

Le rôle !e la coercition militaire a cessé, s'est évanoui, dans le pays ; l'exploitation a été abolie ; il ne restait plus d'exploiteurs, la coercition n'avait donc plus d'objet... Quant à notre armée, aux organismes de répression, aux services de renseignements, ils ne sont plus orientés vers l'intérieur, mais vers l'extérieur, vers nos ennemis étrangers.

Tito réfute cette déclaration par l'argument suivant :

Dire que les fonctions de l'État, dans le domaine des forces militaires, non seulement l'armée, mais les soi-disant organismes de répression, sont dirigées uniquement vers l'extérieur, c'est parler en perdant tout contact avec les réalités, juste comme ces paroles sont sans contact avec la situation actuelle dans l'Union soviétique. Que fait donc le gigantesque appareil bureaucratique ? Est-il orienté lui aussi vers l'extérieur ? Que font le N. K. V. D. et la milice ? Sont-ils orientés encore vers l'extérieur ? Qui déporte des millions de citoyens de nationalités en Sibérie et dans l'Extrême-Nord ? Quelqu'un peut-il prétendre que ce sont là des mesures prises contre l'ennemi de classe, quelqu'un peut-il avancer que des nationalités entières constituent une classe à détruire ? Qui interdit la confrontation des opinions en Russie ? Tout ceci n'est-il pas le fait d'un des appareils d'État les plus centralisés, les plus bureaucratiques n'offrant aucune ressemblance avec une organisation en train de s'effacer ? Staline a tout de même raison sur un point sil'on applique ses paroles à la période actuelle, c'est-à-dire que cette machine d'État a vraiment des fonctions orientées vers l'extérieur. Il faut ajouter que ces fonctions s'exercent là où elles le doivent, mais aussi là où elles ne le doivent pas. Elles consistent à s'ingérer dans les affaires intérieures des autres pays et contre la volonté du peuple de ces pays. Par conséquent, ce ne sont nullement les fonctions d'un État socialiste en train de disparaître mais elles ressemblent beaucoup à celles d'une machine d'Etat impérialiste combattant pour obtenir des zones d'influence et subjuguer d'autres peuples. (Ibid., p. 29-30).

Dans toute cette argumentation, le caractère socialiste de l'U. R. S. S. n'est jamais nié, même s'il est prétendu « dévié ». Mais cela devait venir. Si la politique extérieure de la Russie est caractérisée par une exploitation capitaliste et impérialiste, sa politique intérieure par l'existence de camps d'esclaves, et si la situation des ouvriers, comme le déclare Tito, « n'est pas différente du rôle que jouent les ouvriers dans les pays capitalistes », en quoi s'écarte-t-elle du capitalisme ?

Dans le discours cité plus haut, Todorović fit un pas de plus vers la conclusion que la Russie est un État capitaliste :

Bien que les usines soient la propriété de l'État, si les ouvriers ne jouent aucun rôle dans la direction de ces usines, si personne ne leur demande jamais ce qu'il faut faire de la valeur ajoutée par le travail, si la bureaucratie décide du sort de cette valeur ajoutée et en prélève une bonne partie pour son propre usage et l'entretien des divers services assurant sa situation privilégiée et dominante, si tout ceci est bien réel, et ce l'est certainement aujourd'hui en U. R. S. S., en quoi la situation de l'ouvrier soviétique diffère-t-elle substantiellement de celle de l'ouvrier des pays capitalistes ? Le tribut payé par la classe ouvrière pour l'entretien d'une bureaucratie grassement payée et privilégiée, pour la politique de celle-ci, ses « poètes », ses protégés et autres parasites, ce tribut n'est rien d'autre — précisément du fait qu'il est exprimé en termes de production — qu'une valeur capitaliste ajoutée qu'on cherche à dissimuler. Le fait que la propriété privée n'existe pas sous sa forme classique, pourrait-on dire, n'affecte pas sensiblement le caractère d'exploitation. Cette propriété privée a cessé depuis longtemps d'exister, même sous un régime de capitalisme monopolisateur. Engels, par exemple, écrivait dès 1891 : « si nous passons des sociétés par actions aux trusts qui se soumettent et monopolisent des branches entières de l'industrie, alors ce n'est pas seulement la fin de la production privée, mais encore la cessation de l'absence de plan ». (Tanjug, 7 novembre 1950).

Finalement, il fut déclaré ouvertement que la Russie était une société à capitalisme d'État.

Dans un article intitulé : « L'Union soviétique, Apparences et Réalités » (Borba, 20 novembre 1950), Djilas écrivit que ce que la Russie représente est clair « non seulement pour un marxiste, mais même pour tout homme politique bourgeois, voire pour l'homme ordinaire qui n'est pas politicien ».

