Lénine (volume 2)
Tout le pouvoir aux soviets
Chapitre 2 — Le Parti bolchevik à l'épreuve de la
guerre
La vague patriotique qui avait balayé le peuple russe au déclenchement de la guerre n'avait pas épargné les dirigeants bolcheviks. Comme le fit observer Léon Trotsky : « En règle générale, la confusion fut plus profonde et plus durable dans les couches supérieures du parti, qui étaient en contact direct avec l'opinion bourgeoise. »1
Lorsque la question de la guerre fut discutée à la Douma, aussi bien les mencheviks que les bolcheviks refusèrent d'affronter le gouvernement, choisissant au contraire de quitter la session. Moyennant quoi la résolution de la Douma soutenant l'effort de guerre fut votée à l'unanimité. Puis les mencheviks et les bolcheviks firent une déclaration conjointe qui était plutôt équivoque. Il est vrai qu'elle évitait le « faux patriotisme sous le masque duquel les classes dirigeantes se livrent à leur politique prédatrice, » mais en même temps elle promettait que le prolétariat défendrait les trésors culturels du peuple contre toutes les attaques, d'où qu'elles vinssent, de l'extérieur ou de l'intérieur.2 Sous couvert de « défense de la culture » les députés bolcheviks et mencheviks adoptaient une position semi-patriotique.
Les thèses de Lénine sur la guerre n'atteignirent Pétersbourg qu'au début de septembre, elles ne rencontrèrent nullement une approbation générale dans le parti. Les objections se tournaient surtout contre le mot d'ordre du « défaitisme », qui, selon Chliapnikov, provoqua de la « perplexité ». La fraction à la Douma, dirigée par Kaménev, tenta cette lois encore d'arrondir les angles trop vifs des formules de Lénine. A Moscou et en province, la situation n'était pas différente. « La guerre prit les « léninistes » à l'improviste, témoigne la section de Moscou de l'Okhrana, et pendant longtemps... ils ne purent s'entendre sur leur attitude envers la guerre... » Les bolchéviks de Moscou écrivent, par Stockholm, à Lénine, en langage convenu que, « malgré tout le respect pour lui, son fameux conseil de vendre la maison [le mot d'ordre de « défaitisme »] n'a rencontré aucun écho ».3
Le vieux bolchevik Baïevsky nota que « le slogan de défaite de son propre gouvernement souleva des objections en Russie et [qu']il y avait une tendance à éliminer le mot « défaite » comme étant trop odieux. »4 Chliapnikov également se souvenait que si dans l'ensemble les thèses reflétaient l'état d'esprit des travailleurs du parti, la question de la « défaite » provoquait une perplexité.5 Le Sotsial-Demokrat nota que l'organisation bolchevique de Moscou avait adopté le manifeste à l'exception du paragraphe concernant la défaite de son propre pays.6 Il y a d'autres preuves de réticences à adopter le point de vue défaitiste par les ouvriers du parti en Russie et en dehors, non seulement au début de la guerre mais jusqu'à la révolution de 1917.7 Baïevsky prétend, malgré tout, qu'il était impossible de parler de « l'antidéfaitisme » pendant la guerre comme constituant une tendance dans le parti.8
En novembre, les cinq députés bolcheviks de la Douma furent arrêtés. En février 1915, en même temps que cinq autres dirigeants bolcheviks, ils passèrent en jugement. Ils firent de grands efforts, à l'image de leur théoricien, Kaménev , pour répudier les thèses de Lénine. (La seule exception notable était le député de la Douma M. K. Mouranov ). Kaménev déclara que les thèses de Lénine étaient en complète contradiction avec ses vues personnelles sur la guerre en cours, ajoutant que l'opinion de Lénine était rejetée à la fois par les députés social-démocrates et les institutions centrales, c'est à dire le Comité central, dont Kaménev prétendait être le porte-parole. Un autre accusé bolchevik fit remarquer que les thèses de Lénine contredisaient la déclaration commune des fractions social-démocrates lue à la Douma le 27 juillet 1914.9
Lénine était plus que déçu. Et bien qu'il fût assez réticent à attaquer trop sévèrement Kaménev et les autres, lorsque le procès se conclut par leur exil perpétuel en Sibérie, il ne ménagea pas ses critiques :
Qu'a donc démontré le procès de la Fraction O.S.D.R. ?
D'abord, le manque de fermeté, devant le tribunal, de ce détachement d'avant-garde de la social-démocratie révolutionnaire russe... essayer de se montrer solidaire du social-patriote M. Iordansky, comme l'a fait Rosenfeld [Kaménev], ou bien en désaccord avec le Comité central, c'est là un procédé erroné, inadmissible du point de vue d'un social-démocrate révolutionnaire.10
Lénine ne pouvait ignorer la vérité, aussi amère fût-elle.
Le parti du prolétariat révolutionnaire est assez fort pour se critiquer franchement lui-même, pour dire sans détours qu'une faute est une faute et qu'une faiblesse est une faiblesse.11
Le comportement des dirigeants bolcheviks devant le tribunal, note Chliapnikov, causa une sérieuse démoralisation dans les rangs du parti :
Le procès des députés se déroula dans une atmosphère d'indécision et de fluctuations. L'attitude adoptée par les députés devant le tribunal était troublante. On avait l'impression que les députés ne s'étaient pas comportés comme il convenait au centre responsable suprême du prolétariat, mais plutôt comme des comités provinciaux du parti se comportent parfois. Beaucoup regrettaient que les camarades députés aient montré si peu de fermeté, mais en voyaient la raison dans l'atmosphère de terreur.12
Dans sa défense, Kaménev se cantonna à la vérité formelle selon laquelle les thèses de Lénine, publiées au nom du Comité central, n'avaient pas reçu l'approbation de celui-ci, et donc qu'il n'avait pas le droit de les publier.13
D'autres sections des bolcheviks étaient également insatisfaites de la ligne de Lénine. La colonie bolchevique à l'étranger subissait fortement l'influence de l'hystérie guerrière. Le Comité des Organisations étrangères à Paris, qui avait servi de centre pour les groupes bolcheviks hors de Russie, s'était désintégré : deux de ses membres s'étaient enrôlés dans l'armée française et un autre s'était retiré, ce qui ne laissait que deux membres actifs. A Paris, le groupe bolchevik hésitait. Bien que la majorité du groupe s'exprimât contre la guerre et contre le volontariat, certains camarades s'engagèrent dans l'armée française comme volontaires.14 En tout, sur les 94 bolcheviks résidant en France, onze s'enrôlèrent dans l'armée française.15
La section genevoise des émigrés bolcheviks fit également connaître ses objections au « défaitisme révolutionnaire » de Lénine. Une lettre de Karpinski adressée à Lénine critiquait les thèses de la manière suivante : « Le texte du paragraphe 6 devrait être modifié afin qu'il n'y ait pas une mauvaise interprétation de ce passage : que les social-démocrates russes souhaitent la victoire des Allemands et la défaite des Russes. »16
Parmi les dirigeants du parti à l'étranger qui adoptèrent une attitude défensiste se trouvait Gleb Krjijanovsky , proche de Lénine depuis 1893, qui pendant la révolution de 1905, avec Krassine et Bogdanov , avait été un dirigeant des bolcheviks. Il y avait aussi le membre du CC I.P. Goldenberg , l'ancien député bolchevik à la Douma G.A. Alexinsky , et l'écrivain bolchevik A.A. Troïanovsky .
