1988 |
" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant 42 de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essaierai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé " - L. Trotsky. |
Plus que tout autre, Trotsky a vécu comme un cauchemar le IIe congrès du P.O.S.D.R. Les lendemains ne sont pas moins hallucinants pour lui. Champion de l'unité et du maintien de l'ancien comité de rédaction de l'Iskra, il n'a pas le loisir de goûter la revanche que devrait, en toute logique, constituer pour lui la restauration de l'équipe dont il a vainement défendu le maintien.
Il revient certes à l'Iskra, avec Véra Zassoulitch, Martov et leurs amis, mais dans une position de second plan où le maintiennent l'hostilité entêtée de Plékhanov, le mécontentement de nombre de lecteurs contre le ton du Rapport et surtout le fait qu'il n'a plus le soutien d'un homme aussi influent que Lénine. Plus grave, quelques mois plus tard, il doit à son tour quitter l'Iskra.
L'initiative est venue de Plékhanov. Les raisons ne lui manquent pas. L'hostilité de l'ancien n'a pas désarmé contre le jeune homme, qui vient en outre de démontrer avec éclat qu'il ne recule pas devant les violences verbales dans la polémique interne. Le prétexte qu'il saisit est l'article de Trotsky, « Notre campagne " militaire " », dans l'Iskra du 15 mars 1904. Trotsky a examiné de façon très critique l'attitude du parti vis-à-vis de la guerre russo-japonaise qui vient d'éclater. Les attaques contre les bolcheviks ne peuvent entièrement dissimuler qu'il s'agit en réalité d'une critique sévère de la propagande des comités du parti, de son incapacité à vertébrer une véritable campagne, de l'abus qu'elle fait des clichés et des généralités et ses inexactitudes factuelles et incertitudes théoriques [2].
Fidèle à la tactique du coup de poing, Plékhanov exige tout simplement du comité de rédaction l'engagement de ne plus publier d'article de Trotsky dans l'Iskra. Tirant prétexte des attaques contre lui dans le Rapport et de ce qu'il appelle « l'insolence » de Trotsky à son égard, il met sa démission dans la balance, assurant qu'il tient pour « répugnant moralement » d'être le responsable d'un périodique auquel ce dernier collabore [3]. L'état-major des mencheviks est dans une situation difficile. Trotsky est incontestablement des leurs et, dans la période de crise, il vient d'être l'un de leurs principaux porte-parole, alors que Plékhanov, allié à Lénine, cautionnait leur élimination. Mais c'est à Plékhanov qu'ils doivent leur retour, la position reconquise à l'Iskra. Il semble qu'ils aient d'abord tenté de résister et décliné fermement la proposition de Trotsky de quitter la scène de l'émigration en revenant en Russie. Martov clame que la question est « hautement principielle » et qu'il faut tenir bon. Mais il cède, et Trotsky doit cesser sa collaboration. Première brèche entre les mencheviks et lui, c'est la première déchirure sur la voie d'une rupture qui est formalisée peu après [4].
En réalité, la pensée politique du jeune homme dans cette période évolue d'une façon à certains égards contradictoire. Plus que jamais convaincu que le prolétariat constitue la classe qui exprime les intérêts de l'ensemble des travailleurs, il considère – et écrit dans l'Iskra – que la bataille essentielle du prolétariat est livrée pour son indépendance de classe et qu'il doit la livrer au moins aux trois quarts contre la « démocratie bourgeoise [5] », ce qui le coupe des mencheviks qui veulent s'allier à cette dernière. En même temps, l'approche de la révolution ouvrière, qu'il sent en gestation dans l'empire russe, rend urgente à ses yeux la réunification du parti social-démocrate, et renforce son hostilité à Lénine et aux bolcheviks qui sont selon lui les responsables de la scission.
C'est ainsi que le champion de l'unification se retrouve finalement isolé. Mais c'est aussi pourquoi cet isolement n'a pas pour résultat de le paralyser. Au contraire. On peut tenir pour vraisemblable que c'est précisément cette indépendance de fait qui l'incite à s'exprimer plus librement, donc plus complètement qu'il ne l'avait fait jusqu'à présent, et à se définir publiquement par rapport aux problèmes du parti. L'occasion est bonne d'élaborer de façon systématique son analyse personnelle de la crise du parti – diagnostic et remèdes. Il n'est guère surprenant non plus qu'il ait voulu situer son travail dans la perspective d'une étude historique du développement du parti au cours de ses premières années, et que cela ait signifié une révision de ce qu'avaient été ses impressions premières, avec d'importantes retouches à l'image de l'Iskra qu'il avait jusqu'alors conçue et défendue.
