1988 |
" Pendant 43 ans, de ma vie consciente, je suis resté un révolutionnaire; pendant 42 de ces années, j'ai lutté sous la bannière du marxisme. Si j'avais à recommencer tout, j'essaierai certes d'éviter telle ou telle erreur, mais le cours général de ma vie resterait inchangé " - L. Trotsky. |
L'activité de l'Opposition unifiée a connu une véritable éclipse pendant l'hiver 1926-1927. D'abord parce qu'ayant renoncé officiellement à ses activités fractionnelles, elle devait se contenter impérativement de ce qui pouvait apparaître, même aux yeux d'« observateurs » attentifs, comme des contacts purement personnels. Ensuite, parce que, assommée par les développements fulgurants qui avaient suivi la déclaration du 16 octobre, elle n'émergea qu'à peine d'un état de stupeur qui, pour certains, confinait à la démoralisation.
Nous n'avons, sur cette période, pratiquement aucun témoignage direct de membre de l'Opposition. Nous en avons, en revanche, de renégats, publiés ou cités dans la presse, et, pour cette simple raison, sujets à caution, puisque ce sont en fait des dénonciations. On peut cependant, par eux, reconstituer certains éléments de l'histoire de l'Opposition dans ces mois de repli.
L'ancien oppositionnel Kritchevsky indique par exemple – et il n'y a sur ce point aucune raison de ne pas le croire – qu'après une discussion à Kharkov sur la question de la déclaration du 16 octobre, contre laquelle se manifesta la majorité de l'organisation, « on reçut comme directives de Moscou de dissoudre la fraction, de suspendre le travail fractionnel et de ne conserver que des liaisons individuelles ». Il ajoute que « ces directives furent discutées et exécutées dans les rayons » [2].
Telle a été généralement l'attitude initiale de l'Opposition après le 16 octobre : elle a renoncé notamment à la publication, même clandestine et limitée, de ses documents propres, textes circulaires, voire notes de discussion interne. A travers les liaisons personnelles la charpente de l'organisation de la fraction subsiste cependant, ou plus exactement, celle des deux volets de la fraction, celui de Trotsky et celui de Zinoviev et de Kamenev, ce dernier étant moins important dans le pays et beaucoup plus à Leningrad.
Avec la reconstitution de la fraction – vraisemblablement au cours des premiers mois de 1926 –, on a probablement changé les hommes clés de son appareil, depuis longtemps repérés par le G.P.U. Kritchevsky signale que les fonctions d'organisateur, remplies en 1926 par I.N. Smirnov, le sont, à partir d'avril 1927, par S.Y. Mratchkovsky [3]. Un autre « renégat », Kouzovnikov, de Sverdlovsk, confirme le rôle joué par ce dernier [4]. Les dirigeants sont accessibles, par une série d'intermédiaires et Kritchevsky indique que, pour rencontrer Trotsky, il a dû passer, après le remplacement de Mratchkovsky par Alsky, successivement par Linovsky, Alsky et Poznansky [5]. Il indique aussi que Trotsky a, pendant la même période, reçu deux autres dirigeants de Kharkov [6]. Lev Kopelev, plusieurs dizaines d'années plus tard, se souvient seulement que l'agent de liaison avec le « centre » dans l'organisation ukrainienne où il se trouvait, était, sous le pseudonyme clandestin de Volodia, le futur grand écrivain Kazakiévitch [7], deux fois couronné plus tard comme « prix Staline » pour ses romans.
Le même Kritchevsky signale que plusieurs des dirigeants de l'Opposition à Kharkov – il cite Loguine et Iakov Livshitz [a] – se sont opposés à la reconstitution de la fraction et prononcés pour la défense « légale » des idées de l'Opposition qu'ils ont ainsi quittée [8].
L'opposition a poursuivi ses débats politiques internes sur les perspectives, sans parvenir à surmonter totalement les désaccords, qui ne manquent pas. La rupture des décistes, sur la gauche, est acquise depuis la déclaration du 16 octobre, qu'ils tiennent pour une capitulation reposant sur une analyse erronée. V.M. Smirnov, Sapronov et leurs camarades de l'ancienne fraction du centralisme démocratique se sont attelés à la rédaction d'une plate-forme politique dont le C.C. connaît rapidement les premières esquisses. Cette rupture, succédant à celle des animateurs de l'ancienne Opposition ouvrière – Aleksandra Kollontai, en exil diplomatique, emboîte bientôt le pas à Chliapnikov –, laisse en présence les deux formations essentielles, de l'Opposition de 1923, les « trotskystes », et de celle de Leningrad, les « zinoviévistes », sans oublier l'Opposition communiste de Géorgie.
Elles ont chacune leurs problèmes. Chez les trotskystes, il y a de grosses divergences au sujet de la Chine, de la participation du Parti communiste chinois au Guomindang, de la validité de la « révolution permanente », et Radek s'oppose sur ces points à Trotsky. Natalia Ivanovna parle du découragement de Piatakov :
« Piatakov était pessimiste. Il considérait qu'une longue période de réaction s'ouvrait en Russie et dans le monde, que la classe ouvrière était à bout de forces et le parti étranglé, que la bataille de l'Opposition était perdue. Il n'y persévérait que par principe et par solidarité. » [9]
La tension est réelle, par exemple, quand Radek et Piatakov, précisément, s'allient aux zinoviévistes dans le « centre » de la fraction pour interdire à Trotsky de réclamer la sortie du Guomindang et de mettre en avant, pour la Chine, une perspective fondée sur la théorie de la « révolution permanente » [10].
Les zinoviévistes ne sont pas moins divisés. Tout un courant, chez eux, penche pour la liquidation de l'Opposition, le silence et le ralliement en pratique à la majorité. Il semble qu'Evdokimov, l'un des plus prestigieux d'entre eux, ait été tout près de ce point de vue [11]. Ses amis finissent pourtant par le retenir. Pour le comité central de février 1927, Staline rappelle encore une fois le retrait de Kroupskaia, à qui il semble n'avoir arraché que la promesse d'une déclaration. Les autres capitulards sont des personnalités qui sont loin d'être de second ordre : P.A. Zaloutsky, l'homme qui mis le feu aux poudres en 1925 [12], le vieux-bolchevik A.S. Badaiev, ancien responsable de la fraction bolchevique à la quatrième Douma, la suppléante du comité central Klavdia Ivanovna Nikolaieva [13], gagnée en route et reperdue.
A l'inverse, des responsables zinoviévistes à l'étranger, particulièrement G.I. Safarov, avec, semble-t-il, le soutien de Kamenev, ambassadeur à Rome, poussent les « communistes de gauche » d'Allemagne à affronter le K.P.D. aux élections partielles, ce qui risque évidemment de les entraîner sur la voie de l'organisation d'un deuxième parti communiste [14].
A la même session de février du comité central, les oppositionnels votent pour une résolution de la direction qui décide de la baisse des prix du commerce de gros, à laquelle ils avaient manifesté précédemment leur hostilité. Est-ce un indice de difficultés internes ? La direction l'assure en tout cas, mettant l'accent sur le fait que c'est Zinoviev qui a pris la parole pour annoncer leur vote favorable, et que Trotsky et Smilga se sont contentés de le suivre sans prendre la parole : les décistes dénoncent ce geste comme « opportuniste ».
Bientôt pourtant, les événements de Chine vont précipiter la reconstitution et surtout la réactivation de l'Opposition unifiée. Victor Serge écrit : « La révolution chinoise nous électrisait tous... [...] Une véritable vague d'enthousiasme soulevait le monde soviétique – du moins les éléments pensants de ce monde [15].» La révolution chinoise s'accélère – et ce sont bientôt les menaces concrètes de la contre-révolution qui vont mobiliser de nouveau les oppositionnels en U.R.S.S. Alors que les ouvriers et paysans chinois passent à l'action avec leurs propres objectifs de classe, les problèmes politiques se cristallisent autour de la question de l'indépendance du Parti communiste. Celui-ci a fait en effet adhérer ses membres en 1922 au parti nationaliste au pouvoir dans le Sud, le Guomindang, et se trouve de fait soumis politiquement au gouvernement et au chef de son armée, le général Tchiang Kai-chek, par ailleurs membre d'honneur du présidium de l'Internationale communiste, dont le comportement révèle, depuis le printemps 1926, qu'il est décidé à écraser le mouvement ouvrier et paysan dans le sang et n'attend que l'occasion.
C'est à l'initiative de l'I.C. que le minuscule parti chinois, dirigé par le prestigieux intellectuel Chen Duxiu, a décidé l'entrée des communistes dans le Guomindang : ils y ont largement recruté et y ont gagné chair et sang. Mais quand ont commencé les grèves ouvrières et les soulèvements paysans, c'est en vain que Chen Duxiu a revendiqué l'indépendance de son parti. Alors que l'armée dirigée par Tchiang Kai-chek se lance dans l'« expédition du Nord » pour abattre les gouvernements des « seigneurs de la guerre », les paysans se soulèvent pour opérer leur jonction avec elle et découvrent que les officiers de cette armée sont très souvent, eux aussi, des propriétaires terriens...
Appliquant à la Chine la vieille formule algébrique de la « dictature démocratique des ouvriers et des paysans » et, apparemment sans en prendre conscience, la théorie menchevique de la « révolution par étapes », Staline et Boukharine – dont l'homme de plume à l'Internationale est précisément l'ancien menchevik Martynov – assurent que le Guomindang est un « parti ouvrier et paysan » qu'ils vont présenter comme « le bloc des quatre classes », dont cette « bourgeoisie nationale » que représente Tchiang Kai-chek. Ils sont fermement opposés à la rupture avec le Guomindang et balaient les inquiétudes des dirigeants du P.C. chinois.
Tchiang Kai-chek, lui, sait que l'alliance ne sera pas éternelle et qu'elle n'aura constitué qu'une étape vers le pouvoir et une réconciliation qu'il espère monnayer avec l'impérialisme. La campagne du Nord est prétexte à « serrer les rangs » et à subordonner les organisations ouvrières et paysannes au gouvernement et a l'armée. Tchiang laisse le seigneur de la guerre de Shanghaï noyer dans le sang une insurrection ouvrière qui lui tendait les bras. Entré finalement en « vainqueur » dans le grand port, il organise minutieusement son coup de force avec l'aide des banquiers étrangers et de la pègre : le 12 avril, c'est le début de la Saint-Barthélemy des communistes chinois [16]. La direction de l'Internationale communiste qui a refusé d'entendre les avertissements de Trotsky, poursuit la même politique en changeant les personnes : Staline et Boukharine appuient l'entrée de ministres communistes dans le gouvernement Guomindang de Wang Jingwel à Wuhan : leur mission est de faire respecter l'ordre par les ouvriers et les paysans. Mission remplie, ils sont congédiés, et Wang se réconcilie avec Tchiang Kai-chek dans le sang de nouveaux massacres...
