1978

"Le titre du livre synthétise ma position : à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la "démocratie socialiste" immédiatement."


Nahuel Moreno

La dictature révolutionnaire du prolétariat


III. Démocratie bourgeoise ou démocratie ouvrière ?


8. Trotsky clôt la discussion.

Trotsky émit sa dernière opinion sur ce thème l'année de son assassinat. Le St. Louis Post Dispatch, un journal bourgeois, l'interviewa, et entre autres questions, lui posa la question suivante : "La dictature du prolétariat signifie-t-elle nécessairement la suppression des droits civiques, comme ceux que reconnaît la "Bill of Rights" (Loi Fondamentale) des Etats Unis, y compris, évidemment, la liberté d'opinion, de presse, de réunion et de religion ?"Qu'aurait répondu un des auteurs de la résolution ? Sans douter un seul instant, il aurait répondu : "Dès le moment-même de l'instauration de la dictature du prolétariat, notre norme programmatique est tout à fait claire : "liberté politique illimitée". Nous accorderons beaucoup plus de libertés que le "Bill of Rights"". C'est ce que disent déjà des dirigeants du SWP dans leurs interventions.[*] Trotsky, qui était comme chacun sait un révolutionnaire, et non un professeur d'Université, répondit de la manière suivante : "Ce serait une grande erreur que de supposer que la révolution socialiste en Europe ou en Amérique du Nord suivra le modèle de la Russie arriérée. Les tendances fondamentales seront évidemment similaires. Mais les formes, les méthodes, le "climat" de la lutte revêtent des caractéristiques propres dans chaque pays. On peut, en anticipant, établir la loi suivante : plus nombreux seront les pays où le capitalisme sera détruit, plus faible sera la résistance qu'opposeront les classes dominantes des autres nations, moins violent sera le caractère que prendront la révolution socialiste et la dictature du prolétariat, plus bref sera le délai d'une résurgence de la société sur la base d'une démocratie nouvelle, plus complète, plus parfaite et humaine. En tous cas, aucune révolution ne peut attenter au "Bill of Right" comme la guerre impérialiste et le fascisme qu'elle engendrera." (Trotsky, 1940) [15]. Il est impossible d'être plus clair  : premièrement, Trotsky ne se risque à rien de précis. "En tous cas, aucune révolution ne peut attenter au "Bill of Rights" comme la guerre impérialiste et le fascisme qu'elle engendrera". Deuxièmement, la révolution socialiste aux U.S.A. va attenter au "Bill of Rights", mais pas au point de "la guerre impérialiste". Troisièmement, tout dépend de la situation objective et de "la résistance qu'opposeront les classes dominantes". Quatrièmement, à une moindre résistance correspondra un "caractère moins violent de la révolution socialiste et de la dictature du prolétariat". Cinquièmement, la révolution socialiste et la dictature du prolétariat signifient une disparition des libertés et de la démocratie. Dans là mesure où il y a une "faible résistance", "plus bref sera le délai de résurgence de la société sur la base d'une démocratie nouvelle, plus complète, plus parfaite et humaine". Quelque chose qui ressurgit a nécessairement disparu.

C'est là le véritable Trotsky, celui qui prend l'engagement immédiat de faire la révolution, et non d'élargir le "Bill of Rights". C'est le Trotsky que nous avons voulu défendre contre ses falsificateurs.


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