C'est ce travail qu'il veut réaliser dans une brochure qu'il prépare pendant la première moitié de 1904 et qui paraît finalement à Genève au mois d'août. Nos Tâches politiques est sans doute, de tous les écrits de Trotsky, celui dont le destin fut le plus étrange et la signification la plus contestée. Analyse et polémique, débat d'idées et pamphlet, réquisitoire et leçon érudite d'histoire de la Révolution française, elle manque totalement son but, la réunification ou, du moins, la préparation de ses conditions. Ecrite au moment où mûrit sa rupture avec les mencheviks, elle est en même temps le signe de cette éclatante rupture politique avec Lénine qui le poursuivra sa vie durant. Et sa physionomie politique ne se borne pas à son impact immédiat : tandis que la plupart de ceux qui se réclament de la pensée de Trotsky évitent aujourd'hui avec gêne de la commenter, d'autres, qui sont ses adversaires politiques, y voient une géniale prémonition du stalinisme.
* * *
Les premiers chapitres, essentiellement d'analyse historique, de Nos Tâches politiques semblent traduire de la part de l'auteur une certaine distance, un recul personnel, à travers une tentative, indiscutablement solide, d'analyser le développement du Parti social-démocrate russe depuis son origine. Trotsky considère en effet que le parti a été conditionné par la lutte et par une nécessité pressante. Il s'agissait pour lui de concilier sur le plan des principes et de coordonner sur le plan pratique les tâches « révolutionnaires-démocratiques » et les tâches socialistes, issues de deux courants historiques indépendants l'un de l'autre, mais posées simultanément par l'histoire aux révolutionnaires russes.
C'est, selon lui, sur cette contradiction que le populisme s'est brisé. Plékhanov, dès 1899, a indiqué nettement la direction générale dans laquelle ce problème serait réglé, avec sa fameuse formule du congrès de l'Internationale : « Le mouvement révolutionnaire russe triomphera comme mouvement ouvrier ou ne triomphera pas [6]. » Pour Trotsky, l'idée qui a dominé dans le parti depuis le début du siècle, avec l'alternance des tendances, l'ère « économiste » suivie de l'ère « iskriste », a été que la social-démocratie russe « veut consciemment être et rester » le mouvement de la classe ouvrière. Reconsidérant, à la lumière de son expérience dans l'émigration, son appréciation du rôle de l'Iskra, il pense qu'elle est loin d'avoir joué le rôle qu'elle s'était fixé ; l'Iskra a en effet avant tout contribué de façon très importante à la différenciation politique à l'intérieur de l'intelligentsia démocratique, mais son influence n'est guère allée plus loin.
Trotsky met à l'actif de l'Iskra d'avoir éclairé la conscience de l'intelligentsia sur les intérêts et le rôle historique du prolétariat. Mais il souligne qu'elle n'a nullement contribué à « délimiter politiquement » le prolétariat lui-même, notamment parce qu'elle n'a jamais proposé de normes tactiques destinées à faciliter ce qu'il appelle « la politique autonome de classe du prolétariat » et le développement de sa conscience à travers son expérience [7]. C'est là une sérieuse critique de fond du bilan et des conceptions de l'ancienne Iskra qu'il formule, sans polémiquer vraiment :
« Le parti n'est pas composé simplement de lecteurs assidus de l'Iskra, mais d'éléments actifs du prolétariat qui manifestent quotidiennement leur pratique collective [...]. C'est pour susciter cette activité collective, pour la faire progresser, pour la coordonner et pour lui donner forme, que nous avons besoin d'une organisation souple, mobile, capable d'initiative, d'une « organisation de révolutionnaires professionnels », non pas de colporteurs de littérature, mais de dirigeants politiques du parti [8]. »
Pour lui, l'ancienne Iskra n'a pas répondu – et n'a pas cherché à répondre – à ce besoin. Elle a en particulier splendidement ignoré toutes les tâches qui devraient précisément aider le développement de l'activité autonome du prolétariat au même rythme que sa conscience. S'appuyant sur des lettres et rapports de Russie, il démontre que « le journal organisateur » et son réseau d'« agents » n'ont pas su – et sans doute pas voulu – organiser et mener les campagnes systématiques d'agitation, dans la classe ouvrière et à partir d'elle, qui s'imposaient dans la période récente par exemple pour l'établissement du suffrage universel ou contre la guerre russo-japonaise.
Il souligne en outre la disparition des préoccupations, des dirigeants comme du journal, de ce qu'il appelle « les questions de tactique politique » sur lesquelles les travailleurs doivent devenir capables de se prononcer concrètement : désormais, ce sont « les comités » qui fournissent une orientation toute prête et éventuellement la modifient et, dans ses relations avec les autres organisations sociales, le parti fait appel à la force abstraite des intérêts de classe du prolétariat, « non à la force réelle du prolétariat conscient de ses intérêts de classe ».