Au lieu de l'internationalisme, de la fraternité et de l'égalité entre les peuples, au lieu d'efforts pour régler pacifiquement leurs querelles, nous avons un obscurantisme nationaliste, le maintien de six pays européens civilisés sous le joug d'une force d'occupation camouflée, une exportation de capitaux et l'extorsion de ceux-ci — d'après les méthodes primitives de l'accumulation — par des superbénéfices, la préparation d'une guerre de conquête, prétendument dirigée contre le capitalisme — à moins qu'il ne soit possible de s'arranger momentanément avec lui,— mais, en fait, pour s'assurer du butin et conquérir de nouveaux territoires... Au lieu des formes joyeuses et libres de la vie intellectuelle et sociale de travailleurs et de travailleuses ayant secoué le joug de leurs maîtres capitalistes ou de leurs seigneurs féodaux, nous avons des pensées grises et standardisées, les déblatérations frénétiques, déshumanisées, d'hommes ivres d'une forme de bonheur patentée, l'oppression sauvage et totale d'un talon de fer — un réseau d'espions, qui a pénétré même la plus petite unité de la société, s'est glissé dans les relations entre mari et femme, entre parents et enfants, entre les artistes et leur inspiration ou leur œuvre — tel que l'histoire de l'humanité n'en avait pas encore connu... Des uniformes poussiéreux et oubliés ont été ressortis des musées du tsarisme, pas même ceux des jours « glorieux » de Catherine, mais ceux de Nicolas Ier, agrémentés de l'éclat de « nouvelles » épaulettes, pour en draper l'échiné de maréchaux, de généraux et de policiers « socialistes ». Des phrases creuses, des falsifications grossières, la démagogie et des procès « cuits d'avance », sur le modèle de ceux jadis intentés aux hérétiques et aux sorcières, tentent d'abuser les braves et simples travailleurs — ce qui révèle en soi un mépris inhumain des gens ordinaires, de leur intelligence et de leur force ; — au lieu de la recherche passionnée, inflexible, de la vérité, des mensonges et des infamies en tout lieu et en toute chose, même dans la peinture du capitalisme et de certains pays capitalistes...

Il écrit encore que « c'est l'U. R. S. S. qui cherche à se protéger elle-même et à se fermer au monde capitaliste », et il demande :

Qu'est-ce que ces hommes ont à cacher, de quoi ont-ils donc peur ? Ce qu'ils cachent, c'est leur propre ordre social et leur propre conformation, qui est monstrueuse même par comparaison avec la démocratie bourgeoise. (…) L'État capitaliste et monopolisateur a atteint en U. R. S. S. des formes gigantesques, despotiques, dans tous les domaines de la vie. (…) Et, quand ils nous accusent de quelque chose, nous savons qu'en fait c'est d'eux qu'ils veulent parler. Même quand ils parlent de fascisme ou d'une chose analogue, nous savons, par l'expérience des accusations antérieures, que nous pouvons nous dire avec confiance : De te fabula narratur.

Note

1 La presse russe informe le monde que l'inventeur de la machine à vapeur n'est pas, comme on le croyait universellement, le célèbre Anglais Watt, mais le Russe Polzounov. La turbine à vapeur, le télégraphe, le moteur électrique, l'éclairage par incandescence, la radio, l'avion, la propulsion par réaction, l'hélicoptère et la pénicilline ; tout cela, ce sont des inventions russes (Soviet Monitor, 24 septembre 1947, 10 avril 1948, 6 mal 1948 ; Izvestia, 16 mars 1948 ; Pravda, 17 mars 1948).

2 On en trouve un exemple dans le tribut payé à Souvarov, dont le nom s'accole, aujourd'hui, à celui de la plus haute décoration soviétique, à des écoles et à d'autres institutions. A l'époque de la Révolution française, Souvarov écrivait à la tsarine : « Oh ! Petite Mère ! ordonne-moi de marcher contre les Français ! » Il conduisit ultérieurement son armée en Suisse pour lutter contre eux. Il écrivit au chef de la contre-révolution royaliste, en Vendée : « Grand héros de la Vendée ! Défenseur de tes pères et du trône de tes rois... puissent les méchants (les révolutionnaires) périr et leur race disparaître ! » Il réprima dans le sang la révolte nationale des Polonais, en 1793, et reçut, en récompense, le rang de maréchal par Catherine, qui lui déclara : « C'est vous-même qui vous êtes promu maréchal en soumettant la Pologne. » En dehors de cet exploit, il aurait mérité sa promotion pour ses actes « progressifs », accomplis en Russie même, entre autres pour la répression de la révolte des paysans conduite par Pougatchev.

3 Par exemple lorsque Zilliacus, hautement apprécié par les dirigeants communistes pendant de nombreuses années, n'accepta pas leur ligne au sujet de la Yougoslavie ; après la rupture, le journal du Kominform Pour une paix durable, pour une démocratie populaire ! le traita d'« avocat du fascisme », de « gentleman honteux », et déclara « L'opinion publique démocratique s'est indignée de la conduite de Zilliacus » (30 décembre 1949). L'expression « opinion publique démocratique » représente apparemment, pour le Kominform, uniquement ses partisans, même si ceux-ci ne constituent que moins de 0,5 % de la population britannique. « Quand j'emploie un mot, dit Humpty Dumpty, il signifie exactement ce que je veux qu'il dise, rien de plus et rien de moins. »

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