Quelle était la situation en Russie ? En novembre 1914, Alexandre Chliapnikov se rendit à Moscou pour y trouver l'organisation en ruines. La plupart des ouvriers étaient défensistes. Seuls quelques isolés adhéraient (pas toujours fermement) à la politique défaitiste. Le groupe de « défaitistes » le plus important avait sept membres, et ils n'étaient même pas sûrs des opinions de Lénine.17 De même, les social-démocrates transcaucasiens étaient gravement divisés sur leurs positions concernant la guerre. En octobre 1914, N.N Iakovlev arriva à Bakou avec le texte des thèses de Lénine, appelant à la défaite de la Russie et à la transformation de la guerre mondiale en guerre civile. Même si beaucoup d'exemplaires en furent imprimés et distribués aussi bien à Bakou qu'à Tiflis, l'organisation ne put parvenir à une décision sur son attitude envers la guerre.18
Bien que les organisations bolcheviques de Russie, au début de la guerre, ne fussent pas prêtes à adopter ouvertement la position du défaitisme révolutionnaire de Lénine, il n'y avait qu'un nombre insignifiant de social-patriotes. Dès le départ, les bolcheviks développèrent une propagande de masse contre la guerre. De nombreux tracts antiguerre avaient été distribués dès juillet 1914 par les comités du parti dans différentes régions de la Russie.19
Après quelques mois de confusion idéologique, de plus en plus de groupes bolcheviks commencèrent à adopter une position antiguerre internationaliste claire. Ce réveil politique suivait un regain du mouvement des travailleurs dans les usines, qui l'influençait et qu'il influença à son tour.
La première moitié de l'année 1914 vit un essor du mouvement de grèves politiques en Russie qui se rapprochait du niveau de la Révolution de 1905.
Années |
Nombre de grévistes politiques |
1903 |
8721 |
1904 |
2521 |
1905 |
1843 |
1906 |
651 |
1907 |
540 |
1908 |
93 |
1909 |
8 |
1910 |
4 |
1911 |
8 |
1912 |
550 |
1913 |
502 |
1914 (premier semestre) |
1059 |
1915 |
156 |
1916 |
310 |
1917 (janvier — février) |
575 |
A la veille de la guerre elle-même, le mouvement de grève politique de St-Pétersbourg devait culminer dans l'érection de barricades. En protestation contre la brutale répression policière des ouvriers de Poutilov qui soutenaient une grève des champs pétrolifères de Bakou, une grève aussi massive et explosive que celles qui avaient éclaté en 1905 balaya St-Pétersbourg. Dès le 7 juillet, 110.000 ouvriers s'étaient joints à la grève. Deux jours plus tard, les grévistes étaient 200.000. Presque toutes les usines de St-Pétersbourg furent fermées, et des milliers de travailleurs prirent part à des batailles prolongées avec les cosaques et des détachements de la police. Les manifestations ouvrières, brandissant des drapeaux rouges et entonnant des chants révolutionnaires, tentèrent de se frayer un passage vers le centre de la ville, mais furent bloquées par les cosaques et la police montée. Le 11 juillet, de nombreuses barricades furent érigées à l'aide de poteaux télégraphiques et téléphoniques, des charrettes retournées, etc. Ce ne fut pas avant le 15 juillet, quatre jours avant le déclenchement de la guerre, que l'ordre fut finalement rétabli dans le district industriel de St-Pétersbourg.22
Soudain, avec le déclenchement de la guerre, l'atmosphère changea radicalement. Le zèle patriotique s'empara des masses. Buchanan , l'ambassadeur britannique à St-Pétersbourg à l'époque, parle avec enthousiasme dans ses Mémoires des « merveilleuses journées » pendant lesquelles « la Russie paraissait complètement transformée. »
Trotsky fournit une explication du changement dans la psychologie des masses qui les tourna vers le patriotisme :
Il existe beaucoup de gens de cette sorte, dont toute la vie, jour après jour, se passe dans une monotonie sans espoir. C'est sur eux que repose la société contemporaine. Le tocsin de la mobilisation générale intervient dans leur existence comme une promesse. Tout ce dont on a l'habitude et la nausée est rejeté ; on entre dans le royaume du neuf et de l'extraordinaire. Les changements qui doivent se produire par la suite sont encore moins prévisibles. Peut-on dire que cela ira mieux ou plus mal ? Mieux, bien sûr – Comment Pospeszil trouverait-il pire que ce qu'il a connu en temps « normal » ?23
Pour ajouter au désarroi du mouvement ouvrier, une arrestation massive de bolcheviks eut lieu à St-Pétersbourg : après la manifestation de juillet le gouvernement arrêta près d'un millier de bolcheviks et les expulsa de la ville.24 En même temps, des milliers d'ouvriers d'usine considérés comme fauteurs de troubles furent enrôlés dans l'armée. Environ 40 % du prolétariat de St-Pétersbourg fut mobilisé (et les trous dans la main d'œuvre furent remplis par un nouvel afflux de travailleurs inexpérimentés venus des campagnes).25
Les tout premiers mois de la guerre furent marqués par une espèce d'hébétude politique du mouvement ouvrier. Pour le dixième anniversaire du « Dimanche rouge » qui avait déclenché la Révolution de 1905, il n'y eut que 14 usines et 2.528 ouvriers en grève. Le Premier Mai, il n'y eut que 859 grévistes.26 Toute la première moitié de 1915 fut véritablement très calme. Mais les choses changèrent radicalement en juillet. Il est vrai que le nombre d'ouvriers en grève était limité si on le compare aux derniers mois d'avant-guerre – 14.490 travailleurs posèrent les outils pour des raisons économiques ; il n'y eut pas une seule grève politique.27 Cela dit, les grèves furent très violentes. A Kostroma, 13 ouvriers furent tués ou blessés dans des combats entre les grévistes et la police ; dans un affrontement semblable à Ivanovo-Voznessensk il y eut entre vingt et trente victimes. Lorsque les évènements furent connus, il y eut de grandes grèves politiques en août et septembre. En août, 27.000 ouvriers se mirent en grève à Pétrograd, demandant le retrait des cosaques des usines, la libération des cinq députés bolcheviks exilés, la liberté de la presse, etc. Au début de septembre, 64.000 ouvriers firent grève à Pétrograd sur des revendications politiques. En tout, en 1915 il y eut 928 grèves, dont 715 étaient de nature économique, avec 383.587 ouvriers, et 213 étaient politiques, avec 155.941 grévistes.28
Il n'y eut pas de baisse dans les luttes en 1916. La commémoration du Dimanche rouge du 9 janvier 1916 mobilisa 53.000 travailleurs (85 % à Pétrograd). Tout au long de 1916, en particulier dans la deuxième moitié de l'année, non seulement il y eut de plus en plus de grévistes, mais les grèves prirent une nature de plus en plus politique. Dans l'ensemble, en 1916 il y eut 280.943 grévistes politiques et 221.136 grévistes économiques. La lutte connut un nouvel élan en janvier et février 1917. Dans ces deux mois seuls, 265.253 ouvriers furent engagés dans des grèves politiques et 35.829 dans des grèves économiques, c'est-à-dire qu'environ 88 % de tous les travailleurs en grève agissaient pour des raisons politiques.29
Pendant toute la guerre, Pétrograd eut incontestablement une position dominante dans le mouvement gréviste.30
|
Grèves politiques |
Grèves économiques |
Total |
|||
|
Nombre |
Grévistes |
Nombre |
Grévistes |
Nombre |
Grévistes |
Pétrograd |
256 |
348.118 |
242 |
167.869 |
498 |
515.978 |
Moscou |
113 |
39.279 |
364 |
271.295 |
477 |
310.574 |
Russie (en tout) |
463 |
469.086 |
1.817 |
1.056.889 |
2.280 |
1.525.975 |
Les chiffres montrent que 74 % des ouvriers engagés dans des grèves politiques pendant les années de guerre étaient à Pétrograd, contre 9 % à Moscou (il faut se rappeler qu'il y avait plus d'ouvriers d'industrie à Moscou qu'à Pétrograd).