Pour Trotsky, l'ancienne Iskra, par ses conceptions générales de travail, a instauré dans le parti ce qu'il appelle le « substitutisme », la pratique qui consiste à penser pour le prolétariat et à sa place, à se substituer politiquement à lui [9]: on renonce ainsi à construire « un parti qui l'éduque politiquement et le mobilise ». S'appuyant sur quelques exemples empruntés à la correspondance russe, il accuse, assurant que « le trait caractéristique de la période [...], c'est l'émancipation des " révolutionnaires professionnels " de toutes obligations, non seulement morales mais aussi politiques, envers les éléments conscients de la classe au service de laquelle nous avons décidé de consacrer notre vie [10] ». La conclusion, sur ce point, revêt les accents d'un verdict sévère :
« Les comités ont perdu le besoin de s'appuyer sur les ouvriers dans la mesure où ils ont trouvé appui sur les " principes " du centralisme [11]. »
Reliant l'expérience des « iskristes » à celle des « économistes », qui l'avait précédée, Trotsky formule ce qui lui paraît l'explication commune de leur échec aux uns et aux autres :
« Tout comme " l'auto-détermination " des " économistes ", le substitutisme politique de leurs antipodes n'est rien d'autre qu'une tentative du jeune parti social-démocrate de " ruser " avec l'histoire. [...] Si les " économistes " ne dirigent pas le prolétariat parce qu'ils se traînent derrière lui, les " politiques " ne dirigent pas le prolétariat parce qu'ils remplissent eux-mêmes ses propres fonctions [12]. »
Trotsky se livre ensuite à une critique serrée des principes d'organisation mis en avant par Lénine dans la période de l'Iskra, particulièrement de la division du travail qui aboutit à ce que Lénine appelle le « militant parcellaire », coupé du travail formateur. Il y voit la manifestation de « la banqueroute des idéaux " manufacturiers " en matière d'organisation [13] », Il s'insurge également contre l'identification, souvent faite par Lénine, entre « la discipline de la fabrique » et ce qu'il appelle, lui, « la discipline politique et révolutionnaire du prolétariat ». Il faut, écrit-il, tourner dorénavant le dos à ce qu'a été l'activité de l'Iskra, que l'on peut résumer par la formule : « Se battre pour le prolétariat, pour ses principes, pour son but final [...] dans le milieu de l'intelligentsia révolutionnaire [14]. » La garantie de la stabilité du parti ne se trouve, selon lui, dans la période qui vient, ni dans la division du travail ni dans le respect d'une « discipline de fabrique », mais dans la base qu'il lui faudra conquérir à travers l'adhésion consciente d'un prolétariat actif et capable d'agir de façon autonome.
Au fur et à mesure que la brochure progresse et que l'auteur approche des polémiques récentes, les allusions à Lénine se multiplient sous forme polémique. Il l'accuse de « démagogie débridée [15] », de « cynisme » à l'égard du patrimoine idéologique du prolétariat [16] », d'ignorance de la dialectique qu'il « ravale au rang de la sophistique [17] » et de mépris à l'égard de ses propres partisans. Ces notations acerbes sont pourtant encore éparses dans la démonstration serrée de Trotsky à partir de son analyse de la situation du parti.
Tout change avec l'avant-dernier chapitre, entièrement dirigé contre la formule de Lénine, employée dans « Un Pas en avant, deux pas en arrière » et selon laquelle « le jacobin lié indissolublement à l'organisation du prolétariat devenu conscient de ses intérêts de classe [...] c'est justement le social-démocrate révolutionnaire [18] ».
Trotsky se déchaîne. En historien d'abord, et même, d'une certaine façon, en érudit, il fait le procès de l'assimilation ainsi pratiquée par Lénine entre jacobinisme et social-démocratie, une démonstration étincelante, malgré son indiscutable pédantisme, et que rythme, comme un refrain, son affirmation : « Deux mondes, deux doctrines, deux tactiques, deux mentalités, séparés par un abîme [19]. »
Puis il s'empare des traits de ce « jacobinisme », revendiqué par Lénine dans le cours de sa polémique, pour faire le procès de l'ancienne Iskra, dont il assure que la sagesse politique se ramenait à l'aphorisme : « Je ne connais que deux partis, celui des bons et celui des mauvais citoyens », gravé, dit-il, « dans le cœur de Maximilien Lénine [20] ». Les affirmations et les caractérisations rigoureuses s'accumulent. « La pratique du soupçon et de la méfiance » caractérisait l'ancienne Iskra dont la tâche consistait à « terroriser théoriquement » l'intelligentsia. Lénine se croit entouré de machinations et d'intrigues ; ses adversaires agissent, « sournoisement » et doivent être « mis hors d'état de nuire » : c'est pourquoi il a instauré dans le parti « le régime de l'état de siège » et de la « terreur ». Ce « métaphysicien politique » se « détache de la logique historique du développement du parti », et c'est ce qui nourrit chez lui une « méfiance, malveillante et moralement pénible, plate caricature [...] de l'intolérance tragique du jacobinisme ».