Trotsky s'est prononcé dès l'origine contre l'entrée des communistes dans le Guomindang et a posé, dès 1926, le problème de leur sortie [17]. Mais il est en minorité là-dessus dans l'Opposition, et nous avons vu que Radek et Piatakov ont voté avec les zinoviévistes contre lui sur ce point. Ce sont ce désaccord capital et cette situation difficile – et non une absence d'intérêt – qui expliquent le silence de Trotsky sur la question chinoise entre avril 1926 et la fin de mars 1927. Il ne se décide en fait à attaquer sur ce point qu'après avoir obtenu là-dessus l'accord de ses camarades et au premier chef de Karl Radek. Ce dernier, qui est recteur de l'Université Sun Yat-sen à Moscou et spécialiste des questions chinoises, lui écrit en effet le 5 mars pour lui faire part de ses graves inquiétudes sur la situation en Chine et sur les risques d'un coup d'Etat militaire du général Tchiang Kai-chek.
Les choses vont des lors très vite. Le 18 mars, a l'Académie communiste, Radek met en question la politique chinoise de Staline-Boukharine. Il prédit qu'à très brève échéance Tchiang Kai-chek va se retourner contre les communistes et trahir la révolution [18]. Trotsky demande à ses camarades du centre de l'Opposition l'autorisation d'intervenir au bureau politique : « Pouvons-nous garder le silence quand c'est la tête du prolétariat chinois qui est en jeu ? » [19] Il obtient là-dessus un feu vert, mais avec de très sérieuses limitations : il ne doit pas poser la question des relations P.C.-Guomindang et bien préciser qu'il s'agit en Chine d'une « révolution nationale-démocratique » [20]. Au bureau politique, le 31 mars, il pose le problème de la création de soviets et de ce qu'il appelle la « totale liberté de lutte de classes pour le prolétariat » [21].
Le 6 avril, dans un discours prononcé devant les communistes de Moscou, Staline répond à Radek en se moquant de ses mots d'ordre « rrrévolutionnaires » :
« Tchiang Kai-chek n'a peut-être aucune sympathie pour la révolution, mais il commande l'armée et ne peut faire autrement que de la mener contre les impérialistes. [...] Il faut utiliser [ces gens] jusqu'au bout, les presser comme un citron et les balancer. » [22]
Le 11 avril. Radek est révoqué de son poste de recteur de l'Université Sun Yat-sen. Le 12, après une soigneuse préparation, Tchiang Kai-chek, on l'a vu, fait un coup d'Etat, donne l'assaut aux locaux et journaux ouvriers, massacre des milliers de communistes et militants des syndicats. La seconde révolution chinoise ne se remettra pas de cette défaite-là [23].
Évidemment, la justesse des prévisions de l'Opposition frappe ceux qui en ont été informés : ils sont peu nombreux, et il faudra d'ailleurs plus d'une semaine avant que soit annoncée à Moscou la nouvelle du coup de Shanghaï dans lequel Staline assure d'ailleurs qu'il voit « une confirmation de la ligne de l'I.C. » [24]. Le désastre de Shanghaï mobilise les militants, les motive pour une reprise du travail oppositionnel pour la lutte contre une politique dont les résultats sont à ce point catastrophiques. En un sens, l'Opposition renaît en Union soviétique des cendres de la révolution chinoise. Trotsky confirmera un peu plus tard que Zinoviev, découragé, tenté par la capitulation, fut réveillé par cette défaite et y puisa un nouveau courage [25].
Pourtant de grandes illusions renaissent aussi avec la volonté de se battre. L'Opposition n'a-t-elle pas eu raison contre Staline, et cela n'est-il pas démontré par les textes? L'erreur de Staline n'est-elle pas évidente à la seule lecture de quelques numéros de la Pravda ? Trotsky raconte :
« Un bon nombre de jeunes camarades croyaient qu'une faillite si évidente de la politique de Staline devait rapprocher la victoire de l'Opposition. Dans les premières journées qui suivirent le coup d'Etat de Tchiang Kai-chek, je versai plus d'un seau d'eau froide sur les têtes de mes jeunes amis, et pas seulement sur ces jeunes têtes. Je démontrais que l'Opposition ne pouvait nullement remonter la pente grâce à la défaite de la révolution chinoise. »
Il l'explique, dans le cadre de l'analyse qui est la sienne des bases de la puissance de Staline :
« Que nos prévisions se soient justifiées, cela nous attirera un millier, cinq ou dix milliers de nouveaux adhérents. Pour des millions d'hommes, ce qui a une signification décisive, c'est le fait même de l'écrasement du prolétariat révolutionnaire. Après l'écrasement de la révolution allemande en 1923, après l'échec de la grève générale anglaise en 1925, la nouvelle défaite ne peut que renforcer le découragement des masses à l'égard de la révolution internationale. Or c'est ce découragement même qui est la source psychologique essentielle de la politique de Staline, faite d'un nationalo-réformisme. » [26]
La « discussion chinoise », un des enjeux du conflit, se poursuit, tout au long de l'année, au comité central, à l'exécutif de l'Internationale. Après le coup d'Etat de Tchiang Kai-chek, la direction Staline-Boukharine reporte ses espoirs sur le « Guomindang de gauche » du gouvernement Wang Jingwei en conflit avec le chef de l'armée, et salue en lui « le gouvernement révolutionnaire au sens bourgeois-démocratique du terme ». Mais la bourgeoisie chinoise se soucie peu de ces conseils : effrayée par la montée des revendications ouvrières et paysannes, elle préfère se rapprocher des propriétaires et des grandes puissances. La réconciliation de Wang Jingwei, de Tchiang Kai-chek et du seigneur de la guerre Feng Yuxiang est aussi la réconciliation avec la Grande-Bretagne. Il ne reste plus à Staline, à partir du mois de juin 1927, que la politique de la censure pour dissimuler ses traces et la préparation cynique, pour la fin de l'année, d'une insurrection-suicide à Canton qui devrait lui servir d'alibi face aux accusations de l'Opposition.
Mais la politique de la censure, c'est-à-dire de la violence, ne se confine pas à la question chinoise, et il est significatif qu'elle inscrive aussi son empreinte dans les questions de la culture, de l'art et de la littérature. Un rapide examen de la chronologie permet d'éclairer cet aspect de la crise du parti.
C'est en effet au début de 1927 que, sous couleur d'appliquer la résolution de 1925 – la résolution du comité central de juin 1925 sur la politique du parti dans le domaine de la littérature –, l'appareil du parti déclenche l'offensive contre l'une des plus importantes personnalités du monde littéraire, le critique A.K. Voronsky, directeur de Krasnaia Nov', vieux-bolchevik et membre de l'Opposition de gauche [27].
La Pravda du 23 février a rendu compte de la soirée organisée à la maison Herzen, à Moscou pour le cinquième anniversaire de la revue [28]. Elle indique qu'y sont lus des messages de Trotsky et de Gorky, mentionne les interventions de Radek, qui parle de « fête de la culture », de Iaroslavsky en personne, de K.G. Rakovsky. Le 3 avril, elle publie une recension élogieuse des Mémoires de Voronsky [29] dont le moins qu'on puisse dire est qu'ils ne donnent pas du bolchevisme une image conventionnelle puisqu'il parle de la « chère bande unie et hardie » qu'ont constituée les bolcheviks d'autrefois.
L'attaque est déclenchée le 30 avril par un article de Goussev, responsable de la presse et de l'édition auprès du comité central [30]. Accusé, en condamnant « les méthodes de commandement » et les manœuvres, d'avoir émis de « funestes croassements », Voronsky se voit reprocher pêle-mêle d'avoir assuré que la révolution devait être le « merveilleux auxiliaire » des écrivains, d'avoir opposé dans la société russe les « nouveaux rustres » aux « constructeurs du socialisme ». Voronsky, coupable d'utiliser « la terminologie trotskyste à la mode », manifeste ainsi, selon Goussev, son « pessimisme, son défaitisme, son manque de confiance en l'édification du socialisme ». La campagne entamée dans la foulée avec les « Notes sur la littérature » de Fritché vise à engager la littérature au service de la lutte... contre l'Opposition de gauche. Tout se met en place, à travers la prétendue « critique ouvrière » pour l'avènement du « réalisme socialiste » et l'octroi de privilèges aux « ingénieurs des âmes » à la plume servile.
Le combat oppositionnel reprend donc sur toute la ligne à partir du mois de mars. Trotsky est évidemment son principal porte-parole, et il faudrait plusieurs volumes pour retracer l'ensemble de ses interventions – celles du moins qui nous sont parvenues.
La discussion de la « question chinoise » est évidemment le thème principal du débat international. L'opposition estime que la direction stalinienne fait preuve d'un opportunisme systématique qui affaiblit la position internationale de l'U.R.S.S. autant que l'Internationale et ses partis.
Mais le débat porte aussi sur le « comité syndical anglo-russe », alliance nouée en 1923 entre syndicats soviétiques et syndicats britanniques, dans lequel les dirigeants de l'U.R.S.S. voient un véritable rempart pour la défense de leur pays. Le comportement du conseil général des syndicats pendant la grève générale britannique de 1926, puis la longue et épuisante grève des mineurs anglais isolés, sont, aux yeux de Trotsky, une véritable « trahison » : l'alliance avec ses représentants au sein du comité anglo-russe lui donne une caution des révolutionnaires russes qu'il propose de refuser en quittant spectaculairement le comité et en dénonçant les partenaires britanniques. Staline et Boukharine refusent d'abandonner ce qu'ils considèrent comme un atout diplomatique : ce sont finalement les syndicalistes britanniques, soucieux de demeurer en ligne avec la politique antisoviétique du gouvernement conservateur, qui quittent le comité.