Le chiffre du prolétariat de Pétrograd est particulièrement impressionnant si l'on se rappelle qu'environ 17 % des ouvriers industriels avaient été enrôlés dans l'armée et que 40 % de la classe ouvrière de la capitale était formée de nouvelles recrues relativement inexpérimentées.31
Une source d'information très utile sur la montée du mouvement populaire contre le vieux régime est constituée par les minutes du Conseil des ministres. La discussion lors de ces réunions témoigne de la formidable montée du mouvement révolutionnaire parmi les travailleurs dans la seconde moitié de 1915. Lors de la réunion tenue le 11 août 1915, N. B. Chtcherbatov parla des sérieux désordres qui s'étaient produits à Ivanovo-Voznessensk, où il avait fallu tirer. Le moment avait été extrêmement tendu, du fait qu'il n'y avait pas de confiance dans la garnison. La fusillade tua seize personnes et en blessa plus de trente. L'excitation ne s'était pas éteinte pour autant, et il prévoyait des échos dans d'autres districts industriels.
Le prince E. N. Chakhovskoï, ministre du commerce et de l'industrie, recevait les rapports les plus alarmants des inspecteurs d'usines sur l'état d'esprit des ouvriers. La moindre étincelle était susceptible de mettre le feu aux poudres. Le premier ministre (Goremykine) pria le ministre de l'intérieur (Chtcherbatov) de lui indiquer quelles mesures il entendait prendre pour empêcher que ces atteintes se produisent partout.
Chtcherbatov répondit :
Le ministre de l'intérieur prend toutes les mesures que lui dicte son devoir et que lui permettent les possibilités pratiques à sa disposition. (…) Comment voulez-vous que je combatte le mouvement révolutionnaire qui s'aggrave alors qu'on me refuse l'assistance de troupes, en invoquant leur manque de fiabilité, et l'incertitude quant à la possibilité de les amener à tirer dans la foule. On ne peut pas pacifier la Russie avec les seuls gendarmes, en particulier lorsque les rangs de la police s'éclaircissent, non pas jour par jour mais heure par heure, et que la population est excitée quotidiennement par des discours à la Douma, des mensonges dans les journaux, des défaites incessantes au front, et des rumeurs sur les désordres à l'arrière.32
Lors de la réunion du 2 septembre 1915 Chakhovskoï déclara :
Des grèves ont commencé aux usines Poutilov et dans l'Usine Métallurgique. Le prétexte apparent est l'arrestation des représentants élus des caisses d'assurances pour les malades. Le mouvement a immédiatement pris un caractère aigu et s'est compliqué par la formulation de revendications politiques. Il faut s'attendre à ce que la vague de grèves s'amplifie encore si l'on ne prend pas des mesures préventives dès maintenant...
A.A. Polivanov [ministre de la guerre] : S'il n'y a pas de changements radicaux dans la situation générale, mes idées sur l'avenir sont extrêmement sombres... les désordres à l'usine Poutilov, qui donne le ton au mouvement ouvrier, sont le début d'une grève générale de protestation contre la dissolution de la Douma. Chacun s'attend à ce que des évènements hors du commun soient provoqués par la dissolution.
I.L. Goremikine : Tout ceci n'est que du bluff. Il ne se passera rien.
Prince N.B. Chtcherbatov : Le département de la police n'a pas, loin de là, des informations aussi rassurantes que votre Excellence. Le témoignage des agents est unanime sur le fait que le mouvement des ouvriers doit se développer de manière menaçante pour la sécurité de l'Etat. Sur cette base, le département de police demande aux autorités militaires de procéder certain nombre d'arrestations... Quant à la raison des désordres ouvriers – qui sont allés jusqu'à des affrontements avec la police à l'usine Poutilov – les revendications qui sont présentées sont : ne pas dissoudre la Douma d'Etat ; libérer les cinq députés de la fraction de gauche emprisonnés ; augmenter les salaires de 15 %, etc. Tout ceci, bien sûr, ce ne sont que des excuses qui dissimulent le véritable but des dirigeants clandestins des ouvriers – profiter des infortunes de la guerre et de la détérioration interne pour une tentative de révolution sociale et de conquête le pouvoir.33
Chtcherbatov décrivait la situation à Moscou en termes très alarmistes.
Les ouvriers, et de manière générale toute la population, sont touchés par une espèce de folie et sont comme un matériau inflammable. Le déclenchement de désordres est possible à tout instant. Mais du côté du pouvoir à Moscou il n'y a pratiquement aucune force. Il y a un bataillon de réserve de 800 hommes, dont seulement la moitié sont disponibles car 400 d'entre eux ont des services de garde au Kremlin et dans d'autres endroits. Puis il y a une centaine de cosaques, et, fin, deux unités de la milice stationnées dans les faubourgs. Tout ce peuple n'est pas très sûr, et il sera difficile de leur ordonner d'agir contre la foule. Il n'y a pas du tout de militaires dans le district. La police de la ville et celle du district sont toutes deux inadaptées, numériquement, aux besoins. Il faut aussi noter la présence, à Moscou, de 30.000 soldats en convalescence. Ce sont des voyous exubérants, qui ne respectent pas la discipline, font des scandales, se battent avec la police (un policier a été récemment tué par des soldats), libérant les arrêtés, etc. Il est hors de doute que s'il y a des désordres, toute cette horde sera du côté de la foule. Que voulez-vous que le ministre de l'intérieur fasse dans de telles circonstances ?34
Les forces armées ne furent pas insensibles à l'opposition populaire au régime. Une fermentation révolutionnaire était décelable en elles dès 1915. Ainsi le ministre de l'intérieur, Khvostov, dans une lettre du 15 novembre 1915 adressée au président du conseil des ministres, Goremikine, donnait des informations, recueillies par des agents responsables, relatives à l'agitation qui avait été observée récemment dans les différents équipages de la flotte de la Baltique. Il pensait qu'il allait de soi que les éléments révolutionnaires de toutes nuances cherchent à exploiter les ennuis de l'escadre de la Baltique, s'employant à semer le mécontentement dans les échelons inférieurs de l'armée et de la marine.
Leur propagande était basée sur l'affirmation que la guerre n'était menée que dans l'intérêt des capitalistes et non pour le bien des peuples russe ou allemand. Ils suggéraient au soldat illettré qu'aucune victoire, quel que soit le groupe de puissances qui la remporteraient, ne pourrait contribuer au bien-être du peuple, tant que les socialistes de tous les pays et toutes les classes de la société ne s'unissaient pas dans leur lutte contre les gouvernements belligérants, les forçant à capituler ; que le seul moyen de parvenir à cela était dans la fin rapide de la guerre, quels qu'en soient les résultats ; que des efforts acharnés devaient être faits pour empêcher la production de matériel de guerre et organisant des grèves et des révoltes populaires.35
Suivait une description d'un certain nombre d'insurrections de marins sur différents navires de la flotte de la Baltique. Pour n'en citer qu'une parmi bien d'autres :
Il faut mentionner une des causes contribuant à cette fermentation générale : c'est le dédain des commandants et des officiers supérieurs pour le confort et le bien-être des hommes. On raconte qu'un jour les marins se sont vu servir une soupe aux choux dans laquelle marinaient de la viande pourrie et des asticots. Cela provoqua des grondements et des critiques. De semblables évènements donnèrent lieu à des mutineries sur le cuirassé Empereur Paul Ier et le croiseur Russie. Les matelots, s'étant rassemblés sur le gaillard d'avant de ce navire, commencèrent à réclamer une meilleure nourriture, des traitements plus humains et la démission de tous les officiers portant des noms allemands. Le contre-amiral Kouroch apparut, revolver à la main, exigeant la reddition des meneurs et la cessation des désordres, menaçant en cas de désobéissance de fusiller tous les hommes ; mais, comme dans le cas précédent, les marins répondirent qu'on n'était pas en 1905, que les matelots avaient acquis de la sagesse et ne pouvaient être terrorisés comme avant, et que, plutôt que de laisser l'amiral leur tirer dessus, ils le balanceraient par dessus bord.36
L'agitation n'affectait pas seulement la flotte, mais aussi la garnison de Kronstadt, où une action de masse eut lieu à la suite d'une révolte sur le cuirassé Gangout. A la suite de cette action, 95 hommes furent arrêtés sur le navire et déportés dans la ville de Reval.