« Chef de l'aile réactionnaire du parti », Lénine a donné de la social-démocratie, en l'assimilant au jacobinisme, une « définition qui n'est autre qu'un attentat théorique contre le caractère de classe [21] » de ce parti : Trotsky estime qu'il s'agit en effet là d'un attentat non moins dangereux que le révisionnisme de Bernstein, puisqu'il identifie la social-démocratie à la variante jacobine du libéralisme. Il termine en sommant Lénine de choisir :
« Ou bien jacobinisme, ou bien socialisme prolétarien !
« Ou bien vous abandonnez la seule position de principe que vous ayez réellement prise en luttant contre la "minorité", ou bien vous abandonnez le terrain du marxisme que vous avez défendu apparemment contre la " minorité " [22]. »
Souvent confondu par les commentateurs avec l'avant-dernier, le dernier chapitre est consacré, au moins formellement, à la critique de comités de l'Oural, influencés par les bolcheviks, et de leur défense des positions de Lénine. Analysant un de leurs textes, Trotsky souligne que ces militants se représentent la dictature du prolétariat sous la forme d'une dictature sur le prolétariat, exercée par « une organisation forte et puissante », régnant sur la société tout entière et ayant pour tâche d'assurer le passage au socialisme. Il poursuit :
« Pour préparer la classe ouvrière à la domination politique, il est indispensable de développer et de cultiver son auto-activité, l'habitude de contrôler activement, en permanence, tout le personnel exécutif de la révolution. Voilà la grande tâche politique que s'est fixée la sociald-émocratie internationale. Mais, pour les " jacobins social-démocrates ", pour les intrépides représentants du substitutisme politique, l'énorme tâche sociale et politique qu'est la préparation d'une classe au pouvoir d'État, est remplacée par une tâche organisationnelle-tactique, la fabrication d'un appareil de pouvoir [23]. »
Or une telle « fabrication » ne peut se traduire, dans le parti lui-même, que par une sélection d'exécutants disciplinés et l'élimination mécanique de tous ceux qui ne répondent pas à ce modèle. C'est une conception qui rejoint celle de l'« état de siège » à l'intérieur du parti, préconisé et inspiré par Lénine.
S'efforçant alors d'élever le débat jusqu'au régime même de la « dictature du prolétariat » et entreprenant de répondre aux gens de l'Oural sur les causes de la défaite de la Commune de Paris, Trotsky écrit :
« Si nous imaginons quelque peu les tâches colossales (non pas les tâches d'organisation, les problèmes de conspiration, mais les taches socio-économiques et socio-politiques) que met en avant la dictature du prolétariat, ouvrant une nouvelle époque historique ; si, en d'autres termes, la dictature du prolétariat n'est pas pour nous une phrase creuse, qui couronne notre " orthodoxie " formelle dans les luttes à l'intérieur du parti, mais une notion vivante, qui découle de l'analyse de la lutte sociale toujours plus large et plus aiguë du prolétariat contre la bourgeoisie, alors nous ne tirons pas comme les Ouraliens la conclusion stupide que la Commune a échoué faute de dictateur, alors nous ne l'accusons pas d'avoir comporté " trop de disputes et trop peu d'action " et nous ne lui recommandons pas, a posteriori, d'éliminer les disputailleurs (les intrigants, les désorganisateurs, les adversaires malveillants) par la " dissolution " et la " privation des droits ". Les tâches du nouveau régime sont si complexes qu'elles ne pourront être résolues que par la compétition entre différentes méthodes de construction économique et politique, que par de longues " discussions ", que par la lutte systématique, lutte non seulement du monde socialiste avec le monde capitaliste, mais aussi lutte des divers courants et des diverses tendances à l'intérieur du socialisme : courants qui ne manqueront pas d'apparaître inévitablement dès que la dictature du prolétariat posera par dizaines, par centaines, de nouveaux problèmes, insolubles à l'avance. [...] La classe ouvrière [...] devra absolument à l'époque de sa dictature – comme il le faut maintenant – nettoyer sa conscience des fausses théories, des modes de pensée bourgeois, et expulser de ses rangs les phraseurs politiques et tous ceux dont les catégories de pensée sont surannées. Mais on ne peut opérer une substitution de cette tâche complexe en mettant au-dessus du prolétariat un groupe bien sélectionné de personnes ou, mieux, une seule personne nantie du droit de dissoudre et de dégrader. [...] La Commune justement [...] a montré que la seule base pour une politique sociale non aventuriste ne peut être que le prolétariat autonome, et non une classe à laquelle on insuffle un " état d'esprit " en faveur d'une organisation forte et puissante au-dessus d'elle [24]. »
Trotsky est ainsi sans doute le seul socialiste au monde à se préoccuper à cette date des problèmes de la future « dictature du prolétariat » ... qu'il aura l'occasion d'explorer plus concrètement quelques années plus tard.