L'Opposition pense que la situation en U.R.S.S. est dominée par le développement des forces sociales qui aspirent à la restauration du capitalisme et par conséquent par un affaiblissement de la position de la classe ouvrière et des paysans pauvres. En d'autres termes, c'est ce qu'elle appelle la montée du koulak, du nepman et du bureaucrate qui explique l'affaiblissement de la position internationale de l'Union soviétique. C'est elle aussi qui commande la politique intérieure de la direction, soucieuse de ménager les forces montantes, et qui préfère faire « feu à gauche » et saper l'influence de ce que l'Opposition appelle le noyau prolétarien et vieux-bolchevik du parti.
Il faut opposer à cette capitulation permanente devant les forces sociales hostiles une « politique prolétarienne ». Celle-ci exige d'abord l'amélioration des conditions de vie matérielles, politiques et culturelles de la classe ouvrière, dont l'Opposition estime que la précarité est encore accrue par le fait qu'une importante fraction de la plus-value produite par la classe ouvrière se voit dévorée tant par l'appareil bureaucratique parasitaire que par la bourgeoisie qui naît du capital commercial ressuscité par la Nep.
L'opposition défend la nécessité d'une politique nouvelle à la campagne. Il faut défendre contre le koulak le paysan pauvre et la grande majorité des paysans moyens, notamment les délivrer de l'étreinte de son usure. Il faut également accélérer le développement des fermes collectives dans la mesure de l'équipement en machines agricoles et au moyen d'une fiscalité nouvelle et d'une politique de crédit.
Fidèle à ce qui est l'un des traits distinctifs des origines de toutes ses composantes, l'Opposition insiste également sur la nécessité d'accélérer le rythme de l'industrialisation, maintenu très bas par le projet de plan quinquennal de la direction. Gardant l'arme précieuse du monopole du commerce extérieur, l'économie soviétique doit progresser en utilisant systématiquement les réalisations les plus modernes de la technologie capitaliste : elle doit pour cela rejeter consciemment et catégoriquement l'objectif fallacieux d'une économie socialiste isolée. Une industrialisation de cette importance exige évidemment une redistribution du revenu national qui passe par l'augmentation du budget de l'Etat, une fiscalité plus rigoureuse pour le koulak et la nouvelle bourgeoisie, une baisse autoritaire des prix, l'abolition du monopole d'Etat sur la vodka, etc.
L'un des aspects essentiels de la politique « prolétarienne » préconisée par l'Opposition est la revitalisation des soviets à laquelle elle appelle à entraîner la population laborieuse sous le mot d'ordre de la lutte pour une plus grande égalité. L'une des conditions de cette revitalisation est évidemment le respect du principe électif et la fin de la pratique de désignation des responsables des soviets par des organismes du parti.
La lutte contre la bureaucratie, au premier plan dans le domaine des soviets, apparaît comme une nécessité plus pressante encore dans la question nationale, où la dénonciation du « nationalisme » sert l'arbitraire du bureaucrate. L'opposition souligne qu'un traitement correct de la question nationale implique une révision du plan avec l'objectif de gommer les disparités et, de toute façon, une plus grande attention pour les nationalités non russes dans tous les domaines.
La bataille essentielle demeure celle du parti. L'Opposition a conscience d'une détérioration rapide de sa situation au cours des dernières années et la caractérise par ce qu'elle appelle la « déprolétarisation » des cadres et par l'afflux parmi eux d'anciens mencheviks et s.r. aboutissant à une conception nouvelle, bureaucratique, qui a détruit toute démocratie interne. La politique imposée par la direction, censure des critiques, calomnies, falsifications, conduit inévitablement aux exclusions en masse et à la scission. Tout au long de la période et en chaque circonstance importante, l'Opposition formule la revendication de la convocation d'un congrès et de sa préparation en conformité avec les pratiques en vigueur au temps de Lénine. Son objectif est d'ailleurs de ramener le parti au mode de fonctionnement interne qui était le sien « au temps de Lénine ».
On peut relever d'ailleurs que, dans l'ensemble, au cours de tous les combats de l'année 1927, elle se fait de plus en plus le champion du « léninisme » et brandit son drapeau. Dans ses dernières pages, sa plate-forme, rédigée à l'été, assure :
« Le groupe de Staline et Boukharine, tout en s'éloignant de plus en plus des principes de Lénine, essaie de tromper le parti en lui faisant croire qu'il s'agit d'une lutte entre le léninisme et le trotskysme. En réalité, la lutte se déroule entre le léninisme et l'opportunisme stalinien. C'est exactement de la même façon que les révisionnistes, sous le prétexte d'une lutte contre le "blanquisme", ont mené leur bataille contre le marxisme. » [31]
Les dirigeants de l'Opposition pensaient-ils que cette lutte pouvait aboutir à la victoire et qu'ils allaient donc revenir à la tête du parti ? Nous avons vu que Zinoviev et Kamenev avaient nourri cette illusion en 1926 et l'avaient perdue au mois d'octobre. On peut douter qu'ils y soient ultérieurement revenus. Pour ce qui concerne, en tout cas, Trotsky et ses proches camarades d'idées, la réponse est incontestablement négative. Trotsky écrira, moins de trois ans plus tard :
« Le groupe principal de l'Opposition marchait vers le dénouement les yeux ouverts. Nous comprenions trop clairement que, si nous voulions faire de nos idées celles de la nouvelle génération ouvrière, ce n'était pas par de la diplomatie et des arguties, mais seulement par une lutte ouverte, sans nous arrêter devant aucune conséquence pratique. [...] Nous allions au-delà d'une défaite immédiate, préparant avec assurance notre victoire idéologique dans un avenir plus lointain. [...] Il est impossible de couper une fois pour toutes la route aux idées progressistes. Voilà pourquoi, quand il s'agit de la lutte de grands principes, le révolutionnaire ne peut avoir qu'une règle : "Fais ce que dois, advienne que pourra”. » [32]
Quand l'Opposition unifiée reprend son activité, elle est déjà sous le feu des critiques des décistes : la « plate-forme » qu'on appellera « des Quinze » est déjà en circulation [33]. Le texte, élaboré par T.V. Sapronov et V.M. Smirnov, est une charge contre la tactique de l'Opposition, notamment contre son silence dans le débat sur les « Leçons d'Octobre » – dont elle tient d'ailleurs la publication pour une erreur –, l'interprétation de l'attitude des ouvriers au moment de la tentative de percée – où les Quinze voient un alignement sur la direction –, enfin sur la politique de baisse des prix qui a été approuvée au comité central par Zinoviev et Trotsky. La divergence essentielle apparaît quand ils écrivent : « Le C.C. a déjà dépassé, dans sa politique qui consiste à bâillonner le parti, la limite où commence sa liquidation. » [34] Et Iaroslavsky de triompher : « Si le C.C. liquide le parti, il faut que les Sapronov en construisent un nouveau. » [35] Les positions des « Quinze » sont désormais utilisées par l'appareil afin de démontrer « où va l'Opposition »…
Cette dernière, tout en se réorganisant, cherche à mieux se définir et à organiser la base qu'elle estime avoir dans le parti. La « déclaration des 83 », rédigée à la mi-avril, part de la révolution chinoise et du comité anglo-russe, analyse la politique économique qu'elle qualifie de « droitière » et la dégradation de la situation ouvrière qu'elle juge étroitement liée au régime imposé au parti. Face au danger de guerre, elle propose un front uni du parti sur une ligne prolétarienne révolutionnaire. Les incessantes attaques dont elle est l'objet n'ont pas, dit-elle, d'autre signification que « de discréditer et de détruire l'aile gauche prolétarienne, léniniste, du parti ». Elle propose une série de mesures, conformes à la pratique du temps de Lénine, pour la préparation du XVe congrès.
Remise au comité central de mai avec 83, puis 84 signatures de membres du parti – les moins anciens y ont adhéré en 1917 –, elle est destinée à en recueillir finalement 300. L'initiative a été critiquée dans les rangs de l'Opposition, comme le reconnaît, au mois d'août, Trotsky, dans une lettre à N.V. Krestinsky [36], mais il indique qu'elle a finalement été décidée pour atténuer, par la publicité, le coup que Staline était en train de préparer et qu'il ne pouvait pas ne pas porter à l'Opposition après le coup de Shanghai.
L'appareil va trouver différents prétextes pour lancer contre l'Opposition une nouvelle offensive. Le 9 mai, lors d'une réunion, partiellement radiodiffusée, de commémoration du 15e anniversaire de la Pravda, Zinoviev a pris la parole, se livrant, selon Pierre Pascal, à une « critique très violente de la Pravda actuelle : elle n'a plus rien de bolchevik, elle est unilatérale, entre les mains d'une coterie, etc. » [37]. Il évoque le passé « cadet » de Slepkov, « s.r. », d'Astrov. La retransmission est interrompue au moment où les deux camps commencent à s'affronter dans la salle. Toujours selon P. Pascal, « les gens de son bord » disent qu'il « s'est laissé emporter », « a été trop violent, mais excellent, très en forme » [38]. Le même raconte qu'Ouglanov a interrompu Zinoviev : « Vous savez devant qui vous parlez ? Devant des sans-parti. » Il a répondu : « Je sais, mais, dans les réunions du parti, on me fermera la bouche. Il s'agit de sauver la révolution. » [39] La presse commence à donner de la voix. Le bureau politique lui interdit de participer à la réunion de l'exécutif de l'I.C. dont il est pourtant membre élu.
Une première épreuve de force se déroule à l'occasion de cette session de l'exécutif. A deux reprises, les 17 et 18 mai, Zinoviev se voit interdire l'entrée de la salle des réunions par les militaires qui montent la garde devant la porte [40]. Trotsky proteste vainement. Ignazio Silone a raconté comment Staline et ses créatures – Kuusinen, Manouilsky, l'Allemand Thälmann – essaient, avant la session officielle, de convaincre les délégués étrangers qu'il faudra voter pour une résolution qui qualifie de « contre-révolutionnaire » un texte de Trotsky qu'ils n'ont pas lu et que la direction du parti russe a décidé de ne pas traduire et de ne pas distribuer [41]. La résolution n'est finalement pas présentée, car les délégués italiens, Silone et Togliatti, le délégué français Treint et le Suisse Humbert-Droz refusent de voter sur ce texte qu'ils ne connaissent pas et parce que Staline ne veut contre Trotsky que des résolutions unanimes. Mais la tentative même en dit long sur le cynisme des apparatchiki de l'Internationale qui ne se soucient nullement de ce qu'a écrit Trotsky, mais souhaitent seulement être du côté du pouvoir et voter en conséquence. Finalement, et bien qu'il n'y ait pas eu de vote, Zinoviev se trouve exclu de l'exécutif de l'I.C. La campagne commence pour l'exclure aussi du comité central du parti, avant le congrès, et bien qu'il ait été élu par le congrès précédent.