Un détachement mixte de croiseurs et de destroyers fut désigné pour escorter les mutins. Mais l'équipage du Rouric refusa de collaborer à l'envoi de leurs camarades en prison.
Selon une description, les désordres à bord du Gangout causèrent une grande excitation parmi les marins de toute la flotte de la Baltique et des garde-côtes, et il y eut une quantité de discussions sur la nécessité de libérer les matelots arrêtés. Tous les navires passèrent des résolutions dans ce sens, qui devaient être présentées officiellement pendant les quartiers d'hiver, et une grève générale devait être décrétée si ces revendications n'étaient pas satisfaites. Si les marins accusés étaient jugés et condamnés, la grève devait avoir lieu avant l'hiver, et toutes les mesures répressives envers les équipages devaient être contrées par des révoltes systématiques. Une propagande semblable se développa, non seulement dans les échelons inférieurs de la flotte, mais également parmi les forces terrestres des garnisons de Kronstadt, qui revendiquaient le droit de participer aux protestations contre les autorités navales.37
Lors des réunions du conseil des ministres, on entendait de plus en plus de gémissements sur le déclin du patriotisme. Le 4 août 1915, le ministre de la guerre, Polivanov, déclarait : « J'en appelle aux infranchissables espaces, à la boue qu'on ne peut passer, et à la clémence de Saint-Nicolas de Myre, protecteur de la sainte Russie. »38
Il fit remarquer que les mobilisations étaient moins réussies à chaque fois. La police ne pouvait pas gérer la masse des insoumis. Les hommes se cachaient dans les bois et les champs de céréales. Un autre ministre, Grigorovitch, suggéra que les Allemands étaient responsables. Chtcherbatov pensait que les agitateurs profiteraient de l'occasion pour créer des troubles. Il dit au conseil des ministres que l'agitation prenait une nature de plus en plus antimilitariste, et même ouvertement défaitiste. On pouvait voir son influence directe dans les redditions de masse.39
A la veille de la guerre, un rôle central dans l'organisation du parti – en particulier à St-Pétersbourg – était joué par les députés à la Douma. Le député bolchevik de St-Pétersbourg, Badaïev , écrivait : « Avec l'arrestation de la fraction [de la Douma] le centre essentiel et fondamental du parti en Russie fut détruit. »40
L'importance des députés bolcheviks pour le mouvement ouvrier n'avait pas manqué d'attirer l'attention du gouvernement. Comme le disait Goremikine au conseil des ministres du 26 août 1915, le problème des dirigeants ouvriers était le manque d'organisation consécutif à l'arrestation des cinq membres de la Douma.41
Le commencement de la guerre vit aussi l'éclatement du Comité de Pétersbourg du parti, qui était profondément infiltré par la police. Il était composé, en juillet 1914, de V. Schmidt, Fedotov, Antipov, Nikolaï Logov, Chourkanov, Ignatiev et Levtsky (les trois derniers étant des agents de la police).42
Au début, l'okhrana s'imaginait que la guerre avait détruit le comité une fois pour toutes (tout en notant qu'il y avait une désaffection évidente dans la jeunesse), mais ils se rendirent bientôt compte que des signes d'activité persistaient.43 Pour commencer, dans la deuxième moitié de 1914, des rapports indiquaient que l'organisation de Pétrograd avait subi un coup énorme. La structure qui avait été construite avec tant de soin s'était complètement effondrée. Un rapport de l'okhrana de décembre 1914 déclarait que les organisations de district ne fonctionnaient pas normalement et que le travail clandestin du parti, sous la forme des cercles d'usine et de groupes professionnels insignifiants, n'était réalisé que de temps en temps dans certains districts, dont le plus vivace était Vyborg, où les militants étaient des ouvriers métallurgistes particulièrement avancés et « conscients ».44
Les raids de la police, malgré tout, ne détruisirent pas l'organisation de Pétrograd. Quelques mois après chacune de ces opérations policières, le Comité de Pétersbourg renaissait de ses cendres. Dès le début de 1915, un nouveau comité fonctionnait et commençait à rassembler les forces du parti, assumant la direction des bolcheviks dans la totalité de la Russie. Les divers districts prirent contact avec lui et d'autres sphères d'activité commencèrent à se rétablir (par exemple, la publication du journal Voprosy Strakhovaniya). Un article du Sotsial-Demokrat, relatant les développements en avril 1915, était particulièrement enthousiaste quant à l'état des choses, proclamant que le comité couvrait désormais tous les districts de St-Pétersbourg avec un représentant pour deux cents ouvriers : « Les travailleurs sont très satisfaits de l'activité du comité de St-Pétersbourg. Il y a un afflux aux cercles, il n'y a pas assez de cadres dirigeants, des liens sont établis avec diverses grandes villes. »45
En juillet 1915, une conférence se tint à Oranienbaum. Il y avait cinquante présents, représentant toutes les fractions social-démocrates ainsi que les Socialistes-Révolutionnaires. Les chiffres cités lors de cette conférence mentionnent mille deux cents membres bolcheviks pour Pétrograd, les mencheviks deux cents et les « Unificateurs » (mejraïontsy46 ) soixante à quatre vingt.47
En septembre 1915 la participation comprenait davantage de districts. Une lettre publiée dans le Sotsial-Demokrat indiquait que pour le Comité de Pétersbourg étaient représentés les districts de Vyborg, de Narva, le 1er de Gorodskoï, de la Néva, de St-Pétersbourg et de Vasileostrov. Le district de Moscou et le 2ème de Gorodskoï étaient en cours d'organisation. Il y avait aussi des liens entre le Comité et Kolpino, Sestroretsky et Peterhof, tous assez éloignés de Pétrograd même. Les communications avec les provinces semblaient également satisfaisantes, et on demandait de fournir des directives, de la littérature et des informations à des grandes villes de toute la Russie d'Europe.48
Le Comité de Pétersbourg avait également autorité sur toutes les organisations bolcheviques qui s'étaient constituées à Kronstadt, Helsingfors et ailleurs, et sur les navires de la flotte de la Baltique. Il fournissait une base clandestine centralisée à tous les groupes individuels pour agir et pourvoyait les marins en littérature et matériel pour réaliser leurs propres publications.
Dans les premiers mois de 1915, le comité envoya plusieurs de ses membres à Moscou pour aider à y constituer une organisation, préparer une conférence bolchevique, et établir des contacts. Des tracts et des brochures furent aussi fournis, essentiellement à Moscou, avec l'espoir qu'ils seraient plus largement distribués.