La place de Nos Tâches politiques dans la biographie de Trotsky reste encore à démontrer ; nous reviendrons sur cette question. Cette diatribe follement excessive contre Lénine – qui, après tout, n'avait exclu et a fortiori fait exécuter personne – a constitué plus tard, pour un Trotsky rallié en 1917 aux conceptions d'organisation de Lénine, un document terriblement gênant au sujet duquel, dans le reste de sa vie, il a observé une grande discrétion. Par ailleurs, l'attaque qu'il a menée alors contre les méthodes qui, selon lui, conduisent « l'organisation du parti à " se substituer " au parti, le comité central à l'organisation du parti et finalement le dictateur à se substituer au comité central » peut être tenue – et est effectivement tenue par certains – comme une prescience de ce qu'allait être le stalinisme, ce qui donne à Nos Tâches politiques une dimension qu'il faudrait beaucoup de parti pris pour lui contester, au moins a priori.
Sur le moment, elle ne pouvait que contribuer à aggraver les antagonismes et même à envenimer la discussion. Isaac Deutscher pense que, dans sa polémique contre Lénine avec cette brochure, Trotsky a dépassé le caractère, tacitement admis jusque-là, de limitation de la diatribe personnelle et qu'il a employé des épithètes qui n'ont pu que choquer, puisqu'elles étaient adressées à un homme qualifié au même moment de « camarade ». Dans l'immédiat, en tout cas, et dans le contexte de la polémique interne dans le cadre de la crise du parti, c'est contre la politique de réconciliation préconisée par Trotsky qu'elle a joué. Il n'est en effet pas douteux que Nos Tâches politiques a creusé le fossé avec les bolcheviks, ainsi mis en accusation – en quels termes! –, et fait apparaître Trotsky comme l'ultra des mencheviks au moment où, pourtant, il allait proposer la dissolution de leur fraction.
Cette brochure de combat contre Lénine est en effet précédée d'une préface dans laquelle la question de la crise du parti est traitée avec un incontestable optimisme. Au point qu'on doit se demander pourquoi, dans une telle situation, Trotsky n'a pas renoncé à sa publication. Il constate en effet que « la phase la plus aiguë est passée » et que « les partisans de l'unité du parti peuvent regarder devant eux avec assurance ». Parvenu à « un tournant de son évolution interne », le parti devrait rapidement voir se réaliser « une concentration sur des tâches communes ». Il écrit même :
« Cet apaisement, auquel aspirent tous les éléments sains du parti, signifie la mort, en tant que force organisationnelle, de ce qu'il est convenu d'appeler la " minorité ". […] La fin du régime (de " l'état de siège ") dans le Parti signifie en même temps la mort organisationnelle de notre minorité [25]. »
Mais l'opinion de Trotsky ne suffisait pas pour que la minorité menchevique décrète sa propre disparition. La discussion commence un mois après la parution de la brochure. Trotsky souhaite un accord avec le comité central bolchevique en vue de la création d'un nouveau centre, stable, du parti. Le débat se termine par un compromis boiteux. Trotsky obtient satisfaction avec la décision formelle, pas encore publique, des mencheviks, de dissoudre leur fraction, « leur parti dans le parti ». Lui-même, semble-t-il, grâce aux efforts de P.B. Akselrod, recommence sa collaboration à l'Iskra, qu'ils contrôlent. Le résultat pratique est tout différent. La fraction menchevique subsiste, Trotsky est bel et bien seul entre deux fractions. Et par-dessus le marché, sa collaboration, par des « Notes politiques » à l'Iskra, fait de lui, aux yeux des militants, le menchevik qu'il n'est plus [26] …
* * *
C'est cette même année que Trotsky, devenu une sorte de franc-tireur dans le parti, rencontre un autre franc-tireur, du mouvement international, Aleksandr Israelovitch Helphand. L'homme est, comme lui, originaire d'une famille juive du sud de la Russie, comme lui devenu militant à l'université, comme lui émigré. Il a douze ans de plus que lui. La rencontre a une très grande importance dans la biographie personnelle et politique de Trotsky [27]. Helphand est en quelque sorte à l'intersection des mouvements allemand et russe, l'intermédiaire qui tire toute sa force de cette situation. Sa maison, dans le faubourg des artistes de Munich, Schwabing, est un lieu de rencontre. Bien des réfugiés y ont vécu, passé. Lénine y a rencontré Rosa Luxemburg, et elle abrite une grosse presse à imprimer. Journaliste et économiste marxiste reconnu, collaborateur de la revue théorique Die neue Zeit, animateur du bulletin de presse Aus der Weltpolitik, connu sous les pseudonymes littéraires militants de Molotov, puis Parvus, l'homme est considéré comme d'extrême gauche dans le parti allemand. Avec lui et sous sa direction, Trotsky s'introduit dans la vie artistique, la vie de bohème du Munich littéraire, se lie aux dessinateurs et aux chroniqueurs du prestigieux Simplicissimus [28].