C'est l'occasion pour Trotsky de se manifester une dernière fois en direction de Kroupskaia, qui a rompu avec l'Opposition sans pourtant la dénoncer. Prenant prétexte d'une lettre personnelle dans laquelle elle reproche à Zinoviev de « chicaner » à propos de la Chine, il écrit :
« Nous sommes menacés d'autant plus cruellement que nos prévisions se trouvent confirmées dans les faits. [...] C'est tout à fait logique et inévitable pour l'aile authentiquement marxiste en période de reflux, temporaire mais profond, de la vague révolutionnaire, mais nous sommes les seuls à conserver la filiation des idées du bolchevisme révolutionnaire, les seuls à enseigner, sans Lénine, la méthode léniniste d'analyse de ce qui se déroule et de prévision de "ce qui se prépare". » [42]
L'Opposition comprend qu'elle joue sa tête et elle est décidée à aller jusqu'au bout. P. Pascal, dans son Journal, le 26 mai 1927, relève qu'elle vient de tenir « un congrès pan-russe illégal [43] » – ce qui n'est tout de même pas un mince exploit. Il lui a en tout cas donné assez de cohésion pour engager la bataille. La clé de cette attitude est donnée par les avertissements de Trotsky à Kroupskaia :
« Aujourd'hui, Staline a décidé de substituer à la "lutte jusqu'à épuisement" de l'Opposition menée au cours des six derniers mois une lutte "jusqu'à son extermination". Pourquoi ? Parce que Staline est affaibli : sa faillite sur les problèmes chinois et anglo-russe est évidente, comme sont terribles les conséquences de cette faillite sur la situation internationale. [...] Ce ne sont pas ni des détails, ni de petites corrections, qui sont en jeu, mais la ligne fondamentale du bolchevisme sur les questions majeures. Parler de "chicane", c'est nous proposer de nager dans le sens du courant quand celui-ci va contre le bolchevisme. » [44]
La répression frappe sous la forme de « déplacements » et d'« affectations nouvelles » de militants de l'Opposition, systématiquement appliqués pour « les besoins du service » ! Le bilan est déjà lourd en ce mois de mai 1927 : Piatakov, Préobrajensky, V.V. Kossior, Antonov-Ovseenko, Kamenev, Safarov, les Ukrainiens V.K. Aussen, Kotzioubinsky, N.I. Oufimtsev, Aleksandra Simachko, et bien des vieux-bolcheviks, les jeunes Solntsev, Kaplinsky, Issaiev, Kharine, Pereverzev ont été envoyés en missions diplomatiques ou commerciales à des milliers de kilomètres du champ de bataille.
Or I.T. Smilga, vice-président du Gosplan, vieux-bolchevik dirigeant de l'Opposition, est nommé président de la Banque d'Extrême-Orient à Khabarovsk. Cet exil déguisé est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. L'Opposition lance de bouche à oreille le mot d'ordre de l'accompagner le 9 juin, jour de son départ, à la gare de Iaroslavl à Moscou. Le succès dépassa largement ses espérances. Il y a à la gare, ce jour-là de mille à deux mille personnes venues manifester leur sympathie à l'exilé. Les voyageurs s'informent, s'intéressent à cette agitation. Il y a finalement des discours de Zinoviev et de Trotsky, qui demeure très prudent, met l'accent sur la situation internationale, le besoin d'unité, le dévouement au parti. Il semble que les deux dirigeants de l'Opposition aient hissé Smilga sur leurs épaules pour le porter jusqu'à son wagon.
Immédiatement, ils sont accusés d'avoir porté en public un désaccord interne et d'avoir organisé une manifestation de rue contre le comité central. L'exclusion de Trotsky du comité central est demandée, et nombre d'oppositionnels présents à la gare sont exclus du parti sans autre forme de procès. Quatre officiers de l'Armée rouge – dont Ia.O. Okhotnikov, héros de la guerre civile – sont exclus de l'Académie militaire, dont il allaient sortir [45]. On parle de la révocation de N.I. Mouralov, inspecteur général de l'Armée rouge [46]. Deutscher et Erickson, sans citer de sources, mentionnent un texte favorable à l'Opposition signé à son initiative par de grands chefs militaires, dont Iakir et Poutna [47].
Quand Zinoviev et Trotsky comparaissent devant la commission centrale de contrôle pour cette affaire, Trotsky apparaît comme indomptable. Soulignant les contradictions dans lesquelles la direction s'empêtre dans l'affaire Smilga, il accuse :
« Nous déclarons que nous continuerons à critiquer le régime stalinien tant que vous ne nous aurez pas bâillonnés par des moyens physiques. [...] Nous critiquerons ce régime qui porte en lui la ruine de toutes les conquêtes d'Octobre. [...] Nous critiquerons le régime stalinien comme un régime d'incapacité, de glissement, de faiblesse idéologique, de courtes vues et de manque de perspicacité. » [48]
Saisissant au vol une comparaison faite dans une conversation de couloir par le président de la commission, A.A. Soltz, il la développe, évoque la courbe descendante de la Révolution française dans la deuxième partie de son histoire, les calomnies qui ont présenté Robespierre et ses amis comme des « contre-révolutionnaires » et met ses adversaires en garde : ne craignent-ils pas d'être en train de préparer en Russie le « deuxième chapitre » de la Révolution, celui de Thermidor ? [49]
Le 27 juin 1927, il écrit aux membres du comité central que le parti est en train de vivre « sa crise la plus grave depuis la révolution » [50] : il dénonce les menaces de licenciement, voire la répression étatique qui s'abat sur les oppositionnels dans tout le pays. Il réitère une fois encore la revendication de l'Opposition que ses documents politiques soient publiés et diffusés dans le parti, discutés en vue du XVe congrès, si longtemps reporté et prévu maintenant pour novembre.
Le 11 juillet, dans une lettre à Ordjonikidzé, dont nous ne connaissons qu'un extrait, il proteste contre les accusations de « défaitisme » qui ont été lancées contre lui à la session du 27 juin [51]. Il donne, pour illustrer sa ligne politique, l'exemple de Clemenceau, qui critiqua furieusement les dirigeants de la bourgeoisie française en pleine guerre et put ainsi être finalement l'agent de sa victoire.
Au plénum du C.C. et de la commission centrale de contrôle au début d'août, il obtient quarante-cinq minutes pour intervenir sur la question du danger de guerre. Sa conclusion – c'est de plus en plus souvent le cas – est en forme de réquisitoire :
« L'Opposition pense que la direction de Staline rend la victoire plus difficile. [...] Le parti ? Vous l'avez étranglé. [...] Chaque oppositionnel réel [...] occupera en cas de guerre, au front et à l'arrière, le poste que le parti lui confiera et remplira son devoir jusqu'au bout. Mais pas un seul oppositionnel ne renoncera à son droit et à son devoir, à la veille de la guerre ou pendant la guerre, de lutter pour le redressement de l'orientation du parti [...], car c'est en cela que consiste la condition la plus importante du succès. Je me résume : Pour la patrie socialiste ? Oui ! Pour l'orientation stalinienne ? Non. » [52]
Le 4 août, c'est lui qui rédige la réponse écrite des treize [53] aux allégations menaçantes lancées par Molotov qui accuse l'Opposition de préparer « l'insurrection contre le parti et le pouvoir soviétique ». Il dénonce là une tentative pour habituer le parti à l'idée de la répression, et avertit : « L'Opposition ne va pas se laisser intimider par les calomnies ou les menaces d'extermination physique. » [54]
Le 6 août il reprend la parole [55] pour réfuter la vieille attaque, qui vient d'être reprise par Vorochilov au sujet des exécutions sommaires de communistes qui lui ont été reprochées pendant la guerre civile. Il n'a guère de mal à réfuter l'épisode qui concerne Zaloutsky et Bakaiev, tous deux bien vivants et qui ont été à l'époque défendus par Lachévitch et... Smilga. Mais il lui faut aussi revenir sur le jugement et l'exécution de Panteleiev devant Kazan [56] !
Finalement, peut-être en partie sous les coups de boutoir lancés par l'Opposition dans les débats, la commission centrale de contrôle chargée d'instruire la proposition d'exclusion du comité central de Zinoviev et de Trotsky décide de leur laisser une porte de sortie en leur imposant de s'exprimer par écrit sur trois exigences : le désaveu de la « thèse semi-défaitiste Clemenceau », ainsi que la condamnation de l'accusation sur Thermidor, la fin de la politique de scission et la condamnation de toute scission dans l'I.C. et enfin le renoncement a toute pratique fractionnelle. » [57]
La réponse de l'Opposition, connue sous le nom de « déclaration des Treize » et parfois « déclaration pacifique [58] » a été de toute évidence rédigée par Trotsky, ou au moins avec sa participation active. Elle est d'une remarquable fermeté. Elle réaffirme qu'elle est « absolument et sans réserve pour la défense de la patrie socialiste contre l'impérialisme », mais qualifie d'« erronée » l'interprétation donnée a la « déclaration Clemenceau » : Trotsky y a seulement dit qu'on ne peut pas, même en temps de guerre, renoncer au droit de critique. Sur la question de Thermidor, elle explique qu'elle pense que les éléments thermidoriens grandissent et ont une base sociale. Mais personne n'a dit dans ses rangs que le parti ou sa direction étaient « des thermidoriens » : l'Opposition a seulement demandé que le danger thermidorien soit combattu.
Sur le deuxième point, réaffirmant son hostilité à la scission du parti allemand et à la création d'une organisation de « communistes de gauche », l'Opposition demande la réintégration de tous les exclus qui accepteraient la discipline, « avec la garantie de la possibilité pour eux de défendre leurs vues dans la presse du parti et dans ses rangs et ceux de l'I.C.». Sur la dernière « exigence fondamentale », elle répond très simplement :
« Nous combattrons de toutes nos forces et par tous les moyens toute tendance à créer un second parti. Nous condamnons tout aussi énergiquement et de façon tout aussi catégorique la politique de scission. Nous exécuterons toutes les décisions du parti communiste et de son comité central. Nous sommes prêts à tout faire pour détruire tous les éléments de fraction qui se sont formés du fait que nous avons été obligés, étant donné le régime intérieur du parti, de faire connaître au parti notre pensée véritable, qui était dénaturée dans la presse que lit tout le pays. » [59]
Au terme de leur réponse, les treize réclamaient enfin comme une contrepartie normale la condamnation de plusieurs écrits publics calomnieux dirigés contre l'Opposition, l'arrêt des exclusions, la réintégration des exclus et l'application de ses revendications de démocratie pour la préparation du XVe congres : ce dernier point est censuré lors de la publication du texte !