Les capacités en termes d'imprimerie des bolcheviks de St-Pétersbourg étaient impressionnantes. Dans l'ensemble, entre la fin de juillet 1914 et la Révolution de Février, ils sortirent plus de 160 tracts à 500.000 exemplaires au total – c'est-à-dire cinq tracts par mois, en moyenne, tirés à plus de 16.000 exemplaires. C'était une réalisation remarquable.49
Vers le mois de novembre, l'okhrana commença à répliquer par des arrestations. Le parti les supporta relativement bien. En décembre, il y eut à nouveau des arrestations. De nombreux membres du comité furent pris et les districts se trouvèrent assez sérieusement affectés, des liaisons se rompant à nouveau. Une base fut constituée sur l'île Vassilievsky pour tenter de diriger l'activité jusqu'à ce qu'un centre réel puisse être reconstitué. Au début de 1916, des signes de rétablissement furent notés par l'okhrana.50 Les bolcheviks, bien que numériquement faibles, avaient à l'évidence les talents organisateurs élémentaires nécessaires pour renouveler leurs comités, même dans les conditions les plus défavorables.
Cela dit, à la veille du Premier mai 1916, le Comité de Pétersbourg fut à nouveau anéanti par des descentes de police, au sujet desquelles l'okhrana écrivait :
Le travail du Comité de Pétersbourg a été temporairement brisé en totalité, ses contacts ont été perdus mais ceci, comme dans des occasions précédentes, n'a débouché que sur de nouvelles tentatives de rétablir l'activité du parti et de créer un nouveau collectif de direction, et aussi de mettre en place un nouvel équipement.51
En juin 1916, un rapport de police indiquait qu'il y avait deux mille bolcheviks à Pétrograd. Leur nombre continua à s'accroître en juillet et août, ce qui améliora l'organisation des usines et les liens établis entre elles. L'okhrana considérait le comité bolchevik de St-Pétersbourg comme « extrêmement sérieux et dangereux pour la paix de la société et l'ordre de l'Etat. »52 Cette peur inspira une série d'arrestations dans la nuit du 20 juillet, mais celle-ci, une fois de plus, ne parvint pas à causer à l'organisation des dommages durables.53
En octobre 1916, une lettre détaillée du comité au Comité Central à l'étranger sur l'état de l'activité du parti dans la capitale décrivait comment des groupes étaient formés dans les usines, souvent sans aucune aide directe du Comité de Pétersbourg, et essayaient de s'y lier. Ils avaient à ce moment des liens avec les villes suivantes : Moscou, Ivanovo-Voznesensk, Kharkov, Iekaterinoslav, Nijni Novgorod, Sormovo, Samara, Saratov, Tsaritsyne, Perm, Iekaterinbourg, Reval, Narva, Tver et Toula. Il est clair d'après cette liste que le comité avait besion de développer et d'étendre son activité. De plus, des soldats et des marins des garnisons locales et de Finlande avaient commencé à les chercher. Il y avait la possibilité de former des liens permanents avec le front : quelques jours plus tôt un soldat en était venu et avait demandé de la littérature pour sa position.54
Les adhésions au parti continuaient lentement mais sûrement, et à la fin de 1916, d'après Chliapnikov, il y avait près de trois mille membres à Pétrograd55 , dont 500 à Vyborg, le quartier ouvrier, dans lequel se constituait la plus forte organisation bolchevique de la capitale, et qui devait conserver ses positions jusqu'à la Révolution de Février et après.
Dans l'ensemble, le Comité de Pétersbourg agissait comme centre du parti. Pendant la plus grande partie de la guerre, de novembre 1914 à l'automne de 1915, et à nouveau du printemps 1916 à l'automne de la même année, le parti n'avait pas de Bureau russe.56
Des opérations de police continuelles le démantelaient. Ainsi, plusieurs dirigeants ouvriers furent arrêtés les 9, 10, 18 et 19 décembre 1916. Puis, le 2 janvier 1917, le comité tout entier fut arrêté. Le comité reconstitué subit à nouveau des pertes graves le 25 février, trois jours avant la révolution. Une fois de plus, le Comité du district de Vyborg occupa le devant de la scène, assumant la direction à Pétrograd.
Le Comité du district de Vyborg avait toujours plus de ressources que les autres organisations de district parce que les usines de Vyborg employaient une plus grande quantité d'ouvriers qualifiés et donc mieux payés. La proximité du chemin de fer finlandais et des banlieues éloignées de Pétrograd permettaient à beaucoup de gens qui ne pouvaient rester à Pétrograd de vivre là, et des duplicateurs et autres matériels pouvaient y être cachés. C'est essentiellement pour ces raisons que Chliapnikov et le Bureau russe y étaient basés.57
Malgré la faiblesse du Comité de Pétersbourg, la situation des bolcheviks était meilleure que celle des autres tendances révolutionnaires. Selon Chliapnikov, seuls les bolcheviks avaient un semblant d'organisation pour toute la Russie. Diverses estimations des effectifs du parti pour cette période ont été tentées. Un recensement de 1922 montrait que 10.483 membres de 1922 avaient adhéré avant la Révolution de Février, dont 2.028 à Moscou et 817 à Pétrograd. Cela dit, ces chiffres ne comptaient pas ceux qui étaient morts pendant la révolution ou la guerre civile, et une seconde estimation a fait état de 23.600 membres.58
Au cours de la guerre, d'importantes unités de l'armée étaient stationnées dans les garnisons de Pétrograd. Le comité était soucieux de diriger sa propagande vers les soldats, malgré les sévères peines pour trahison que cela comportait. Pour s'occuper de cet aspect de l'agitation, une commission militaire fut organisée sporadiquement, et rattachée au Comité de Pétersbourg. La commission gagna en importance au fur et à mesure que la Révolution de Février approchait et que se posait la question de l'armement des travailleurs. Au printemps 1915, la première Organisation militaire du comité fut constituée. Elle établit des liens avec certains régiments de la capitale, avec les marins et les soldats de Kronstadt, Helsingfors et Sveaborg, et avec les troupes du front nord. Elle fut cependant assez vite anéantie par des arrestations.59
Il s'avéra que la responsabilité des contacts avec les matelots de la flotte de la Baltique, à la fin de 1915, était confiée à Chourkanov, un agent de la police.60 Naturellement, l'okhrana était bien informée des activités bolcheviques à Kronstadt, avec notamment les noms et les adresses. De telle sorte que ce n'est qu'après la Révolution de Février que furent tenues les premières réunions de l'Organisation militaire du Comité de Pétersbourg.