On discutera sans doute longtemps la question de savoir lequel des deux hommes influença le plus l'autre dans ce compagnonnage et cette amitié noués en 1904, et aussi le caractère privilégié de cette influence. L'Australien Nicholas S. Weber, dans un article récent, a souligné combien l'influence des idées de Karl Kautsky et de Rosa Luxemburg sur la pensée de Trotsky en ces années n'est pas loin d'égaler celle de Parvus-Helphand. Trotsky, en tout cas, lui rend dans Ma Vie un intéressant hommage :
« Parvus était [...] en pleine possession de la méthode de Marx, voyait largement, se tenait au courant de tout ce qui se passait d'important sur l'arène mondiale et, avec l'exceptionnelle hardiesse de sa pensée, son style viril, musclé, fit de lui un écrivain véritablement remarquable. Ses travaux d'antan m'avaient conduit aux questions de révolution sociale et, par lui, j'arrivai à me représenter la conquête du pouvoir par le prolétariat non comme une " finale " à distance astronomique, mais comme la tâche pratique de notre temps [29]. »
En 1903, dans la crise du parti, Helphand avait pris parti pour les mencheviks sans pour autant se départir d'une certaine position d'arbitre. Maintenant il apportait à Trotsky sa vision mondiale, l'idée que la guerre russo-japonaise marquait le début d'une série de crises, ouvrait la perspective de la révolution russe et d'une guerre mondiale. C'est un peu avant l'arrivée de Trotsky chez lui que Parvus avait écrit pour l'Iskra une série intitulée « Guerre et révolution », consacrée précisément au début de la guerre russo-japonaise, « aube sanglante de grands événements à venir ». Convaincu qu'elle sonnait le glas de la stabilité européenne et de la fin de l'ère de l'État-nation, il y voyait le début d'un cycle de guerres provoquées par la réaction des forces productives contre l'étreinte étouffante des barrières douanières la recherche du nouveaux marchés à coups de canon. Il entrevoyait les troubles politiques en Russie, leur influence sur les Etats capitalistes occidentaux, et la « révolution russe ». Il écrivait cette phrase, stupéfiante à l'époque :
« La révolution russe secouera les fondements politiques du monde capitaliste et le prolétariat russe jouera le rôle d'avant-garde de la révolution sociale [30]. »
C'était vraisemblablement la première fois qu'un écrivain marxiste abordait la question de la révolution russe, non pas seulement comme le résultat d'un développement exclusivement russe, mais comme reflet en Russie des contradictions sociales mondiales, liant ainsi révolution russe et lutte des classes dans le monde. Trotsky ne pouvait qu'être sensible à cette méthode, une façon de penser, une ouverture qu'il recherchait et dont il exprimait le besoin dans tous ses pronostics et ses analyses. L'influence probable d'Helphand, sa longue familiarité avec le sujet ne pouvaient qu'approfondir ses divergences avec les mencheviks, moins que quiconque portés à tester les possibilités d'éclatement de la révolution en Russie.
Or ces divergences vont être encore aggravées par les développements politiques qui s'accélèrent en Russie. Les revers militaires face au Japon conduisent à la crise politique. En juillet 1904, l'homme qui avait incarné la répression depuis des années, le comte Plehve, est assassiné par l'organisation de combat socialiste-révolutionnaire. Son successeur, le prince Sviatopolk-Mirsky, ancien commandant de la gendarmerie, nommé quelques semaines plus tard, gagne, en libérant quelques prisonniers politiques et en mettant fin à l'exil de quelques déportés, la réputation d'un homme de compromis. En novembre se tient ce qui n'est officiellement qu'une « conférence privée » d'un certain nombre de délégués des zemstvos, mais qu'une opinion impatiente et abusée baptise « congrès des zemstvos ». Cette agitation des libéraux se poursuit dans le pays par une campagne de banquets en laquelle les éléments libéraux – avec leurs récentes recrues, les « marxistes légaux » de Strouvé – et même les mencheviks, placent beaucoup d'espoirs ; de leur côté, les bolcheviks, d'une part, Trotsky, de l'autre, persuadés que les libéraux sont terrorisés par la menace de la révolution, pensent qu'ils sont en réalité à la recherche d'un compromis avec le tsarisme.
En novembre et en décembre 1904, Trotsky se consacre à un travail d'analyse de la situation russe à laquelle il accorde toute son attention. Il souligne la lâcheté dont les libéraux font preuve vis-à-vis du gouvernement tsariste en guerre, allant jusqu'à parler de « notre monarque » et de « notre guerre ». Il ironise sur le prétendu « printemps » du prince Sviatopolk-Mirsky et l'affirmation de ce dernier que son gouvernement a confiance... dans le peuple. Il souligne fortement que le « congrès des zemstvos » s'est prudemment abstenu de revendiquer le suffrage universel, voire simplement une constitution. Convaincu de la faiblesse et de la lâcheté politique des libéraux, prêts à trahir leurs propres principes sans la moindre vergogne, il conclut que tout, dans la situation russe, démontre que seuls les ouvriers, les prolétaires des usines, sont en mesure de porter au tsarisme un coup décisif [31]. C'est à partir de là qu'il faut élaborer la politique social-démocrate, affirme-t-il.