Point n'est besoin d'une analyse serrée des textes pour comprendre que la réponse de l'Opposition, reposant sur la réalité de ses opinons et expressions, ne constituait même pas un recul. La résolution sur le rapport d'Ordjonikidzé, au nom de la commission centrale de contrôle, adoptée le 9 août, souligne ce qu'elle appelle le caractère évasif et finalement peu satisfaisant des réponses de l'Opposition [60] – en clair, reconnaît sa résistance. Mais, à la surprise générale, elle conclut au retrait de l'ordre du jour de l'exclusion de Trotsky et de Zinoviev, se contentant de proposer contre eux un blâme sévère.
Que s'est-il passé ? Incontestablement il y a eu, pour la répression, de grosses difficultés. Pascal raconte ce qu'il tient d'un informateur très au courant :
« Trotsky disait que l'armée est entre les mains de chefs bourgeois et le prouvait par une correspondance tombée entre ses mains. A ce moment-là, deux soldats, baïonnette au canon, suivis d'Ounschlicht en personne, s'avancent vers la tribune pour lui arracher le papier. "Halte-là ! Croyez-vous m'intimider ? Je livrerai au parti ce que je crois devoir livrer et je garderai ce que je voudrai. Renvoyez ces deux pauvres garçons" …» [61]
Immédiatement à la suite, Zinoviev et Trotsky sont exclus, mais Ordjonikidzé, absent lors de cette séance, s'indigna à son retour:
« "Comment, Zinoviev et Trotsky ne sont pas ici ? Leur place est ici, qu'on aille les chercher!" On alla les quérir en auto ; ils étaient comme par hasard ensemble et l'accord fut conclu. Staline, Molotov et Boukharine étaient pour l'exclusion, mais Ordjonikidzé, Rykov, Kalinine, Tomsky étaient contre. Il y a division chez les Géorgiens. Il paraît d'ailleurs que la déclaration n'a pas été publiée intégralement. » [62]
Une « lettre de Moscou », dans le Bulletin communiste de Souvarine, souligne la modération d'Ordjonikidzé, sa résistance devant les exigences de Staline, le soutien dont il bénéficie, dans son refus d'exclure Trotsky et Zinoviev, de la part des provinciaux de l'appareil qui disent que « le parti ne comprendra pas ». La même lettre assure que l'exclusion de Trotsky et Zinoviev fut votée en l'absence d'Ordjonikidzé, malade, mais que celui-ci, revenu, réussit à renverser la décision. Elle indique :
« L'Opposition finit par déposer une déclaration où elle ne rétracte rien, la direction finit par s'en contenter en déclarant n'avoir pas confiance et personne ne fut exclu ! De sorte que la conclusion seule de la résolution sur le rapport de la C.C.C. ayant été modifiée, on se trouve en présence d'un document entièrement rédigé dans le sens de l'exclusion, de la condamnation à mort politique et se terminant par un rappel à l'ordre ! Mais ce n'est pas tout. Pour porter à son comble l'indescriptible chaos, la Pravda publiant seulement une partie de la déclaration de l'Opposition (tout le passage concernant la répression a été censuré) s'est trompée de texte, a imprimé le premier au lieu du second, rendant le tout complètement inintelligible. » [63]
Le déroulement du plénum est d'une grande violence. Staline assure qu'il faudra une guerre civile pour écarter « les cadres ». Trotsky se fait procureur, brandit le document que Lénine, pour lui marquer sa confiance, lui a remis en main propre, signé en blanc. Il souligne la différenciation politique et sociale entre l'appareil des privilégiés et les travailleurs ordinaires se reflétant dans les deux étages du parti qu'il accuse Staline d'« étrangler », souligne qu'il faut tenir jusqu'à la révolution mondiale, argumente sur la nécessité de préserver le droit de lutter pour le redressement du parti sans tenir compte de la nécessaire « discipline » qui n'est ici qu'un moyen supplémentaire d'enchaîner parti et prolétariat.
De tous les points de vue, le plénum est un échec pour Staline, suffisamment ressenti ainsi pour que l'affaire soit présentée dans les semaines suivantes comme une mesure de temporisation imposée par lui. Plusieurs de ses partisans, à la commission de contrôle, ont fait obstacle à sa volonté de réprimer. Solz a évoqué la tristesse de Robespierre envoyant Danton à la guillotine. Ordjonikidzé a coupé la parole à Iaroslavsky qui tentait de remettre sur le tapis les exécutions de communistes pendant la guerre civile.
Ces hésitations ne tombent pas du ciel. Incontestablement, le frémissement qui s'était traduit par l'afflux de sympathisants à la gare pour le départ de Smilga, se confirme. On commence à s'émouvoir, même dans l'appareil, de méthodes expéditives qui provoquent réprobation et même indignation. Devant une résistance faite surtout d'inertie, les hommes de l'appareil en charge de la répression, freinent. L'historien Michal Reiman a vu les dossiers mentionnant des réunions ouvrières en faveur de l'Opposition à Ivanovo-Voznessensk, Leningrad, Moscou. Le mécontentement ouvrier monte et semble rejoindre l'Opposition [64]. La situation extérieure est tendue avec la rupture des relations avec la Grande-Bretagne. Staline, pourtant talonné par l'échéance du congrès et la nécessité pressante de bâillonner ses accusateurs, doit finalement se résigner à reculer, même si c'est pour mieux sauter.
L'Opposition, elle, connaît un débat passionné. Zinoviev rédige des thèses [65] et, avec ses amis, lance à ses alliés, le 15 août, un véritable ultimatum sur la question du « deuxième parti ». Radek lui oppose ses propres thèses, que Trotsky juge « superbes », ce qui ne l'empêche pas de donner consigne de voter pour celles de Zinoviev, afin, dit-il, de mettre ce dernier dans la situation de « rompre sur des questions de programme et de tactique [...] et non sur les deux dadas qu'il soulevait artificiellement – les "deux partis" et le trotskysme » [66].
Dans ses thèses, Zinoviev souligne que la lutte pour les idées de Lénine implique le risque d'être exclu du parti. Il souligne que le devoir d'un exclu est « de continuer son travail », « non de s'orienter vers la formation d'un deuxième parti, mais de continuer à s'orienter vers le redressement du parti, la correction de sa ligne politique [67] ».
La discussion terminée et l'unité avec Zinoviev préservée au prix de l'acceptation de ses thèses, l'Opposition s'attelle à son travail fondamental, l'élaboration d'une plate-forme politique alternative pour le parti. Ce sera l'objet de son document préparé en vue du XVe congrès et intitulé Plate-forme de l'Opposition. La Crise du parti et les moyens de la surmonter. Ce long texte – une centaine de pages – a été rédigé collectivement avec la volonté affirmée d'en revenir ainsi aux traditions du mouvement ouvrier antérieures à la révolution. Trotsky a écrit le chapitre sur l'Industrialisation. Zinoviev et Kamenev ont écrit ensemble les deux chapitres sur l'Internationale et la politique dans les campagnes. Smilga et Piatakov ont eu également des chapitres à rédiger. Chacun, aussitôt achevée une première rédaction, a été mis en circulation, lu et amendé dans des réunions d'oppositionnels : Trotsky estime à environ deux cents le nombre des membres du parti, vieux ou jeunes, qui ont apporté leur contribution à ce travail [68].
Aussitôt terminée et adoptée par le « centre », la Plate-forme est remise au bureau politique le 3 septembre. Elle ne porte encore à cette date que les treize signatures des membres oppositionnels de la commission centrale de contrôle et du comité central. Le 6 septembre, l'Opposition demande qu'elle soit diffusée comme matériel de congrès.
Dans l'intervalle, une manœuvre de l'Opposition a fait long feu. Elle a repris une initiative de Novgorodtseva, la veuve de Sverdlov et adressé une lettre adjurant les deux fractions de trouver un compromis. Mise en circulation comme document de ce qu'on appelle « le groupe-tampon », baptisée « lettre de la veuve » par Iaroslavsky, parvenue a la discussion le 24 juillet, cette lettre devient le programme d'une « troisième voie ». Partant de l'extinction de la vie politique dans le parti, des violations nombreuses de la discipline, qu'elle déplore, elle propose un « pardon mutuel » et le rétablissement d'une discipline fondée sur la conviction [69]. Autour de Novgorodtseva, une quarantaine de signataires, des proches de Trotsky, comme V.O. Kasparova, ou de Zinoviev, comme G. L. Chklovsky, Ovsiannikov : on parle du ralliement de Smilga, Rakovsky, Ossinsky, à ce « groupe-tampon » [70]. L'opération vise les hésitants, ceux qui ont peur de Staline, mais il lui manque le temps. Staline d'ailleurs n'est pas dupe et agit en conséquence : les gens du « groupe-tampon » refluent la majorité ralliant l'Opposition.
Mais avec la plate-forme, qui est un défi à l'autorité de Staline et un danger, car elle va renforcer l'Opposition, Staline décide de recourir a des méthodes plus radicales. C'est sans doute en ce mois d'août qu'il prend la décision de recourir cette fois directement aux services du G.P.U. non seulement pour trancher dans le parti la question du pouvoir, mais d'abord pour forcer la main à ses propres alliés. Pour ce qui est des « discussions », reprenant les méthodes déjà éprouvées en octobre 1926, il organise de nouveau des « détachements de gros bras » qui se déplacent en camions, sillonnant les quartiers ouvriers pour surveiller les réunions où pourraient se produire des descentes d'oppositionnels. La réponse de la fraction Staline – bureau politique et présidium de la commission centrale de contrôle – est donnée le 8 septembre. Le congrès est repoussé d'un mois. La Plate-forme ne sera pas publiée dans le parti. Staline justifie cette interdiction en expliquant qu'il s'agit d'un document fractionnel, que les fractions sont interdites, et qu'il ne saurait être question de « légaliser une fraction » [71] en publiant un document qui émane d'elle... Pourtant Ordjonikidzé aurait dit que les membres du parti ont toujours le droit d'écrire au comité central individuellement ou collectivement [72] …
Pour l'Opposition, il est clair que « le comité central craint comme le feu une discussion et qu'il n'a nullement l'intention de défendre sa ligne politique dans une discussion régulière honnête à l'intérieur du parti ». Trotsky et Zinoviev ajoutent :
« Le groupe de Staline a décidé de ne permettre aucune discussion et de composer seulement de secrétaires le XVe congrès. » [73]
Mais sur ce point l'Opposition est elle aussi irréductible. Ses représentants informent le bureau politique qu'elle va elle-même procéder à la reproduction et au tirage de la Plate-forme interdite. Entreprise difficile, hasardeuse même, aucun moyen d'impression, même simple machine hectographique, n'étant en vente... Sous la direction de S. V. Mratchkovsky, c'est un noyau de militants sûrs, d'anciens tchékistes – Kh.M. Pevzner – et de chefs militaires – Grünstein, Okhotnikov – qui met en route ce que l'appareil appellera avec beaucoup d'exagération « l'imprimerie clandestine » : quelques machines et un duplicateur installés dans une chambre dont les sources indiquent comme le locataire tantôt le communiste de l'Armée rouge Z. M. Gerdovsky, et tantôt un étudiant sans-parti du nom de Chtcherbakov. L'« imprimeur », l'homme qui manie le duplicateur, semble être Okhotnikov, qui vient, comme on le sait, d'être exclu de l'Académie militaire [74].