Pendant toute la guerre, outre les infiltrations policières et les rafles, les bolcheviks de Russie durent faire face à deux types de fléaux récurrents : (1) le manque d'intellectuels et (2) la rareté des fonds. Un vieux bolchevik décrivait la difficulté qu'il éprouvait au début de 1915 à faire rédiger un tract contre la guerre. Pour le faire écrire, il se tourna vers les intellectuels du parti de Moscou, où il travaillait. Il n'eut pas de réponse avec eux. Beaucoup soutenaient la guerre, et les autres semblent avoir été trop effrayés pour coopérer. Finalement il rédigea un projet lui-même, et avec d'autres ouvriers il y travailla péniblement et longuement, mais malgré tout leurs phrases ne sonnaient pas russe (ils étaient sans doute Lettons). Le tract devait donc avoir l'air d'être une publication allemande. Ils ne trouvèrent personne pour le corriger. Aucun des intellectuels n'était d'accord avec le contenu, qui était défaitiste révolutionnaire. Finalement, les erreurs de grammaire restèrent.61
Le même problème se posait à Saratov. A la fin de 1915, pratiquement toutes les usines de Saratov avaient une cellule bolchevique comptant dix à vingt ouvriers. Au début ils se contentaient d'être dirigés par les militants actifs, mais ensuite ils réclamèrent des propagandistes plus compétents. Le manque d'intellectuels était un problème endémique.62
Encore et encore, Chliapnikov se plaignait que les intellectuels se soient détournés de l'activité illégale pendant la durée du conflit, s'impliquant au contraire dans les diverses institutions liées à la guerre.63
Du fait de la grande rareté des intellectuels dans le parti, les cadres ouvriers qui parvenaient à une position défaitiste révolutionnaire de leur propre chef, sans l'aide des intellectuels du parti et sans contact avec Lénine à l'étranger, avaient de quoi être fiers d'eux-mêmes. Ainsi, par exemple, un groupe de Lettons parvint à la conclusion que la guerre impérialiste devait être transformée en guerre civile, et ceci sans connaître les thèses de Lénine et sans avoir un seul théoricien parmi eux.64
Pour aggraver les difficultés, le manque d'intellectuels s'accompagnait d'exaspérants problèmes financiers. Ainsi Chliapnikov raconte que lorsque la guerre éclata, il réussit à obtenir des contacts pour fournir de la littérature à St-Pétersbourg, mais ne put les maintenir du fait du manque d'argent. Le Comité de Pétersbourg ne pouvait réunir la somme de 300-500 roubles par mois dont il avait besoin pour fonctionner.65 Chliapnikov était très amer ; s'il avait eu ne fût-ce que 500 roubles par mois, il aurait pu inonder la Russie de littérature.66
Le bureau n'avait pas les moyens d'envoyer quelqu'un dans les provinces ; il ne pouvait y entretenir personne, ne serait-ce qu'un mois, et devait se contenter de visites occasionnelles.67 Le revenu total du Comité de Pétersbourg du 1er mai au 1er décembre 1915 s'est monté à 2.417,79 roubles68 – environ 2 500€69 pour sept mois !
Quand on lit les mémoires des participants, on se rend compte à quel point le parti bolchevik était différent de l'image produite plus tard par les historiens et les apologistes staliniens. Il n'avait rien d'un parti unifié, centralisé, administré. En réalité, il était composé d'un grand nombre de petits groupes, certains fédérés de façon informelle, mais la plupart coupés les uns des autres et de Lénine. Chaque comité local devait développer une capacité indépendante d'action politique, et cette capacité fut décisive pendant les mois de la révolution.
Les bolcheviks ont joué pendant la guerre un rôle crucial dans la montée de l'activité de la classe ouvrière. Un rapport de police de l'époque attribuait le changement d'humeur des masses aux activités des « léninistes », ajoutant que cette agitation, qui était la plus forte dans la capitale, menait à la formation de cellules secrètes dans les usines et les ateliers locaux, à la tenue de réunions et de rassemblements interdits, et à des grèves partielles. Fin août 1915, les ouvriers de Poutilov présentaient à la direction une série de revendications économiques et politiques. Ces dernières étaient essentiellement la libération des cinq députés bolcheviks de la Douma déportés en Sibérie en février 1915, le suffrage universel, la liberté de la presse, et une extension de la session de la Douma d'Etat. Selon le rapport, ces revendications étaient soutenues par une grève du zèle.70
Comme nous l'avons déjà mentionné, lors de l'anniversaire de la Révolution de 1905, le 9 janvier 1916, cent mille ouvriers se mirent en grève à St-Pétersbourg. L'initiative venait du district de Vyborg. Il y eut des manifestations dans lesquelles les soldats saluaient de leurs camions les manifestants aux cris de « Hourrah! ». Mais en général les soldats étaient consignés dans leurs casernes ; les gardes y étaient renforcées, de même que dans les centraux téléphoniques ; les soldats qui restaient dans leurs casernes recommandaient à ceux qui sortaient en patrouille de ne pas tirer. Les défilés reprirent le lendemain, et il y eut une manifestation conjointe dans le district de Vyborg à 6 heures du matin, où des soldats brandirent le drapeau rouge. Jusqu'au 9 janvier il y avait eu un total de six cents arrestations.71
En février, une nouvelle vague de grève balaya les ateliers de Poutilov, suivie d'un lock-out de trois jours. Aux revendications ouvrières d'une augmentation de salaire de 70 % s'ajoutaient des slogans politiques, parmi lesquels : « A bas la dynastie des Romanov », « A bas la guerre ».
Un rapport de police met au compte des « léninistes » la transformation des revendications des ouvriers de Poutilov d'économiques en politiques.
Il est clair que les causes de la grève étaient purement économiques et le seraient sans doute restées si l'élément révolutionnaire n'était pas intervenu.
Le groupe « léniniste » dirigeant, qui se proclame « Comité de Pétersbourg du Parti Social-démocrate Ouvrier » considère toute action économique de la part des masses laborieuses comme inadaptée en ce moment et s'oppose aux tentatives inorganisées des ouvriers d'exprimer leur mécontentement face à leurs difficiles conditions d'existence dans certaines entreprises industrielles. Ce groupe reste cependant fidèle aux plans et aux visées de ses dirigeants clandestins, qui sont toujours désireux d'utiliser les grands mouvements sociaux à leurs propres fins. Cette organisation a essayé d'utiliser la grève actuelle des ouvriers de Poutilov pour rendre plus proche la réalisation des idéaux suprêmes de la social-démocratie.72
C'est avec une fierté justifiée que Lénine et Zinoviev pouvaient écrire en août 1915 :
D'une façon générale, la classe ouvrière de Russie s'est révélée immunisée contre le chauvinisme.
Cela s'explique par la situation révolutionnaire dans le pays et les conditions générales d'existence du prolétariat de Russie.
Les années 1912 1914 ont marqué le début d'un nouvel et prodigieux essor révolutionnaire en Russie. Nous avons de nouveau assisté à un vaste mouvement de grève, sans précédent dans le monde. La grève révolutionnaire de masse a englobé en 1913, selon les estimations les plus modestes, un million et demi de participants ; en 1914, elle en comptait plus de 2 millions et se rapprochait du niveau de 1905.
A la veille de la guerre, à Pétersbourg, on en était déjà aux premiers combats de barricades.
Le Parti Ouvrier Social Démocrate de Russie, parti illégal, a rempli son devoir vis à vis de l'Internationale. Le drapeau de l'internationalisme n'a pas tremblé dans ses mains.73
Les bolchéviks ne manquaient pas d'ingéniosité dans leurs activités politiques antiguerre. Ils allèrent jusqu'à utiliser des institutions légales auxquelles ils étaient par principe opposés, comme les Comités de l'Industrie de Guerre, pour faire de la propagande, accroître leur influence et construire leur organisation.
Lorsque la guerre éclata, l'industriel A.I. Goutchkov , membre du Parti octobriste, représentant la grande bourgeoisie (appelé « octobriste » parce qu'il se basait sur l'édit du tsar du 17 octobre 1905 accordant à la Russie un semblant de constitution), conçut l'idée de créer des comités pour améliorer la production, en particulier des matériels de guerre. Le but était d'amener les représentants des salariés à collaborer avec la direction. Alors que les mencheviks était favorables à la participation à ces comités, les bolcheviks y étaient opposés.
Malgré la crainte exprimée par certains ministres que les dirigeants des ouvriers saisissent l'occasion pour développer une agitation sous le prétexte des élections74 , des discussions et des campagnes électorales furent permises, bien qu'il y ait eu probablement des tentatives d'en limiter le nombre à une seule réunion. Toutes les tendances de gauche, quelle que fût leur politique, profitèrent du rassemblement légal de travailleurs dans des séances ouvertes, qui étaient les premières depuis le début de la guerre et semblent avoir été assez fréquentées.