Il sort de ces mois de travail une brochure tout entière imprégnée du « pressentiment de l'imminence de la révolution [32] » : « L'incroyable devient réel, l'impossible devient probable [33] », écrit-il. La société russe secoue ses chaînes. Trotsky entrevoit le chemin de cette révolution qu'il pressent. Il la décrit se matérialisant dans les débrayages, les grèves, les meetings de masse, les manifestations de rue, la grève générale, avec une exactitude fulgurante qui se manifestera avec éclat en octobre 1905 et en février 1917, mais qui n'avait à l'époque aucun précédent.
Convaincu que c'est dans les villes industrielles que se déroulera le combat révolutionnaire, il souligne également l'importance de la paysannerie, de ses énormes ressources d'énergie. Il pense que la classe ouvrière, dont le rôle est déterminant, ne doit pas compter sur la bourgeoisie et, en revanche, veiller à ne pas se couper de la paysannerie. C'est directement sous cet angle qu'il aborde la question clé de l'armée, décisive pour la répression contre le mouvement ouvrier. Il démontre que les social-démocrates doivent mener une intense agitation auprès des paysans sous l'uniforme afin qu'ils ne puissent pas, le moment venu, être utilisés pour écraser la grève générale et l'insurrection ouvrière.
La brochure n'était pas encore publiée – et les mencheviks de Genève hésitaient beaucoup à le faire – quand se produisit à Saint-Pétersbourg le fameux « dimanche rouge », la fusillade devant le Palais d'Hiver où des milliers d'ouvriers en famille, portant icônes et portraits du tsar, étaient venus derrière le syndicaliste « jaune » et informateur de la police, le père Gapone, présenter au monarque leurs revendications. Trotsky raconte :
« Le 10 (23) janvier au matin, je rentrais à Genève d'une tournée de conférences, fatigué, brisé par la nuit passée sans dormir en wagon. Un gamin me vendit un journal qui datait de la veille. On parlait d'une manifestation d'ouvriers qui devait se diriger vers le Palais d'Hiver, mais on en parlait au futur. Je conclus que la manifestation n'avait pas eu lieu.
« Une heure ou deux après, je passai à la rédaction de l'Iskra. Martov était dans tous ses états.
"Elle n'a pas eu lieu ? lui dis-je.
- Comment pas eu lieu", s'écria-t-il, s'élançant vers moi. "Nous avons passé toute la nuit au café à lire les derniers télégrammes. Mais vous ne savez donc rien ? Tenez, tenez, tenez !"
« Il me tendait un numéro du jour. Je parcourus les dix premières lignes d'un compte rendu télégraphique sur le dimanche sanglant. Un flot sourd et brûlant me monta à la tête.
« Je ne pouvais plus rester à l'étranger [34]. »
Dans le cours de ses préparatifs de départ, il revient chez Helphand pour lui demander conseil et lui fait lire les épreuves de la brochure qu'il se propose maintenant de titrer Avant le 9 janvier, et que retiennent toujours les hésitations des mencheviks. Passionné par cette lecture, Helphand rédige en quelques semaines une préface dans laquelle il souligne que la manifestation du 9 janvier, bien qu'elle se soit déroulée derrière un pope, a constitué la première grève générale politique et que la révolution russe prend le chemin de la grève générale. Il ajoute cette idée tout à fait neuve à l'époque :
« Seuls les ouvriers peuvent mener à bien le changement révolutionnaire en Russie. Le gouvernement provisoire révolutionnaire en Russie sera un gouvernement de démocratie ouvrière. Si la social-démocratie se place à la tête du mouvement révolutionnaire du prolétariat russe, alors ce gouvernement sera social-démocrate. Si, dans son initiative révolutionnaire, la social-démocratie se sépare du prolétariat, elle deviendra une fraction sans importance [35]. »
Ces conclusions ne sont pas celles de Trotsky, bien qu'il n'en soit pas très éloigné. Elles vont être âprement discutées dans la presse social-démocrate de toutes les tendances. Les mencheviks refusent la participation éventuelle à un gouvernement provisoire qui, selon eux, ne saurait être que bourgeois, dans le cadre d'une révolution bourgeoise. Les bolcheviks, convaincus que la bourgeoisie est dominée par sa peur de la révolution, ne refuseraient pas d'entrer dans un gouvernement révolutionnaire où prédomineraient des éléments démocratiques, mais ils considèrent que l'idée d'Helphand risque de semer des illusions dangereuses sur la possibilité d'apparition d'un gouvernement social-démocrate.