Dans la nuit du 12 au 13 septembre 1927, un groupe d'agents du G.P.U perquisitionne dans le local et opère un certain nombre d'arrestations, Okhotnikov réussissant à leur faire passer sous le nez le gros des exemplaires terminés. Un rapport du G.P.U du 13 explique qu'il a été mis sur la piste par le fait qu'un sans-parti du nom de Chtcherbakov avait demandé à « un officier de Wrangel » de lui procurer un duplicateur. Il explique en outre que Chtcherbakov était en contact avec un dénommé Tverskoy, lui-même engagé dans la préparation d'un coup d'Etat militaire et qui en avait informé le même ancien officier de Wrangel... La presse aux ordres orchestre immédiatement et triomphe : l'Opposition assure-t-elle est alliée aux pires ennemis de droite de la révolution, les officiers blancs, les wrangéliens...
Il s'agit, on le découvrira très vite, d'une double opération, amalgame policier doublé d'une provocation. Le G.P.U. mentionne en effet le fait que plusieurs militants de l'Opposition – il cite Grünstein, Gerdovsky, Mratchkovsky, Okhotnikov – sont impliqués dans ce qu'il appelle déjà « l'Opposition illégale Chtcherbakov-Tverskoy »: ainsi lie-t-on l'Opposition au coup d'Etat militaire.
Très vite, les protestations indignées des dirigeants de l'Opposition, leur exigence de la publication du nom de l'officier de Wrangel, amènent le chef du G.P.U. Menjinsky à reconnaître par écrit que ledit « ancien officier » est en réalité un agent de toute confiance du G.P.U., dont un communiqué célèbre les services rendus contre les organisations terroristes, dont celle de Savinkov. Par lui et le prétendu Tverskoy, c'est donc le G.P.U. qui se trouve aux deux bouts à l'origine de l'amalgame et de la provocation policière. Qui étaient en réalité les provocateurs ? Le S.R. polonais va soutenir avec quelque vraisemblance que l'« ancien officier de Wrangel », pour lequel on donne, à l'époque, l'alias de Stroilov, était le fameux agent provocateur Oupeninch ; les éléments donnés sur « Tverskoy » par Victor Serge [75] conduisent à penser qu'il s'agissait d'un spécialiste des opérations contre l'Opposition de gauche qui reparut plus tard, vraisemblablement, sous le nom d'Akhmatov [76].
Il faut pourtant souligner que seuls les mensonges passèrent dans la presse et que les révélations sur le fait que le G.P.U. avait monté une provocation contre l'Opposition de gauche n'allèrent pas au-delà d'un cercle de militants et de responsables bien informés, la calomnie, elle, matraquant tout un chacun.
La répression continue de frapper. L.P. Sérébriakov et E.A. Préobrajensky, tous deux anciens secrétaires du parti qui – avec le zinoviéviste LV. Charov – prennent la responsabilité de l'« imprimerie illégale », sont exclus du parti, après Mratchkovsky et ses camarades. Quelques jours après, le vieux militant M.S. Fichelev, directeur de l'imprimerie d'Etat du Gosizdat, est arrêté à son tour pour avoir fait imprimer secrètement quelques milliers d'exemplaires de la Plateforme [77].
Le 27 septembre, Trotsky prend part à l'exécutif de l'I.C. qui a mis à son ordre du jour une demande d'exclusion contre lui, Rakovsky et le jeune Yougoslave Voya Vujović. Une fois de plus, c'est lui qui accuse :
« La plate-forme de l'Opposition donne une estimation réfléchie de cette politique. C'est pour cette raison précisément qu'elle est déclarée un document illégal. Les membres du parti sont soumis à des perquisitions, des exclusions et toutes sortes de mesures de répression physique pour avoir mis en circulation une plate-forme qui critique le comité central deux mois avant le congrès.
« Le report arbitraire du congrès pendant une année, l'interdiction de la discussion, l'utilisation par l'Etat de mesures administratives pour faire pression sur les membres du parti, privant les léninistes de leur pain quotidien parce qu'ils ne veulent pas devenir staliniens – rien de tout cela ne constitue une violation de la discipline ; tout est le cours normal des événements. Mais protester contre cela, lutter contre ces infamies, c'est violer la discipline et persévérer dans l'activité fractionnelle ! » [78]
Il interpelle les hommes qu'il tient pour des larbins :
« Staline vous glisse à l'oreille une solution : exclure du comité exécutif de l'I.C. Trotsky et Voya Vujović. Je pense que vous allez suivre cette suggestion. Qu'est-ce que cela va changer ? Rien ou presque rien. [...] Vous m'accusez d'avoir enfreint la discipline. Mais même votre verdict est déjà prêt : j'en suis certain. » [79]
Pour ne pas tomber dans le piège des réunions du parti et éviter le renouvellement des échecs d'octobre de l'année précédente, les oppositionnels multiplient les réunions avec les travailleurs en dehors du cadre des cellules, qu'ils appellent smytchki (liaisons), dans de petits logements ouvriers, des chambres d'étudiants, des salles occupées par surprise dans un établissement universitaire. Malgré la surveillance policière, le mouchardage, ils connaissent quelque succès. Non seulement des dizaines de personnes s'entassent tous les jours dans des dizaines de réunions de ce type, mais quelques rassemblements sont réussis, par exemple à Kharkov où Rakovsky est un train de galvaniser la résistance ouvrière grâce au prestige acquis lors de la guerre civile.
A Moscou, le 4 novembre, l'Opposition occupe par surprise un amphi de l'Ecole supérieure technique, dans le quartier Bauman, et 2 000 personnes s'y entassent, un nombre égal stationnant à l'entrée faute de place. Les autorités font couper l'électricité, pour empêcher la réunion de se tenir ; on parle donc à la lumière des bougies ; Ouglanov est chassé par les assistants [80]; Trotsky prend la parole, puis s'éclipse: des gens suspects semblent le chercher pour un mauvais coup. Après lui, Kamenev parle « avec intelligence, avec fougue », écrit Victor Serge [81]. On vote une résolution à l'unanimité, une unanimité qui n'est pas celle des réunions officielles, et ceux qui l'ont obtenue sont très fiers.
On tente la même opération sur la grande salle du Palais du Travail de Leningrad, mais Zinoviev recule au dernier moment. Radek refuse d'assumer seul la responsabilité de l'occupation de la salle et prend finalement la tête d'une centaine de manifestants qui vont s'exprimer au théâtre Marie, au congrès des métallos [82]. A Moscou, l'Opposition réussit à tenir deux meetings véritables dans des usines du quartier ouvrier de Krasnaia Presnia, son bastion de toujours : Trotsky y prend la parole avec beaucoup de succès. A Kharkov, Rakovsky prend la parole dans une session officielle du soviet de la République et met la direction du parti en accusation.
Un autre signe encourageant s'est manifesté : le 15 octobre, Zinoviev et Trotsky se rendent à Leningrad pour une session formelle de l'exécutif des soviets – auquel ils appartiennent toujours – qui doit adopter la journée de sept heures, ultime moyen démagogique de contrer l'Opposition. Pierre Pascal raconte le début de cet incident qui devait avoir une portée non négligeable :
« Trotsky et Zinoviev n'ont pas logé comme les autres membres du C.C.E. à l'hôtel. Ils sont allés chez un vieil ouvrier bolchevique de l'usine Poutilov. Et aussitôt une queue s'établit devant la maison [...] pour les voir. » [83]
Sur ce qui s'est passé au cours de la manifestation officielle, dans la rue, Victor Serge, témoin oculaire, donne un récit intéressant :
« La foule ne voyait qu'eux. [...] Le cortège arrivait à la hauteur des hommes légendaires qui n'étaient plus rien dans l'Etat. A cet endroit, les gens piétinaient sur place en silence et des mains se tendaient par milliers, agitant des mouchoirs ou des casquettes. C'était une acclamation muette, vaincue, bouleversante. Zinoviev et Trotsky l'acceptaient avec une joie résolue, croyant y discerner un témoignage de force. "Les masses sont avec nous ! " disaient-ils le soir. » [84]
Trotsky raconte de son côté :
« Dès que les masses surent que nous nous trouvions sur la tribune de l'extrémité, la manifestation changea brusquement d'aspect. [...] Les masses se hâtaient vers nous. Bientôt, autour de notre camion, une digue humaine de milliers d'hommes fut formée. Les ouvriers et les soldats de l'Armée rouge s'arrêtaient, poussaient des cris de bon accueil et n'avançaient que sous la poussée impatiente de la multitude qui était derrière eux. Un détachement de la milice, envoyé vers notre camion pour rétablir l'ordre, fut lui-même saisi par l'ambiance. [...] Des centaines des agents les plus fidèles de l'appareil furent lancés dans la foule. Ils essayèrent de siffler, mais les coups de sifflets se perdaient forcément dans les acclamations des sympathisants. » [85]
Selon ce récit, Zinoviev et lui divergent sur l'interprétation de l'événement :
« Zinoviev, immédiatement, se trouva tout plein d'optimisme et espéra de la manifestation les plus grandes conséquences. Je ne me rattachais pas à son appréciation impulsive. La masse ouvrière de Petrograd montrait qu'elle était mécontente sous la forme de sympathies platoniques à l'adresse des leaders de l'Opposition, mais elle n'était pas encore capable d'empêcher l'appareil de nous régler notre compte. A cet égard, je ne me faisais aucune illusion. D'autre part, la manifestation devait suggérer à la fraction dirigeante d'en finir le plus vite possible avec l'Opposition pour mettre la masse devant le fait accompli. » [86]
Staline relance l'offensive à la séance plénière du C.C. et de la C.C.C. du 23 octobre, déterminé à obtenir cette fois l'exclusion de Zinoviev et de Trotsky du comité central, étape préalable indispensable à la destruction de l'Opposition elle-même qu'il veut réaliser avant le XVe congrès. La séance est d'une violence qui frôle la sauvagerie. Trotsky fait hurler ses adversaires de rage. Il les défie :
« Le prolétariat pense lentement mais sûrement. Notre plate-forme accélérera le processus. En dernière analyse, c'est la ligne politique qui décide, non la main de fer bureaucratique. L'opposition est invincible. Excluez-nous aujourd'hui comme vous avez exclu hier Sérébriakov et Préobrajensky, comme vous en avez arrêté tant d'autres. Notre plateforme se fraiera la voie. » [87]
De son côté, Staline évoque le testament de Lénine pour se targuer de sa « brutalité » à l'égard de ceux qui, assure-t-il, « ruinent le parti » [88]... Comme prévu, le comité central exclut de ses rangs Zinoviev et Trotsky et confirme toutes les décisions du bureau politique sur la date du congrès, la réduction de la durée de la discussion, le refus de publier la Plate-forme.