Les bolcheviks de St-Pétersbourg firent un usage extensif de ces réunions et de ces débats pour présenter de manière cohérente les raisons pour lesquelles ils ne souhaitaient pas participer aux élections ou à une quelconque activité des Comités de l'Industrie de Guerre. Leur propagande sur le sujet constituait une véritable campagne, avec la production de tracts, l'apparition publique des membres du comité, et l'opportunité de présenter des résolutions bolcheviques dans de nombreuses usines. Il n'y avait pas eu, pendant la guerre, beaucoup d'occasions pour les bolcheviks de se présenter aussi ouvertement – habituellement leurs commentaires se limitaient à des tracts mis dans les mains des ouvriers ; la campagne du Comité de l'Industrie de Guerre resta un moment fort de leur activité, que l'on peut considérer comme une véritable réussite.
Les élections au Comité de l'Industrie de Guerre comportaient deux étapes. Dans la première, chaque usine de 500 ouvriers ou plus élisait un délégué pour mille salariés. Dans la seconde, les délégués sélectionnaient dix hommes pour les représenter au Comité Central de l'Industrie de Guerre. Les mencheviks soutenaient la participation aux deux niveaux des élections. Les bolcheviks étaient pour la participation aux élections primaires mais pour le boycott de la deuxième étape. Au lieu de participer au deuxième échelon, ils proposaient de faire connaître leur programme.
L'une des premières initiatives du Comité de Pétersbourg fut de produire un nakaz, ou ensemble d'instructions, destiné à être adopté lors des réunions d'usines. Les délégués aux élections des comités pouvaient ensuite être mandatés avec ce nakaz.75 C'était probablement une bonne tactique, car elle donna aux orateurs bolcheviks un point de focalisation autour duquel unifier l'opposition en développant une critique négative. Le nakaz était dupliqué sous la forme d'un tract relativement long qui expliquait en termes plutôt complexes quel était le but de la guerre, qui en retirait les bénéfices, et qui en souffrait, en mettant l'accent sur le fait que la classe ouvrière de chaque pays devait toujours se rappeler que « l'ennemi de tout peuple est dans son propre pays ».76 La première tâche à accomplir en Russie était l'établissement d'une république démocratique qui balaierait les vestiges du féodalisme et paverait la voie au socialisme. Il ne pouvait donc être question de participer au Comité de l'Industrie de Guerre, car cela aurait été ni plus ni moins une trahison de la classe ouvrière.
Le nakaz fut adopté, entre autres, aux usines Strayi, Lessner et Erikson.77 Des résolutions semblables furent adoptées à Novy Lessner, Poutilov et d'autres usines, condamnant à nouveau la guerre comme étant uniquement dans l'intérêt des capitalistes et rappelant aux ouvriers l'arrestation de leurs représentants à la Douma.78
La première session des électeurs eut lieu le 27 septembre 1915. Elle commença à midi et se prolongea jusqu'à une heure du matin, sans interruption pour les repas, et s'avéra très turbulente, la tension montant après chaque intervention.79 Sur les 218 représentants élus par plus de 250.000 ouvriers, 177 étaient présents.80 Il y avait à l'évidence un fort soutien pour la position bolchevique. La sœur de Lénine Anna lui écrivit quelques jours plus tard qu'une solide majorité de bolcheviks étaient présents.81
Les chiffres du scrutin démontraient le soutien que les bolcheviks avaient réussi à susciter et indiquaient que leur précédente campagne avait du être complète. Le long nakaz du Comité de St-Pétersbourg fut adopté dans son intégralité comme résolution par la séance, qui se prononça ensuite par 95 voix contre 81 contre la participation aux Comités de l'Industrie de Guerre.82
Au premier tour, les bolcheviks avaient réussi à obtenir suffisamment de délégués opposés aux Comités pour mettre un terme aux élections. Le fait que les délégués ouvriers de la capitale avaient rejeté les comités devait affecter les élections dans d'autres parties du pays. Cela dut être une des raisons pour lesquelles le gouvernement n'organisa aucune réunion pré-électorale à Moscou et n'accorda aucune période de campagne. A Moscou les élections eurent lieu sans qu'aucun discours ne soit prononcé – les comités ne pouvaient risquer une nouvelle débâcle.
A St-Pétersbourg, cependant, le Comité Central de l'Industrie de Guerre ne se résigna pas à accepter les résultats des premières élections et décida d'en tenir de nouvelles le 29 novembre. La police fut alors beaucoup plus active dans les arrestations de bolcheviks. Il n'y eut pas de période de campagne, ni de réunions électorales. Après les élections, dans une réunion de 153 délégués, les bolcheviks lurent leur déclaration, condamnant les secondes élections comme un détournement de la volonté des travailleurs de St-Pétersbourg, et déclarant une fois de plus que le prolétariat de la capitale ne participerait à aucune institution visant à maintenir la monarchie avec le sang des ouvriers et des paysans. A la fin, les deux tiers des délégués quittèrent la salle en signe de protestation.83
La politique des bolcheviks envers les Comités de l'Industrie de Guerre formait un vif contraste avec celle des dirigeants mencheviques. En juin 1916, le groupe ouvrier du Comité Central de l'Industrie de Guerre publia une déclaration de ses opinions, dans laquelle il proclamait que c'était une infâme calomnie d'accuser le groupe de nourrir secrètement des idées défaitistes ; ils n'auraient pas participé aux Comités de l'Industrie de Guerre s'ils n'avaient pas été partisans d'une politique de guerre active. Le fait même de leur participation aux travaux du comité était compris par tout le monde comme signifiant que les ouvriers russes avaient décidé de prendre part au travail de la défense nationale. Le groupe ouvrier du comité de Moscou fit une déclaration semblable : « Notre pays traverse une période difficile », écrivait-il,
… quinze de nos provinces sont occupées par l'ennemi ; des millions de vieillards, de femmes et d'enfants n'ont pas de toit au dessus de leurs têtes, et errent sans abri dans le pays. Beaucoup d'hommes ont été tués par l'ennemi et leurs femmes meurent de faim. Dans ces circonstances la classe ouvrière s'est levée pour défendre son pays. Pour fournir à l'armée tout ce dont elle a besoin, organiser la population civile, empêcher les forces économiques de la nation de se désintégrer, un grand effort et nécessaire et toute l'énergie de la nation doit être rassemblée. Son initiative et sa capacité d'efforts personnels doivent être librement développées.84
L'histoire devait confirmer de façon éclatante l'affirmation de Lénine en mars 1915 :
Près de 40.000 ouvriers achetaient la Pravda ; beaucoup plus la lisaient. Quand bien même la guerre, la prison, la Sibérie, le bagne réduiraient ce nombre de cinq ou dix fois, cette couche sociale ne peut pas être détruite. Elle vit. Elle est pénétrée d'esprit révolutionnaire et d'antichauvinisme. Elle seule se dresse parmi les masses populaires, et au plus profond de ces masses, comme le propagandiste de l'internationale des travailleurs, des exploités, des opprimés. Elle seule est restée debout, au milieu de l'effondrement général. Elle seule arrache les couches semi-prolétariennes au social-chauvinisme (…) pour les conduire vers le socialisme.85
Le responsable syndical bolchevik de Pétrograd Pavel Boudaïev décrivait la situation de mars 1916 comme ayant atteint le point d'ébullition. Dans les imprimeries, neuf entreprises étaient immobilisées par la grève. Les organisations social-démocrates d'Estonie avaient pris contact avec les organisations d'autres villes. Des tracts paraissaient constamment à Pétrograd, parmi lesquels certains provenaient de Narva.86
Nous pouvons résumer en disant que si, au début, la guerre avait fait reculer le bolchevisme, ce fut seulement pour accélérer sa croissance dans la période suivante, et le préparer à sa victoire finale.