Dans deux lettres politiques de mars 1905, Trotsky précise sa propre position. Commentant les défaites des armées tsaristes, l'ébranlement du régime, la montée de l'insurrection populaire, il définit les problèmes d'organisation de la révolution et de sa victoire. Le prolétariat a révélé une masse « d'énergie révolutionnaire et de ténacité révolutionnaire » qui lui a permis d'en arriver à « ce prologue de la Grande Révolution russe ». Les mots d'ordre qu'il préconise sont la convocation d'une assemblée constituante, le désarmement de la réaction, l'armement de la révolution et la mise sur pied d'un gouvernement provisoire. L'Iskra menchevique marque ses réserves vis-à-vis de cette politique...
Trotsky va revenir, une opération qu'il faut organiser minutieusement car le risque est important. Il la prépare donc méticuleusement sur le plan technique. Il la prépare aussi politiquement, dans des notes insistant sur la lutte implacable qu'il faut mener contre le libéralisme, sur le rôle dirigeant du prolétariat dans la révolution. Il se pose, des mois avant que le développement historique ne les soulève, les problèmes de l'armement du prolétariat, de la fraternisation avec les militaires, tous les problèmes de la technique révolutionnaire qui deviendront dans quelques mois des problèmes concrets et ne semblent pour le moment que des rêveries d'émigré.
Ainsi, en quelques semaines, l'homme seul qu'il était devenu se plonge-t-il, tant par son analyse que par son imagination, dans le mouvement des masses qui commence à bouillonner en Russie et dans lequel il va totalement s'immerger. Natalia Ivanovna est partie en avant-garde pour préparer le point de chute et les liaisons nécessaires. Quelques jours plus tard, Trotsky refait en sens inverse le chemin qu'il a parcouru à l'automne 1902, deux ans et demi plus tôt, après son départ de Verkholensk. Rien d'étonnant si sa dernière étape « européenne » se situe à Vienne, toujours chez Victor Adler, où un coiffeur lui « fait une autre tête [36] ». Le respectable dirigeant du Parti social-démocrate autrichien donne quelques informations à cet homme jeune qui n'est plus du tout le provincial fugitif qu'il a accueilli deux ans auparavant. Dans l'intervalle, il a été au cœur des luttes fractionnelles de la social-démocratie russe en émigration.
Mais il leur tourne résolument le dos pour aller rejoindre les masses en mouvement dans l'empire du tsar.
Références
[1] A la brochure Nos tâches politiques, Paris, 1970, il faut ajouter ici la biographie de Parvus par Z.B. Zeman et W.B. Scharlau, The Merchant of Revolution. The Life of Aleksandr Israelovitch Helphand (Parvus), 1867-1924, Londres, 1965, ainsi que la communication de G, Migliardi « La Rivoluzione Rusa del 1905 », Pensiero e Azione…, pp. 133-146.
[2] Iskra, 15 mars 1904.
[3] Pisma Akselroda, op, cit., pp, 101-104.
[4] Ibidem, pp. 110-111.
[5] « Pisma obo svem », Iskra, n° 55, 15 décembre 1903, & n° 59, 18 février 1904.
[6] Nos tâches politiques (N.T.P.), p. 48.
[7] Ibidem, p. 69.
[8] Ibidem, p. 93.
[9] Ibidem, p. 103.
[10] Ibidem, p. 147.
[11] Ibidem.
[12] Ibidem, pp. 126-127.
[13] Ibidem, p. 144.
[14] Ibidem, p. 148.
[15] Ibidem, p. 159.
[16] Ibidem, pp. 159-160.
[17] Ibidem, p. 163.
[18] Cité ibidem, p. 183.
[19] Ibidem, pp. 187-189.
[20] Ibidem, p. 190.
[21] Ibidem, p. 192.
[22] Ibidem, p. 195.
[23] Ibidem, pp. 198-199.
[24] Ibidem, pp. 201-203.
[25] Ibidem, pp. 40 & 42.
[26] Adam B. Ulam. The Bolsheviks, New York, 1965, éd. 1968, p. 197.
[27] N.S. Weber. « Parvus. Luxemburg and Kautsky on the 1905 Russian Revolution : The Relationship with Trotsky », Australian Journal of Politics and History, n° 3, 1975, pp. 39-53.
[28] Zeman & Scharlau, op. cit., p. 66.
[29] M.V., I, p. 261.
[30] Iskra. n° 82, 1° janvier 1905.
[31] Deutscher, op. cit., II, p. 157.
[32] Il s'agit de la brochure qui sera finalement titrée Do deviatogo Janvar. Genève, 1905.
[33] Trotsky, Sotch. II, p. 3.
[34] M.V., I, p. 259.
[35] Préface de Do deviatogo Janvar, p. IX.
[36] M.V., I, p. 262.