La bataille est épuisante. Chez les Trotsky, Ljova y est engagé autant que son père, dans les Jeunesses à Moscou d'abord, autour de la Plate-forme ensuite, dans l'Oural où il accompagne Mratchkovsky enfin. Natalia Ivanovna raconte :
« Lev Davidovitch, surmené, et hypertendu, souffrait de malaises physiques, de faiblesses, de température, d'insomnies. "J'ai la tête vidée", lui arrivait-il de dire. Les somnifères mêmes ne lui procuraient pas toujours le sommeil. Avec lui, nos fils et moi souffrions d'insomnies. Le matin, au moment du déjeuner, nous voyions Lev Davidovitch ouvrir les journaux... Il y jetait un coup d'œil, les éparpillait sur la table avec un geste écœuré. Ce n'étaient que mensonges stupides, distorsion des moindres faits, des propos les plus simples, menaces haineuses, télégrammes de tous les pays du monde répétant à l'envi, avec une servilité sans bornes, les mêmes infamies. Qu'avait-on fait de la révolution, du parti, du marxisme, de l'Internationale ? Impossible de rien répondre. » [89]
Les journées et les nuits qui suivent le plénum d'octobre sont pourtant pour Trotsky et ses proches un retour aux sources. Ils vont d'un quartier ouvrier, d'un logement à un autre, visiter des camarades, parler, expliquer inlassablement devant des auditoires passionnés et silencieux, hommes et femmes assis sur le plancher. Victor Serge l'a vu, « nettement vieillissant, presque blanc, cambré, les traits fortement découpés, trouvant toujours la réponse intelligente » [90]. De son côté, Pierre Pascal raconte et dessine ce croquis :
« Ces jours-ci, chez un ouvrier, deux chambres contiguës, communiquant par une porte ouverte : 150 personnes. De cette porte, Trotsky parle. Arrive un membre de la commission de contrôle : il se fait connaître et demande à parler: on lui refuse. "Chez vous, vous avez le loisir de bourrer le crâne ; ici nous sommes chez nous. Vous pouvez écouter, mais ne nous gênez pas." Ainsi fut fait. Trotsky parla, puis s'éclipsa pour aller à une autre réunion [91]."
On fait connaître la Plate-forme, on la lit, on la commente, on la fait signer par les membres du parti pour manifester l'audience qu'elle remporte malgré interdits et menaces. On dit que Zinoviev escomptait 30 000 signatures ; on n'aura le temps que d'en recueillir environ 6 000 et, de toute façon, à ce moment-là, il n'est pas question de livrer les noms des signataires au comité central qui ferait de ces signatures un passeport pour la prison ou l'exil.
La surveillance policière se resserre en effet. Les militants connus sont épiés, filés, leurs domiciles surveillés. Radek rosse à coups de canne le policier qui l'a pris en filature. Cette violence lui vaut d'être exclu du parti par une cellule zélée. Mais c'est trop et elle devra le réintégrer [92].
Le 26 octobre 1927 au soir, se tiennent à Moscou et à Leningrad les assemblées générales de compte rendu du plénum. I.N. Smirnov, toujours commissaire du peuple aux P.T.T., parvient à prendre la parole et se faire écouter, mais Kamenev et Rakovsky – chassé de France comme persona non grata après une féroce campagne antisoviétique de la droite – ne parviennent même pas à se faire entendre et doivent quitter la tribune. A Leningrad, Bakaiev et Evdokimov connaissent le même sort.
C'est sur la base des résultats officiels préparés dans l'appareil que Staline annonce triomphalement les succès remportés par « le parti » sur l'Opposition : elle n'a eu que 29 voix sur 1 718 à Poutilov rouge, 39 à Tréougolnik sur 2 122 [93]. Il plastronne :
« Il est tout à fait possible que l'Opposition, au XVe congrès du P.C., n'ait pas un seul représentant, pas un seul délégué. » [94]
Les dirigeants de l'Opposition savent qu'ils n'ont rien à attendre maintenant des votes préfabriqués, alors qu'ils sentent un vrai soutien populaire dans leurs réunions. C'est cela, et la manifestation de sympathie du 15 octobre à Leningrad, qui décident ses dirigeants à jouer leur va-tout en sortant dans la rue. La décision en est prise à la réunion du « centre » tenue chez Smilga, le 4 novembre, sous la présidence de Kamenev avec notamment la participation d'I.N. Smirnov, Rafail, Moussia Magid [95]. Il est décidé de participer à la manifestation officielle. Les oppositionnels arboreront dans le défilé leurs propres pancartes et banderoles avec quelques mots d'ordre : « A bas l'opportunisme », « Appliquez le testament de Lénine », « Contre la scission », « Pour l'unité bolchevique », « A bas le koulak, le nepman et le bureaucrate ».
L'opération est bien préparée du côté de l'Opposition, qui a fixé toute une série de lieux de rassemblement et préparé pancartes et banderoles. Mais elle ne l'est pas moins du côté des forces de l'ordre qui se sont efforcées d'infiltrer des agents afin de connaître le détail des préparatifs. La police va agir préventivement avec beaucoup de brutalité. Des détachements commandés par des hommes de l'appareil, après repérage des groupes de manifestants éventuels, les encerclent, confisquent pancartes et banderoles, et, suivant le nombre des manifestants, les cognent, les pourchassent, les dispersent en évitant les incidents trop voyants.
Une lettre de Pierre Pascal à Boris Souvarine, datée de Moscou du 18 novembre, présente l'affaire de la façon suivante :
« L'opposition a saisi l'occasion des fêtes de novembre pour accomplir une sorte de geste symbolique et manifester en groupes distincts, avec ses propres mots d'ordre. Naturellement elle a été noyée dans la masse et harcelée par des hommes de main spécialement constitués en équipes à cet effet. L'opinion ne comprend rien [...], mais, en général, on sympathise avec l'Opposition parce qu'elle a le courage d'attaquer les puissants du jour, parce qu'elle proclame des vérités sévères contre l'optimisme de commande, parce qu'elle a une vie, une pensée, une activité critique, parce qu'elle parle de démocratie […], parce qu'elle s'identifie dans une certaine mesure à l'avant-garde ouvrière, parce qu'elle a un homme prestigieux à sa tête. » [96]
Pascal poursuit :
« A Leningrad comme à Moscou, on a échangé des horions et des injures, mais à Leningrad, la manifestation a été plus importante et la répression plus violente : plusieurs camarades ont été assommés et c'est tout juste si l'on a évité l'effusion de sang. » [97]
A Leningrad, les oppositionnels, dirigés par Zinoviev et Radek, ont prévu de se rassembler en nombre avant de rejoindre le gros de la manifestation officielle. En prévision de leur intervention, les hommes de la police verrouillent la place des palais, habituellement noire de monde. Une opération éclair permet d'encercler les manifestants de l'Opposition avant leur jonction avec le cortège : ils sont refoulés sans ménagements, contraints de se réfugier dans l'immeuble de l'état-major, aussitôt bouclé [98]. Quand ils réussissent à en sortir, en direction de l'Ermitage, ils ont à subir les charges de la police montée, « comme les charges de police en Occident », note l'impitoyable Pascal [99]. Victor Serge a vu Bakaiev et Lachévitch, uniforme déchiré, se battre contre les policiers [100].
A Moscou, forces de police et gros bras dirigés par des apparatchiki ont attaqué, à la Maison des soviets, l'appartement de Smilga, déchiré les portraits suspendus au balcon, que Kasparova a protégés un temps à coups de balai. Smilga est passé à tabac, Natalia Ivanovna frappée, un portrait de Lénine détruit. Quelques minutes plus tard, le même assaut est dirigé contre la chambre de Préobrajensky à l'hôtel du Grand-Paris [101]. Trotsky a d'abord été gardé à vue chez lui, puis, quand il a réussi à sortir, se déplaçant en auto avec Kamenev aux côtés de Mouralov, dont on connaît l'importance dans l'Armée rouge, il essuie plusieurs coups de feu, et l'une des vitres de sa voiture est cassée par un forcené monté sur le marchepied. Les cent quarante manifestants étudiants partis de l'Université ont réussi à se joindre au cortège. Ils y sont repérés, habilement coupés des autres, isolés par la police qui les retient sous la menace, à l'écart, pendant quatre heures, avant de les lâcher sur la place vide où était la tribune [102]. Deux groupes seulement atteignent la tribune officielle et, devant les dirigeants staliniens, parviennent à déployer leurs banderoles et scander leurs mots d'ordre : ce sont les étudiants chinois de Moscou et les ouvriers du Club allemand qui s'en prennent à Staline. Il y a des prises de parole et des bagarres en plusieurs endroits, rue Mokhovaia, place Strastnaia, devant la gare Alexandre. Les dirigeants sont inquiets. Un rapport secret de Menjinsky les a affolés : il assure que l'affaire est grave et que la garnison de Leningrad n'est pas sûre.