Notes
2 F.I. Kalinitchev, Государственная дума в России : Сборник документах и материалах, Moscou 1957, pp.595-96.
4 D.A. Baïevsky, Очерки по истории Октябрьской революции, vol.1, Moscou 1927, p.379.
5 A.G. Chliapnikov, A la veille de 1917 , 1920.
6 Социал-демократ, n° 51, 29 février 1916.
7 Революционное былое, n° 3, 1924,cité in Baïevsky, op cit, p.384.
8 Gankin and Fisher, p.151.
9 T. Dan in J. Martov, Geschichte der russischen Sozialdemokratie, Berlin 1926, p.283.
10 Lénine, Œuvres, vol.21, p.171.
11 ibid, p.172-173.
12 Сборник Социал Демократа, n° 1, octobre 1916, p.57.
13 Lettre de Kamenev écrite le 23 avril 1915, cité in « Из переписки Русского бюро ЦК с заграницей в годы войны (1915—1916 гг.) », Пролетарская революция, nos.7-8 (102-3), 1930.
14 Kroupskaïa, p. 187.
15 I.P. Khoniavko, « В подполье и в эмиграции », Пролетарская революция, n°4 (16), 1923.
16 Gankin et Fisher, p.148.
17 Chliapnikov, Канун Семнадцатого Года, Moscou-Petrograd, 1923, vol.1, pp.10-11.
18 R.G. Suny, The Baku Commune, 1917-1918, Princeton 1972, p.59.
19 Voir par exemple O. Tchadaev, Большевики в годы империалистической войны. 1914 — февраль 1917, Moscou 1939 ; ou N.P. Donii, Большевики Украины в период между первой и второй буржуазно-демократическими революциями в России, Kiev 1960, pp.554-650.
20 Trotsky, Histoire de la révolution russe , Volume 1, Paris, Seuil, 1950, pp.71-72.
21 Pour 1903 et 1904, la statistique se rapporte à toutes les grèves, dans lesquelles prédominaient sans aucun doute les grèves économiques.
22 A. Kisselev, « В июле 1914 года », Пролетарская Революция, n° 7 (30), 1924.
24 Социаль Демократ, 12 décembre 1914.
25 I.P. Leiberov and O.I. Chkaratane, « К вопросу о составе петроградских промышленных рабочих в 1917 году », Вопросы истории, n°1, 1961.
26 In M.N. Pokrovsky, Очерки по истории Октябрьской революции, Moscou-Leningrad 1927, vol.1, p.261.
27 Ibidem, p. 270.
28 V.L. Meller et A.M. Pankratova, Рабочее движение в 1917 году , Moscou-Leningrad 1926, p.16.
29 Meller et Pankratova, pp.17, 20.
30 Pokrovsky, Очерки по истории Октябрьской революции, vol.1, p.287.
31 Leiberov et Chkaratane.
32 A.N. Iakhontov, Тяжелые Дни (Секретные заседания Совета Министров 16 июля-2 Сентября 1915 года) , 1926.
33 Ibid.
34 Ibid.
35 C.E. Vuillamy et A.L. Hynes, The Red Archives : Russian State Papers and Other Documents Relating to the Years 1915-1918, Londres 1929, pp.62-63.
36 Vuillamy et Hynes, p.66-67.
37 Vuillamy et Hynes, p.68.
38 Iakhontov, op. cit.
39 Ibid.
40 A.E. Badaiev, Большевики в государственной думе, Leningrad, 1996, p. 311.
41 Iakhontov, op. cit.
42 Kisselev.
43 M.G. Fleer, ed., Петербургский комитет большевиков в годы империалистической войны, Leningrad 1927, pp.19-20.
44 Fleer, p.19.
45 Социал-демократ, no.41, May 1, 1915.
46 Les mejraïontsy étaient un groupe informel auquel appartenaient Trotsky, Lounatcharsky, Pokrovsky, Ioffé et d'autres futurs dirigeants de la Révolution d'Octobre, qui n'étaient ni bolcheviks ni mencheviks lorsque le groupe se forma en 1913.
47 Партия большевиков в годы мировои империалистическои воины, Moscou 1963, p.235.
48 Ibid. p. 232.
49 I.P. Leiberov, « В И. Ленин и Петроградская организация большевиков в период мировой войны (1914—1916 гг.) », Вопросы истории КПСС, n° 6, 1960.
50 Fleer, p.409.
51 I.I. Mints, История великого октября, Moscou 1967, vol.1, p.221.
52 Fleer, p.91.
53 Fleer, p.91.
54 Революционное движение в армии и на флоте в годы первой мировой войны. 1914 − февраль 1917 г, Moscou 1961, pp.218-19.
55 Chliapnikov, Канун Семнадцатого Года , Moscou, 1992, p.273.
56 История КПСС, Moscou 1963 ; Baevsky in Pokrovsky, vol.1, p.458.
57 Chliapnikov, A la veille de 1917 .
58 Mints, p.319.
59 Революционное движение в армии и на флоте в годы первой мировой войны. 1914 − февраль 1917 г, p.435.
60 Chliapnikov, Канун семнадцатого года , vol. 2, Editions d'Etat, p.48-49.
61 M.Ia. Latsis, « Подпольная работа в Москве (1914—1915) », Пролетарская революция n° 10 (45), 1925.
62 Antonov-Saratovskii, « Саратов в годы империалистической войны (1914 — 1916 гг.) и "Наша газета" », Пролетарская революция n° 4, (16), 1923.
63 Chliapnikov, A la veille de 1917 , et ibid. .
64 K. Pechak, « Социал-демократия Латвии (Коммунист, партия Латвии) в период с 1909 по 1915 гг », Пролетарская революция, n° 12, 1922.
65 Chliapnikov, A la veille de 1917 .
66 Chliapnikov, A la veille de 1917 .
67 Chliapnikov, Канун семнадцатого года , vol.1, chapitre XXXIV.
68 Сборник социал-демократа, n° 2, p. 82.
69 2 500 € de 2015 – l'édition originale parle de 242 livres sterling en 1976.
70 Fleer, p.259.
71 M. Balabanov, От 1905 к 1917 году, Moscou-Leningrad 1927, p.411.
72 Fleer, p.262.
73 G. Zinoviev et V.I. Lénine, Le socialisme et la guerre , Lénine, Œuvres, vol.21.
74 L. Kochan, Russia in Revolution, 1890-1918, London 1970, p.183.
75 Mints, vol.1, pp.277-83.
76 Партия большевиков в годы мировои империалистическои воины, p.141.
77 Mints.
78 Chliapnikov, Канун семнадцатого года , vol. 1, chapitre XVIII.
79 Ibidem.
80 Mints, p.279.
81 Mints, p.279.
82 Gankin et Fisher, p.193.
83 Le Sotsial-Demokrat imprima certaines des résolutions et déclarations, et le nakaz en totalité dans son numéro 51. Si le journal parvenait à d'autres cités industrielles ces informations ont dû être très utiles, car sinon les ouvriers des provinces n'auraient rien su, ou très peu, de ce qui se passait dans la capitale. Des informations sur la deuxième série d'élections ne parurent pas avant le 13 avril 1916 (N° 53) dans une lettre signée A.B. (Chliapnikov).
84 S.O. Zagorsky, State Control of Industry in Russia during the War, New Haven 1928, p.165.
85 Lénine, Œuvres, vol.21, pp.176-177.
86 Красная Летопись, n° 7, 1923.