Le soir du 7 novembre, les dirigeants de l'Opposition – une cinquantaine – se réunissent dans l'appartement ravagé de Smilga, sous la présidence de Kamenev. Trotsky présente le rapport : pour lui, il est tout à fait clair que les masses n'ont pas bougé et que les oppositionnels sont isolés. Il faut pourtant continuer le combat et répondre par la fermeté [103]. Une motion d'I.N. Smirnov dans ce sens est adoptée et les zinoviévistes acquiescent. Un message arrive de Leningrad ; Zinoviev est optimiste :
« Toutes les informations suggèrent que toutes ces choses regrettables profiteront beaucoup à notre cause. Nous sommes inquiets de ce qui vous est arrivé. Les smytchki se passent bien ici. Le retournement en notre faveur est important. Nous n'avons pas l'intention de partir d'ici maintenant. » [104]
Pourtant son arrivée, le lendemain, sème la panique. Il est clair que lui-même et ses partisans regrettent d'être allés trop loin et ne feront pas un pas de plus. Est-ce à ce moment que Trotsky et lui échangent de célèbres petits papiers ? « Lev Davidovitch, écrit-il, l'heure est venue d'avoir le courage de capituler. » Et Trotsky de rétorquer, féroce : « S'il avait suffi de ce courage, la révolution serait faite depuis longtemps dans le monde entier [105].»
Le chef du G.P.U., Menjinsky, dans deux rapports du 10 novembre 1927, présentés par Staline au C.C., assure que l'Opposition avait préparé un coup d'Etat pour s'emparer du pouvoir et que le plan a été déjoué par les mesures défensives et parce que Trotsky a appelé à retarder cette initiative. Il décrit le plan de l'Opposition, les positions dont ses « groupes de combat » devaient s'emparer, la décomposition du moral de l'Armée rouge [106]. Les hésitants ou les résistants épisodiques – ceux qui pensaient maintenant remplacer Staline par Tomsky – cèdent devant cette pression conjuguée de Staline et du G.P.U., le chantage à la sécurité et à la complicité.
Le 14 novembre, la réunion commune du comité central et de la commission centrale de contrôle prononce l'exclusion de Zinoviev et de Trotsky du parti bolchevique, pour avoir « organisé des manifestations contre-révolutionnaires ». Le pas décisif est franchi.
Dix ans après la révolution d'Octobre.
Notes
[a] Ia.A. Livshitz sera l'un des condamnés à mort au deuxième procès de Moscou, où il « avouera » sa participation active en tant que « trotskyste » à des crimes et actes de sabotage.
Références
[1] Voir les remarques concernant le chapitre précédent. Ajouter le livre de Michal Reiman, Die Geburt des Stalinismus: die Ud.S.S.R. am Vorabend des "Zweiten Revolution”; Francfort, 1979.
[2] Kritchevsky, Pravda, 1er décembre 1927.
[3] Ibidem.
[4] Kouzovnikov, Pravda, 23 novembre 1927.
[5] Kritchevsky, Pravda, 1er décembre 1927.
[6] Il s'agit de Rosengaus et Lochtchénov, ibidem.
[7] Lev Kopelev, No Jail for Thought, Londres, 1977.
[8] Kritchevsky, loc. cit.
[9] V. Serge, V.M ., p. 173.
[11] Kouzovnikov, loc. cit.
[12] Déclaration de P. Zaloutsky, Pravda, 15 mars 1927.
[13] Corr. Int. n° 26, 23 février 1927, p. 364.
[14] Trotsky à loudine, 26 mai 1928, A. H . T 1530.
[15] V. Serge, M.R., p. 236.
[16] H.R. Isaacs, The Tragedy of the Chinese Revolution. trad. fr. de la deuxième édition, La Tragédie de la Révolution chinoise, Paris, 1979, particulièrement le chap. 11, « Le Coup du 12 avril ».
[17] Warren Lerner, Karl Radek, the Last Internationalist. Stanford, 1970, p. 142.
[18] Vujović, appendice à Trotsky, Problems of the Chinese Revolution, New York, 1962.
[19] Trotsky, « Note », 22 mars 1927, A.H., T 3033.
[20] Le récit de cette histoire a été fait par Trotsky dans une lettre à Shachtman du 10 décembre 1930,.A.H., 10286. Ce texte n'a longtemps été connu que par des larges extraits dans la préface de Shachtman à Problems... , pp. 18-19.
[21] Trotsky au bureau politique, 31 mars 1927, A.H., T 3036.
[22] China Press, 14 avril 1927.
[23] Isaacs, op. cit., pp. 219-245.
[24] Ibidem, p. 235.
[25] M.V., III, p. 268.
[26] Ibidem, p. 269.
[27] Laure Idir-Spindler, « La Résolution de 1925 à l'épreuve de la pratique », Cahiers du Monde russe et soviétique. XXI, n° 3-4, juillet/décembre 1980, pp. 361-399.
[28] Pravda, 23 février 1927.
[29] Compte-rendu d'Eaux vives et marécages dans Pravda, 27 avril 1927, par A. Lejnev.
[30] Pravda, 30 avril 1927. La réunion de reprise en main de la revue avait eu lieu le 18 avril précédent et avait été marquée par l'entrée de Fritché, l'homme de l'appareil dans la rédaction de Krasnaia Nov'. (Cf. Idir-Spindler, loc. cit.,n. 42, p. 396). C'était la préhistoire du triomphe du « réalisme socialiste ».
[31] La Plate-forme politique de l'Opposition russe, Paris, 1927, p. 46.
[32] M.V., III, p. 270.
[33] Trotsky, « Perspectives de la révolution mondiale », 27 juin 1927, A.H., T 964.
[34] Cité par Iaroslavsky, Corr. Int. n° 85,18 août 1927,27 juin 1927.
[35] Ibidem.
[36] Trotsky à Krestinsky, 12 août 1927,A.H., T 996.
[37] P. Pascal, Russie 1927, Mon Journal de Russie, Lausanne, 1982, p. 118.
[38] Ibidem, p. 119.
[39] Ibidem, p. 120.
[40] Ibidem, p. 123-124.
[41] Ignazio Silone, Sortie de Service, Paris, 1966, pp. 96-98.
[42] Trotsky à Kroupskaia, 17 mai 1928,A.H., T 951.
[43] Pascal, op. cit., p. 129.
[44] Trotsky à Kroupskaia, loc. cit.
[45] La Révolulion défigurée, in D.L.R., p. 179.
[46] Ibidem, p. 178.
[47] J. Erickson, The Soviet High Commando, p. 286.
[48] D.L.R., p. 177.
[49] Ibidem, pp. 185-189.
[50] Trotsky au C.C., 27 juin 1927, A.H., T 962.
[51] Cité par Staline, Sotch.. X, p. 52.
[52] Trotsky devant le C.C. et la C.C.C., D.L.R., p. 210.
[53] Ibidem, pp. 265-269.
[54] Ibidem, pp. 268.
[55] Ibidem, pp. 271-290.
[56] Cf. p. 258.
[57] Corr. Int. n° 85, 18 août 1927, pp. 1164-1166.
[58] « Déclaration des treize » ibidem et A.H., T 993 a.
[59] Ibidem.
[60] Corr. Int. n° 85, p. 1164.
[61] P. Pascal, op. cit., p. 180.
[62] Ibidem.
[63] « Lettre de Moscou : la session du comité central avant, pendant, après », Bulletin communiste n° 20/21, juillet-septembre 1927, p. 333 .
[64] Reiman, op. cit., p. 47.
[65] Zinoviev, « Bilan du plénum d'août », A.H., T 998.
[66] Trotsky à Radek, 20 octobre 1928, A.H.,T 2820.
[67] Cité par Trotsky, « Nouvelle Etape », Œuvres (2e série), p. 43.
[68] Discours à l'exécutif de l'I.C., 27 septembre 1927, A.H., T 3094.
[69] Iaroslavsky, Pravda. 24 juillet ; traduction française « Le nouveau et le vieux bloc de l'Opposition », Corr. Int., n° 81, 3 août 1927, pp. 1102-1104.
[70] B. Souvarine, Staline, p. 398.
[71] Staline, Corr. Int., n° 114,12 novembre 1927, p. 1641.
[72] P. Pascal, op. cit., p. 202.
[73] Trotsky & Zinoviev à la C.C.C. de l'exécutif de l'I.C., 12 septembre 1927, A.H., T 1015.
[74] « Un Point d'Histoire », Cahiers Léon Trotsky n° 4, octobre 1979, pp. 21-35.
[75] V. Serge, M.R., p. 265.
[76] Pravda, 26 octobre 1929.
[77] Zorine à Boukharine, septembre 1927, trad. fr. dans Cahiers Léon Trotsky n° 4, octobre 1979, pp. 23-26.
[78] Trotsky, discours au plénum, 27 septembre 1927, A.H., T 3094.
[79] Ibidem.
[80] Ordjonikidzé, XVe congrès, pp. 437-438.
[81] V.Serge, V.M., p. 173.
[82] V. Serge, M.R., p. 241.
[83] P. Pascal, op. cit., p. 235.
[84] V. Serge, M.R., pp. 238-239.
[85] M.V., III, pp. 272-273.
[86] Ibidem, p. 273.
[87] D.L.R., p. 220.
[88] Staline, Corr. Int., n° 114, 12 novembre 1927, p. 1639.
[89] V. Serge, V.M., p. 173.
[90] V. Serge, M.R., p. 239.
[91] P. Pascal, op. cit., p. 244.
[92] Ibidem, pp. 241 & 245.
[93] Corr. Int. n° 110, 2 novembre 1927, p. 1.
[94] Ibidem.
[95] Kouzovnikov, loc. cit.
[96] Pascal, Bulletin communiste. octobre-novembre 1927.
[97] Ibidem.
[98] V. Serge, M.R., p. 247.
[99] Pascal, op. cit., p. 251.
[100] V. Serge, M.R., p. 247.
[101] Kouzovnikov, loc. cit.
[102] Ibidem & Trotsky, « Demande d'enquête » 8 novembre 1927,A.H., T 1048.
[103] Cité par Reiman, op.cit., pp. 65-67.
[104] M.V., III, p. 275. Voir aussi Trotsky, note, 8 novembre 1 927,A.H., T 3103 a, et lettre du 9 novembre 1927, T 1048.
[105] V. Serge, M.R., p. 352.
[106] Cités par Reiman, op. cit .. pp. 237-242.